Renault - 4 000 suppressions de postes : le thermomètre social bloqué
Le porte-drapeau industriel de la France n’est plus et même les employés ne se font plus d’illusions. Gel des recrutements, 4 000 suppressions de postes dont 1 000 sur le site de Sandouville fabriquant la Laguna 3, suppressions sous forme essentiellement de départs volontaires à la retraite, sont annoncées par la direction. A l’issue de la journée de mobilisation de jeudi dernier contre ce énième plan social, l’AFP a annoncé pudiquement que le mouvement organisé par la CGT a été “limité”, alors que le syndicat majoritaire se targuait de plus de 2 000 personnes impliquées sur les 41 000 salariés du groupe Renault.
Pourquoi ?
Certes il y a une conjoncture difficile pour l’automobile, mais certaines marques concurrentes s’adaptent et parviennent à tirer leur épingle du jeu, un jeu dangereux pour les emplois, alors que le groupe Renault lui voit ses ventes chuter de 8 % en moyenne par an sur le territoire européen ces trois dernières années.
Et chez Renault, il semblerait qu’il faille plutôt remettre en question la compétence de certains hauts responsables, même le saint des saints comme Carlos Ghosn.
Le Messie ne l’était pas
Celui qui avait été présenté comme le grand sauveur, le brillant financier qui a été capable de redresser quasi miraculeusement Nissan au bord du gouffre à l’époque, n’est devenu qu’un piètre directeur, indigne même d’une simple PME.
Car là encore pas de miracle. Chez Nissan, comme chez Renault, la technique est la même, technique déjà éprouvée par l’acteur Bernard Tapie pour maximiser les profits puis revendre dans la foulée une entreprise : supprimer des emplois.
Ou comment cumuler la politique de l’autruche et le fameux dicton, “jeter le bébé avec l’eau du bain”.
Sa solution
Carlos Ghosn avec son “Renault Contrat 2009″ annoncé en grandes pompes en février 2006 n’a réussi qu’une seule chose : mettre en danger la vie de ses propres salariés. Inconcevable humainement pour un patron digne de ce nom.
- 26 modèles entre 2006 et 2009 soit 8 nouveaux modèles par an ! ;
- objectif commercial de 3,3 millions de véhicules vendus dans le monde en 2009 ;
- programme de réduction des coûts en mettant en commun les atouts de Nissan ;
- 6 % de marge opérationnelle en 2009, “ah les funestes dividendes des actionnaires !”
L’art de faire plus
Plus de productivité, plus de rentabilité, plus de profits, plus de pression avec moins de main-d’œuvre. Un problème insoluble et dangereux pour les employés du groupe dans les usines comme dans les centres de recherche et développement qui conçoivent les futurs modèles.
Dans la réalité des salariés, le plan s’est ainsi matérialisé par une bien plus forte pénibilité du travail qui n’est pas forcément visible : le fameux stress comme notamment avec les multiples suicides au centre technique de Guyancourt, où il y aurait bien à dire sur la compétence des ressources humaines aussi brillantes que celle de la Société générale.
Incompétence caractérisée
“Gouverner c’est prévoir”, diriger une entreprise, c’est exactement la même chose qu’un Etat, il faut avoir une vision réaliste sur le long terme et prévoir l’imprévisible en s’entourant de professionnels. Inutile d’être communiste ni même de "gauche" pour voir que Ghosn fait partie des pires patrons car, comme dans tout métier, il y a des bons et des mauvais employés à tous les niveaux hiérarchiques. Ghosn n’est qu’un requin de la finance de plus.
Les primes de bonus/malus de Jean-Louis Borloo qui ont maintenu les ventes autos en France à +4 % sur juillet et août n’auront pas suffi. Manifestement, les preuves du fiasco personnel sont là :
- 2 designs suivis de près par Ghosn en personne : la Laguna 3 et la Twingo sont deux désastres stylistiques, sanctionnées par les critiques et par les ventes bien en-deçà des prévisions et avec un prix au-delà de la concurrence pour les mêmes prestations ;
- fiasco hérité de la Vel Satis et les méventes de l’Espace IV trop chère et trop gourmande en carburant ;
- le visionnaire : alors qu’en 2006 il avait annoncé que le marché du 4×4 était trop petit pour que Renault s’y intéresse, en 2008, en pleine flambée du pétrole, éco-bonus et avec près de quinze ans de retard sur la mode initiée par les Japonais, Renault sort son premier 4×4 : le Koléos. Quelle vision ! (PSA en fin connaisseur a fait la même bourde avec son Peugeot 4007 et Citroën C-Crosser construit avec Mitsubishi) ;
- délocalisations des bas et milieux de gamme : la nouvelle Mégane sera fabriquée en Espagne, et probablement dans les Emirats arabes unis ;
- faire rentrer le loup dans la bergerie : en investissant massivement dans Dacia et en fabriquant la 1re voiture low-cost au monde avec la Logan, Renault joue avec le feu et tue ses propres emplois en France, tout en continuant de profiter des salariés roumains qui ont dû faire une bonne semaine de grève pour voir leur salaire réévaluer dignement. La nouvelle Sandero continue le chef-d’œuvre d’automutilation.
