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Accueil du site > Tribune Libre > SYRIE : une escalade tragique

SYRIE : une escalade tragique

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Depuis plusieurs mois, les islamistes reculaient en Syrie et en Irak. Le rapprochement de Poutine et d’Erdogan avait permis d’importantes avancées militaires au Nord pour les Turcs et leurs alliés, à Palmyre et Alep pour les Russes et le régime. Plus à l’ouest les Kurdes soutenus par les occidentaux avançaient, menaçant Raqqa et Mossoul en Irak. La presse nous a rendu compte du drame humain accompagnant la prise de l’est d’Alep, elle était bien plus discrète sur les morts civils de Mossoul.

Pas plus Moscou que Washington ne cherchaient l'escalade en Syrie. Américains et Russes sont confrontés au même problème : comment préserver au maximum les structures de l'Etat syrien – pour ne pas fabriquer une situation à la libyenne – tout en s’efforçant de favoriser un dialogue politique entre le régime et une partie de la rébellion.
 

 Trois forces cohabitaient plus qu’elles ne collaboraient contre l’ennemi. Certes il y avait des zones d’ombre et parmi elles le sort des disciples de Ben Laden, Al Qaeda, Al nosra relookée Hayat Tahrir al-Cham. Soutenus pendant longtemps par les monarchies du golfe, la Turquie et sans doute les occidentaux, ces islamistes qui faisaient du bon travail selon Fabius, se retrouvaient plus isolés que jamais. Ils sont présents surtout dans le Nord-ouest de la Syrie, c’est dire dans la région d’Idleb et là ils combattent plus qu’ils ne cohabitent avec la faction pro turque (ASL et autres rebelles).

C’EST DANS CETTE REGION QUE LA CRISE CHIMIQUE A EU LIEU …

L’opinion publique ne réagit que si l’arme chimique est utilisée. Qu’importe si des enfants meurent par milliers et si l’utilisation de bombes au chlore n’est plus à prouver…Y aurait-il les mauvaises et les bonnes morts ?

Image terribles d’enfants assassinés ; mais qui est le coupable ?

La Syrie a elle-même confirmé qu'un de ses avions avait frappé mardi matin Khan Cheikhoun, la Russie a donné la même information. Bref, personne ne conteste la réalité d'une frappe aérienne ce matin-là ni l'émergence immédiate de deux énormes nuages au sol consécutifs au passage du chasseur bombardier.

Deux hypothèses : soit l’avion syrien a lâché un missile avec du gaz neurotoxique dedans en violation de toutes les conventions internationales – et plus encore de l’accord conclu en 2013 entre Moscou et Washington et par lequel la Russie s’engageait à vider toutes les armes chimiques et bactériologiques de Syrie. Deuxième hypothèse, l’avion a frappé un dépôt contenant un gaz neurotoxique du type sarin.

Il y a encore des armes chimiques en Syrie –soit aux mains du régime, soit dans des régions contrôlées par la rébellion.

Les occidentaux ont d’emblée refusé la première hypothèse mais ils sont incapables de fournir la preuve du contraire.

La culpabilité du régime Assad bute sur l’intérêt d’une attaque chimique. Assad serait donc assez bête pour perdre tous les avantages de sa situation. A qui profite le crime ? A al Nosra, pas au régime.

L’aviation aurait donc bombardé un site chimique. Le régime disculpé ? Pas si évident. Il est difficile de croire que la localisation du site chimique puisse être ignorée de l’armée syrienne.

Autre possibilité, une bavure de faucons syriens ?

L’'ensemble de l'appareil militaire syrien – ou se mêlent des milices nationales étrangères – n'obéit pas à une chaîne de commande unifiée et rationnelle. C'est d'ailleurs un des points qui n'a cessé d'irriter les Russes en Syrie. A chaque fois que l'armée syrienne a eu l'avantage sur le terrain, elle en a profité pour multiplier les attaques aux barils d'explosifs, ou à l'artillerie lourde sur des zones urbaines, comme si le régime était incapable de capitaliser politiquement sur ses succès militaires. 

On ne peut exclure une "bavure" de l'aviation syrienne, on ne peut exclure la thèse du gros dépôt de gaz touché au sol.

Le coupable doit être identifié et condamné : Assad, Al Nosra, les services secrets d'un pays acteur.. 

Occasion inespérée de mettre en place une enquête internationale ?

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont proposé au Conseil de Sécurité des Nations unies une résolution condamnant l'attaque chimique. Les trois pays ont imputé aux forces loyales au président syrien Bachar al Assad la responsabilité de l’attaque. Le projet de résolution, consulté par Reuters, entend voir le gouvernement syrien fournir aux enquêteurs internationaux les plans et registres de vols de son aviation, le nom des chefs d'escadrons de ses hélicoptères et laisser les enquêteurs accéder aux bases aériennes d'où aurait pu être menée l'attaque chimique.

