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Accueil du site > Tribune Libre > Racine et Shakespeare in love

Racine et Shakespeare in love

Voici donc une énième réforme de l'enseignement secondaire1. Elle est cette fois-ci baptisée : Collège, mieux apprendre pour mieux réussir, l'école change avec vous. Fleurs de rhétorique cicéronienne, hauteur et dignité ministérielles.

Personne ne s'est véritablement ému de la réforme du statut des enseignants du secondaire2, promulguée par décret le 23 Août 20143 .

Personne n'a réellement protesté lors de la mise en place du socle commun des connaissances et des compétences4, institué par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École5 du 23 Avril 2005.

Il n'y avait visiblement pas matière à débattre, alors même qu'on effondrait deux piliers de l'école française : la primauté de l'instruction disciplinaire et les fonctions scolaires et sociales des enseignants .

Il aura étrangement suffi que l'on fasse passer l'apprentissage des langues anciennes du statut d'options déprisées au statut « d'enseignement pratiques interdisciplinaires » pour que l'opinion s'émeuve. N'était-ce pas pourtant la suite attendue de la suppression définitive du concours de recrutement (CAPES) des professeurs de lettres classiques ?

On parle aujourd'hui naïvement en Une des journaux, mais assez justement toutefois, de disparition du grec et du latin dans nos collèges.

Très objectivement, au point où sont rendues les humanités, pourquoi tant d'émotion ?

Certes, quelques unes de nos élites sont encore sensibles aux litterae humaniores pour y avoir été nourries. Certes, il s'agit d'un corps qui voit sa source tarir et qui déploie un ultime plaidoyer pro domo. Mais dans cette voix, ne s'entendent plus ni la vigueur de Stentor, ni les charmes d'Orphée. Il s'agit plutôt du râle épais d'un blessé qu'on oublie...

M'est avis cependant qu'il y a bien autre chose dans ce frémissement de l'opinion, une affection plus vague et incertaine.

Pas de longues thrènes ici pour se lamenter sur la faible maîtrise de la langue française des jeunes générations. La cause est entendue, à quoi bon y revenir. La déclin continu du volume horaire dévoué à l'étude de la langue, la condamnation extravagante de l'apprentissage exigeant et répété de sa morphologie et de sa syntaxe dans les petites classes en sont l'unique principe. Seuls les aliénés de l'étiologie pédagogiste s'évertuent encore à vouloir chercher ailleurs les motifs de cet affaissement.

Rien d'irrémédiable donc, bien au contraire6.

Mais tout de même, à entendre les termes des présents débats, on pourrait se prendre à croire que le latin et le grec occuperaient encore une place importante dans notre société, que l'érudition classique serait toujours la glèbe fertile de notre culture commune.

S'il vous plaît, soyons honnêtes un instant,. À l'heure où l'on feint de s'inquiéter de la dissolution de la république des lettres, ne pourrions-nous pas, par pudeur, s'avouer que nous l'avons enterrée il y a longtemps déjà.

Si ce n'est quelques spécialistes, personne ne lit plus depuis des lustres ni Dante, ni Cervantès, ni Milton. Le de amicitia, et toute l'oeuvre de Cicéron gisent sous la poussière des bibliothèques. L'Iliade et l'Énéide sont des monuments devant lesquels on passe au hasard en touristes pressés. Essayez donc de mettre la main sur le Canzoniere dans une édition bilingue, ou sur le théâtre de Byron dans une librairie ! Qui possède encore les lumières nécessaires à la lecture de Rabelais ou de Montaigne, dont on s'enorgueillit pourtant ? Sauf, à lire à raz le texte, bien sûr, comme on l'a souvent commandé. Mais ces lectures sont alors dépouillées de leur substantifique moelle et les fanfreluches antidotées n'intéressent légitimement pas grand monde. L'humanisme dont on se gargarise n'est guère davantage qu'une lointaine mémoire d'outre tombe.

Ces dernières années, j'ai pu rencontrer des archéologues en charge du patrimoine gallo-romain de grandes villes ne lisant pas un mot de latin, des médiévistes peinant à déchiffrer des registres, des historiens n'ayant jamais entendu parler des Ἱστορίαι de Polybe. J'ai écouté des professionnels de la com. et du management fiers comme des enfants d'avoir découvert ce qu'on peut lire chez Quintilien ou Castiglione. J'ai fréquenté des élus ignorant tout de la philosophie politique.

Nous pouvons chaque jour entendre nos représentants nationaux, multipliant les barbarismes, prononcer des discours d'illettrés, grossièrement bâtis autour de chaînes anaphoriques fautives, où un ethos grotesque a fini par écraser tout propos construit et raisonné.

Que fait donc la société de ses membres encore porteurs des savoirs humanistes ? Les utilise-t-elle seulement autrement qu'en les cloîtrant derrières les portes d'écoles doctorales d'où personne ne les entend ? Fait-elle autre chose que déclasser les autres sur un marché du travail qui n'a cure de leur science ?

Mais l'on veut aujourd'hui nous parler des langues mortes au collège. Alors continuons.

L'enseignement des langues anciennes au collège est depuis des années maintenant réduit en vérité à bien peu de choses. Enseigner le latin à des élèves qui n'ont idée de ce qu'est un mode, une voix, une fonction, une proposition ? Que dire ? Je ne les en blâme pas, la faute nous revient intégralement.

Dans la plupart des établissements cependant, les collègues résistent, assez héroïquement, et font de la grammaire française avant leur leçon de latin, forcément bien raccourcie. Les langues anciennes sont ainsi devenus un heureux succédané.

D'autres ont légitimement baissé les bras. Que voulez-vous, confier à une option pittoresque et dépréciée le rôle ingrat de heurter pour la première fois les élèves à la difficulté, le tout à l'heure de la pause déjeuner pendant que les copains s'amusent bruyamment dans la cour, ce n'était peut-être pas mettre tous les atouts de notre côté.

Alors, au collège, se font beaucoup d'exposés sur les villas romaines, les dieux antiques, les jeux du cirque, le maquillage et la mode, les guerres puniques. Il faut bien que tout le monde ait de bonnes notes et s'amuse un peu, si l'on veut garder quelques élèves...

Nous présentons ainsi sur nos bulletins trimestriels des moyennes de classe dépassant souvent seize sur vingt. Nous n'avons pas l'air bien sérieux, mais nous entendons malgré tout encore parler d'élitisme dans les médias.

Au lycée les choses sont bien différentes. Quel professeur de seconde n'a en septembre accueilli un groupe dont plus de la moitié des adolescents ne connaissaient ni rosa ni dominus, ne savaient pas ce que signifiait legere ou ducere ? De jeunes lycéens qui n'avaient jamais véritablement fait de version ou de thème ?

L'hémorragie est alors réelle7. Ne peuvent bien entendu traduire au lycée des textes classiques que ceux qui ont acquis un niveau relativement solide au collège. Bien que peu nombreux, ces élèves existent encore, certains sont même parfois d'une qualité proprement exceptionnelle. Vous n'aurez cependant jamais aucune surprise quant à leur origine socioculturelle.

En 2013, si l'on observait 20,7% de latinistes en classe de cinquième (public et privé confondu), on n'en trouvait plus que 1,5% en terminale (contre 11% en 1984). Seulement 0,7% des élèves de terminale étudiaient le grec.

Nous voyons désormais communément dans nos lycées des sections littéraires devenues des mouroirs, hébergeant les élèves dont personne ne veut. L'approbation des enseignants de Lettres ou d'Histoire en fin de seconde n'est guère recherchée, et c'est ainsi qu'une majorité d'étudiants n'ayant aucun goût pour la littérature, la philosophie ou l'histoire finissent par venir hanter ces classes. Que dire quand on reçoit 34.000 élèves provenant de filières scientifiques en classe de langues anciennes pour seulement 8900 élèves de filières littéraires ?


N'y aurait-il plus d'affinités électives entre les belles lettres et les enfants du siècle ? Il ne faut jurer de rien, mais un soin particulier vient prévenir ce dialogue entre folie et amour, ces illuminations venues en lisant, en écrivant. On cherche à extirper les filles du feu et de l'ardeur nés de la lecture des romans où la vie est un songe. On n'aime pas le langage équivoque des sonnets et des élégies. Ces vies parallèles finissent immanquablement en saison en enfer ! Alors, dans les règles de l'art, les parents, entre crainte et tremblement, font sermons à leurs enfants, en jouant la constance du sage, sur le voyage au bout de la nuit qui les attends là-bas, de l'autre côté du miroir :

« Mais c'est l'adolescence Clémentine ! C'est l'âge des métamorphoses, de la vie heureuse, de l'éducation sentimentale, et on y attrape tous un peu le démon de Socrate. C'est dans la nature des choses. Mais une fois toutes tes illusions perdues, vivant dans un petit appart sur la couronne dans le quatre-vingt-treize, et qu'il faudra faire bouillir la marmite, tu connaîtras les regrets d'avoir suivi ces chimères et tu trouveras la lecture d'un roman comique à côté de tous les travaux et les jours passés à faire des petits boulots ingrats, genre ramasser les feuilles d'automne devant Notre Dame de Paris ! Tu pourras toujours demander la consolation de la philosophie et déplorer les infortunes de la vertu des femmes savantes comme toi !

