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Souvenir d’Egypte après avoir vu « Le Caire confidential »

« Le Caire confidential » n’est pas un grand film, mais c’est un bon film. Disons qu’il arrive à se dépatouiller de quelques ralentissements grâce à un début et à une fin sans reproches. Dès les premières images, j’ai pensé à l’ambiance étouffante des rues de « Blade runner ». Ici, évidemment, le contexte est différent mais toute cette poussière, ces ocres, ces phares, cette foule, créent une sorte d’enfer moderne qui est celui des pays pauvres.

Il est certain que ce n’est pas le syndicat d’initiatives du Caire qui a commandé ce film. Tu le vois, tu restes chez toi. Même à Saint-Denis.

L’histoire de « Le Caire confidential », type du film noir, est celle d’une enquête menée par une police corrompue.

Mais laissons là le film, pour l’instant, car j’aimerais le comparer à « The circle », qui n’a pourtant rien à voir. Du moins, en apparence, car ces deux films sont au cœur des dangers qui nous bouffent.

Non, je pensais à mon seul et unique voyage en Egypte, il y a une trentaine d’années en un temps où déjà, le terrorisme rendait le déplacement inquiétant.

Me voilà donc au Caire avec mon ami, ville détestable, polluée, crade. Avec un groupe de touristes ce qui n’arrange rien. Le pire moment étant celui des repas dans ces restaurants bruyants et médiocres.

Comincia bene.

Heureusement qu’il y avait eu le musée du Caire. J’ai été à dix centimètres, compressée par une foule avide, du fameux sarcophage de Toutankhamon. C’est un peu comme le « David » de Michel-Ange. On a beau avoir vu ces œuvres dans mille et une reproduction, l’original vous saisit à la gorge et au ventre et définit pour toujours, en vous, qui restera comme une connaissance nostalgique, car on ne peut passer sa vie à côté de ces chefs-d’œuvre, le mot « sublime ». Le même choc m’était arrivé à la gare d’Orsay quand je m’étais trouvée, après des œuvres de peintres signées Renoir et Manet, face à l’œuvre d’un demi-dieu  : Van Gogh. Là, aussi, j’avais été traversée.

Mais revenons à l’Egypte.

Il y avait eu aussi, l’énorme, la terrible, la pitoyable déception des Pyramides.

Je ne sais pourquoi je les imaginais en plein désert. Mais non, elle étaient dans la banlieue de ce Caire poussiéreux, entourés de cars vrombissants, couvertes de tous les touristes de la terre.

Et nous voici enfin sur un de ces bateaux qui vous emmènent en croisière sur le Nil. Là aussi, le matériel étant moyen-moyen, on cherche en vain l’émotion des romans d’Agatha Christie. Le luxe de la piétaille touristique est relatif. Mais bon, on survit.

Jusqu’à la seconde nuit, à 5 heures du matin où soudain, un choc. Le bateau s’est enlisé sur un banc de sable !

On est resté là un jour à attendre. J’ai même vu, ce qui a au moins amusé la journée des naufragés, un homme, sur cet énorme bateau, faisant passer à un autre, sur le rivage, un gros cordage pour le faire coulisser autour d’un palmier et tirer le tanker ! ce n’étaient pas des descendants des constructeurs de pyramide !! 

Rien de neuf pendant la nuit et soudain à 4 heures du matin, réveil général, on allait traverser le Nil en barque avec nos bagages et rejoindre un bus qui nous amènerait à Thèbes. Avec un conseil : « Baissez la tête car il y a parfois des terroristes dans les roseaux ».

So exciting !

À Thèbes, on est obligé de reconnaître, il y a du beau matériel. Oui, ces anciens Egyptiens avaient un sens du grandiose qui manque tragiquement à nos gratte-ciels géométriques. Presque tout est cassé mais le peu qui reste vous emporte on ne sait où. Dans ce mystère où l’on vit vraiment.

Quand arrive le summum du voyage : l’excursion vers Abou-Simbel. J’avais hésité, vu le prix, à souscrire à cette babiole, mais aller en Egypte et ne pas voir Abou-Simbel, cela se conçoit-il ? (Non, d’après les guides !)

