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Accueil du site > Actualités > Economie > La lutte contre la pauvreté est-elle une erreur ?

La lutte contre la pauvreté est-elle une erreur ?

Louis Favreau est titulaire de la chaire de recherche du Canada en développement des collectivités. Il vient de jeter un pavé dans la mare de l’ONU, des Bob Geldof et des autres apôtres de la lutte mondiale contre la pauvreté : pour lui, la mouvance humanitaire se trompe de combat en reléguant au second plan celui du développement.

Dans Coopération Nord/Sud : un monde sans pauvreté, est-ce possible en 2015 ?, Favreau rappelle, à juste titre, que les politiques de développement, pilotées depuis 25 ans par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale et banques de développement régionales), ont littéralement laminé les infrastructures de base de nombreux pays en matière d’éducation, de santé, de services sociaux, d’habitat... d’où l’expression généralement reçue aujourd’hui d’« États en déroute » et d’« États fragiles ».

Encore aujourd’hui, ces grandes institutions financières internationales ont des politiques à deux vitesses :

  • une vitesse de croisière pour les pays dits émergents, soigneusement sélectionnés pour leur capacité de croissance rapide (Chine, Inde, Brésil, du Sud...) et de consommation de masse
  • une vitesse de « lutte contre la pauvreté » pour les autres, les perdants, les laissés-pour-compte de la mondialisation.
Quelques réussites en dehors de l’OCDE, qui se traduisent par des chiffres élevés de croissance, ne doivent pas faire oublier la réalité : les neuf dixièmes de l’humanité sont pauvres et ne sont pas près de connaître le niveau de vie de l’autre dixième.

Favreau donne deux exemples des énormes difficultés auxquelles nous sommes confrontés : les producteurs de coton du Mali, qui font face à la concurrence déloyale des producteurs américains ; l’Inde, où le système des castes crée des inégalités structurelles qui maintiennent plus de 250 millions d’êtres humains dans l’extrême pauvreté.

En ce qui concerne le commerce, le piétinement des négociations au sein de l’OMC montre à quel point établir des règles commerciales plus équitables est une tâche herculéenne. Pour les pays riches, tout doit être sur la table : commerce des produits agricoles, manufacturés et des services. Pour les pays pauvres, l’ouverture demandée est un acte de foi qu’ils pourraient bien regretter amèrement.

Que faire alors ?

Pour Favreau, certaines contre-tendances indiquent une direction porteuse d’espoir, qui passe par le renouvellement (au Nord) ou la reconstruction (au Sud) de l’État social qui a subi les contre-coups des politiques néo-libérales.

Car c’est par cet État social que se canalise la création locale de la richesse pour favoriser le développement d’un pays. C’est par cet État social que s’organise la redistribution de cette même richesse au bénéfice du plus grand nombre à l’aide d’une fiscalité appropriée (prélèvements obligatoires ou taxes).
Bref, en parallèle à l’humanitaire, un vaste mouvement social dont le point culminant est le Forum social mondial, veut changer le monde en profondeur et compte sur le soutien des États pour ce faire.

Une direction porteuse d’espoir certes, mais dans un contexte paradoxal : la lutte contre la pauvreté est devenue l’objectif numéro un des pays donateurs, alors même que l’aide au développement s’est appauvrie et que la méfiance envers l’État l’empêche de jouer le rôle fondamental de socialisation et de redistribution des ressources qui est le sien.

En droite ligne avec ce rôle fondamental de l’État, il est grand temps que la philantropie calculée des pays donateurs cède la place à la reconnaissance et au soutien d’initiatives étatiques visant à transformer les économies débridées en « économies de marché coordonnées ».

Les pays qui s’en tirent le mieux ont justement la sagesse de ne pas laisser leur sort entre les mains du seul marché.

Une question demeure cependant : que faire pour mettre fin aux inégalités dues à la persistance de systèmes sociaux qui reposent précisément sur l’inégalité ? Car ce sont là des forces centrifuges, qui empêchent les États de jouer leur rôle, et qui peuvent même étouffer les chantiers de l’économie populaire où des femmes et des hommes construisent leur propre avenir, plutôt que celui de la lutte contre la pauvreté.


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19 réactions à cet article    


  • Bulgroz (---.---.9.20) 17 mai 2006 13:09

    Votre article intéressant, je ne sais pas ce qu’il faudrait faire pour un meilleur équilibre économique mondial.