« Le texte présenté est catégoriquement inacceptable. Son défaut est d'anticiper les résultats de l'enquête et de désigner des coupables", a expliqué Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, dans des propos rapportés par l’agence Interfax. Cette dernière a notamment indiqué que le projet de résolution était basé sur une information "erronée" et était "anti-syrien".

Qui porte la responsabilité du blocage ? Pourquoi ne pas s’etre contenté de mettre rapidement en place une enquête ?

 

 

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/syrie/live/2017/04/07/syrie-posez-vos-questions-sur-les-frappes-americaines-contre-le-regime-d-assad_5107340_1618247.html#d8EBzHXRtdj64wcX.99

La réaction américaine

Trump a averti la Russie avant l'opération il a indiqué quelle base aérienne était visée. Il ne voulait pas faire de victimes russes pour ne pas dégrader davantage sa réaction avec Moscou. Il sait que toute solution à la crise syrienne passe par la Russie et doit être recherchée avec Vladimir Poutine. Il n'ignorait pas que les Russes préviendraient l'armée syrienne. Mais son objectif était moins militaire que politique, il s'agissait d'adresser un message politique avant tout. 

 La cible visée est l'aéroport militaire de Shayrat près de Homs d'où seraient partis les avions syriens responsables de l'attaque chimique. Il y aurait des morts parmi les civils la Syrie a reconnu avoir évacué militaires et matériel. Mais pas autant que lors d'une précédente attaque américaine - « une bavure » selon Washington - en septembre dernier qui avait tué plus de 70 soldats loyalistes près de Der ez-Zor.
 http://www.lemonde.fr/syrie/live/2017/04/07/syrie-posez-vos-questions-sur-les-frappes-americaines-contre-le-regime-d-assad_5107340_1618247.html#d8EBzHXRtdj64wcX.99

 

Trump s’adresse aux Américains, il veut rallier les faucons républicains du congrès , MC Cain en tête .

De fait, depuis qu'il est entré à la Maison Blanche, il a semblé prendre ses distances avec la Russie, comme pour éloigner ces soupçons ou l'idée d'une éventuelle connivence avec le Kremlin durant la campagne électorale. 

Les risques sont pourtant considérables.

En se lançant dans une opération militaire d'envergure en Syrie - certains réclament carrément de clouer au sol l'aviation syrienne -, les Etats-Unis prendraient le risque de se heurter - cette fois - frontalement à la Russie, qui a installé des systèmes de défense anti-aérienne (S-400 et S-300). Or Washington a besoin de Moscou pour continuer d'avancer dans l'est syrien où un millier de conseillers militaires américains sont déployés au côté des miliciens kurdes en vue de reprendre Raqqa. Ce sont autant de cibles potentielles en cas d'escalade de la violence. Et puis, il n'y a pas que des soldats russes sur les bases aériennes syriennes, des Iraniens y sont positionnés. Avec le risque en cas de victimes iraniennes que Téhéran riposte, selon un mode d'action qui lui est coutumier : la riposte asymétrique contre des cibles américaines en Syrie ou ailleurs

http://www.lefigaro.fr/international/2017/04/07/01003-20170407ARTFIG00057-syrie-des-frappes-americaines-ciblees-aux-consequences-incertaines.php

La France quant à elle n’a rien compris, la Hollandie reprend son discours va t en guerre Rappelant la position française en 2013 – qui voulait frapper le régime syrien après une attaque avec des armes chimiques près de Damas –, le premier ministre, Bernard Cazeneuve, en visite au Maghreb, a lancé : « Nous constatons que notre ligne était la bonne et qu’on se réveille, tant mieux. »

 Ce n’est pourtant pas Assad qui lance ses tueurs et les camions fous à Nice Londres et Stockholm…

https://www.franceculture.fr/emissions/journal-de-22h/syrie-le-bombardement-chimique-de-khan-cheikhoun-suscite-de-nouvelles

La Chine a appelé à « éviter toute nouvelle détérioration de la situation » en Syrie, tout en condamnant « l’usage d’armes chimiques, par n’importe quel pays, organisation ou individu, et quelles que soient les circonstances et l’objectif ».

Il sera bien difficile à l’occident de prétendre défendre le droit international après l’avoir violé. Seul un mandat de l’ONU légitime le droit d’ingérence et les Etats Unis ne l’ont pas. Nous nous retrouvons dans la situation de 2003 mais avec Hollande, pas avec Chirac.

L'ex-secrétaire d'état américain, Colin Powell, avait avoué, le 8 septembre 2005, que son discours de février 2003, devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, était une "tache" dans son dossier : un tissu de mensonges d’État pour "légitimer" la destruction de l'Irak. Durant 80 minutes, Colin Powell avait accusé l'Irak de Saddam Hussein de détenir des armes de destruction massive (ADM), preuves, soi-disant, à l’appui. Même scénario en 2017 avec les photos de l’ambassadrice.

