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Accueil du site > Tribune Libre > Rivalités et enjeux divisant les USA, la Chine et la Russie. Pétrole à 100 (...)

Rivalités et enjeux divisant les USA, la Chine et la Russie. Pétrole à 100 dollars en 2022 ou, de nouveau, un cours baissier, comme en 2014

 

 Une partie de cette analyse a déjà été publiée par le Journal Quotidien d’Oran ; elle a pour titre : « Covid19 et métadiscours sur le XX- XXIe siècle. Pourquoi le pétrole à 100 dollars est un passage obligé pour la reprise économique mondiale ? » Cet article est paru le 18, 20 et 21 février 2021. Le pronostic énoncé par l’auteur s’est confirmé, le prix du baril de pétrole du Brent a dépassé 95 dollars le baril, ce vendredi. Les médias occidentaux avancent que cette hausse s’est opérée sur fond de pénurie d'approvisionnement et de tensions sécuritaires persistantes entre la Russie et l'Ukraine.

L’information donnée est inexacte, il n’y a pas de pénurie d’approvisionnement, en revanche les tensions sécuritaires persistantes entre la Russie et l’Ukraine auront à constituer un virage majeur pour les États-Unis dans la politique pétrolière et monétaire qu’ils mènent, depuis près d’une décennie, dans leurs plans géostratégiques de domination du monde. Et ce en regard de la montée en puissance de la Chine, qui est en train de rebattre les cartes de puissance mondiales.

Pour comprendre la hausse du prix du pétrole aujourd’hui, hausse qui a pris son envol en 2021, et ce qu’il en sera en 2022, 2023, 2024, il faut tenter de débattre ce qui se joue entre d’une part les États-Unis, la Chine, sur le double plan géostratégique et géopolitique, et le reste du monde, et d’autre part, la nouvelle offensive médiatico-militaire de la Russie qui cherche, dans la crise ukrainienne, à s’imposer sur l’échiquier de puissance mondiale.

Et tout s’opère aujourd’hui avec le bouleversement des cartes mondiales qu’a causé la pandémie mondiale qui sévit depuis deux ans. La pandémie a fait irruption fin 2019, elle a forcé les grandes puissances occidentales, en particulier les États-Unis et l’Europe, à revoir leurs cartes maîtresses avec l’esprit de dominer le monde qu’elles ne veulent pas perdre. La Chine continuant de tisser sa toile sur le monde, la « route de la soie » que la Chine mène en fait depuis des décennies, et qui n’est que le prolongement de sa stratégie de faire pièce à la stratégie américaine avec pour visée de supplanter les États-Unis, un jour, au rang de première puissance mondiale. La Russie, de son côté, ne veut pas subir les frais de cette confrontation et joue son va-tout, sa puissance militaire avérée comptant comme la 2ème puissance militaire dans le monde.

Enfin, les pays reste du monde, en particulier en développement, c’est ce qui nous intéresse, qui reste dans l’expectative, et n’ont regard que sur les prix des matières premières, du pétrole, du gaz et des produis agricoles qu’ils exportent et qui leur permettent de répondre aux besoins de leurs économies, et donc de leurs populations. Ces pays qui sont d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du sud, qu’ils soient liés dans des unions économiques ou non, se retrouvent affectés par ces guerres économiques, ces menaces de confrontation militaire ; ils subissent des conséquences majeures qui résultent à la fois sur la stabilité de leurs portefeuilles de réserves de change qui ne cessent de fondre, et sur les prix du pétrole et des matières premières qui ont fortement baissé depuis sept ans, et n’ont commencé à remonter que depuis les grands plans de relance américains et européens mis en œuvre, entre 2020 et 2021, pour lutter contre la crise sanitaire du coronavirus.

Aussi, partons ce que l’on a mis déjà en relief dans les analyses précédentes, pour situer les enjeux qui divisent aujourd’hui les puissances, et l’impact qu’ils auront sur la donne pétrolière, et c’est ce qui nous intéresse fondamentalement. Pourquoi ? Parce que, sans le pétrole, la maîtrise des prix qui s’opèrent dans les Bourses occidentales et la monnaie de facturation, le dollar US, i.e. le « pétrodollar », l’Occident, et à sa tête les États-Unis, serait sans défense face à la Chine et la Russie. Et c’est cela le « paradoxe de puissance » pour l’Occident qui repose essentiellement sur les monnaies internationales qu’ont seuls aujourd’hui les États-Unis et l’Europe. Qu’en est-il réellement ?

Un bref rappel de la situation du monde depuis l’irruption de la pandémie Covid-19 nous aiderait à comprendre l’évolution du monde aujourd’hui.

Bien que le nombre de cas de contaminés soit en baisse, la crise sanitaire ralentit comme le montrent les statistiques, il demeure que l’on doit situer sa place dans le contexte mondial. Puisqu’elle-même, par ses conséquences, la pandémie est d’essence mondiale. A voir les bouleversements qu’elle a opérés sur l’ensemble des économies du monde, et le nombre de contaminés qui a explosé en l’espace de deux ans. Plus de 412 millions de personnes ont été touchés, et plus de 5,82 millions de décès, en ce mois de février 2022.

Aujourd’hui encore, bien que des campagnes de vaccination, avec un renouvellement de vaccination un peu partout dans le monde, ont été lancées à l’échelle mondiale, avec les nouveaux variants britannique, brésilien et sud-africain, l’incertitude demeure sur le futur de la pandémie. Cependant tout laisse espérer qu’avec le virus Omicron, la fin du calvaire pandémique est en train de pointer en 2022. L’espoir est réel, il est de mise, mais les enjeux qui divisent les puissances risquent d’apporter de l’ombre à cette fin pandémique si elle vient à se réaliser.

Une question essentielle d’abord sur la situation économique mondiale : « qu’en est-il de l’endettement qui a fortement augmenté en Occident comme dans les pays du reste du monde, depuis l’avènement de la pandémie ? Un article de la revue Financement et Développement du FMI, qui a pour titre « La pandémie de la dette », publié en septembre 2020, par Jeremy Bulow, Carmen Reinhart, Kenneth Rogoff et Christoph Trebesh, est à bien d’égard révélateur de la situation des pays émergents et des pays en développement.

« La pandémie de COVID-19 a considérablement allongé la liste des pays en développement et émergents en situation de surendettement. Pour certains, la crise est imminente. Pour beaucoup d’autres, seuls des taux d’intérêt mondiaux exceptionnellement bas pourraient retarder l’heure des comptes. Les taux de défaillance augmentent, comme la nécessité d’une restructuration des dettes. Mais de nouveaux défis pourraient compliquer les renégociations si les États et les prêteurs multilatéraux ne proposent pas des outils plus performants pour traiter la vague de restructurations. […]

À ce jour, le choc pandémique s’est limité aux pays les plus pauvres et ne s’est pas transformé en une véritable crise des pays émergents à revenu intermédiaire. Grâce, notamment, aux conditions de liquidité mondiales favorables liées à l’aide massive fournie par les banques centrales aux pays avancés, les sorties de capitaux privés ont été modérées et de nombreux pays à revenu intermédiaire ont pu continuer à emprunter sur les marchés de capitaux. D’après le FMI, les États de pays émergents ont émis 124 milliards de dollars de dette en devises fortes pendant le premier semestre de 2020, dont les deux tiers au deuxième trimestre.