    Par contre, jelis la Déclaration de l’ancien chef du gouvernement malaisien, Mahathir Bin Mohamad, se désolant de l’état de sous-développement du monde musulman parmi les nations se réclamant à des degrés divers de l’islam, « il n’y en a pas une qui puisse être classée comme développée selon quelque critère que ce soit. Toutes sont en retard en terme de savoir, de finance et de technologie. (...) Le monde associe islam à arriération. Cela nous met en colère, mais le faits demeure que nous sommes arriérés. Nous sommes dépendants d’autres pour tout ce qui touche à nos besoins vitaux », « Rien, dans notre religion, ne dit que nous ne pouvons être développés » Source « le Monde » du 13 Mai 2006

    L’arrièration dont il est question, frappe tous les pays musulmans ou islamiques qui constituent une majeure partie de la pauvreté mondiale, ce qu’il fait éradiquer, c’est l’obscurantisme, développer l’intélligence et l’ouverture d’esprit.

    Je remarque que les pays islamiques riches du pétrole consacrent leur richesse à investir dans des actifs ocidentaux (hotels, immobilier) et dans la construction de mosquées de par le monde. Pourquoi, dans ce cas, les pays riches occidentaux devraient ils faire un effort ?


    • id.fx (---.---.41.38) 17 mai 2006 14:57

      quand on se trompe d’itinéraire,il faudra perdre autant de temps pour retrouver la bonne route qu’on s’est obstiné dans l’erreur(logiquement).mais comme on ne remonte pas le temps,il ya des chemins de traverse à peu près obligatoires.Seulement ce sont des chemins souvent difficiles,voire même parfois périlleux,et ilpeut arriver qu’on doive y laisser des morts.Des sacrifiés.De toute façon, on les aura sacrifiés d’avance en se trompant et en s’obstinant.Des fois,on appelle ça « révolution ».Ce n’est pas du cynisme de ma part de dire cela,c’est de la tristesse.Fasse le Ciel ou l’Histoire que la réforme suffise à la France si on attend pas encore trop longtemps. (Parcequ’il n’y a pas que les régimes islamiques,il y a les régimes socialistes,qui marchent à reculons)


      • éric (---.---.46.14) 17 mai 2006 15:55

        « Les pays qui s’en tirent le mieux ont justement la sagesse de ne pas laisser leur sort entre les mains du seul marché. ».

        D’ailleurs le marché, sous entendu parfait, n’existe pas et est même rejeté.

        En effet, le marché n’est pas un régulateur aussi efficace qu’il n’y paraît. D’ailleurs, à toutes les echelles, région, pays, planète, les entreprises et les décideurs politiques tentent de mettre tout en oeuvre pour dicter des lois au marché et pour détruire la concurrence.

        L’économie ne devrait pas être à la place centrale des préoccupations. L’ordre devrait être le suivant : Le politique décide (à condition que la démocratie soit instaurée), il crée des règles de droit qui régulent l’économie. Cette dernière devient un outil au service de tous.

        Alors que pour le moment, les pays pauvres et dans une moindre mesure, nous tous, sommes au service de l’économie.


        • who_cares (---.---.159.75) 17 mai 2006 19:53

          Il faut trouver un régime adapté à l’air du temps. Un régime participatif ou les gens exercent un pouvoir plus directe sur les directions politiques à prendre, mais aussi ou le peuple exerce le controle et la vérification de l’application des orientations choisies.

          Alors peut être, la sagesse populaire prendra le dessus sur la cupidité humaine qui nous a mené là où nous sommes.


          • Marie Pierre (---.---.40.90) 17 mai 2006 23:05

            Bonjour,

            Vous parlez du coton du Mali en concurrence avec celui des Etats Unis (ce dernier aidé à coup de subventions). En Bretagne, le fabricant de vêtements St James achète tout son coton aux paysans maliens, via le Commerce Equitable, et fabrique les vêtements dans ses usines de Bretagne. Le personnel de la Poste sera habillé de TShirts et d’autres seront en vente dans les boutiques.

            Pour info, ce sont des vêtements de bonne (très) qualité.

            Un autre projet, au Mali toujours, concerne la culture d’algues spécifiques, très protéinées.


            • Renaud D. (---.---.83.140) 17 mai 2006 23:14

              En quelques phrases, vous faite une esquisse précise du nœud gordien que notre siècle devra trancher s’il veut survivre.

              Un grand merci pour votre article salutaire.