Rappelons-nous de la guerre civile en Serbie et de l’ingérence occidentale pour permettre l’indépendance de la province autonome du Kosovo. Quelques années après Poutine a profité de cette violation du droit international pour intervenir en Géorgie et par la suite pour organiser en Ukraine, la sécession de la province autonome de Crimée.

 Une intervention militaire en Syrie contre le gouvernement officiel peut demain permettre à la Russie de faire de même en Ukraine.

Les situations sont différentes ? En quoi ?… Les occidentaux n’ont plus le monopole de la légitimité.

La Chine a appelé à « éviter toute nouvelle détérioration de la situation » en Syrie .

Une occasion pour les Français de distinguer parmi les candidats les gribouilles des hommes d'Etat


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5 réactions à cet article    


  • GHEDIA Aziz GHEDIA Aziz 8 avril 2017 18:32

    Tout à fait clair ! Merci pour cette analyse judicieuse. Malheureusement, les officiels français n’ont pas cette perception des choses et des évènements...


    • aimable 9 avril 2017 10:51

      @GHEDIA Aziz
      les officiels Français comme les Américains veulent tellement justifier l’envoi d’armes a des victimes et non a des terroristes, donc a partir de ce constat , tous les évènements douteux pourraient êtres attribués a eux et a leurs complices sur le terrain, sans trop de risques de se tromper !


    • velosolex velosolex 9 avril 2017 11:24

      Au moins votre article est impartial et assez complet, ce qui change de la coutume habituelle en ce site, où il n’est pas difficile de savoir dés les premières lignes, comment la cohérence va être réduite en bouillie, à travers toute une série d’adjectifs distribués vers un seul bloc, comme à l’époque de la guerre froide. Voir les articles de la camarade Néant sur le Dombass...C’est vrai que le climat s’est refroidi aussi, et que les imbéciles se rassurent avec un oeil borgne. 

      Personnellement, sans être un va t’en guerre, je me suis réjoui comme tant d’autres de cette frappe. Bachar s’est trop régalé en jouant au jeu « du chat perché », se croyant protégé par Poutine. Comme d’autres, vous parler de l’incohérence de cette frappe, pour dire que ce ne peut être Bachar. On dira qu’il paye au moins pour celles d’avant, et sans doute pour la présente. Lisez donc cette belle fable de la fontaine, ou un scorpion qui se noie demande à une grenouille de le sauver. Celle ci s’exécute, mais au milieu de la rivière, le scorpion, sur son dos, la pique mortellement...« Mais pourquoi, je te sauvais, maintenant nous allons tous deux périr ! » dit la grenouille...« Désolé, je sais, mais c’est dans ma nature ! », dit le scorpion....Tout cela pour dire que notre morale et notre logique est projective.....Les thèses que vous rapportez ne tiennent pas. Même la Russie en a paru gênée. De fait elle s’était engagée de toute façon à détruire de façon complète les stocks de gaz, produit qui ne laisse aucun doute sur la nature abjecte du régime Bachar. Le bombardement par avion de l’hopital où on était évacué les victimes sont tout autant parlant de l’intentionnalité, et coupe l’herbe sous le pied à ceux qui osent les hypothèses les plus fantaisistes, comme l’une que j’ai lu faisant incriminant l’aviation d’Erdogan, pour torpiller les accords. 
      Syrie : l’hôpital traitant les victimes de l’attaque au gaz bombardé
      Dans un monde parfait, on pourrait reprocher que l’onu ait été mis hors jeu. En fait ce machin à une logique bureaucratique lié à l’ensemble des membres du conseil de sécurité, qui au mieux le rend inefficace, au pire, permet à certains de narguer les autres. 

      • filo... 9 avril 2017 14:36

        « La France quant à elle n’a rien compris, la Hollandie reprend son discours va t en guerre... »

        Et si tout simplement F. Hollande cherche un prétexte pour repousser prochaine élection présidentielle ?
        Une dégradation grave, dangereuse de la situation au Moyen Orient lui donnera l’occasion de « retarder » cette élection au nom de sécurité et de l’intérêt du pays.

        Ce qui est bizarre avec votre président c’est que depuis son arrivée au pouvoir il n’a pas arrêter de marcher « à côté de ses pompes ». Comme s’il vivait dans une réalité inversée.
        Est-il masochiste ou bien il est très mal conseillé (mais par qui) ?
         


        • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 9 avril 2017 19:13

          Plusieurs graves dangers planent sur cette régions, parmi lesquels :

          • Le risque que l’EI prenne le contrôle du territoire syrien
          • Le risque que l’Iran utilise la Syrie en vue de ses propres fins, notamment attaquer Israël
          • Le risque que la Turquie profite de la faiblesse syrienne pour contrôler la région
          Une bonne géopolitique doit évaluer correctement ces risques et les hiérarchiser, car ils évoluent dans le temps. La frappe aérienne de Whashington tient compte de ces facteurs car ce n’est pas un réel changement de stratégie, mais un avertissement. Il trace une ligne rouge qu’Assad ne doit pas franchir sous peine de représailles, même si sa lutte est reconnue légitime.

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