Mais l’accès durable des pays émergents aux marchés de capitaux demeure un sujet de préoccupation. La période la plus risquée est peut-être devant nous. La première vague pandémique n’est pas terminée. L’expérience de la pandémie grippale de 1918 donne à penser qu’une seconde vague, encore plus virulente, est possible, surtout s’il faut attendre mi-2021 (voire plus tard) pour qu’un vaccin efficace soit disponible partout. Même dans le scénario le plus optimiste, les voyages internationaux seront compliqués et la conjoncture restera très incertaine, tant au niveau de la consommation que des entre- prises. La pauvreté a fortement augmenté dans le monde, et de nombreuses personnes ne retourneront pas travailler après la crise. Dans les pays avancés également, la crise n’a pas encore déployé toutes ses ramifications politiques. L’hostilité à la mondialisation, qui montait déjà avant la COVID-19, pourrait s’intensifier. »

L’article fait apparaître une situation d’endettement très préoccupante des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, dont les pays émergents. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que les pays émergents et en développement ont amassé des réserves de change considérables durant la décennie 2000 et la mi-décennie 2010. A partir de 2014, la situation financière s’est totalement retournée pour ces pays. Une question cruciale se pose : « que s’est-il passé pour que ces pays qui ont enregistré pratiquement sans interruption des excédents commerciaux, pendant une décennie et demie à l’exception de la mi-2008 et 2009 – crise financière et récession généralisée pour les pays occidentaux – voient leurs excédents se transformer en déficits ?

Entre 2008 et 2014, les dettes publiques occidentales ont fortement augmenté alors que les pays émergents et exportateurs de pétrole ont accumulé des réserves de change considérables. Une évolution qui est corrélée entre la croissance des réserves de change, d’un côté, des pays émergents et exportateurs de pétrole et, de l’autre, une explosion des dettes publiques qui menace les économies occidentales. Le journal Le Monde avec AFP et Reuters rapporte sur cette situation, le 25 novembre 2009 : « L'explosion de la dette publique menace les économies occidentales » (titre)

« Selon l'OCDE, les trente pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu'à 100 % de leur richesse produite en 2010.

Si les causes de l'explosion sans précédent de la dette publique sont connues – chute des recettes fiscales liée à la récession, flambée des dépenses publiques pour soutenir l'économie –, ses conséquences le sont moins. Or, à l'aune de cet état de fait, les pays riches pourraient voir leur stabilité mise en péril. Selon l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les trente pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu'à 100 % de leur richesse produite en 2010, signalant le quasi-doublement de leur endettement en vingt ans. Le Japon verra sa dette publique flirter avec les 200 % de son produit intérieur brut, suivi par l'Italie (127,3 %) et la Grèce (111,8 %), selon ces prévisions.

« Une dette à 100 % du PIB signifie que tout ce qui a été produit pendant un an devrait être consacré au remboursement. Les gouvernements sont-ils en situation de le faire ? », s'interroge le Center for European Policy Studies, à Bruxelles. La question n'est pas purement rhétorique. Si les marchés venaient à douter de la capacité de remboursement des États développés, ils pourraient se détourner de leurs titres publics (obligations, bons du Trésor…) et assécher leur circuit d'approvisionnement en argent frais. »

Par conséquent, au vu de ces menaces, se pose alors pour l’Occident la question du rééquilibrage de ce dysfonctionnement financier entre eux et les nouvelles puissances riches du reste du monde. On doit comprendre par ces puissances riches celles qui détiennent des réserves de change considérables, i.e. les pays émergents dont les pays du BRICS et les pays exportateurs de pétrole.

Une situation qui pourrait être fatale pour l’Occident si ce processus est maintenu, i.e. des pays qui continuent à enregistrer des excédents commerciaux et amasser des réserves des réserves de change, pour les Occidentaux, continuer à enregistrer des déficits commerciaux, et leurs dettes publiques continuer à croître ; ce qui constituera à terme un péril certain pour les économies occidentales.

 Et c’est là où entre pour la première fois de l’histoire économique du monde une stratégie monétaire dite « non conventionnelle » et laissée à la seule discrétion des quatre Banques centrales occidentales, qui sont les seules émettrices des monnaies internationales, et régies par le régime du change flottant (loi de l’offre et de la demande) sur les marchés de l’argent. La Chine n’a internationalisé son renminbi ou yuan qu’en 2016 depuis qu’il est devenu la cinquième monnaie de l’étalon monétaire utilisé par le FMI, le DTS (droits de tirages spéciaux).

On a beaucoup écrit sur les politiques monétaires non conventionnelles, dite aussi quantitative easing ou QE. En réalité, il n’y a rien d’énigmatique dans ces politiques non conventionnelles, en fait, elles se sont imposées d’elles-mêmes. Et les Banques centrales des pays du reste du monde n’ont pas cette possibilité d’en user internationalement car elles sont dépendantes des monnaies internationales.

Le processus de ces politiques non conventionnelles parle de lui-même. En effet, tous les programmes de soutien à l’économie américaine pour faire face aux déficits budgétaires passent par le vote du Congrès, en vertu de ses pouvoirs que lui confère la législation américaine. En mars 2021, un gigantesque plan de soutien à l'économie voulu par le nouveau président américain, Joe Biden, d'un montant de 1900 milliards de dollars, est voté par le Congrès ; il vise à apporter une réponse à la crise sanitaire.

Une situation qui ne fait qu’augmenter la dette publique. Sauf qu’il y a vingt ans, avant les années 2000, la dette publique américaine était maîtrisée et évoluait autour de 50%. Mais, à partir de 2005, elle a commencé à croître ; en 2014, elle était à 96,342% ; en 2020, avec la crise sanitaire, elle est passée à 98% du PIB ; et selon les prévisions du Trésor américain, elle passerait à 104% en 2021, et autour de 110% à l’horizon 2030.

Or, pour les États-Unis, le danger vient certes de l’envolée de la dette publique mais surtout de la part qu’elle renferme, la dette extérieure, et donc de ses créanciers que sont les pays du reste du monde, essentiellement les pays émergents dont en première position la Chine, et les pays exportateurs de pétrole. Tous ces pays détiennent de la dette publique, sous forme de placements en bons de Trésor américains. De plus, le problème des intérêts se pose, i.e. ce que rapporte ces placements, et donc ce que les États-Unis doivent aux créanciers qu’ils soient des résidents américains ou étrangers. Idem pour les placements en Europe.

Donc un des problèmes pour la Réserve fédérale (Fed), qui est la Banque centrale des États-Unis, est de diminuer les taux d’intérêt longs sur obligations publiques qui se sont envolés en 2007, avec la crise immobilière. En Europe et au Canada, la même évolution des taux longs a suivi. Et une politique monétaire conventionnelle avec les instruments classiques est inopérante face à la plus grave crise immobilière et financière qu’a connue l’Occident entre 2007 et 2008. Précisément, une politique monétaire non conventionnelle répondait au problème de l’envolée à la fois des taux d’intérêt longs, des déficits publics et de la dette publique dont la dette extérieure.

Il s’est instauré un véritable paradigme en Occident et dans le monde, et l’on peut dire qu’il est très peu probable que les grandes puissances occidentales retournent aux politiques monétaires classiques (conventionnelles). Pourquoi ? Du fait de l’ascension des grandes puissances émergentes qui continueront inévitablement à maintenir une forte pression sur l’équilibre de puissance économique mondiale. En clair, l’Occident, perdant sur le plan économique mondial, par l’ascension de nouvelles puissances dans le commerce mondial, se retrouve désormais sur la défensive, donc à pratiquer des politiques financières et monétaires qui servent ses intérêts ; et la politique monétaire dite non conventionnelle est une véritable « arme à destruction massive » à l’échelle mondiale.

Et c’est ce qui en ressort des trois programmes de quantitative easing (QE1, QE2, QE3), lancés, entre 2008 et 2014, par la Fed, et par lesquels elle achetait massivement les passifs des bons de Trésor américain – les actifs étant détenus par les résidents américains et non-résidents notamment la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du sud et les pays exportateurs de pétrole dont l’Arabie saoudite, Algérie…. Par cette politique d’assouplissement monétaire non conventionnel, elle a fait baisser fortement les taux d’intérêt longs et, en même temps, a anticipé la monétisation d’une part importante des actifs en bons de Trésor et autres obligations publiques, détenues par les résidents et non-résidents ; les liquidités remises par la Fed aux banques commerciales pour les passifs de la dette restent stockés dans leurs comptes que celles-ci ont auprès de la Banque centrale.