Et tu offriras quoi à manger à tes enfants, de la soupe aux cailloux ? Un festin de pierre, du lai, ça veux dire quoi ça ? Arrête de faire la maline ! Ce sera l'enfer, je te dis ! C'est pas tes méditations poétiques qui vont te nourrir, moi je te parle de nourritures terrestres ! Je vais pas te faire un discours sur les misères de notre temps hein, tu sais le monde comme il va !

Aurélien, ton grand frère, tu crois qu'il est devenu médecin malgré lui ? Il est pas resté en rade, dans les nuées, genre le roi s'amuse, lui ! Il a su garder ses pensées pour lui-même et se faire une raison dans l'histoire !

Et sa copine Julie, ou la nouvelle, Héloïse, je sais plus. Regarde, elle nous envoie des lettres écrites de la montagne où elle est en vacances, elle fait des voyages extraordinaires, toujours à l'étranger à respirer la brise marine . Tu crois que ça lui vient de la providence ? Ben non, elle a fait éco, une thèse sur les credit default swap appliqués aux activités géorgiques chez les Pontiques et les Perses, alors c'est sûr c'est pas les antiquités de Rome ou je sais pas d'où ! On est d'accord, c'est pas la religieuse qui distribue de la clémence à toute les suppliantes venant la voir à la banque pour un contrat social aidé ! Ils sont mort à crédit ! Tu vois moi aussi j'ai lu des livres, oh fais pas cette tête !

Pis toi qui parle tout le temps du deuxième sexe, c'est quand même la vengeance d'une femme sur la société. Et je peux te dire qu'en fin de mois, elle est pas payée par des faux monnayeurs !

En plus tu rêves de voyager, j'ai vu dans ta chambre, Nuits Attiques, Florides, la Germanie, les caves du Vatican, la chartreuse de Parme, le temple de Gnide, Africa, les cloches de Bâle, Voyages en Orient, faut de l'argent pour ça ! Mais toi, tu fais preuve d'une double inconstance, c'est un crève coeur pour tes parents ! Tu rêvasses, Oxford, Cambridge, la musique et les lettres...

Je sais bien à quoi rêvent les jeunes filles ! Tu veux faire à ta mère la pitié suprême de devenir comédienne, c'est ça ? Jouer les tragiques ? Tu crois le théâtre institué comme une institution morale ? Mais c'est la prospérité du vice, l'éloge de la folie, alcools, paradis artificiels, les fêtes galantes, c'est une histoire sans nom, pire que le Satyricon ! T'auras des liaisons dangereuses avec un anglais mangeur d'opium, c'est ça ? Vivres des histoires extraordinaires, finir dans le journal d'un séducteur, c'est ce que tu veux ?

Tu veux finir comme toutes les provinciales, les misérables, montées à Paris pour profiter des bienfaits de la Capitale et vivre la vie nouvelle ? Moi, le père de famille, le père prudent et équitable, je sais ce qui se passe la nuit et le moment où l'on manque de tout, tristes, quand on fait des expériences nouvelles touchant le vide au fond de soi, on finit par jouer les dames galantes pour rester poli ! Il te faut des règles pour la direction de l'esprit, contre les passions de l'âme, ma petite !

Ceci n'est pas un conte pour enfant, chérie, ou alors un conte cruel.

Tu veux vraiment être la femme de trente ans qui revient ad familiares à la recherche du temps perdu parce que tu n'auras pas de travail ?

Ah, les caractères comme toi ou ta mère, vous avez l'art d'aimer les rêveries bucoliques et les contemplations sans fin !

Enfin, on ne saurait penser à tout, mais tu ne pourra pas trouver de nouveaux prétextes et nous faire le coup du dénouement imprévu !

Enfin, Clémentine, les belles lettres, ce n'est pas très sérieux tout de même... »


On oriente ainsi fortement les bons élèves vers une première scientifique, quitte à leur tordre le bras. J'ai vu des élèves recevoir un avis défavorable pour un passage en première littéraire au motif qu'ils excellaient en sciences ! J'ai entendu un proviseur dire à haute voix en conseil de classe au sujet d'élèves extrêmement brillants qui rejoignaient une filière littéraire, c'est un drame, ils vont gâcher leur vie.