              • Zamenhof (---.---.202.6) 18 mai 2006 00:22

                « Je suis convaincu que la seule façon d’en finir avec la pauvreté, c’est de donner le pouvoir aux pauvres, non de leur faire l’aumône. De leur donner le pouvoir de prendre des décisions et de promouvoir leur propre solution, une démocratie participative, un nouveau modèle économique, de démocratie économique et de redistribution équitable du revenu national. » (Hugo Chavez)


                • faxtronic (---.---.183.158) 18 mai 2006 01:00

                  chuuut..... Observons attentivement un banc de crypto-communistes qui cherchent a resoudre la pauvreté par l’égalité et la dictature du proletariat, et qui pensent que c’est une bonne chose, qui sacrifieraient leurs enfants au nom de leur ideologie et de leurs bons sentiments.


                  • parkway (---.---.18.161) 18 mai 2006 13:12

                    t’as raison laxytronique, laissons faire les politiques actuels et tout ira bientôt mieux !

                    vive l’ump ! vive le médef ! votez vite sarkozy, notre sauveur à tous !


                  • (---.---.26.248) 18 mai 2006 02:22

                    Favreau, pas plus que moi d’ailleurs, ne remet en question le rôle de l’entreprise privée. Il dit, avec justesse, que l’État a un rôle clé à jouer, rôle qu’une certaine idéologie voudrait gommer. Mais attention, pour ce qui est de protéger le privilège de s’enrichir par des entourloupettes financières, là l’État devient important.

                    Soyons clair : les seuls « privilèges » qui vaillent d’être protéger sont ceux d’être soigné sans se ruiner, de s’éduquer sans se ruiner, de se loger convenablement sans se ruiner, de manger à sa faim sans se ruiner (eh oui, il y a des centaines de millions d’êtres humains qui ne peuvent pas manger à leur faim sans se ruiner), de se vêtir convenablement sans se ruiner, bref, de vivre dans la dignité sans se ruiner.


                    • Michel Monette 18 mai 2006 02:25

                      Oups, je n’étais pas logé, donc dans l’anonymat. Voilà qui est réparé.


                    • Adolphos (---.---.59.170) 18 mai 2006 07:09

                      « Pour Favreau, certaines contre-tendances indiquent une direction porteuse d’espoir, qui passe par le renouvellement (au Nord) ou la reconstruction (au Sud) de l’État social qui a subi les contre-coups des politiques néo-libérales. »

                      En tous cas pas chez nous, ou il n’y a jamais eut autant de dépenses sociales.

                      « Bref, en parallèle à l’humanitaire, un vaste mouvement social dont le point culminant est le Forum social mondial, veut changer le monde en profondeur et compte sur le soutien des États pour ce faire. »

                      Si l’Etat avait la moindre compétence en économie, ca se serait su.


                      • parkway (---.---.18.161) 18 mai 2006 13:37

                        adolphos a dit « En tous cas pas chez nous, ou il n’y a jamais eu( »j’ai corrigé la faute« ) autant de dépenses sociales. »

                        C’est quoi vos chiffres sur les dépenses sociales ?

                        Qu’est-ce que vous appelez « social » ? les plans « sociaux » ? l’économie « sociale » de marché ? quels sont les partis « sociaux » en france ? etc,etc...

                        Faîtes attention quand vous parlez à des smicards, ils sont chatouilleux...

                        Moi,je dis que chez nous il n’y a jamais eu autant d’aides pour les entreprises.

                        C’est pas plus con que ce que vous avez dit.


                      • axion (---.---.174.250) 18 mai 2006 09:33

                        Bcp d’états sont dirigés par des hommes de pouvoir qui cherchent du profit personnel (pouvoir, argent, etc ).

                        Le pb est que l’on ne peut pas donner de l’argent à toute une nation. L4argent arrive, d’une manière ou d’une autre, sur un compte en banque dont sertains hommes possèdent le code.

                        La corruption est un mal bien répandue.

                        Au delà de cette lapalissade, les hommes politiques, à de rares exceptions pres, ne savent pas comment utiliser l’argent pour aider leur pays.

                        C’est-a-dire que la plupart d’entre PENSENT savoir comment l’utiliser, et qu’ils se trompent, et que cela se termine généralement en gâchis monumental. (Meme quand ils ne sont pas corrompus).

                        D’ailleurs, c’est à peu pres ce qui se passe en France. Malgré tout l’argent mis dans l’éducation nationale, la situation continue de se détériorer, comme pour l’emploi, et autres sujets d’actualité politique récurrente.

                        Une vérité c’est que ce n’est pas parceque des fonds sont débloqués que le problème est réglé, contrairement à ce que veut nous faire croire toutes les annonces du type « XX millions d’euros débloqués pour l’emploi » ou « xx millions d’euros débloqués pour le Mali ».