En septembre 2014, la dernière tranche de 10 milliards de dollars d’achats de bons de Trésor dans le cadre du QE3 a été effectuée. Ce que l’on constate, c’est qu’avec la fin du quantitative easing 3, les prix du pétrole ont fortement baissé. D’un haut de 115 dollar, en mai 2014, le prix du baril de pétrole a chuté à 50 dollars, en décembre 2014. Le 1er décembre 2015, il a touché le fond à 34,18 dollars le baril.

Il est évident que les États-Unis, avec les quantitative easing, et la baisse programmée du prix du pétrole, pratiquent ce qu’on peut dire la politique de la « terre brûlée ». Dans le sens qu’ils battent en retraite mais détruisent tout derrière eux. Comme a fait l’armée russe, en 1812, pratiquant la tactique de la terre brûlée consistant à détruire ressources, bâtiments, moyens de production pour affaiblir l’ennemi, l’armée napoléonienne. On voit donc que toute tactique même relevant de stratégies militaires trouve son emploi dans les guerres économiques, par la voie de la finance et la monnaie.

Les conséquences sur le plan économique et financier ont été considérables pour les pays émergents et exportateurs de pétrole. La chine à elle seule a perdu environ 1000 milliards de dollars sur les 4000 milliards qu’elle avait engrangés sur au moins vingt années depuis son ascension fulgurante au début des années 2000. La banque mondiale donne des chiffres effarants. Pour la Chine, les réserves de change sont passées de 3900 milliards de dollars, en 2014, à 3345 milliards de dollars en 2015, et à 3098 milliards de dollars en 2016. Un quart des réserves de la Chine se sont pratiquement évaporé en deux ans. En 2017, ses réserves de change ont légèrement augmenté, à 3159 milliards de dollars ; en 2020, elles sont à un haut à 3357 milliards de dollars, bien loin du niveau de 2014, et ce depuis une accumulation et de pertes depuis 2014. La remontée des réserves de change depuis 2017 est plutôt timide. (Chiffres Banque mondiale)

Pour les autres pays, notamment l’Arabie saoudite, ses réserves de change sont passées de 744,441 milliards, en 2014, à 472,851 milliards de dollars, en 2020, soit une baisse de près de 272 milliards de dollars. Pour l’Algérie, les réserves ont aussi fondu ; de 186,351 milliards de dollars, en 2014, les réserves de change, à partir de cette date, n’ont cessé de se détériorer, vu les déficits de sa balance des paiements ; en 2020, elles s’établissent à 59,434 milliards de dollars, soit une baisse de 126,917 milliards de dollars en six ans pour l’Algérie. (Chiffres Banque mondiale)

Pour les autres pays émergents, les réserves de change, après avoir fortement baissé, ont recommencé à croître, mais très faiblement. Pour la Russie, après une forte baisse, ses réserves de change ont remonté, en 2019, et se situent légèrement au-dessus de leur niveau de 2012. Seule l’Inde a vu ses réserves de change augmenter.

Cette baisse des réserves de change pour les pays émergents et exportateurs de pétrole a fortement impacté leur croissance économique. Force de dire que la stratégie de la politique monétaire non conventionnelle a porté ; la Réserve fédérale américaine a réussi à faire fondre une partie importante des réserves de change des pays émergents et exportateurs de pétrole ; pour certains pays émergents, même si leurs réserves de change ont remonté, elles sont revenues pratiquement à leur niveau de 2012-2014 ; ce qui signifie qu’elles ont régressé.

Pour les pays exportateurs de pétrole, la situation sur ce plan est pire. La politique monétaire non conventionnelle ou quantitative easing par « assèchement de liquidités monétaires internationales » à l’échelle mondiale, ce qui passe par une chute baissière du prix du pétrole entre 2014 et 2020, a eu des conséquences négatives sur leurs économies.

 Pour l’Algérie, selon les données fournies par l’APS, on lit dans l’article « PLFC : baisse des réserves de change à 44,2 Mds à fin 2020 » du 03 mai 2020 : « ALGER- Les réserves de change du pays baisseront à 44,2 milliards de dollars d’ici fin 2020 selon les estimations de la Loi de finances complémentaire (LFC) 2020, a indiqué dimanche le ministre de la Communication, porte-parole du Gouvernement. »

Le problème des quantitative easing est qu’ils n’ont pas concerné que les États-Unis, la Banque centrale européenne a aussi mené une politique monétaire non conventionnelle depuis la crise financière de 2008. Les programmes LTRO, TLTRO et QE sont aussi des rachats de titres publics et privés. De même pour les Banques du Royaume-Uni et du Japon qui procèdent aussi à des programmes de rachats de dettes publiques et privés. En fait, ces QE s’inscrivent dans une politique concertée entre les grands argentiers du monde, et reposent tous sur la « création monétaire » et donc ex nihilo (à partir de rien).

Dans ce processus synchronisé par les quatre Banques centrales occidentales, la Fed et la BCE ont un rôle central dans le rachat de titres publics et privés. Pour les titres privés, ils concernent les rachats de prêts hypothécaires auprès des banques, ce qui « allège » leurs bilans, et des dettes des grandes entreprises privées occidentales en besoin de liquidités.

Reste maintenant à comprendre le mécanisme des QE, i.e. comment la situation s’est retournée pour les pays émergents et exportateurs de pétrole, en particulier pour ces derniers puisque les excédents commerciaux se sont transformés, à partir de 2014, en déficits commerciaux. L’année 2014 est en quelque sorte une année-charnière dans ce processus de quantitative easing.

Chaque année, en fonction de leurs déficits commerciaux, ces pays doivent présenter leurs actifs (bons de Trésor américains, européens), en fonction de leurs besoins de liquidités en dollars et en euros, aux Banques SVT occidentales (primary dealers ou Spécialistes en valeurs de Trésor, agrées) ; celles-ci, en échange des titres, alimentent leurs comptes en monnaies centrales, tirées précisément des liquidités en monnaie centrale bloquées et fournies par les quantitative easing des Banques centrales occidentales. Ainsi, à chaque fois que diminuent les réserves de change des pays exportateurs de pétrole, par remboursement par les banques occidentales SVT, diminuent aussi l’endettement extérieur américain et européen. Et c’est valable pour les besoins en liquidités pour les pays émergents qui eux aussi, face aux déficits extérieurs échangent des bons de Trésor, contre des liquidités en dollars, euros… Parfois, en cas d’attaque spéculative, ces pays échangent aussi des bons de Trésor contre des liquidités internationales.

