Que se passe-t-il en Tunisie ?
La première fleur que le printemps a vu éclore dans le paysage révolutionnaire arabe a ouvert ses pétales dans les prés tunisiens, une corolle d’une blancheur éclatante et dont le parfum a envahi et inondé tout le monde arabe. La fuite de l’ex président Ben Ali vers l’Arabie saoudite a été une délivrance et une lueur d’espoir pour tous les Tunisiens et plus particulièrement pour toutes ces jeunes générations ambitieuses avides de liberté et de démocratie.
Qu’en est-il aujourd’hui de cette Tunisie ‘’la verte ‘’, terre de l’olivier et du jasmin, pays de Carthage et de Kairouan, patrie d’Hannibal et d’Ibn Khaldoun ? Après l’euphorie de l’indépendance de l’ère Habib Bourguiba et l’espoir d’un régime équilibré entre modernisme et traditionalisme, entre laïcité et religion, un temps éphémère qui a donné à la femme toute sa place dans la société tunisienne, vint l’éclipse ! Un retour en arrière avec l’événement Ben Ali qui a assombri le ciel tunisien durant plus de 23 ans et anéanti les dernières velléités démocratiques.
Les résultats des élections organisées après la chute de l’ancien régime étaient plus ou moins attendus. Les islamistes d’Ennahda, premiers dans l’ordre des partis en compétition, ont obtenus 89 sièges sur les 217 de l’assemblée nationale constituante soit 41 °/° environ. Un résultat peut être bien en deçà des espérances de Ghannouchi d’où l’émergence au sommet de l’Etat d’une troïka composée des trois importantes formations issues des urnes à savoir :
- ENNAHDA : dont le représentant sera le chef du gouvernement provisoire
- LE CPR : de Moncef Marzouki, lequel sera nommé président de la République
- ETTAKATOUL : de Mustapha Ben Jaafar qui présidera l’ANC.
Les autres partis et plus particulièrement les formations laïques de gauche et du centre constitueront l’opposition.
Il s’agit là d’un suffrage assez équitable qui, contrairement à ce qui allait se passer ensuite en Egypte, n’a pas dégagé une majorité d’Islamistes. Les partis de la gauche tunisienne constituent aujourd’hui une opposition, musclée, très virulente. ILs ont dans leur collimateur non seulement le gouvernement des Frères Musulmans mais également le président Marzouki lui-même, connu pourtant pour être un militant des droits de l’homme et le président d’un parti de centre gauche. Il lui est reproché d’avoir accepté de cohabiter avec les Islamistes au sein de la troïka gouvernante.
La position des Salafistes Jihadistes, très ambiguë pour ne pas dire franchement hostile à l’actuel gouvernement, fait que la Tunisie traverse actuellement une période agitée. Le journal Maghreb Confidentiel parle de difficile transition, France info a fait part de journées sous tension, d’attaques menées par des individus à coups de barres de fer et de pierres, Marianne signale des scènes de révoltes de non jeûneurs. La presse a également parlé de la motion de destitution de Marzouki, déposée à l’ANC par l’opposition. Ce n’est là qu’un bref aperçu des informations concernant la situation en Tunisie, un pays où la société est déchirée entre Frères Musulmans et radicaux de gauche. Les premiers sont pour l’institution d’un Etat islamique intégriste qu’une grande partie de la jeunesse tunisienne refuse et rejette et les autres pour une république laïque où le citoyen reste libre de pratiquer ou non la religion de son choix. Pour ces derniers la croyance religieuse est une question de conviction strictement personnelle de l’être humain et une affaire entre lui et son créateur. PERSONNE N’A LE DROIT D’OBLIGER QUELQU’UN À ÊTRE MUSULMAN. La nouvelle de la jeune Amina qui a été rouée de coups en prison en Tunisie pour avoir refusé de faire le ramadan, a fait le tour du monde. Les Tunisiens refusent de sortir d’une dictature militaire pour tomber dans une dictature religieuse. UNE DRÔLE D’ALTERNANCE !
L’opinion internationale qui suit de près ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie et la tournure que les événements ont pris ces derniers jours, commence à s’inquiéter. En moins de six mois trois dirigeants de la gauche ont été assassinés.
- Lotfi Naghdh, membre de l’assemblée constituante et coordinateur du parti d’opposition Nidaâ Tounès a été tué en octobre 2012
- Chokri Belaid de la gauche radicale et opposant anti-islamique a été assassiné le 6 février 2013.
- Brahmi Mohamed député de Sidi Bouzid et chef du parti laïc d’opposition Echaâb a reçu onze balles devant son domicile.
Les rumeurs d’un coup d’Etat militaire à l’instar de ce qui s’est passé en Egypte commencent déjà à circuler au sein de la société tunisienne. Que se passe-t-il au juste dans ce pays qui a fait naître l’espoir dans le cœur de tous les Arabes, un pays où hommes et femmes sont foncièrement attachés à leur indépendance, à la liberté et à la démocratie. L’influence des sectes religieuses bien qu’existante n’a jamais eu un grand impact dans les esprits et les mœurs en Tunisie, contrairement aux autres Etats du Maghreb.
Si jamais le printemps arabe tunisien voit ses fleurs se faner avant l’heure ce serait à mon avis la fin de la révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Les yeux du monde arabe restent par conséquent tournés vers Tunis et attendent un sursaut de sa jeunesse pour sauver un acquis obtenu après tant de sacrifices.
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