Victoire : Des bouquetins vont (enfin) être vaccinés ! Fin du massacre du Bargy ?
Synopsis : Emblèmes des Alpes, les bouquetins sont des animaux protégés ; ils sont interdits de chasse depuis 1962. Afin de lutter contre une épizootie de brucellose, découverte en 2012 en Haute-Savoie, dans le massif du Bargy, l’État a ordonné des abattages massifs de centaines de bouquetins, qui se sont révélés contre-productifs… Pourtant, dès le début, la vaccination semblait être la solution la plus raisonnable ! Un véritable gâchis !
Le 22 juin 2016, le ministère de l’agriculture a sollicité l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) et l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) pour définir et évaluer « les critères préalables à une approche vaccinale contre la brucellose chez les bouquetins du massif du Bargy ». (Heureuse coïncidence puisque le 6 juin, je soutenais une thèse relative à la vaccination de ces bouquetins ; ce qui me permet d'aborder le sujet en connaissance de cause.)
Suite à cette requête, l’ANSES et l’ONCFS ont publié, le 27 juillet 2016, un rapport indiquant que le vaccin anti-brucellique utilisé chez les chèvres pouvait être expérimenté sur une dizaine de bouquetins dans la Réserve zoologique de la Haute-Touche, dans le département de l’Indre. L'idée est simple : vérifier que le vaccin soit aussi bien toléré par des bouquetins captifs que par des chèvres, avant de lancer une campagne de vaccination sur les bouquetins en liberté, dans le massif du Bargy. Le 26 septembre 2016, les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture ont confié la réalisation de cette expérimentation à l’Anses, à l’INRA, à l’ONCFS et au Muséum national d’Histoire naturelle, afin de mettre en œuvre une vaccination de terrain au printemps 2017. La secrétaire d’État à la biodiversité a récemment confirmé que l’expérimentation en enclos allait débuter. Comme le demande la pétition que j’ai lancée (en octobre 2013 et qui a été signée par plus de 76 000 personnes), cette décision interministérielle semble donc mettre fin à toute politique d’abattage massif. En plus d’être contre-productifs, les 224 abattages de 2013 viennent d’être jugés illégaux par le tribunal administratif de Grenoble (et ce, suite à un procès initié grâce à l’énergie d’une toute petite poignée de personnes, à laquelle j'ai la joie d’appartenir). Pas étonnant qu’après ce revers judiciaire, l’État fasse volte-face, et que le préfet de la Haute-Savoie (champion de la diplomatie des temps modernes) soit remplacé !
Il aura donc fallu attendre quatre ans pour que l'administration commence à se mettre en mouvement, pour qu'un vaccin ayant largement fait ses preuves sur les chèvres soit enfin testé sur un premier bouquetin. Et ce, alors que les bouquetins, comme les chèvres, sont des caprins, et que la souche vaccinale en question possède une Autorisation de Mise sur le Marché pour les caprins depuis... plusieurs décennies ! Malgré cet immense gâchis, soyons heureux de donner tort à ces réactionnaires cyniques et démagogues (plutôt en vogue en ce moment), « qui veulent assainir le monde par les fusils » ; ces vieux réactionnaires si bien incarnés par le magasine Causeur qui nous qualifiait, en 2014, « d’écolos des villes », et même de « crétins (des Alpes) » ; tout en méconnaissant le sujet, sans même savoir que la brucellose est une maladie bactérienne, et non pas parasitaire ! Affirmer qua la brucellose est une maladie parasitaire, c’est comme affirmer que le Brésil est un pays africain, mais peu importe puisque les lois de la rentabilité économique apprennent à tout bon éditorialiste que l’approximation, la provocation et la simplicité d’une opinion prévalent sur l’exactitude, la sincérité d’une conviction et la subtilité d’une argumentation.
Dommage que même du côté « des protecteurs de l’environnement », tant de monde ait donné raison à un préfet radical et autoritaire… En effet, dans « notre camp », beaucoup ont soutenu la moins pire des solutions proposées par les autorités (l’abattage de 75 % des bouquetins du Bargy plutôt que l’abattage total). À l’inverse, nous avons été très peu nombreux à défendre la meilleure des solutions pour les bouquetins (la vaccination). C’est sans doute de ce déficit d’idéal que découle le massacre contre-productif de centaines bouquetins. Ne serait-ce pas d’ailleurs de ce même déficit d’idéal que découlerait la morosité de notre monde ? Malgré tout, le combat pourrait être payant puisque la décision de débuter une expérimentation vaccinale pourrait éviter de nombreux abattages… étant donné qu’il resterait aujourd’hui plus de 270 bouquetins dans le massif du Bargy !
Matthieu Stelvio, 22/11/2016. Plus d'infos sur le blog Le Bruit du Vent.
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