Si on prend l’Algérie qui est assez bien lotie par rapport à d’autres pays, ses réserves de change lui permettent encore de tenir, mais la situation financière se posera en 2023, 2024… La même question se pose pour le reste du monde. Comme l’ont écrit Jeremy Bulow, Carmen Reinhart, Kenneth Rogoff et Christoph Trebesh dans la revue « Financement et Développement » du FMI de Septembre 2020. (Voir plus haut). « La pandémie de COVID-19 a considérablement allongé la liste des pays en développement et émergents en situation de surendettement. Pour certains, la crise est imminente. Pour beaucoup d’autres, seuls des taux d’intérêt mondiaux exceptionnellement bas pourraient retarder l’heure des comptes. Les taux de défaillance augmentent, comme la nécessité d’une restructuration des dettes. Mais de nouveaux défis pourraient compliquer les renégociations si les États et les prêteurs multilatéraux ne proposent pas des outils plus performants pour traiter la vague de restructurations. »

Il est évident qu’il y a une raison à la fermeture du robinet monétaire par les pays occidentaux. Si les banques commerciales occidentales SVT attendent tranquillement que les pays du reste monde leur présentent leurs actifs publics achetés auprès de l’Occident et que celui-ci les rembourse, il reste la question : « Jusqu’à quelle limite une diminution de la dette extérieure américaine et européenne est « acceptable » par les autorités américaines et européennes ? Et qu’elles y mettront un terme. »

Donc qu’en sera cette « acceptabilité » de la diminution de la dette surtout avec le désastre économique que la pandémie a provoqué ? Lorsque une partie du monde dont les pays arabes, d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie ne compteraient que très peu dans l’économie mondiale, et que leurs réserves de change vont en se contractant, et remplacés par les emprunts auprès du FMI ou auprès de la Chine, ces pays devenus endettés voire surendettés importeraient donc au plus ce que leur permettraient leurs recettes issues des exportations de pétrole ou de matières premières au cours baissier, et des emprunts extérieurs qu’ils contracteraient.

Des conséquences graves s’ensuivront. Des importations réduites au strict minimum, une inflation importée du fait de la dépréciation de leurs monnaies due à la baisse des réserves de change, une forte hausse des prix internes et une pauvreté galopante, touchant une grande partie de leurs populations. Sans compter l’instabilité politique et les conflits sociaux internes. Bref un prix bas de pétrole et de matières premières ne leur assurera qu’une existence précaire, pratiquement de survie. Et de l’endettement au surendettement sans sortie de crise. Une décennie 2020 à 2030 plus grave que ne le fut la décennie 1980 ; cette situation de marasme économique toucherait aussi les pays occidentaux, la Chine, sur le plan de la croissance et de l’emploi.

La guerre économique qui oppose les États-Unis à la Chine, et les mesures protectionnistes qui ont suivi, des taxes douanières ne cessant d’augmenter de part et d’autre, vise pour chacun à tirer parti de son commerce extérieur. La Chine profitant du marché américain et du dollar américain tant qu’il est hégémonique puisqu’il lui permet un tremplin pour demain ; les États-Unis, se sachant utilisés économiquement par la Chine pour passer à une étape ultérieure, cherchent, en les paralysant économiquement, à retarder cette étape ; de son côté, la Chine patiente sait qu’à un horizon relativement proche, elle supplantera les États-Unis, dans leur rang de première puissance mondiale.

Précisément, cette situation que vit le monde par la « fermeture délibérée du robinet monétaire » par l’Occident, via les quantitative easing, vise à asphyxier les pays du reste du monde. A voir la Banque centrale européenne qui se lance sans relâche dans le quantitative easing, c’est-à-dire les rachats de passifs auprès des banques SVT européennes et américaines, les actifs étant détenus par les résidents (nationaux) et non-résidents. Les rachats des actifs détenus par les pays du reste du monde sont privilégiés parce qu’ils permettent une baisse de la dette extérieure de la zone euro.

On comprend pourquoi la situation déflationniste de l’économie européenne, entre 2014 et 2019, et les répercussions qu’elle a eues sur le plan mondial. « On n’injecte pas des liquidités pour relancer l’économie européenne et américaine et donc mondiale, on injecte des liquidités « à partir de rien, ex nihilo, pour retirer de la dette occidentale », et donc diminuer les réserves de change détenues par les pays du reste du monde. N’est-ce pas là le privilège exorbitant des grandes Banques centrales occidentales qui seules détiennent le pouvoir d’émission des monnaies internationales ?

Il faut rappeler qu’avant 2014, la forte hausse du prix du pétrole a été une condition sine qua none pour permettre à la Fed américaine d’injecter des liquidités monétaires massives ex nihilo (à partir de rien), ce qui lui a permis de financer les plans de sauvetage et plans de relance votés par la Congrès américain, suite à la crise financière de 2008.

La forte hausse du prix de l’or-métal dont les transactions sont facturées en dollars US a aussi contribué pour l’« absorption » des liquidités monétaires injectées ex nihilo par la Fed. La hausse du prix de l’once d’or a évité que les cours du pétrole atteignent des sommets très élevés, à 160 dollars, 180 dollars ce qui aurait provoqué un krach majeur pour l’économie mondiale. La hausse du prix de l’or a dérivé cette perspective et amorti les flux monétaires injectées par la Fed, la BCE…

Aussi peut-on dire que sans la contrepartie physique qu’est le pétrole (l’or n’étant qu’un adjuvant au pétrole), et sur lequel s’adossent les masses de dollars émis ex nihilo par la Fed, et qui sont demandés par les pays importateurs de pétrole, le dollar ne pourra que se déprécier sur les marchés, provoquant une fuite de capitaux hors des États-Unis. Sans la hausse du prix du pétrole, il est clair que la Fed s’interdira d’injecter massivement des liquidités monétaires ex nihilo à moins de risquer de provoquer un krach du dollar, qui aura des conséquences extrêmement grave pour l’économie américaine et pour le monde.

Bien entendu, des injections monétaires ex nihilo contrôlées sont permises pour la Fed. Dans le cas, par exemple, où le taux de change du dollar se trouve fortement apprécié sur les marchés monétaires, ce qui nuit à la compétitivité des entreprises américaines, la Fed le fait déprécier en augmentant la masse monétaire (ex nihilo). Même processus pour la BCE, la Banque du Japon ou la Banque d’Angleterre. Idem pour la Banque de Chine.

Par ce mécanisme monétaire, on comprend qu’entre 2014 et 2019, la politique de croissance en Occident s’est opérée sur fond de financiarisation en interne. L’Occident limite la planche à billet le plus à son économie à travers le rachat de la masse de dettes occidentales auprès des nationaux et des étrangers que les Banques centrales accumulent dans leurs bilans. Une situation qui fait que cette masse d’argent créé circule essentiellement en interne. Le prix du pétrole qui se situait entre 40 et 60 dollars, durant cette période, avec la fin des QE américains, suffisait comme contreparties physiques aux émissions monétaires de la Fed.

Si la dette publique américaine a encore augmenté entre 2014 et 2019, la dette extérieure en revanche a reculé, et c’est normal au regard de la baisse des réserves de change des pays du reste du monde. Il en va de même pour les dettes extérieures de l’Euro-zone, du Royaume-Uni, du Japon et de la Chine, qui sont tous émetteurs de monnaies internationales.

C’est dans ce discours monétaire bloqué au niveau mondial conjugué à l’antagonisme sino-américain, que fait irruption le « coronavirus », en décembre 2019, qui va changer entièrement les donnes mondiales. Venu du Wuhan, de Chine, en deux mois, le virus Covid-19 s’étend au monde. A partie de cette date, les bouleversements qui ont suivi, les mesures draconiennes de confinement prises un peu partout dans le monde font que l’économie mondiale s’est pratiquement arrêtée, en 2020.

Aussi peut-on que si, entre 2014 et 2019, s’est opérée six années de déflation en Occident, la situation sur le plan financier et monétaire mondial va complètement changer avec ce nouvel arrivant, le Covid-19, sur la scène mondiale, ne cessant de sévir sur tous les aspects de la vie publique et privée dans le monde.

Si le monde a fortement été affecté par la pandémie, par rapport à l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie, c’est l’Occident qui a été le plus touché par la maladie. Les États-Unis, par exemple, ont eu le plus grand nombre de contaminés dans le monde. Plus de 400 millions de cas contaminés et plus de 900 000 décès, en deux ans.

