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Une clé subliminale et familiale de la présidentielle

Les programmes sont évalués, les candidats analysés, les droits d’expression des sensibilités politiques sont recherchés, l’incertitude est totale, rien n’est joué et pourtant tout est peut-être déjà joué.

La famille politique

Dans la famille politique de la Ve République, les Français ont d’abord confié les clés de leur destin à son fondateur, le général de Gaulle. Il incarnait « une certaine idée de la France » dans laquelle les Français se sont reconnus pour sortir le pays de l’après-guerre. Les Français confièrent ensuite leur sort au fils spirituel du chef de famille, Georges Pompidou, qui avait su « tuer » le père en 1968, tout en conservant à la famille tout son sens. Sa disparition rapide ne permit pas au petit-fils, Jacques Chirac, de devenir tout de suite le chef de famille. Les clés de la famille furent donc confiées à un intendant brillant de la République, Giscard d’Estaing, dont les membres de la famille, le peuple français, estimèrent à l’époque qu’il pouvait préserver l’essentiel de l’esprit de famille. Mais il le pervertit en voulant jouer son jeu personnel. Le pouvoir passa alors à l’oncle de la famille, qui avait pourtant combattu le chef initial, mais le peuple sentit qu’il saurait d’autant mieux rester le défenseur de la 5Ve République que son opposition n’était pas tant liée à la famille qu’à la place que le chef ne voulait pas lui voir jouer. « Tonton » n’avait pas de descendant, et de toutes façons, le moment était venu que le petit fils devienne à son tour le chef de famille. Jacques Chirac fut donc élu. Mais, comme souvent, la troisième génération dilapide ce que les deux précédentes ont d’abord construit, puis préservé. La famille doit donc à nouveau se choisir un chef alors que le précédent est sans héritier. Ce choix aurait pu se faire au tour précédent, en 2002, mais, entre le précepteur Jospin, estimable, mais qui n’avait pas compris qu’il avait été nommé non pour ses idées mais par l’impéritie du chef, et l’autre oncle contestataire Le Pen de l’autre bord, qui dit des choses trop souvent perçues comme justes mais dont aucune personne sensée ne voudrait comme chef de famille, il fallut bien laisser les clés au petit-fils.

Le jeu des institutions

Le petit-fils aurait pu tout aussi bien faire jouer l’esprit de la famille en confiant à un Premier ministre un gouvernement d’union nationale puisqu’il avait été élu avec toutes les voix de la famille. Il choisit au contraire de jouer un clan contre l’autre, abusé par les résultats des législatives, issues diaboliquement d’un mode de scrutin peu représentatif et d’un découpage électoral savamment construit pour préserver le pouvoir et non l’esprit de famille. Le pouvoir devrait donc revenir en 2007 à celui qui saura préserver l’unité et l’esprit de la famille, la question du gouvernement n’étant pas en jeu puisqu’il n’est pas directement concerné par l’élection. L’alignement des durées de mandat du président et de l’Assemblée reste un leurre qui obscurcit la vue des observateurs et celle des membres de la famille : rien n’empêche les Français de choisir leur président sans lui donner une majorité claire à l’Assemblée. Cela aurait pu se produire en 2002 et Jacques Chirac aurait peut-être été conduit à mettre en œuvre un gouvernement d’unité nationale, ce qui aurait fait gagner du temps à toute la famille. Cette situation peut advenir aujourd’hui. François Bayrou, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal peuvent être élus, et chacun d’entre eux pourrait choisir un gouvernement de coalition issu des urnes, même dans un mode d’élection législative non proportionnel. Cela ne dénaturerait pas la Ve République, et la famille aspire peut-être, sans le dire ouvertement à ce que cette solution soit mise en place. Le respect des institutions fait partie de l’esprit de notre tradition familiale.

La vision du futur président

Les Français ont d’abord besoin d’un constat exprimé lucidement sur l’état de la famille ; elle vit au-dessus de ses moyens, sans plus aucune orientation ! Chacun tire dans un sens différent en privilégiant son intérêt particulier, sans souci de l’avenir commun. Quand les enfants de la famille apprendront que les 35h de leurs parents sont financées par une dette qu’ils devront assumer, le chef de famille qui aura laissé faire sera dévalorisé, contesté et il faudra passer à une VIe République ou... pire. La famille est devenue pluriculturelle par adoption, il est temps de le reconnaître et de canaliser sérieusement le processus. Pour que l’harmonie et la prospérité reviennent dans la famille, pour que la France soit une France forte, juste et écoutée, il faut se remettre au travail, ne pas dépenser plus qu’on ne gagne, et investir dans l’éducation de tous et dans les outils de l’avenir. Ayant des choses à dire sur l’organisation du monde, la famille ne sera écoutée que si elle met de l’ordre chez elle et pratique chez elle les bons conseils qu’elle voudrait voir adopter par les autres.

Pour se remettre au travail, deux choses suffisent : que la semaine de travail soit ramenée à 39h, avec une possibilité de dérogation contractuelle de + ou - 20% pour les entreprises qui l’estiment nécessaire ou possible. Que tous les « privilèges » (et pas seulement ceux des salariés) ressentis implicitement comme de bonnes raisons de ne défendre que sa chapelle, au détriment du bien commun et au prix d’une dette galopante, soient révisés simultanément, et non au fil de l’eau sans avoir le bénéfice de l’effort collectif qui est demandé à tous les membres de la famille. Cette révision demande un peu d’imagination ? Aux branches de la famille d’en avoir, sans perdre de vue, comme le disent les Chinois, que « lorsque le gros maigrit le maigre meurt » ! Le chef de famille devrait mettre en place un gouvernement dont il fixe lui-même les principes de travail : un budget équilibré en trois ans et six ministres seulement (Education, Jeunesse et emploi, Economie et recherche, Europe et Affaires étrangères, Justice et solidarité, Santé, famille et personnes âgées, Sécurité nationale) !