Combien de fois ai-je vu aussi des élèves, certains de leur ambition de rejoindre une hypokhâgne et n'ayant absolument aucun goût pour les sciences, entrer en première S afin de fuir la médiocrité des classes littéraires. Seulement, ils n'y pourront étudier, par le jeu des options, qu'une seule langue ancienne : le latin ou le grec...

Enfin, j'ai vu des élèves de très bon niveau quitter leurs établissements d'origine pour rejoindre les rares lycées de France offrant encore aux adolescents l'opportunité d'étudier le grec et le latin, la littérature et les sciences humaines dans une optique d'excellence.

Ces élèves quittaient des établissements employant des agrégés et des docteurs en lettres classiques qu'on condamnaient à n'enseigner que le français et à qui on refusait l'ouverture de classes de grec.

Mélange des niveaux, réduction illégale des horaires, place improbable dans les emplois du temps, absence de pause méridienne, heures de cours sans cesse réquisitionnées pour un oui ou pour un non, voilà le lot des lettres classiques dans le secondaire.

Que dirions-nous si moins de 2% des futurs bacheliers pratiquaient les mathématiques ? Nous dirions que nous ne formons plus la jeunesse aux mathématiques.

Nous ne formons alors plus notre jeunesse aux humanités classiques.

Reste à retracer la généalogie de ce renoncement.


6 Je me bornerai ici à dire que les élèves les plus démunis adorent la grammaire, si elle est enseignée de manière raisonnée et itérative. Pourquoi ? Parce qu'ils la comprennent ! Et aussi parce qu'ils peuvent obtenir d'excellentes notes, pour peu qu'on leur ait dévoilé les attendus implicites. Bref, ce sentiment de progresser est pour eux un bonheur qu'ils ne sauront connaître dans des activités demandant implicitement des compétences qu'ils n'ont pas.


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28 réactions à cet article    


  • rosemar rosemar 16 avril 2015 19:32

    Le constat que vous faites est, en partie, vrai : les sections littéraires n’ont plus la cote dans les lycées et se réduisent à peau de chagrin.... Pour autant, affirmer que l’on ne forme plus du tout les élèves aux humanités classiques me paraît excessif : c’est vrai, les horaires de ces enseignements sont mal placées, en fin de journée, notamment, mais les enseignants se battent depuis des années pour maintenir ces disciplines, et on étudie en lycée, la grammaire, les auteurs latins et grecs...C’est une réalité : il faut donc continuer à se battre pour préserver ces disciplines... Un article sur le sujet :


    avec une pétition à signer


    Bonne soirée

    • Kevin Queral Kevin Queral 16 avril 2015 21:29

      @rosemar

      C’est vrai qu’il y a encore des élèves qui pratiquent le latin et le grec en France, je suis totalement d’accord ! Certains sont même très forts. J’en ai chaque année ou presque.
      Je voulais simplement dire que quand ils représentent moins d’1% des lycéens, on peut raisonnablement dire que les humanités ont été abandonnées dans le secondaire. A minima, que la place qu’il leur est réservée est extrêmement marginale.

      se battre pour les conserver, oui, et même pour les rétablir en tant que formation principale de la jeunesse !

      très cordialement


    • rosemar rosemar 16 avril 2015 21:52

      @Kevin Queral

      J’invite donc tout le monde à signer la pétition qui figure en bas de cet article : 





      Pour le maintien du latin et du grec dans les collèges ! Il faut se battre pour que ces disciplines soient préservées, car elles sont le creuset de toute notre culture !