Dans un rapport de la Banque mondiale, on lit : « WASHINGTON, 8 juin 2020 — Le choc massif et brutal produit par la pandémie de coronavirus (COVID-19) et par les mesures d’arrêt de l’activité prises pour l’enrayer plonge l’économie mondiale dans une grave récession. Selon les prévisions de la Banque mondiale, le PIB mondial diminuera de 5,2 % cette année, ce qui représente la plus forte récession planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour la première fois depuis 1870, un nombre sans précédent de pays vont enregistrer une baisse de leur production par habitant, indique la Banque mondiale dans sa dernière édition semestrielle des Perspectives économiques mondiales.

L'activité économique dans les économies avancées devrait décliner de 7 % en 2020, sous l'effet des graves perturbations qui ont frappé l’offre et la demande intérieures, ainsi que les échanges et la finance. Le groupe des économies de marché émergentes et en développement devrait connaître sa première contraction en soixante ans, avec une baisse globale de son PIB de 2,5 %. Les prévisions font état d’une diminution de 3,6 % des revenus par habitant, ce qui fera basculer des millions de personnes dans l'extrême pauvreté cette année.

Les pays les plus durement touchés sont ceux où l’épidémie a été la plus grave et ceux qui se caractérisent par une forte dépendance vis-à-vis du commerce mondial, du tourisme, des exportations de produits de base et des financements extérieurs. Bien que l’ampleur de la crise varie d’une région du monde à l’autre, tous les pays émergents et en développement souffrent de vulnérabilités qui sont accentuées par ces chocs exogènes. En outre, la fermeture des écoles et les difficultés accrues d’accès aux soins de santé primaires auront probablement des effets durables sur le développement du capital humain. »

Il est vrai que le monde entier est touché par la maladie, mais la clé de voûte, ce sont les États-Unis, seuls en mesure de « réanimer » l’économie mondiale. En effet, tout va venir de la première puissance mondiale. Il faut rappeler que la Fed, en plein recul boursier dû à la pandémie, a abaissé, le 3 mars 2020, d’un demi-point son taux d’intérêt directeur, évoluant désormais dans une fourchette comprise entre 1 % et 1,25 %, loin des 2,25 % à 2,5 % atteints en décembre 2018.

Douze jours après, de nouveau, le 15 mars 2020, la Fed abaisse ses taux, et tout en se concertant avec les autres banques centrales, sans attendre la réunion de son comité de politique monétaire, abaisse d'un point son taux directeur ; le taux se situe désormais entre 0 % et 0,25 % ; elle annonce également qu'elle reprenait ses achats de titres sur les marchés, pour au moins 700 milliards de dollars sur les marchés (achat de 500 milliards de dollars de bons du Trésor et de 200 milliards de dollars de titres hypothécaires). Elle annonce par ailleurs une action coordonnée avec les autres grandes banques centrales pour fournir des liquidités en dollars aux marchés.

Il est évident que l’heure est grave pour les États-Unis, et que de gros moyens financiers devaient être mis en œuvre. Devant cet ennemi invisible qui frappe les États-Unis et met de plus en plus l’économie américaine en difficultés, les parlementaires américains débloquent, dans un premier temps, le 5 mars 2020, un plan d’aide de 8,3 milliards de dollars pour financer la lutte contre le coronavirus. La situation pandémique allant en s’aggravant, ils approuvent, le 18 mars 2020, un vaste plan d'aide sociale de 100 milliards de dollars.

Neuf jours après, la situation sanitaire continuant à s’empirer, le Congrès américain ne lésine plus sur le montant à accorder, et le 27 mars 2020, il vote un plan historique de relance de 2200 milliards de dollars pour l’économie. Ce plan est promulgué, en grandes pompes, par le président Donald Trump. C’est dire l’incroyable revirement de la politique monétaire menée par la Fed américaine. Cette fois-ci, elle va financer surtout l’économie américaine, avec des nouvelles liquidités « fraichement émises » et qui ont besoin comme toujours des contreparties physiques (pétrolières et l’or). Sans ces deux « piliers », impossible pour la Fed de financer de pareils montants sinon à provoquer un krach mondial du dollar.

Ce plan nous rappelle les plans historiques de sauvetage et de relance déjà votés en 2008, 2009, 2011 (plan Paulson…) L’Amérique, devenue l’épicentre de la pandémie mondiale, est passé d’un petit plan d’aide de 8,3 milliards de dollars à 2200 milliards dollars, après 22 jours. N’est-ce pas incroyable ? Prodigieux ? Miraculeux ? Les donnes mondiales ont été bouleversées, « fini la déflation ou plutôt elle va progressivement s’estomper et faire place à l’inflation et la montée du prix du prix du pétrole, de l’or… »

Qui est l’instigateur de cette politique macroéconomique aux États-Unis ? N’est-ce pas le Covid-19 ? L’adage « à quelque chose malheur est bon » a tous son sens dans cette pandémie que l’on peut dire « providentielle » ; elle a obligé l’Amérique qui détient la bourse d’argent mondiale à délier les cordons et « sortir » les liquidités nécessaires, pour soutenir l’économie, et se faisant, par les contreparties nécessaires, pétrole en particulier, détenues par les pays du reste du monde, aider financièrement le monde.

Et c’est ce qu’elle a fait la Fed. Les parlementaires américains ont certes voté les plans de soutien et de relance économique, mais ils n’ont pas de « currency board » (caisses d’émissions) pour le financement. Et c’est justement la mission de la Réserve fédérale. Le 11 juin 2020, la Fed annonce qu’elle continuerait à soutenir le système bancaire et rachèterait au moins à 120 MDS d’obligations par mois aux banques, entre 80 milliards de dollars d’obligations souveraines (titres de dette du gouvernement US en bons de Trésor) et 40 milliards de titres privés (prêts immobiliers).

Si on fait le compte des liquidités qu’aura à injecter la Fed américaine : un QE de 700 milliards de dollars (Mds$), plus 8,3 Mds$, plus 100 Mds$ auxquels il faut ajouter 120 Mds$ par mois, soit 1440 Mds$ en un an, ces montants représenteraient au total un QE de 2248,3 milliards de dollars pour 2020. Soit à peu près les plans votés par le Congrès américain en mars 2020. Donc tout le fardeau financier pour l’économie américaine et pour une grande partie du monde repose sur les injections monétaires qu’aura à opérer la Fed américaine.

Qu’en est-il du côté de l’Europe ? Il est évident que dans la gestion financière de l’économie-monde, les grandes Banques centrales occidentales se concertent entre elles pour éviter des fluctuations erratiques des taux de change des monnaies internationales. Tout dysfonctionnement monétaire entre ces Banques centrales se traduirait par un désordre tel qu’il remettrait en question leur « pouvoir monétaire exorbitant » sur le monde.

Si la Fed ne se concerte pas avec la BCE et procède massivement à des injections monétaires massives (planche à billet) donc ex nihilo, et malgré les contreparties physiques que sont le pétrole et l’or, le dollar va se déprécier fortement. Une forte dépréciation du dollar US pourrait entraîner une fuite de capitaux hors des États-Unis et provoquer un krach boursier comme ce qui s’est passé le 19 octobre 1987, le « lundi noir ». Ou encore en 1923, le retrait des capitaux américains a provoqué une forte création monétaire en Allemagne qui, à son tour, a provoqué une hausse exponentielle des prix, qui s’est soldée à la fin par une hyperinflation.

Justement, pour éviter cette situation, trois jours après la décision de la Fed d’injecter 700 milliards de dollars d’achats de titres, la BCE annonce, à son tour, le 18 mars 2020, un plan d'urgence de 750 milliards d'euros destinés à des rachats de dette publique et privée pour tenter de contenir les répercussions de la pandémie sur l'économie. Il s’ajoute aux 120 milliards d’euros annoncés par la BCE, le 12 mars 2020, en guise de mesure de soutien face au coronavirus qu’elle allait injecter sur les marchés afin de soutenir l’économie de la zone euro. En rajoutant ses rachats de 20 milliards d’euros par mois depuis le 1er novembre 2019, l’enveloppe de 120 milliards d’euros débloquée du 12 mars 2020 et le plan d’urgence, la BCE aurait injecté 1150 milliards d’euros.

