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Raphaël, né et mort, il y a 500 ans, le Vendredi Saint de Pâques !

Raphaël, né et mort, il y a 500 ans, le Vendredi Saint de Pâques !

« Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l'Art » Le Vendredi Saint de Pâques, 6 avril 1520, il y donc tout juste cinq cents ans, mourait à Rome, à l’âge de 37 ans seulement, celui que Giorgio Vasari, l’inventeur de l’histoire de l’art avec sa monumentale « Vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes » (1550), qualifiait, en ces pages, de « dieu mortel » : Raphaël (né, comme par miracle, un Vendredi Saint également, le 6 avril 1483, à Urbino), l’un des trois grands génies artistiques, aux côtés de Léonard de Vinci et de Michel-Ange, de la Renaissance et, plus précisément, de la Haute Renaissance.

RAPHAËL, UN DIEU MORTEL

Ainsi y écrit Vasari à propos de celui qu’il appelait encore là, au vu de la beauté stylistique, sinon de la perfection formelle, de ses tableaux, le « prince de la grâce » : « Le ciel donne parfois une preuve de sa généreuse bienveillance en accumulant sur une seule personne l’infinie richesse de ses trésors, l’ensemble des grâces et des dons les plus rares normalement répartis sur une longue durée entre beaucoup d’individus. C’est ce qui fut manifeste dans le cas de Raphaël d’Urbin, aussi exceptionnel que charmant. »

Vasari, qui s’avère donc être le premier et quasi contemporain biographe de cet aimable Raphaël, affine, immédiatement après, l’élogieux portrait humain qu’il en dresse, y compris sur le plan psychologique et moral : « La nature le dota de la modestie et de la qualité d’âme qu’on trouve quelquefois chez les êtres pleins d’une humanité courtoise et spontanée, qu’enrichit particulièrement une affabilité souriante, toujours doucement agréable en toute circonstance avec tous. La nature l’offrit au monde : déjà vaincue par l’art avec Michel-Ange, elle voulut l’être à la fois par l’art et la bonne grâce avec Raphaël. » Il poursuit, non moins laudatif : « Chez Raphaël (…) brillaient les plus rares qualités de l’âme et de l’esprit avec un accompagnement de grâce, de sérieux, de beauté, de modestie, de manières parfaites qui auraient suffi à supprimer tout vice, même le plus laid, et toute souillure, même la plus vile. » Enfin, au faîte de son panégyrique, il en conclut : « Qui possède autant de dons rares que Raphaël d’Urbin n’est pas simplement un homme, mais, si l’on peut dire, un dieu mortel. »

PÂQUES ET CORONAVIRUS : MORT ET RESURRECTION

Pâques, la fête la plus importante (avant même la Noël) de la chrétienté : passion, mort et résurrection du Christ, au fondement même, sur le plan théologique et pour qui a la foi, du christianisme, l’un des trois grands monothéismes. Mais aussi, événement on ne peut plus symbolique, où des milliers d’innocents meurent dans les pires souffrances à travers le monde, en ce tragique et douloureux temps de coronavirus ! Reste à espérer, certes, que notre bonne vieille civilisation, à propos de laquelle le grand Paul Valéry disait avec lucidité, en ce texte admirable qu’est sa « Crise de l’Esprit » (publié en 1918), que nous savions désormais, après l’effroyable cataclysme de la Première Guerre mondiale, qu’elle était « mortelle », saura ressusciter elle aussi, et tel le sphinx renaissant de ses cendres, au sortir de cette horrible pandémie du Covid-19 qui la touche aussi cruellement !

Mais, pour en revenir à ce « dieu mortel » que, selon Vasari, fut donc Raphaël, de cette disparition aussi précoce qu’énigmatique, il a déjà été beaucoup dit, sans que jamais toutefois la vérité ne fût pleinement établie, renforçant la légende raphaélesque, à ce mortifère sujet. Ainsi, prétendent certains, Raphaël serait-il mort lui aussi, en cette deuxième décennie du XVIe siècle, d’une mystérieuse épidémie, laquelle sévissait alors effectivement partout, y répandant son lugubre cortège de défunts, au sein comme dans les environs de la Ville Eternelle. D’autres exégètes, non moins avisés, soutiennent que ce même Raphaël, être doux mais de santé fragile, serait plutôt mort de la malaria : fièvre qu’il aurait contractée dans les eaux stagnantes, infestées de moustiques en ce début de printemps, du Tibre, cet élégant mais languide fleuve romain où avait l’habitude de se baigner, le soir venu, sa chère et tendre passion amoureuse, Margarita Luti, que ce même Raphaël fera passer à la postérité, ainsi que l’indique l’intitulé de l’un de ses tableaux les plus célèbres, tant par son audace stylistique que par sa charge érotique, sous le poétique surnom de « La Fornarina ». 

QUAND RAPHAËL FERMA LES YEUX, LA PEINTURE DEVINT AVEUGLE

Ainsi, en sa précieuse « Vie des meilleurs peintres, sculpteur et architectes » toujours, Vasari, y insistant sur ce chef d’œuvre pictural qu’est la « Transfiguration » du même Raphaël, commente-t-il ce décès aussi brutal qu’inopiné : « A sa mort, on le mit dans la salle où il avait travaillé, en disposant près de sa tête la « Transfiguration » qu’il avait terminée pour le cardinal de Médicis ; contempler cette œuvre qui paraissait vivante à côté de son corps inanimé faisait éclater l’âme de douleur ; le tableau, placé ensuite par le cardinal sur le maître-autel de San Pietro a Montorio, fut toujours, pour son exceptionnelle beauté, tenu en grande estime. On donna à la dépouille de Raphaël la sépulture honorable qu’un si noble esprit méritait. Il n’y eut pas un artiste qui ne le pleurât avec chagrin et ne voulût l’accompagner à sa dernière demeure. (…) Ô heureuse, bienheureuse âme, tous se plaisent à parler de toi, à célébrer ce que tu fis, à admirer chacun des dessins que tu as laissés ! Quand ce noble artiste mourut, la peinture pouvait bien mourir elle aussi et, quand il ferma les yeux, elle sembla demeurer aveugle. » Superbe !