Cette vision du monde, commence donc par l’Europe. Les Français sentent bien qu’elle est d’autant plus garante de la paix qu’elle repose sur des bases humanistes communes, trop souvent dévoyées historiquement par les guerres, mais essentiellement fondées sur l’héritage spirituel, culturel et la philosophie du christianisme, en dialogue aujourd’hui avec d’autres traditions plus récentes ou plus minoritaires. Ce fond culturel de valeurs partagées est solide, et rendant à César ce qui est à César, l’Europe reste une lumière dans le monde qui pourrait être alimentée par la France.

La posture juste ou la chance de Bayrou, si...

Dans la constellation familiale de la Ve République, la posture juste qui permettra à la famille de s’épanouir peut sortir de l’élection présidentielle. Il s’agit que chacun soit dans le rôle de son histoire familiale et de ses compétences. Qui a-t-on en présence ? D’un côté N. Sarkozy, qui s’est lui-même placé dans le rôle du garde du corps de la famille. On le soupçonne de protéger plutôt certains membres que d’autres, peut-être à tort d’ailleurs, mais, pour prouver qu’il a changé, il ne peut pas faire l’économie de la preuve par le rôle de Premier ministre. De l’autre côté nous avons S. Royal, dans le rôle de gouvernante, qui a réussi à faire accréditer par la mouvance socialiste qu’elle était capable de prendre en main toute la famille. Mais les Français sentent bien qu’elle doit en faire la preuve en passant, elle aussi, par le rôle de Premier ministre. Le fond du problème, c’est qu’il n’y a pas de famille qui se résolve à confier son destin à son garde du corps ou à sa gouvernante. Les Français, avant de voter, doivent se demander auquel des membres de la famille ils voudraient confier leurs enfants. Quel est celui des candidats qui a une vision de leur destin ? Quel est celui qui saura préserver l’esprit de la famille et, en même temps, la faire évoluer avec son temps ? Le moment pourrait être venu de confier le destin de notre famille au gendre de la République, François Bayrou. Ce n’est pas l’héritier naturel, mais il a épousé la démocratie française il y a maintenant longtemps et s’est opposé à la pensée unique d’un parti unique. Il a été patient, attentif et a pris des positions courageuses contre la domination d’un seul camp, et en faveur de l’intérêt général. Il a du bon sens. Il est aussi le père d’une famille nombreuse, laquelle doit aussi connaître des disputes internes. C’est celui qui saurait orienter la famille France, à condition qu’il ne cherche pas à en changer les institutions et préparer un successeur. Celui-ci pourrait être N. Sarkozy ou S. Royal. Chacun d’entre eux devrait passer par le rôle de Premier ministre pour convaincre de leur rôle potentiel de chef de famille. Si l’un d’entre eux gagne les législatives 2007 avec une majorité relative et conduit une coalition demandant aux Français les efforts inspirés par le chef de famille, il se préparera alors à succéder au gendre. Sa métamorphose aura été accomplie et cette posture juste qui pourrait sourire aujourd’hui à Bayrou pourrait alors sourire à celui de ces brillants rejetons qui aurait fait ses preuves. Si Bayrou sait lire son rôle, il devrait l’emporter, mais à condition de ne pas se tromper de mission : confier un gouvernement de redressement national à la majorité législative qui sortira des élections de juin. C’est peut-être la solution qui sortira de la sagesse des urnes.

Philippe


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8 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 20 avril 2007 09:46

    La France une famille ? Pour les accros !


    • aurelien 20 avril 2007 21:53

      Tu voulais dire : pour les escrocs ? smiley


    • aquad69 20 avril 2007 11:03

      Bonjour Philippe,

      à propos d’une vision « familiale » de la politique, il faut mentionner les thèses sociologiques d’Emmanuel Todd, qui interprètent nos tendances à nous rattacher à tel ou tel parti politique par un rappel subliminal du « type » de famille à laquelle nous appartenons.

      Je ne saurais vous dire dans lequel de ses titres ça se trouve, mais ses livres devraient vous intéresser...

      Cordialement Thierry


      • aurelien 20 avril 2007 19:15

        La Famille, oui cela est bien connu dans le milieu...


        • aurelien 20 avril 2007 19:18

          Attention, j’ai dit le milieu..., pas le centre smiley


        • aurelien 20 avril 2007 21:51

          Une autre clé subliminale :

          citation des Inconnus :

          « Tout dans les urnes, rien dans les b..... ! »

          PS : « Ecoute ! Ecoute !n est-ce que c’est la Redoute ? » smiley


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 21 avril 2007 02:16

            On peut aimer ou non l’allégorie, mais la conclusion me semble raisonnable : « confier un gouvernement de redressement national à la majorité législative qui sortira des élections de juin ». Ségolène l’aurait pu, mais c’est en effet Bayrou qui semble aujourd’hui le mieux placé pour le faire. L’essentiel est que quelqu’un le fasse et qu’on ne durcisse pas l’affrontement.

            Pierre JC Allard

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