Mais la situation financière en Europe ne s’arrête pas là face à une crise du coronavirus qui a mis l’économie européenne dans une situation de confinement extrême. Ce qui retentit très négativement sur les entreprises et les ménages. Aussi un autre plan de rachat de dette est mis en œuvre par la BCE. Aussi annonce-t-elle qu’un programme de rachat de dette publique et privée « PEPP », déjà en cours depuis mars avec une enveloppe initiale de 750 milliards d'euros, est augmenté de 600 milliards d'euros et prolongé jusqu'à « au moins fin juin 2021 », contre fin 2020 initialement. L’enveloppe totale passe, de mars 2020 à juin 2021, à 1870 milliards d’euros.

Aux États-Unis, neuf mois plus tard, le 22 décembre 2020, le Congrès américain a approuvé un nouveau plan de soutien de 900 milliards de dollars pour aider les familles et les entreprises. La veille, les médias ont fait état que 14 millions de nouveaux chômeurs américains ont vu leur allocation expirer à minuit. C’est dire la situation catastrophique à laquelle est arrivée l’économie américaine ; les États-Unis comme l’Europe et le monde entier se débat dans une crise sanitaire qui ne s’arrête pas.

Le lancement de plans massifs américains affectera inévitablement la monnaie chinoise. Un excès de masse monétaire en dollar et en euro poussera à la hausse le taux de change du renminbi (yuan) chinois, ce qui affectera le commerce extérieur de la Chine, rendant plus cher les exportations chinoises. Seul moyen pour dégonfler l’appréciation du yuan, les autorités monétaires, i.e. la Banque centrale de Chine, avec l’accord du gouvernement chinois, procèdera comme les autres pays émetteurs de monnaies internationales à une politique monétaire non conventionnelle. En clair, elle mènera un programme de quantitative easing.

C’est ainsi que, deux mois plus tard, le 22 mai 2020, la Chine annonce un plan d’investissement massif d'un montant de 3.750 milliards de yuans (481 milliards d'euros) pour financer les infrastructures et par ricochet la consommation. De plus, le gouvernement chinois a annoncé l’émission de « Corona bonds », un emprunt d'Etat de 1.000 milliards de yuans en réponse à l'épidémie. Avec le déficit public de 1.000 milliards, cet emprunt (128 milliards d'euros) permettra de soutenir l'emploi et les collectivités locales. Et malgré ces mesures, les autorités chinoises ont prié ces dernières de se serrer la ceinture, compte tenu des bouleversements économiques dus à la crise sanitaire. Le taux de chômage en Chine a atteint 6% néanmoins bien moins aux 10% et plus aux États-Unis et en Europe.

De nouveau, avec l’élection de Joe Biden, le nouveau président américain, le Congrès américain adopte, le 10 mars 2021, un plan de relance colossal d’un montant de 1900 milliards de dollars. Si on fait le décompte des montants que la Fed aura à répondre sur les différents plans de soutien, entre mars 2020 et mars 2021, et donc le montant total à injecter, il s’élève à 5048,3 Mds$.

Il est naturel qu’après 2020, une année pratiquement de confinement pour une grande partie du monde, avec des récessions presque généralisées, sauf la Chine dont le taux de croissance a baissé mais est resté positif, l’économie occidentale reparte en 2021avec des conséquences positives pour une grande partie du reste du monde.

Et cela se voit déjà avec l’évolution du cours du pétrole. En effet, si le prix du pétrole a atteint 18,94 dollars le baril, le 21 avril 2020, et ce avec un arrêt presque total de l’économie mondiale, et 36,11 dollars, le 6 novembre 2020, il repartira à la hausse dès janvier 2021. Il est à 57,14 dollars le 12 janvier 2021 ; à 70,45 dollars le 10 mars 2021 ; à 77,81 dollars, le 6 juillet 2021 ; à 86,92 dollars le 27 octobre 2021 ; à 95,33 dollars le 11 février 2022. (Données Site : prixdubaril.com)

Que peut-on dire de cette évolution haussière du prix du baril de pétrole ? Il est clair qu’elle évolue en adéquation, d’une part, avec les liquidités injectées par la Fed dans le cadre des plans de soutien et de relance votés par le Congrès américain, et, d’autre part, avec la reprise économique mondiale. Il est clair aussi que la dette publique américaine a fortement augmenté entre 2020 et 2022. Selon les médias américains, « le Trésor américain a annoncé que la dette nationale des États-Unis dépassait désormais comme délirante de 30.000 milliards de dollars. Un nouveau palier franchi plus rapidement que prévu en raison de la crise sanitaire : la dette a augmenté de 7000 milliards de dollars depuis 2019. »

Sur le plan économique et financier, le problème n’est pas la dette intérieure qui peut être maîtrisable mais la dette extérieure qui fait des pays étrangers des créanciers de l’Occident et de celui-ci ses débiteurs, une situation tenable tant que les pays étrangers demandent des monnaies internationales occidentales. Si, par exemple, ces pays optent pour une autre monnaie internationale, le renminbi chinois, par exemple, et de plus en plus, les investisseurs tournés vers cette monnaie, la situation pourrait alors être périlleuse pour les pays occidentaux. Et c’est la raison pour laquelle, les Banques centrales occidentales ont opté pour des politiques monétaires non conventionnelles, i.e. procéder massivement aux rachats d’actifs de dettes publiques américaines, européennes… détenues par des non-résidents (pays étrangers).

Et, aujourd’hui, avec ces milliers de milliards de dollars injectés par la Fed, et la hausse inévitable du prix du pétrole et de l’or, forcément les pays exportateurs de pétrole vont voir leurs réserves de change augmenter, et c’est une bonne nouvelle pour eux et pour le reste du monde qui profite aussi de cette financiarisation de l’économie mondiale qui booste leurs économies.

Cependant, une question se pose aujourd’hui, et elle est primordiale, une question-phare même pour l’avenir du monde. Si, tout compte fait, la pandémie a « brisé » la politique d’assèchement monétaire du monde par la Fed, mise en œuvre entre 2014 et 2019, et aujourd’hui a débloqué la situation en ouvrant grand la bourse de l’argent, et a apporté de l’oxygène à une situation qui devenait de plus en critique pour les pays du reste du monde, en particulier des pays exportateurs de matières premières, de pétrole, de gaz et produits agricoles, il reste que tout n’est pas gagné pour ces pays.

Certes, les prix du pétrole, des matières premières ont augmenté, et forcément ces hausses vont occasionner à ces pays une hausse de leurs réserves de change via leurs exportations, il demeure que cette situation idyllique de hausse des prix risque de ne pas durer. En effet, depuis l’annonce de la Banque centrale américaine (Fed), le 3 novembre 2021, qu’elle va réduire ses achats d’actifs mensuellement de 15 milliards de dollars entre obligations souveraines et privées, à compter de ce mois, en clair, un « deuxième tapering », signifiant que la réduction de 120 milliards de dollars par mois va se faire progressivement ; à raison de 15 milliards de dollars de réduction par mois, à compter de novembre 2021, le QE de 120 milliards de dollars par mois sera ramené à zéro, à la mi-2022, i.e. en juin 2022. 

Le problème est que « la Fed s’est ravisée » en décembre 2015, elle a indiqué qu’elle cessera ses rachats d’actifs dès mars 2022, ce qui lui permettra de contrer l’inflation qui est élevée. Cela lui permettra de relever ses taux directeurs qui sont aujourd’hui maintenus entre 0 et 0,25% depuis mars 2020. Et donc la situation change totalement pour l’évolution des cours pétroliers. Il est évident que si la Fed, en mars 2022, met fin à ses quantitative easing, le monde reviendra à la situation de l’année 2014 qui a vu les prix du pétrole s’effondrer.