      Merci à tous

    • Christian Labrune Christian Labrune 16 avril 2015 23:14

      « Il faut se battre pour que ces disciplines soient préservées »
      @rosemar
      Il y a déjà sept ans que je n’ai plus mis les pieds dans une salle des profs et que je ne vois plus d’élèves - la retraite, enfin ! J’aurais bien du mal à imaginer que depuis 2008 le système ait pu se maintenir au niveau de délabrement extrême que je pouvais déjà observer lorsque j’ai tiré ma révérence. « Se battre », dites-vous, et sans rire. Mais je n’ai jamais vu mes collègues prêts à défendre le système d’instruction publique. Bien au contraire, à partir du moment où les socialistes, au milieu des années 80, ont commencé à vouloir détruire de fond en comble l’école républicaine (ce que la droite avait rêvé, sans doute, mais sans espoir d’y parvenir jamais : on aurait crié au fascisme), je les ai vus se coucher de la manière la plus servile, puissamment encouragés à la servitude volontaire par leurs syndicats. La destruction de l’instruction publique en France, je n’hésite pas à le dire, est l’oeuvre des enseignants eux-mêmes. Jamais on ne leur aura mis le couteau sous la gorge pour les obliger à mettre en oeuvre les « réformes » qui devaient tout détruire. Ils pouvaient aisément résister mais ils se sont empressés d’obéir, de collaborer autant qu’ils le pouvaient à la grande oeuvre de démolition des socialistes. L’école publique, désormais, c’est une garderie, et rien de plus. Il y a déjà longtemps que l’instruction n’y a plus sa place.


    • Christian Labrune Christian Labrune 16 avril 2015 23:22

      @rosemar
      Pétition signée. Ca ne mange pas de pain ! Mais signer une pétition, ce n’est pas « se battre », c’est tout juste se donner bonne conscience et trouver une excuse pour ne rien faire d’autre.


    • Kevin Queral Kevin Queral 16 avril 2015 23:31

      @Christian Labrune

      « La destruction de l’instruction publique en France, je n’hésite pas à le dire, est l’oeuvre des enseignants eux-mêmes »

      Mon dieu que c’est bon de lire ça ! C’est tellement rare chez ’’les collègues’’ comme ils disent...

      Merci, je me sens moins seul...


    • rosemar rosemar 16 avril 2015 23:51

      @Christian Labrune

      Les professeurs de lettres classiques se battent tous les jours pour défendre leur discipline contre vents et marées, mais ils se heurtent à des restrictions budgétaires : cet enseignement est considéré comme trop coûteux, et il est sacrifié dans de nombreux établissements : il est important de soutenir les enseignants dans ce combat et de signer la pétition...
      Je rappelle que les enseignants de lettres classiques sont de moins en moins nombreux...

      Bonne soirée

    • Kevin Queral Kevin Queral 17 avril 2015 00:06

      @rosemar
      Je ne veux pas tirer la flèche du Parthe, mais si on s’est battu, force est de constater qu’on l’a fait bien mal. C’est un désastre à marquer d’une pierre noire ! C’est le Tessin, la Trébie, Trasimène et Cannes réunis ! La défaite est patente.

      Maintenant, si on veut voir un jour quelque victoire, il faut changer de stratégie !
      Quittons la défensive...


    • rosemar rosemar 17 avril 2015 08:15

      @Kevin Queral

      Qu’est-ce que vous suggérez ? Quelle stratégie ? Je le rappelle : les enseignants de lettres classiques sont peu nombreux et de plus en plus, les disciplines sont mises en concurrence dans les lycées et les établissements scolaires : il faut, sans arrêt, se battre pour maintenir ces enseignements...

      Oui, j’aimerai bien savoir la solution que vous proposez ! (en dehors de la pétition ??)

      Bonne journée



    • Kevin Queral Kevin Queral 17 avril 2015 08:39

      @rosemar
      Bonjour Rosemar,

      J’ai bien entendu moi aussi signé la pétition, il y a plusieurs jours. Je sais bien qu’on est mis sans cesse en concurrence avec d’autres enseignements. Les classes bilangues au collèges, l’éco ou la gestion obligatoire en seconde ; etc.
      Je fais simplement le constat suivant : 50ans de pétitions et de manifs, aucune victoire. Il s’agit de trouver une tactique qui pourrait être gagnante.
      Nous pourrions y réfléchir collectivement.
      J’ai quelques idées en gestation que je proposerai bientôt dans un prochain article.

      Très cordialement


    • rosemar rosemar 17 avril 2015 08:55

      @Kevin Queral

      Les options sont multiples dans les lycées, notamment, et il est difficile de s’imposer quand des classes de grec ne comportent que 15 ou 10 élèves, ou moins... Ces enseignements ne sont plus « rentables ». Les lycées deviennent de plus en plus des entreprises commerciales... 
      Il faut, aussi, voir les réalités en face, essayer de sauver ce qui peut l’être encore...
      Des solutions miracles ? une stratégie de combat ? Quelles sont nos armes ? Vous pouvez en citer une ??