MORT COMME UN DIEU : LES HONNEURS DU PANTHEON

Cette église chrétienne, et même très catholique, de Santa Maria della Rotonda, où est donc inhumé encore aujourd’hui en plein centre historique de la capitale italienne, et par volonté même du pape d’alors (Léon X, qui succéda à Jules II), l’illustre Raphaël, n’est autre, du reste, que l’antique panthéon romain, construit au Ier siècle avant Jésus-Christ par Agrippa (ami et conseiller de l’empereur Auguste) et consacré au culte des dieux. Raphaël, des trois grands génies de la Renaissance, est même le seul à y reposer, suprême honneur et privilège unique à la fois !

Vasari, après avoir raconté, sur un plan factuel, la mort comme les funérailles de Raphaël, lui rend ensuite, sur un mode plus personnel, sinon intimiste, un vibrant et généreux hommage : l’hommage qui lui est dû, tant à l’échelon humain ou moral, qu’artistique ! Il écrit donc encore dans sa Vie de Raphaël d’Urbin  : « Aujourd’hui, c’est à nous qui sommes restés après lui d’imiter son bon, son excellent exemple. Comme le mérite son génie et comme l’exige notre reconnaissance, nous devons conserver dans notre cœur son très beau souvenir et en porter sans cesse témoignage pour honorer hautement sa mémoire. Grâce à lui, nous voyons l’art, la couleur et l’invention poussés à un degré de perfection inespéré. Quant à le dépasser, personne ne l’a jamais envisagé ! De plus, il ne cessa, pendant sa vie, de nous montrer la conduite à tenir avec les hommes de tous niveaux, supérieur, moyen ou humble. (…). En somme, il ne vécut pas en peintre, mais comme un prince. »

LE MYTHE RAPHAËL, ARTISTE-PRINCE

Vasari, enfin, conclut, en mettant un « P » majuscule, détail particulièrement significatif, et d’autant plus singulier à l’aune du mythe Raphaël, au mot « Peinture » : « Ô Peinture, tu pouvais alors t’estimer heureuse de posséder un maître dont le talent et les vertus t’élevaient jusqu’au ciel ! Oui, vraiment tu pouvais te dire heureuse : en suivant ses traces, tes adeptes ont pu voir comment il faut vivre, en joignant art et vertu. En lui, l’union de ces qualités put forcer la magnificence de Jules II et la générosité de Léon X, dans la suprême dignité de leur fonction, à être intimes avec lui et à le combler de libéralités. Leur faveur et leurs dons lui permirent une carrière pleine d’honneurs qui contribua à la gloire de la Peinture. Heureux aussi celui qui fut à son service et travailla avec lui ; car ceux qui l’ont imité et suivi sont arrivés à bon port. Ainsi, ceux qui accompliront les mêmes efforts dans leur travail seront honorés en ce monde et ceux qui lui ressembleront dans leur conduite seront récompensés dans le ciel. »

LES CELESTES SPHERES DU SUBLIME

Ainsi, le princier mais exsangue, quasi christique Raphaël, né et mort donc, comme par enchantement, un Vendredi Saint, n’était-il déjà plus, hélas, de ce bas monde, épuisé par l’exceptionnelle densité, tant par sa qualité que par sa quantité, de son œuvre, éreinté par les dangereux débordements de son amour et finalement vaincu par la force démesurée, souvent aux limites de l’humainement supportable, de son propre génie. Paix, donc, à son âme ! Mais, de lui, de sa céleste personne, il reste, pour l’éternité, l’ineffable, angélique et infinie grâce de l’art : celle venue, tout droit, des plus hautes et divines sphères du Sublime.

LA GRÂCE : CE « JE NE SAIS QUOI », CE « PRESQUE RIEN », QUI FAIT LA DIFFERENCE

Mieux : il était tout entier habité, cet amène et séduisant Raphaël, aussi bien l’homme que le peintre, par ce que ce Ludovico Dolce, brillant esprit vénitien en cette même Renaissance et donc lui aussi contemporain de Raphaël, nomme, pour décrire l’indéfinissable et pourtant très réelle grâce d’Apelle, l’un des artistes athéniens les plus talentueux au temps d’Alexandre le Grand, ce subtil mais crucial « je ne sais quoi » qui, bien que « presque rien », fait cependant – la nuance, capitale, est de taille – toute la différence.

 Oui : Raphaël ou, en effet, la Grâce de l’Art, sinon, bien plus encore, à travers lui, sa personne comme son génie, la Grâce du Monde ! 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, auteur, notamment, de « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » et « Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art » (publiés tous deux aux Editions Erick Bonnier). https://www.erickbonnier-editions.com/

 

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réinterprétation du célèbre autoportrait de Raphaël jeune
par Laurence Emily Tirtiaux

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2 réactions à cet article    


  • caillou14 rita 13 avril 2020 09:33

    Raphaël le tatoué tager de son époque, tous ses graffitis sont dans des églises !

     smiley


    • Réflexions du Miroir AlLusion 14 avril 2020 14:24

      Raphaël poursuivit par le vendredi saint....

      IL y a des jours comme celui de la naissance pendant lequel il vaut mieux ne rien faire, rester au lit et attendre pour éviter les coïncidences que le jour passe surtout quand la malaria règne.

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