On peut penser que le prix du baril continuera à monter, qu’il pourra aller jusqu’à 00 dollars, mais il ne le demeurera pas très longtemps. Probablement, il va baisser et revenir à ses cours autour de 60 dollars, au deuxième semestre 2022. D’autant plus que ce pronostic est « confirmé » pas la Fed elle-même qui indique que le taux d’inflation va baisser, en 2022, aux États-Unis. Comme on le lit dans l’article du site AGEFI, titré « La Fed cessera ses achats d'actifs dès mars prochain » du 15 décembre 2021 :

« La Banque centrale américaine (Fed) table sur une inflation plus forte que prévu en 2021 et 2022, et a, pour l'endiguer, annoncé mercredi qu'elle cesserait plus tôt qu'anticipé ses mesures de soutien à l'économie, ouvrant la voie à trois relèvements de ses taux directeurs en 2022.

L'inflation aux Etats-Unis devrait être de 5,3% en 2021 et 2,6% en 2022, a indiqué la Fed dans un communiqué publié à l'issue de la réunion de son comité de politique monétaire, quand elle prévoyait en septembre, respectivement, 4,2% et 2,2%.

Pour contrer cette escalade des prix, la puissante institution envisage de cesser ses achats d'actifs dès mars, avec trois mois d'avance sur le calendrier initial. Le ralentissement progressif des achats d'actifs, débuté en novembre, devait en effet, initialement, se terminer en juin. Cela lui permettra ensuite de relever ses taux directeurs, maintenus mercredi dans la fourchette de 0 à 0,25% dans laquelle ils avaient été abaissés en mars 2020, face à la propagation de la pandémie de Covid-19 aux Etats-Unis. »

Dès lors, la fin des 120 milliards de dollars par mois et la remontée des taux d’intérêt directeurs constituera un début de cauchemar pour les pays exportateurs de pétrole et de matières premières, avec de nouveau un endettement ou un surendettement pour les pays qui sont déjà endettés. Ceux qui ne le sont pas les rejoindront avec un décalage de quelques années. La guerre sino-américaine continuera de plus en plus avec des représailles de part et d’autre. Mais si les États-Unis ont l’avantage du « pouvoir exorbitant du dollar », la Chine a l’avantage de sa patience, de sa compétitivité internationale. Sa population active près de 800 millions de travailleurs, laborieux dans leur travail, le renminbi s’internationalise et sa « route de la soie » commencée en réalité bien avant 2013 lui permet de tisser sa toile sur le monde. Ce que ne font pas les États-Unis ni l’Europe profitant uniquement de ce pouvoir de l’argent mondial, qu’ils ont encore entre leurs mains, pouvoir qui risque un jour de changer de mains.

Précisément, un équilibre doit être trouvé à ce dysfonctionnement qui se profile en 2022, avec le deuxième tapering, le premier s’étant opéré en 2014 et s’est terminé en 2019, avec la survenue de la pandémie Covid-19 qui a bouleversé les plans de la Fed américaine. Si le deuxième tapering commence en 2022, cela signifie qu’il va durer surtout que la pandémie mondiale est en train de s’essouffler et tout donne à penser qu’elle est dans sa phase finale. Et donc le 2ème tapering durera plusieurs années du moins tant qu’il n’y a pas d’issue à la confrontation sur le plan économique entre les États-Unis et la Chine.Or, comme « la Nature a horreur du vide », un nouvel acteur se profile déjà à l’horizon, c’est la Russie qui a massé 100 000 hommes à la frontière de l’Ukraine. Les États-Unis ne cessent d’affirmer que la Russie s’apprête à envahir l’Ukraine. Comme le témoigne un message du site 20minutes.fr du 12 février 2022, qui a pour titre « Conflit Ukraine-Russie : L’avertissement de Washington suggère « que Poutine va entrer en guerre ce week-end ou en début de semaine ». On lit :

« L’avertissement est sans équivoque. Les Etats-Unis ont affirmé vendredi que la Russie pourrait envahir l’Ukraine avant la fin des Jeux olympiques, qui se terminent le 20 février, et avoir recours à « des bombardements aériens ». Même si Washington assure ne pas avoir d’élément indiquant que Vladimir Poutine ait arrêté sa décision, 3.000 soldats supplémentaires vont être envoyés en Pologne dans les prochains jours, et de nombreux pays ont appelé leurs ressortissants à évacuer l’Ukraine dans les 24 ou 48 heures. Selon des hauts responsables américains cités sous couvert d'anonymat par l'agence AP, le département d'Etat va annoncer ce samedi matin une évacuation obligatoire des personnels diplomatiques de l'ambassade américaine à Kiev […]

Jeudi, une téléconférence a d’ailleurs réuni une douzaine de dirigeants occidentaux : Joe Biden, Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel, ainsi que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, le président polonais, Andrzej Duda, ou encore le président du Conseil italien Mario Draghi et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau.

Arrivée de nouvelles forces russes

« Nous continuons à voir des signes d’escalade russe, y compris l’arrivée de nouvelles forces à la frontière ukrainienne », a déclaré, Jake Sullivan, selon qui cette invasion peut « intervenir à tout moment », y compris avant la fin des JO. Il balaie ici les spéculations d’observateurs estimant que Vladimir Poutine ne se risquerait pas à irriter son allié Xi Jinping en attaquant pendant les Jeux. Non seulement Moscou a déployé de nouvelles forces, mais des images satellites semblent montrer que des hôpitaux de campagne ont été installés ces derniers jours. » »

Il est évident que ce conflit « entre les États-Unis et la Russie » est ancien ; il date même depuis la dislocation de l’ex-URSS. Les pays d’Europe centrale et orientale se sont détachés de l’ex-aire soviétique et ont rejoint l’aire occidentale. L’Ukraine, depuis la révolution orange fin 2004-début 2005, puis en 2014, s’est détachée, à son tour, de l’aire russe. Puis est venue l’annexion de la Crimée par la Russie, le 18 mars 2014, suite à un référendum unilatéral organisé par le Parlement de Crimée, ne reconnaissant pas les autorités provisoires à Kiev et proclamant la réintégration de a Crimée à la Russie. Les sanctions occidentales contre la Russie, après cette annexion, ont portées entre autres sur ses exportations pétrolières. Les cours du pétrole ont fortement baissé ; des sanctions qui sont allées de pair avec la fin du programme du QE3, en octobre 2014.

La guerre du Donbass a suivi la crise de Crimée, en avril 2014, avec une insurrection armée contre le pouvoir de Kiev. Depuis la situation s’est détériorée et ni le premier accord Minsk 1 signé en septembre 2014 ni les accords Minsk 2 signés en septembre 2015 n’ont réglé la question des deux provinces de la région du Donbass (Donetks et Louganks) ; le conflit perdure entre pro-russe soutenus par la Russie et pro-européens soutenus par l’Occident.

En Biélorussie, depuis les élections présidentielles de 2020, la situation sur le plan politique a aussi changé même si l’ancien régime politique est toujours au pouvoir. Il est évident que l’Occident cherche à « grignoter » l’espace sous influence russe jusqu’à mettre les forces de l’OTAN à la frontière de la Russie et des régimes démocratiques alliés à l’Occident, aux frontières de la Russie. Ce qui aurait une influence inévitable sur la situation interne de la Russie.

On comprend dès lors que se joue, dans le conflit du Donbass, l’avenir même de la Russie. L’intérêt que porte la Russie à l’Ukraine est stratégique. Si l’Ukraine passe à l’Occident, viendra le tour de la Biélorussie, puis l’affaiblissement de la Russie. Quant à l’Occident, il fait miroiter aux masses les avantages de la démocratie sans montrer qu’il vise lui aussi la puissance face à la Russie et la Chine. 