      Bonne journée


    • Kevin Queral Kevin Queral 17 avril 2015 09:09

      @rosemar

      Vous avez raison sur l’état de fait que vous décrivez (rentabilité, utilitarisme, etc.)
      Qu’il faille faire tout ce qu’on peut pour les élèves encore présents dans nos classe est une évidence, je suis d’accord.

      Vous me demandez une stratégie de combat. Il faut répondre proportionnellement à l’intensité de l’attaque. On veut nous faire disparaître tout de même, et ce depuis des décennies.

      On nous mène une guerre : il faut donc soit capituler, soit la faire aussi. Maintenant cela suppose, comme dans toute guerre, prendre des risques : perdre ses salaires, peut-être perdre son poste (je suis moi aussi père de famille, etc.), sans cela nos dirigeants sont certains de notre servilité et n’ont rien à craindre.

      Nos armes : le refus, désobéir, mettre en place des contre projets et les appliquer. Conquérir l’opinion.

      Prouver par les faits que les humanités forment mieux les élèves, pourquoi ne pas essayer de créer des établissements hors contrats pour ce faire, etc.

      Je suis comme vous, je réfléchis et je n’ai pas de panacées. Je sais seulement que ce qui n’a jamais fonctionné ne fonctionnera pas à l’avenir.


    • rosemar rosemar 17 avril 2015 09:18

      @Kevin Queral


      Vous avez une famille et vous accepteriez de perdre votre travail, en temps de crise ? Soyons réalistes, encore une fois ! Les enseignants de lettres classiques n’ont que peu de poids dans la balance ! Nous sommes de moins en moins nombreux et le ministère peine à recruter, dans toutes les disciplines... Les solutions que vous proposez ici ne sont pas du tout réalistes !

      Cordialement






    • Kevin Queral Kevin Queral 17 avril 2015 09:35

      @rosemar

      Disons le clairement dans ce cas, nous ne nous battrons pas. Et ne faisons pas semblant.


    • rosemar rosemar 17 avril 2015 09:45

      @Kevin Queral


      Il s’agit de sauver ce qui peut l’être encore : au moins maintenir la possibilité pour tous les élèves de choisir ces options en collège, se mobiliser en ce sens, alerter, écrire des articles : personnellement, j’en ai écrit plusieurs sur mon blog...



    • Aldous Aldous 17 avril 2015 13:53

      @rosemar

      Κακοῦ κόρακος κακὸν ώόν. smiley

    • Kevin Queral Kevin Queral 17 avril 2015 16:17

      @Aldous

      C’est pas ek kakou koparos ?


    • Kevin Queral Kevin Queral 17 avril 2015 16:18

      @Kevin Queral
      kopakos bien sûr


    • Richard Schneider Richard Schneider 17 avril 2015 17:02

      @Christian Labrune
      Certes, les enseignants eux-mêmes sont peut-être responsables de la dégradation de notre école : la plupart - surtout nos leaders syndicaux et les « pédagogistes » qui pullulent au Ministère depuis les années 70-80 - ont voulu appliquer les thèses de Bourdieu à l’institution. On sait ce qu’il en est advenu. La lecture de l’article est édifiante à ce sujet.

      Il faut aussi reconnaître que la « massification » sans précédent dans le secondaire, a rendu obsolète l’enseignement que nous avons connu dans les années 50, avec exam. d’entrée en 6° et Latin, puis éventuellement Grec (en 4°). De plus, avec le baby-boom et l’arrivée massive d’enfants étrangers ou issus de l’émigration, de culture et de traditions complètement différentes de ce que la France, pourtant accueillante, a connu, a fait que le système éducatif et scolaire s’est trouvé complètement débordé - je me rappelle la période de la construction d’un CES par jour à partir de 1965. Où trouver les enseignants formés ? Comment enseigner à cette masse d’élèves hétérogène ? ... etc ....
      La création du Collège unique a semblé la solution - en 1975. Mais au nom de l’égalitarisme, ce modèle a conduit à une multitude de réformes que l’Institution a été incapable de gérer.
      Aujourd’hui, le système demande aux profs - du moins à ceux du Primaire et du Collège - d’être plutôt des AS et des éducateurs (il ne leur manque que le BAFA) que des enseignants. Ce que certains regrettent d’ailleurs ; mais ils sont bien seuls dans les salles des Profs.
      Enfin, mal considérés par l’establishment qui leur reproche les mauvais classements PISA, mal payés, ils se sentent en fait abandonnés, surtout par leur hiérarchie qui exige qu’ils appliquent les consignes du Ministère. Or, ces consignes veulent « coller » au plus près des souhaits des parents et des acteurs économiques : alors l’étude du Latin et du Grec ...
      Bonne fin d’après-midi,
      RS

    • Christian Labrune Christian Labrune 17 avril 2015 23:57

      @Kevin Queral
      Je me souviens qu’à une époque où une heure était prévue pour le « soutien » des élèves les plus faibles (solution idiote !), avec ma collègue qui enseignait les maths, dans un lycée parisien, on avait résolu de diviser simplement la classe en deux groupes, sans tenir le moindre compte du niveau des uns et des autres. L’administration avait été prévenue sans qu’on se fût soucié, bien évidemment, de lui demander son avis.

      Dans le courant de l’année, une étude statistique était apparue durant quelques jours sur le site du ministère (des « pédagogues » avaient dû faire pression pour qu’elle disparaisse au plus vite), laquelle faisait état de ces expériences de « soutien » et de leurs résultats plutôt calamiteux, de l’avis même des enseignants qui avaient été consultés. A la fin de l’année, je me souviens que nous avions suscité une réunion des profs concernés et de l’administration, en vue de mettre fin l’année suivante à ces expérimentations hasardeuses. Mais les textes qui « imposaient » ces pratiques étaient toujours en vigueur, et nos chers collègues n’avaient pas manqué, dans leur grande majorité, de trouver qu’au fond les résultats qu’ils avaient obtenus n’étaient pas si mauvais.

      Je me rappelle, dans ces années un peu troublées qui avaient suivi le passage d’Allègre à l’Education nationale, une abominable réunion de profs dans les caves de la Bourse du Travail. C’était l’époque où on prétendait imposer les TPE. Il était bien facile de prévoir ce qui résulterait de cette nouvelle invention pédagogique. Eh bien, il s’était trouvé là un imbécile absolu pour faire remarquer que, si on voulait être de bonne foi, on n’en pourrait rien dire avant d’avoir expérimenté la chose, ce qu’il se disposait donc à faire. Je suppose qu’il ne fut pas le seul et que beaucoup de crétins « de bonne foi » s’étant efforcés une fois d’appliquer scrupuleusement les textes se seront trouvés à la fin de l’année très contents de leur travail : quand on pense être un « bon prof », comment serai-il possible de ne pas réussir ?

      J’ai vu aussi une immense majorité de collègues confesser scrupuleusement les nouvelles croyances de la religion pédagogique, s’adonner à d’imbéciles « projets pédagogiques », travailler « en équipe », multiplier les « sorties pédagogiques », etc. Pas une seule fois je n’aurai consenti à ces sortes de perversions et le ciel, pour autant, ne m’est jamais tombé sur la tête. Je n’ai même jamais eu à subir la moindre pression, et je n’ai pas laissé, du reste, de le regretter quelque peu : rien n’est plus délicieux pour moi qu’un beau conflit. Ne parlons donc même pas de « résistance » : la seule inertie du « mammouth » aurait largement suffi à le maintenir dans la bonne direction. Mais ce qu’on a pris pour un mammouth, en fait, ce n’était probablement qu’un très gros papillon.   


    • Christian Labrune Christian Labrune 18 avril 2015 00:20

      @Richard Schneider
      Le problème, c’est que l’idée d’une « réussite pour tous » dans le cadre de la massification est une parfaite absurdité. SI on est illettré ET néanmoins bachelier, je vois mal qu’on puisse entreprendre des études supérieures. Or, beaucoup de bacheliers sont incapables aujourd’hui d’écrire des phrase qui aient un peu de sens. Ils sont illettrés. Ils entrent à l’université, mais un grand nombre démissionnent dès la première année. Il vaudrait donc mieux revoir la déclaration des Droits de l’Homme et poser que tous les hommes naissent égaux en droit, et bacheliers (ou licenciés : pourquoi pas !) cela éviterait bien des souffrances inutiles et le résultat serait le même.
      Quand un élève n’a pas le niveau, il ne peut pas suivre ; sa présence dans un lycée ne lui apportera rien sinon, plus tard, des ressentiments. Surtout, il gênera ceux qui peuvent et veulent apprendre. Sa place est donc ailleurs. Ce qu’il faudrait c’est que ceux qui, à un moment donné, et pour toute sorte de raisons, se trouvent éjectés du système, puissent y revenir plus tard après qu’ils auront un peu mûri. Sinon, on tombe dans la situation qu’on peut voir depuis bien longtemps déjà dans beaucoup d’établissements : l’émulation s’est inversée, l’élève désireux de réussir devient un méprisable « bouffon » - comme ils disent dans les banlieues.
      Un système scolaire sans sélection, c’est une garderie : instruire y devient très vite impossible. Or, on en est là. On occupe les jeunes, on les divertit. Je n’appelle pas ça instruction, mais décervelage.


