• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Affaire Fuzz : un jugement qui fera jurisprudence ou une simple étape (...)

Affaire Fuzz : un jugement qui fera jurisprudence ou une simple étape ?

La LCEN (Loi pour la confiance en l’économie numérique) du 21 juin 2004 a acté dans son article 6 un système de limitation de responsabilité des hébergeurs.

Le texte rappelle notamment que la responsabilité d’un hébergeur ne peut être engagée s’il n’avait pas connaissance du caractère illicite de contenus présents sur son site ou si, dès qu’on lui a signalé, il a agi promptement pour retirer ce contenu.

Dans un grand nombre de sites dits participatifs, les possibilités pour les internautes de contribuer et de s’exprimer se multiplient. La loi en limitant la responsabilité de l’éditeur du site, hébergeur des commentaires ou contributions des internautes permet le développement de ces pratiques collaboratives qui sont notamment appelé à se généraliser sur tous les sites d’information. « L’hébergeur » n’est donc pas astreint à une modération des contenus de ceux qui s’expriment sur son site.

Plusieurs affaires ont malmené cette affirmation. La plus connue est l’affaire Fuzz. Eric Dupin a créé un site qui permet aux internautes de déposer des articles pour les soumettre aux votes des autres internautes. En mars dernier, Eric Dupin passe en référé à la demande d’Olivier Martinez. L’acteur saisit le tribunal pour le motif d’atteinte à sa vie privée, suite à la publication d’un lien posé dans Fuzz par un internaute. Le lien renvoie en effet vers une rumeur publiée dans un blog people.

Le juge a condamné Fuzz car il refuse à la société d’Eric Dupin, le statut d’hébergeur et considère que la société est éditeur et donc responsable de tout contenu hébergé sur le site.

Après réflexion, Eric Dupin décide de faire appel de la décision.

La cour d’appel vient de donner raison à Eric Dupin en tirant les enseignements de la LCEN. Que dit l’arrêt ? C’est chez Maître Eolas que l’on trouve les éléments, éléments par ailleurs fournis par l’avocat d’Eric Dupin.

Le jugement précise : « L’internaute est l’éditeur du lien hypertexte et de son titre ». Dès lors, Fuzz est un hébergeur et le juge ne retient pas la responsabilité de la société d’Eric Dupin puisque le plaignant n’a jamais demandé le retrait du lien incriminé à l’hébergeur, Fuzz.

Je me suis suffisamment intéressé à ces jugements pour me réjouir aujourd’hui et pour boire avec Eric Dupin une coupe de champagne virtuelle. Mais les propos de Maître Eolas m’interpellent. Non pas ceux qui consistent à nouveau à affirmer qu’un professionnel ne peut pas être dispensé de modérer le contenu fourni par les internautes et ce quel qu’en soit le coût. C’est son avis et ce dernier n’engage que lui. Heureusement !

Mais Maître Eolas voit une contradiction dans l’arrêt. Ce dernier ne conteste pas que la société d’Eric Dupin soit éditrice du site et appuie ensuite le reste du jugement sur la qualité d’hébergeur de ladite société. Maître Eolas considère qu’il y a là matière à cassation.

On peut bien sûr comprendre qu’une société soit éditeur d’un site qui a pour objet d’héberger des contenus et donc qui a la qualité d’hébergeur au sens de la LCEN. Mais la justice n’est pas uniquement affaire de bon sens.

Un autre danger existe : une affaire semblable oppose le site Wikio à Olivier Dahan. Cette fois-ci, c’est ce dernier qui a décidé de faire appel. Elle va être jugée prochainement.

S’il n’y a pas cassation pour l’affaire Fuzz, si Wikio gagne en appel, on peut légitimement espérer que ces deux affaires fassent jurisprudence. Le web collaboratif pourra alors se développer sereinement grâce à un article 6 dont l’interprétation aura été confirmée. Mais il serait sans doute plus prudent de réécrire l’indigeste article 6 pour éviter que plus tard une autre interprétation soit donnée au texte.

J’aurais pour ma part du mal à admettre qu’on déresponsabilise l’auteur d’un billet pour en faire porter la responsabilité à celui qui héberge le contenu. Dans toutes ces affaires, jamais les auteurs des informations litigieuses n’ont été inquiétés. Ce n’est pas ainsi que je conçois la responsabilisation, mais il est vrai qu’ici il ne s’agit que d’argent !


Moyenne des avis sur cet article :  4.6/5   (10 votes)




Réagissez à l'article

2 réactions à cet article    


  • Forest Ent Forest Ent 26 novembre 2008 12:54

    Discussion intéressante.

    Une question d’argent ? Il y a une nouveauté dans le net, au sens où la charge de la preuve est fort ... coûteuse. La même info peut être multipliée à l’infini, et la faire retirer à chaque fois est fastidieux. Ca peut contribuer à expliquer le flou juridique actuel, qui tire dans certains cas sur le non-droit.

    Mais je suis bien d’accord avec vous sur le principe général de responsabilité de l’auteur.


    • fredleborgne fredleborgne 29 novembre 2008 12:06

      On n’oublie aussi que dans des affaires de diffamation, celui qui attaque devrait prouver le "désir de nuire" de l’accusé, puisque l’accusé est censé être innocent dans la loi française. Or, la loi sur la diffamation oblige l’accusé à se défendre et le site est fermé "par mesure de précaution".

      Bref, n’importe quel people peut bloquer n’importe qui en "monnayant" l’info qui circule sur lui (exclusivité) et en ne la souhaitant que positive. Il ne s’agit alors plus d’information mais de promotion permanente, parfois non payée par ce people.

      D’ailleurs, si les gens étaient moins cons, les infos people retourneraient aux oubliettes. Mais quand un site veut vivre des "émanations people", il s’expose à ce genre de mentalité pourrie et je ne peux pas le plaindre

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès