Sarkozy : je suis venu vous dire que je m’en vais

L’image de campagne choisie par le président semble dire des choses. N’importe quel sémiologue sait que les images ont un impact, une influence. Des sociétés entières se sont même disputées sur la question de la représentation et des images. La querelle des iconoclastes est loin derrière nous. Nous évoluons dans un univers d’images devenues aussi banales que l’air que nous respirons. L’image illustre mais sert aussi à influencer. Les publicitaires l’ont compris. Une image sert à vendre un produit ou un candidat. Si l’image influence, c’est qu’elle agit sur la perception en contournant le circuit linguistique pour atteindre un dispositif qui, sans être objectivement rationnel, n’en reste pas moins cognitif. L’image véhicule du sens et s’offre à la libre interprétation telle l’œuvre ouverte chère à Umberto Eco. L’affiche de campagne choisie par Nicolas Sarkozy est si sobre, saugrenue et inattendue qu’on se demande bien quelle signification accorder à ce visage d’un candidat perdu sur l’océan et regardant dans le vide. Eh bien je vais vous répondre. Cette affiche montre un type perdu sur l’océan qui regarde dans le vide.
Mais un type ne peut pas voler sur l’océan. Il y a forcément un navire dont on devine qu’il incarne le capitaine. Est-ce un yacht prêté par Bolloré, un navire de la flotte Costa croisière, le Titanic ou alors un trimaran prêt à foncer dès que les vents seront favorables. Et ce regard qui fuit vers un horizon que seul le président peut voir. Détail important, Sarkozy ne regarde pas les Français. Est-ce à dire qu’il ne peut plus voir les Français ? Ou bien qu’il s’en fout et qu’il pointe son œil vers une destination privée qui ne nous regarde pas. Comme s’il voulait nous dire adieu. En nous disant, soyez forts, l’épreuve sera difficile, surtout que je m’en vais. On pourrait faire un test. Placer dans le lecteur un CD de Gainsbourg, sélectionner cette merveilleuse chanson venue te dire que je m’en vais, monter le son et fixer son regard sur l’affiche de Sarkozy. Pour vous faciliter la tâche, cliquez ici et écoutez en regardant l’affiche de campagne. L’effet est saisissant.
Le slogan placé sur l’affiche pourrait être revu et remplacé par « la force solitaire ». Il semblerait que Sarkozy soit de plus en plus isolé. Des tas de petits détails dévoilent que Sarkozy a autant déçu les Français que les membres de son camp. Beaucoup de petites déclarations montrent la distance prise sur des sujets par des personnalités de l’UMP. François Fillon a récemment déclaré qu’il ne faut pas faire du référendum un banal outil de politique et s’en servir à mauvais escient. Alain Juppé envoya en son temps quelques sévères réserves sur la voie prise par le président. Les députés sont visiblement fâchés avec la TVA sociale. Et d’ailleurs, Henri Guaino piqua une colère sur un plateau après avoir été questionné sur ce sujet. Mauvais signe aussi que le ralliement de Christine Boutin et Hervé Morin. Difficile de représenter la force quand vous êtes rejoint par des loosers et que ceux qui comme Jean-Louis Borloo ont la gagne dans les tripes, s’en sont allés vers d’autres horizons. On dirait que le fantôme de Ségolène Royal plane sur les épaules de Nicolas Sarkozy. On sait en effet que la candidate socialiste a énormément souffert de la désunion de son camp et du manque d’investissement de ses coreligionnaires du PS. Les partisans passionnés du président ne sont pas nombreux. On peut compter sur Xavier Bertrand, Benoît Apparu, Nadine Morano, Valérie Pécresse et quelques suiveurs ne sachant même plus pourquoi ils font de la politique. Jean-François Copé est le plus fidèle de ses supporters, mais fidèle surtout à lui-même pour un rendez-vous qu’il s’est fixé en 2017. François Baroin aurait été baptisé « la voix de son maître » à l’époque du gramophone mais c’est Nathalie Koscuisko-Morizet qui sera porte-parole. Un choix étrange que celui d’une blonde neurasthénique qui ne sait pas marcher droit sur ses talons et qui ne sait même pas écrire intelligiblement comme on s’en aperçoit en lisant son blog. Image servie comme oracle d’un président rêvant secrètement de se casser la gueule. D’autant plus que la France forte fut aussi le slogan de campagne d’un président Giscard échouant en 1981 dans sa réélection face à un socialiste qui ressemblait étrangement à François Hollande.
Et comme dirait Marx, tout revient sous forme de comédie. Gageons que les militants socialistes sauront jouer la farce tranquille et qui sait, détourner cette image de campagne en la sonorisant sur youtube avec comme bande son la chanson de Gainsbourg.
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON