Trump et la démocratie américaine
Malgré l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, les Etats-Unis n’ont pas abdiqué leur sens séculaire de la démocratie, comme nous le prouvent de récentes décisions fédérales
A plusieurs reprises, durant sa campagne, Donald Trump a insisté sur son expérience de PDG et ses succès dans l’immobilier pour justifier ses prétentions à diriger efficacement les Etats-Unis. Cet argument, aussi naïf que stupide en soi, continuerait à nous faire rire sous cape si, par une de ces ruses dont l’histoire a le secret, il n’était devenu président de cette grande nation. Et c’est en PDG qu’il a entrepris, effectivement, de gouverner depuis son accession à la Maison Blanche, usant et abusant des décrets pour défaire, de façon toute animale, l’œuvre de son prédécesseur. L’un d’eux, cependant, rencontre une résistance qu’il n’avait sans doute pas prévu : c’est ce fameux Muslim Ban qui, sous couvert de lutter contre le terrorisme, interdit trois mois durant l’accès du territoire américain aux ressortissants de sept pays arabes et africains (l’Iran, l’Irak, le Yemen, la Syrie, la Lybie, le Soudan et la Somalie).
A peine édicté, il a soulevé une vague de protestations populaires, et pas seulement dans la communauté américano-musulmane. Beaucoup ont vu, à juste titre, une injustice pour tous ceux ayant des parents aux Etats-Unis ou qui, en instance d’arrivée, étaient retenus dans des aéroports. Les médias ont pointé avec raison le caractère contre-productif de cette mesure censément préventive. Pour rappel, les attentats de San Bernardino et d’Orlando, l’an dernier – attentats revendiqués tous deux par Daesh – n’ont pas été commis par des migrants mais par des américains radicalisés. L’ennemi, si ennemi il y a, est d’abord à l’intérieur et de telles mesures ne peuvent guère que stimuler les ardeurs destructrices de quelques terroristes en herbe.
D’autres analystes ont mis l’accent sur l’absence de l’Arabie Saoudite dans la liste des états proscrits. Elle est pourtant le foyer originel du Wahhabisme, cette interprétation extrêmement régressive de l’Islam qui a inspiré les principaux mouvements djihadistes du moment. Ce n’est pas un hasard si, parmi les dix-neuf terroristes qui préparèrent les attentats du 11 septembre 2001, quinze d’entre eux étaient saoudiens. Mais Trump a préféré mettre sous le boisseau cette vérité dérangeante pour différentes raisons, la moindre n’étant pas les liens commerciaux personnels qu’il entretient avec ce pays.
Un tel arbitraire devait forcément générer des oppositions chez ceux qui sont à même d’examiner la constitutionnalité des mesures prises par le pouvoir exécutif. Ce sursaut de conscience démocratique est venu d’une femme, une juge new-yorkaise nommée Ann Donnelly, dès le 28 janvier dernier. La première, elle a entrepris de ne pas avaliser l’expulsion d’immigrés concernés par le litigieux décret présidentiel. Depuis, sa courageuse décision a fait des émules, notamment en Virginie avec Léonie Brinkema, autre juge fédérale qui a autorisé les migrants immobilisés à l’aéroport de Dulles à entrer sur le territoire américain. Trump peut bien les accabler de tweets vengeurs et crier au scandale ; il peut limoger sa ministre de la justice par intérim et placer l’un de ses protégés à la Cour Suprême ; il va néanmoins falloir qu’il apprenne les subtilités du jeu démocratique et les contre-pouvoirs institués par les pères de la nation pour empêcher les dérives autocratiques. L’ironie, en la matière, est que cette opposition juridique au plus macho des présidents américains est, là aussi, initiée par des femmes.
Jacques LUCCHESI
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