    • alinea alinea 16 avril 2015 19:47

      Vous voulez dire que nous sommes les derniers à avoir droit à un article comme celui-là ? La dernière génération je veux dire.
      Merci bien pour ce régal.


      • Kevin Queral Kevin Queral 16 avril 2015 21:25

        @alinea
        Merci, c’est très gentil !


      • Garance 17 avril 2015 05:40

        Je ne vois pas pourquoi vous êtes étonnés


        C’est pourtant simple à comprendre : du haut de mon CEP des années 60 du siècle dernier je vais vous expliquer pour vous aider à comprendre : 

        Voilà :

        Un processus ( c’est latin çà !!!!) est engagé :

        Dans une classe de CM2 de nos jours combien y a-t-il de petits grecs et de petits latins ?

         « Pas bézeff » vous répondra la belle Najat aux yeux de braises (1)

        Elle poursuivra , constatant une évidence 

        « Par contre je vois dans nos classes plein de mes petites cousines et de mes petits cousins »

        Partant de ce constat : elle éradique les langues devenues inutiles car sans auditoire

        « Et le processus dont vous nous parlez ; lequel est-il ? »

        J’y arrive....laissez- moi le temps de vous l’expliquer

        Le temps dégagé par l’éradication du latin et du grec devant servir à quelque chose 

        Pourquoi ne pas l’employer à enseigner une langue utile ?

        L’arabe par exemple ?

        L’auditoire est là : en demande

        « Hein Mohamed que tu préférerais prendre des cours d’arabe plutôt que des cours de latin ou pire encore , des cours de grec ? » 

        - Oh oui , m’dame ; je préférerai... !!! 

        Suite du processus en cours :

        L’arabe sera 2 éme langue 

        Le processus aura aboutit quand il sera 1 ere langue 

        Toi y n’a avoir compris ou tu veux que je te fasse un dessin ? 

        (1) Ca aide en politique pour faire Ministre de l’Education Nationale française

         

        • colere48 colere48 17 avril 2015 12:10

          @Garance

          Scenario plus que probable et d’ailleurs déjà engagé !


        • Richard Schneider Richard Schneider 17 avril 2015 16:12

          D’abord, heureux qu’un texte d’une certaine hauteur ait pu paraître sur ce site (je préfère ne pas développer ce sujet pour ne pas raviver des polémiques sans aucun intérêt). 

          Ensuite, d’accord, dans l’ensemble, avec le constat de l’auteur : à travers la suppression quasi-institutionnel du Latin et du Grec, l’état de notre système éducatif est de plus en plus déplorable.
          Je reconnais une certaine pertinence dans les arguments de Rosemar ; elle a, par ex., raison d’essayer de se battre pour sauver les humanités classiques. Mais, comme Labrune et l’auteur, j’ai bien peur que cela ne serve plus à grand-chose ... « On » a voulu faire de l’école un self, dans le lequel parents et élèves viennent choisir ce qu’ils souhaitent consommer (on n’ose plus utiliser le verbe apprendre), et quand ils ne sont pas satisfaits, ils « râlent ». 
          Un regret : dire que, jadis, c’était la gauche (la « vraie », la gauche républicaine et laïque) qui a fondé notre école ! et s’apercevoir, aujourd’hui, que la gauche (la « fausse », celle qui se qualifie elle-même de sociale-libérale) qui est entrain, sous prétexte de la « réformer », de la détruire, dans l’indifférence générale : la droite cléricale et ultra-libérale ne pouvait pas rêver mieux !

          • rosemar rosemar 17 avril 2015 20:19

            @Richard Schneider

            Bonsoir Richard

            Cet article a été peu commenté et c’est dommage ! Le latin et le grec n’ont pas la cote sur agora, et le sujet, on le voit, n’attire guère les faveurs du public : est-ce donc une cause perdue ??

            Je pense qu’il est tout de même utile de montrer toute la valeur de ces enseignements !


          • pierre 19 avril 2015 12:42

            Tout ce qui suscite l’élitisme doit être supprimé, donc bonne décision, et les écoles privées disent merci à cette mesure.

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