On nous amène donc vers un petit aéroport, vers un avion pour une centaine de personnes qui semble un survivant du tournage de « Dunkerque ». En montant là-dedans, en attendant son vrombissement explosif, je pense aux meilleures heures de ma vie, je me concentre sur le bonheur passé et…miracle, nous nous posons, en sautant trois ou quatre fois sur le tarmac.

Et la foule descend. Une bonne centaine de gugusses habillés en touristes modernes, la mode la plus atroce qui ait jamais été inventée.

Comme c’est romantique cette excursion !!

D’autant plus qu’on aperçoit à cent mètres, une énorme coque en béton…qui protège le fameux temple….

On aura tout eu.

Et enfin on arrive au bout du chemin et là, il y a du sable, comme sur les belles images d’antan et là, en prenant du recul, on voit Abou-Simbel.

Abou-Simbeau ! Pardon de ce jeu de mot foireux, mais je cherche à dissimuler mes larmes, mon cœur raide d’amour, mon émotion infinie, devant tant d‘immensité, de beauté, de goût, de perfection, de lumière ! On est au paradis où même les dieux sourient…

Certes, du temps des pharaons, ils avaient des esclaves.

Mais entre être esclave sous Abou-Simbeau et sous Macron, franchement, il n’y a pas photo !

(Avantage aux hiéroglyphes !)


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16 réactions à cet article    


  • Plus robert que Redford 16 août 2017 18:03

    « On a beau avoir vu ces œuvres dans mille et une reproduction, l’original vous saisit à la gorge et au ventre et définit pour toujours, en vous, qui restera comme une connaissance nostalgique »

    A vous lire, me voilà transporté 18 ans en arrière, un soir d’une de ces rencontres parents-profs au collège de ma fille. Pas drôle pour les parents, j’imagine ce que les profs, de leur côté doivent ressentir au cours de ces confrontations (mais je vous sais parfaitement au courant).

    Donc, me voilà devant la prof’ d’histoire à deviser de banalités séantes à ce genre d’entretien, quand, au cours de la conversation, je ne sais comment, j’en suis venu à évoquer l’éblouissement qui m’a frappé à la contemplation d’une statue de femme voilée au musée du Louvre.

    Boum !

    j’avais déverrouillé l’armure et cette dame s’est mise, pendant de longues minutes, à m’expliquer le sens du terme « Emotion Artistique » qu’elle même avait ressentie à la contemplation du fameux sarcophage au musée du Caire.

    Nous avons « échangé » pendant un bon quart d’heure, au grand dam des autres parents qui attendaient leur tour...

    Pas grâve, je repense toujours à cet instant avec grande nostalgie

    Merci pour ce moment !...


    • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 16:09

      @Plus robert que Redford


      merci de partager votre souvenir car raconter le mien était aussi une façon d’éveiller les autres...pour mon plaisir aussi !

    • Decouz 16 août 2017 18:50

      Deux auteurs qui parlent bien de l’Egypte , il y en a d’autres mais j’affectionne particulièrement ces deux :
      -Cossery (sur les pays arabes aussi, caustique, lucidité impitoyable, absurde, loufoque), même s’il a passé une grande partie de sa vie en France, dommage qu’il n’ait pas écrit sur Paris, il se serait fait sûrement des ennemis.
      -Et Alaa El Aswany, un peu dans la continuation de Naquib Mahfouz, il a aussi écrit des chroniques politiques.


      • FritzTheCat FritzTheCat 16 août 2017 19:34

        Je ne voyais pas miss Walter adepte du voyage en groupe, de mon point de vue le voyage style moutons ne colle pas avec notre groupie Mélanchoniste... :)
        .
        Quoiqu’il en soit la miss semble un poil surprise que l’Égypte ne soit pas au standard de propreté de nos grandes « démocraties ». Ben faut sortir un peu ma petite dame et personnellement pour avoir traîner dans pas mal de pays d’Amérique du sud, en Asie du sud est, en Chine, au Maghreb... ce qui les caractérise tous, c’est que c’est poussiéreux, ça pue et c’est crade. Ben ouais, c’est comme ça le tiers monde, si on veut de la propreté faut aller en Suisse, en Allemagne, en Autriche...
        .
        Maintenant, le topo fait par miss Walter concernant l’Egypte et limiter ses trésors à Abou Simbel me semble un peu réducteur. Le temple de Karnak, Louxor, les colosses de Memnon, le temple de Philae, les Pyramides (reste un must malgré ce que vous en dites), le Temple d’Hatchepsout... bref la richesse est telle que Abou Simbel, est certainement une oeuvre majeure, mais pas que !!!


        • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 16:08

          @FritzTheCat


          C’est un voyage lointain. J’avais été invitée et , à l’époque, seuls les voyages en groupe organisés se concevaient. Non, je n’aime pas ces voyages.
          « Il faut un peu sortir ,ma petite dame »..., vous êtes bien gentil mon bon monsieur mais pendant plus de dix ans de ma vie, toutes mes finances sont passées dans la construction de mon « home, sweet home » et je peignais et carrelais plutôt que de découvrir la misère universelle !!

          Disons que le cadre d’Abou-Simbel le rend exceptionnel, sa masse, sa couleur. Le reste est très beau mais cette impression soudaine je ne l’ai ressentie que là.

        • AmonBra QAmonBra 16 août 2017 20:34
          Merci @ Ariane pour le partage.

          Vous nous nous offrez encore une lecture rafraîchissante d’un film ayant ravivé d’anciens souvenirs d’Afrique, mais attention aux mythes :

          (. . .) « Certes, du temps des pharaons, ils avaient des esclaves. » (. . .)





          • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 16:00

            @QAmonBra

            Les mystères du passé ! la construction de ces pyramides donnant encore lieu à mille hypothèses. Le dernier doc que j’ai vu disait carrément qu’une telle précision face aux étoiles était impossible à la main humaine...Rêvons...

          • sls0 sls0 17 août 2017 01:18

            Il n’y a pas eu d’esclaves en Egypte avant la période grecque.

            Les bâtisseurs de pyramides étaient très biens nourris par rapport aux critères de l’époque.
            Les esclaves en Egypte c’est dans la bible.
            Après Josias il y a un peu de vrai, avant c’est une histoire inventée.
            Pour l’histoire d’Egypte il vaut mieux se baser sur de l’égyptien ça ne manque pas et on fait des découvertes encore de nos jours.

            • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 15:58

              @sls0


              je vous avouerai que j’ai utilisé le mot « esclaves » comme dans les croyances populaires et les films américains... Oui, ce n’est pas une superbe référence !

            • nono le simplet 17 août 2017 05:48

              j’ai été en Egypte en 1988 et mes souvenirs sont identiques sur le musée du Caire ou les pyramides ...

              je n’ai pas visité Abou-Simbel mais je garde le souvenir émouvant de Philae, le charme de l’hôtel Old Cataract d’Assouan ...
              et une soirée passée sans guide, à 4 français, dans les ruelles débordantes de vie où nous avons été très bien accueillis ...

              • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 15:57

                @nono le simplet

                Le genre de ce voyage « organisé », ce que je déteste, coupe évidemment de tout contact avec la population. Je me souviens d’avoir été outrée car les guides nous interdisaient d’acheter des souvenirs aux marchands à la sauvette pour nous amener dans les grands magasins où ils avaient un pourcentage. Comme j’avais acheté quelque chose malgré leur interdiction, ils m’avaient fait comprendre que eux, quand je serai partie , auraient à supporter l’assaut de ces vendeurs. Malaise...

              • Gabriel Gabriel 17 août 2017 09:19
                Bonjour Ariane,

                Au cas ou cela vous intéresserait quelques photos d’Egypte...

                https://www.gabriel31.com/egypte


                • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 15:55

                  @Gabriel


                  Oui, cela m’intéresse beaucoup. Merci.

                  Il y a eu des fulgurances dans ce voyage. je l’avais beaucoup rêvé. Trop peut-êre car nous arrivons toujours ,vers les terres que nous ignorons avec nos images et nos histoires inventées. Nous sommes tellement impatients de beautés et de vertiges !!

                • JC_Lavau JC_Lavau 17 août 2017 14:24

                  Le carton des photos d’Egypte a été volé depuis longtemps. C’était en 1951, au temps du roi Farouk.

                  Les pyramides étaient bien alors dans le désert qui domine la ville. Mais on pouvait louer une tente pour la journée. Papa avait fait une photo à la Lune du Sphinx, pose d’une minute.
                  De Deir el Bahari ou plutôt de la Vallée des rois aux colosses de Memnon et à Louxor, le trajet était à dos d’âne, et épouvantable pour mes jeunes fesses (pas d’étriers, et le trot d’un âne est très sec).
                  L’île de Philae existait encore. Abou Simbel était encore à sa place multimillénaire. Dans une carrière de syénite, un naja avait serpenté.
                  Le barrage d’Assouan était celui construit par les anglais.
                  Au bord des champs de coton où travaillaient les enfants, une locomobile abandonnée.
                  Mais l’usine de tissage tissait de la rayonne, pas du coton.

                  Aucune espèce de foule alors au musée du Caire. La chambre de Tout Ankh Amon vide, je l’avais visitée. Ce qui m’avait le plus frappé dans ce musée, était les « lits » de sieste tressés : pieds hauts, et support en croissant perché pour la tête.

                  Dans le Delta, vu deux hommes faisant monter l’eau en actionnant une vis d’Archimède à la manivelle. Ailleurs c’étaient deux gamoussa qui marchaient en rond pour pomper l’eau.

                  En 1951, je n’ai vu qu’une seule femme entièrement voilée, dans le Mouski.

                  Faire caca sur les rives du Nil était courant.

                  C’était dans les pelouses du Sporting club que j’ai vu des huppes fasciées pour la seule fois de ma vie. Elles hivernaient là.

                  Pas de violences entre élèves au « Lycée Franco Egyptien » de Zamalek, pas de harcèlement des boucs émissaires. De toutes les classes primaires fréquentées, c’était bien là la seule exception. En revanche l’institutrice de français était une pauvre névrosée, énervée et colérique.

                  Depuis le Caire, je parle l’âne avec un accent très fidèle : c’était la même charrette à âne pour les ordures qui me réveillait à 7 h 30, puis qui passait plus tard devant l’établissement.

                  • Ariane Walter Ariane Walter 17 août 2017 15:52

                    @JC_Lavau


                    Quand les souvenirs lèvent des souvenirs, quel plaisir de les partager ! Merci !!

                  • JC_Lavau JC_Lavau 17 août 2017 16:36

                    @Ariane Walter. Il y avait aussi, je ne saurais plus dire où (en haute Egypte, à Deir el Bahari ?), deux tronc d’arbres silicifiés. « Pétrifiés » disait ma môman, qui pas plus que moi n’avait idée de quand ; naïvement, je me suis imaginé qu’ils dataient de l’Antiquité égyptienne.


                    La conquête de la perception des temps géologiques prend du temps dans la vie d’un homme. Quiconque a fini par y acquérir de la maîtrise passe aussitôt pour un extraterrestre auprès du grand public, des agoravoxiens par exemple.

                    Certains archéologues datent le Sphinx d’une civilisation bien antérieure à l’Ancien Empire. Je n’ai plus d’autres nouvelles.

                    La circulation au Caire, c’était quéqu’chose, entre maladroits décontractés... Les autobus avaient des poires manuelles, et chaque chauffeur avait son rythme particulier : Pou ou it !
                     
                    Joseph Davidovits prétend qu’une pierre sur deux de la Grande Pyramide était coulée sur place, mais les analyses minéralogiques sont sévèrement interdites de nos jours. J’ai découvert le procédé pour imiter la céramique opaline des « vases murrhins », dont Pline mentionne le cours exorbitant à Rome. Brevet rédigé, mais invention de service, et au final mon nom n’y figure même pas. Le silicate de soude était parfaitement connu sous l’Ancien Empire, et il intervient dans la fritte qui a longtemps intrigué les archéologues, avant d’être finalement reconstituée par des céramistes.

                    Sous l’Ancien Empire, le fer était inconnu dans les outils. Ils n’avaient que des haches de pierre ou de bronze. Quelques rares poignards et bijoux en fer ou plutôt ferro-nickel sont connus : ils étaient battus à partir de météorites. Le fer est arrivé avec les Hyksos.

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