L’eldorado roumain !
En achetant les usines de Dacia en 1999, les hautes sphères du groupe Renault croyaient avoir trouvé des pigeons, travailleurs et peu regardant sur les salaires. Mais c’était sous-estimer le cerveau des Roumains, comme celui des Français, cinquante ans plus tôt.
La revendication des grévistes : “Nous travaillons comme en France, mais sommes payés des cacahuètes”.
Et la réalité n’était pas exagérée : ils demandaient une hausse de 148 euros environ pour porter leur salaire mensuel brut moyen de 285 à 435 euros. Même en Roumanie, ce salaire commençait à être indigent d’où cette vague de protestation soutenue par des émissaires de syndicats français.
La colère roumaine était d’autant plus grande que le groupe Dacia avait augmenté ses ventes 62 % des ventes sur les deux mois précédents la grève : janvier/février 2008, le tout sans aucun retour vis-à-vis des salariés pour leurs efforts. Un petit Germinal du XXIe siècle.
De leur côté, les dirigeants, qui qualifiaient évidemment les revendications d’“inacceptables”, n’étaient pas prêts à partager le gâteau aussi facilement.
Il aura fallu trois semaines de grève avec plus de 6 000 salariés pour arriver tout de même à une augmentation de 133 euros répartie sur janvier et septembre 2008, et une prime annuelle de 330 euros. Juste histoire de se rapprocher d’un salaire moyen en Roumanie encore supérieur de 30,7 % malgré “ses cadeaux” des dirigeants de Dacia.
France 3 JT 27 mars 2008 Grèves Dacia
http://www.dailymotion.com/video/x4x55s_greve-chez-renault-dacia_news
Flexibilité, encore et toujours !
En France, le cœur n’y est plus. La grogne s’est essoufflée au fil des plans sociaux devenus régulièrement le marronnier du groupe. Les salariés ne croient plus aux promesses des directeurs qui ont tout fait pour rendre les salariés plus “flexibles”. En janvier 2007, les syndicats refusaient la proposition de la direction qui souhaitait une transformation de journées de chômage partiel en Réduction du temps de travail, alors qu’une réduction des cadences journalières était préférée par les salariés ayant déjà connu soixante jours chômés en 2006 (voir l’article de l’usine nouvelle).
Rien n’y aura fait. A cause des choix politiques et financiers du PDG et de sa clique, la Laguna 3 est un désastre économique. Les ouvriers de l’usine de Sandouville sont ainsi obligés de prendre leur RTT pour éviter temporairement le risque du chômage technique. Couvrir les erreurs de la direction, sauver les apparences, voilà où en est réduit le groupe au losange.
Au final, pour la santé de Renault sur le moyen et long terme, ce ne sont pas 4 000 postes qu’il fallait supprimer, mais un seul, celui du responsable qui n’est d’ailleurs certainement pas coupable à ses yeux : Carlos Ghosn.
Renault : le thermomètre social à débloquer par un mouvement national
Le désarroi est profond, les revendications sociales sont là. Mais rien ne bouge. Contrairement à Mai-68, aucune étincelle n’est là pour enflammer la poudre des contestations qui émergent dans les couches sociales moyennes ou défavorisées. Les grèves existent, mais sont éparses et, de ce fait, aucun écho national ne se produit : la preuve chez Renault.
D’où la proposition qui est née sur internet d’une grève générale reconductible le 10 novembre 2008.
Une illustration de “l’Union pour la force” actualisée par le désormais mythique slogan de 2007 : “Ensemble tout est possible”.
Un mouvement apolitique visant à rassembler tous les mécontents de la politique gouvernementale sur les nombreux domaines : pouvoir d’achat, social, éducation, liberté, justice, défense…
Pas un ministère n’est épargné par l’incompétence des différents ministres ou secrétaires d’Etat d’opérette. Alors puisque la rue a parfois le pouvoir de décider quand les citoyens sont unis (Villepin, Juppé et Louis XVI s’en rappellent encore), je vous invite à consulter le site du Conseil national de la résistance : ici.
Plus d’infos sur Renault et ses filiales partiellement ou totalement revendues (Renault Trucks, Renault Bus, Renault Agriculture, Renault Automation) sur Wikipédia.
Emachedé du Blog Cpolitic
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