                        La compétence, le « savoir agir » prime sur la quantité d’argent.

                        Mais élit-on nos dirigeants sur leurs compétences ? Non. Ils sont élus sur leurs promesses et sur leurs annonces du type : « XX millions d’euros seront débloqués pour l’emploi ».

                        Nous avons des dirigeants qui nous ressemblent : pleins d’espoirs, pleins de promesses, pleins d’idées toutes faites, et généralement incompétents.

                        Ce qui est drole c’est : est-ce rassurant ? Ou est-ce inquiétant ?

                        Démocratie ou Technocratie ?

                        En tout cas, pour les pays tres pauvres, ne nous leurrons pas, il n’existe pas de solutions miracles. Cela passera par du travail, et par la volonté de leur population de s’en sortir, allié à la lucidité de leur population de ce qu’il faut faire pour s’en sortir. Culture, éducation : voilà ce qui leur manque le plus. Nourriture, bien sûr, pour les plus mal en point. Mais de bons sentiments, même mâtinés de sommes d’argent considérables ? Si l’argent savait résoudre tous les problèmes, notre monde serait bien différent.


                        • Adolphos (---.---.59.170) 18 mai 2006 12:05

                          « Une vérité c’est que ce n’est pas parceque des fonds sont débloqués que le problème est réglé, contrairement à ce que veut nous faire croire toutes les annonces du type »XX millions d’euros débloqués pour l’emploi« ou »xx millions d’euros débloqués pour le Mali".

                          La compétence, le « savoir agir » prime sur la quantité d’argent.

                          Mais élit-on nos dirigeants sur leurs compétences ? Non. Ils sont élus sur leurs promesses et sur leurs annonces du type : « XX millions d’euros seront débloqués pour l’emploi »."

                          C’est surtout qu’il est impossible de diriger la société hiérarchiquement, et c’est bien pourquoi il faut libéraliser tous ca : des gens qui s’occupe bien de petite chose, parce que c’est leur argent, ca marche bien mieux qu’un gros bazrs administratif iresponsable.


                        • Yaarg (---.---.77.158) 18 mai 2006 10:19

                          Bien que les états-unis fassent une entorse à la règle générale, il faut constater que les pays les plus pauvres sont aussi ceux où les religions sont les plus actives. La pauvreté est en quelque sorte proportionnelle à la croyance et aux superstitions populaires. Que ce soit en Afrique noire avec les nombreuses sectes chrétiennes, que ce soit l’hindousime ou l’islam, toutes ces religions ont le défaut commun de proposer une alternative à la misère : la croyance dans un monde meilleurs après la mort, et en corollaire, l’acceptation de cette misère comme une « expiation ».

                          De plus lorsque une partie du (ou tout le) pouvoir politique échoit à des religieux, il semble que le pays « théocratisé » se fige dans un immobilisme qui ne peut être que destructeur.

                          Il faut en outre garder sans cesse à l’esprit que ce sont aussi les pays les plus pauvres où la condition de la femme est la plus misérable, sans oublier l’esclavage des enfants.

                          Ma conclusion est donc que l’une des causes de la pauvreté qu’il faut combattre, c’est la religion.

                          Si mon propos vous interpelle, je peux développer l’argument.


                          • parkway (---.---.18.161) 18 mai 2006 13:19

                            d’accord yaaaaargh !

                            Alors comment qu’on fait ?

                            Savez-vous que les Mormons croient que la terre n’a pas plus de 10 000 ans d’age ?

                            et on pense aujourd’hui, que les trous noirs servent de protection pour éviter que les gamlaxies ne s’entrechoquent...

                            Le fossé est immense entre la connaissance et les croyances, un vrai trou noir...


                          • Michel Monette 18 mai 2006 13:52

                            Il y a un danger de confondre religion et hommes de pouvoir qui profitent du sentiment religieux. En Islam, par exemple, « Justice et solidarité », un mouvement croyant lutte pour des sociétés équitables, un avenir à visage humain et la fin du pouvoir autocratique (http://www.nadiayassine.net/fr/index.htm). Les inégalités structurelles sont et seront toujours des phénomènes humains.


                          • Dikata Tonga (---.---.187.46) 18 mai 2006 14:09

                            Le protestantisme puritain n’empêche pas les WASP de réussir.

                            Les Mormons réussissent.

                            En fait actuellement dans le monde il n’y a qu’une seule religion qui poses problème (devinez laquelle).

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