Sur le plan des forces russes massées à la frontière ukrainienne, peut-on penser que la guerre est inévitable ? Elle n’est pas inévitable du moins pour un temps proche. Le conflit va certainement perdurer sur le plan diplomatique ; il est donc peu probable qu’il y aura imminence de la guerre comme l’affirment les États-Unis. Si une invasion est déclenchée, cela viendrait à donner raison à l’Amérique, et la Russie apparaîtrait comme un agresseur.

Aussi les Russes sont conscients de cette situation, par conséquent, ils vont faire perdurer le bras de fer avec les États-Unis, et donc resteront à la frontière de l’Ukraine le temps qu’il faudra jusqu’à ce que pointe une éclaircie.

Quant aux États-Unis, ils multiplient les annonces alarmistes sur une invasion imminente, il est clair qu’ils veulent pousser la Russie à attaquer, ce qui n’est autre qu’une attaque psychologique pour faire tomber la Russie dans le piège d’une guerre entre une grande puissance et un pays qui ne menace pas, si ce n’est un litige sur deux provinces frontalières qui refusent l’autorité centrale ukrainienne.

Donc les Russes ont plutôt intérêt à attendre une éclaircie, et ce sera probablement la guerre mais avec un événement qui la justifierait. Quant à parler de désescalade, elle n’a pas de sens réel tant les enjeux sont considérables. De plus, un retrait des forces russes pourrait porter atteinte à la crédibilité à la Russie ; et plus grave il laisserait le champ libre à l’Occident, qui continuerait une guerre de subversion dont l’enjeu est de faire entrer des pays de l’aire ex-soviétique dans l’aire occidentale.

Côté Occident, sur les conséquences d’une guerre, les États-Unis n’auront rien à perdre puisque ce ne sont pas eux qui sont menacés. Et l’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN. Cependant cette nouvelle menace russe sur l’Ukraine ou une guerre qui suivrait apparaîtrait comme un événement impondérable qui vient à la suite de la pandémie Covid-19. Guerre ou non, cette crise politique majeure peut influer sur les politiques monétaires de la Fed si les États-Unis se trouveraient obligés à financer des dépenses d’armements et d’augmenter le budget du Pentagone pour renforcer les capacités opérationnelles face à la Russie et la Chine.

Et cela déjà s’est opéré, il faut le rappeler, entre septembre et novembre 2017 lorsque la Corée du Nord a procédé aux essais, pour la première fois, d’une bombe thermonucléaire (bombe H), et procédé aussi aux essais d’un missile intercontinental capable de frapper une cible à 13 600 km, ce qui a mis le territoire américain à portée d’une attaque nucléaire nord-coréenne. Ces essais confirmés internationalement ont provoqué un branle-bas de combat aux États-Unis, le danger d’une attaque nord-coréenne devenait une réalité. Que s’est-il passé sur le plan pétrolier ? Les cours du pétrole ont bondi, de 47,80 dollars le 1er septembre 2017 ; à 67,91 dollars, le 1er janvier 2018 ; à 84,77 dollars le 1er août 2018. Ils ne sont redescendus fortement qu’à partir de cette date ; le 1er novembre 2018, le prix du pétrole est à 54,29 dollars. (Chiffres Site : prixdubaril.com)

Il est évident que la Fed a fait tourner la « planche à billet » devant la menace nord-coréenne et financer toutes les dépenses d’une guerre en vue contre la Corée du Nord, ce qui a nécessité des injections massives de liquidités ex nihilo (émises à partir de rien), et de nouveau la hausse du prix du pétrole pour servir de contreparties physiques à ces émissions monétaires. Sans la hausse du prix du pétrole, le dollar dévissera sur les marchés monétaires ; une forte dépréciation du dollar empêchera la Fed d’injecter de fortes liquidités pour financer les dépenses militaires contre la Corée du Nord. On comprend que suite aux rencontres entre Donald Trump et son homologue nord-coréen, Kim Jong-un, que la situation entre les deux pays s’est apaisé ; les prix du pétrole ont commencé ensuite à diminuer, signifiant que la Fed mettait fin à ses émissions monétaires ; le danger étant écarté.

Au final, que peut-on dire des enjeux qui divisent les grandes puissances ? Chacune cherche à avoir l’ascendant sur l’autre ou à tenir en respect l’autre. Pour ce qui est du monde demain, même si le conflit finira par s’apaiser, et il faut le dire que « provisoirement », la crise du Donbass sera simplement reportée compte tenu des enjeux considérables qu’elle revêt entre l’Occident à la Russie, ou que la pandémie finira par s’essouffler, un impondérable est toujours « possible », dans le sens qu’une guerre éclate malencontreusement ou qu’une autre pandémie de portée mondiale survienne ; de nouveau les cartes du monde seront rebattues ; ceci simplement pour dire que le monde n’est pas figé, qu’il avance nonobstant les stratégies des institutions des grandes puissances qui affûtent leurs armes pour dominer le monde.

La vraie domination vient de ces institutions, il faut le dire, se rappeler comment l’Union soviétique est tombée comme un château de cartes, par le seul moyen des politiques de ces institutions – l’URSS a été financièrement asphyxiée et s’est disloquée avec tout son glacis européen, les pays d’Europe centrale et orientale passés en Occident et suivie de la dislocation de la Fédération de Yougoslavie. La seule remarque que l’on peut faire dans ce processus de fin d’une grande puissance est que l’Occident avait pour lui l’histoire, i.e. que l’Union soviétique devait disparaître, et c’est ce qui s’est passé.

Mais « asphyxier » une grande partie du monde, l’Occident n’a pas pour lui l’histoire, bien au contraire, il a l’histoire contre lui. Aussi que des impondérables surviennent « guerre qui changerait le rapport des forces, une nouvelle pandémie mondiale, ou un phénomène qui arrive de portée mondiale », et les Banques centrales occidentales se retrouveront obligés à revoir leurs cartes, leurs politiques, à penser au reste du monde qui n’a pas de monnaies internationales.

N’est-ce pas là un prodige, une Providence ? Combien ces institutions occidentales ne penseront pas au reste du monde, la Providence aura à penser à leur place à ce reste du monde, démuni face à la mainmise occidentale. Et c’est ce qu’on devrait retenir de cette pandémie, un microscopique virus qui, paralysant l’Occident et l’humanité, a obligé les grandes Banques centrales et les parlements des grandes puissances à « mettre la main dans la poche » pour se financer et financer le monde.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective

 


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  • sylvain sylvain 15 février 2022 21:11

    L’amérique se sert du dollar pour se maintenir en tête depuis presque 50 ans malgrès une balance commerciale déficitaire, ce n’est pas une nouveauté, ça l’est plus pour l’europe .

    Concrètement, plus il y a de dette, plus il y a d’argent en circulation, il y a donc toujours suffisament d’agent pour rembourser les dettes, par contre on ne sait pas trop ou il se trouve .Suite a l’émission massive de monaie de la crise covid, des millions de personnes ont sombrés dans la pauvreté, et les riches sont devenus plus riches, il semblerait donc que cet argent soit parti dans les caisses de ceux qui en avaient déja beaucoup .D’un point de vue globale, cette émission monétaire a donc été une redistribution des richesses de ceux qui en avaient peu vers ceux qui en avaient déja beaucoup .

    Du point de vue international, c’est un peu pareil . Tous les pays qui se servent des monnaies internationales sans avoir bénéficié de la manne de la planche a billet devraient voir leur réserves dans ces monnaies se déprécier, ils vont donc payer l’émission monétaire, comme tous ceux qui n’ont pas profités de cette émission

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