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La Chine et le yuan

L’un des officiels de la Banque centrale chinoise s’est récemment ému de la politique suivie par la Fed. Selon lui, la glissade du dollar pose des problèmes à la Chine. Cette prise de position rompt avec la confiance dans le billet vert qu’affichaient les autorités chinoises jusqu’à aujourd’hui. Elle laisse clairement entendre que celle-ci est peut-être sur le point de réviser sa politique monétaire alors qu’en novembre dernier elle résistait encore aux appels du pied européen en la matière qui rejoignaient sur ce point les Américains. Pourquoi maintenant ?

Une devise sous-évaluée
La Chine a lié sa devise au dollar sur une base extrêmement sous-évaluée alors que les Etats-Unis étaient son principal client. L’objectif initial était alors de doper les exportations et d’accumuler des réserves de change visant à garantir la capacité de la Chine à acquérir les biens et les services nécessaires à sa croissance rapide. Cette politique de change administré du yuan a généré une accumulation de devise entre les mains des autorités chinoises qui disposent désormais de plus de 1 500 milliards de dollars essentiellement investis aux Etats-Unis. L’administration des parités du Yuan a eu pour corollaire inattendu que la Chine contribue désormais par sa politique à la gestion du dollar, un rôle dont les Chinois se seraient probablement bien passés. La faiblesse chronique du dollar a amené l’Empire du Milieu à réviser lentement sa politique en permettant une dérive à la hausse du yuan contre dollar. Mais, jusqu’à présent, il n’a été question que de remaniements mineurs qui ne rendent pas compte du gouffre qui s’est creusé entre le yuan et les autres grandes devises internationales. Il est difficile de mesurer la distorsion monétaire entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe. L’outil le plus évident reste de recourir au Purchase Parity Power tel qu’il est établi par la Banque mondiale. Celle-ci vient d’ailleurs de réviser fortement à la baisse le PPP qu’elle attribuait à la Chine réduisant considérablement au passage l’écart entre le dollar et le yuan, celui-ci ne serait plus sous-évalué que de 63 % de quoi justifier encore une réévaluation de 150 % ! Autrement dit, même révisée à la baisse, la pression haussière sur le yuan reste explosive. Il y a peu de doutes qu’une politique de change libérée de la tutelle politique ne dégénère en hausse brutale et incontrôlée qui aurait pour corollaire un véritable ouragan monétaire. Une telle tempête ferait presque immédiatement de la Chine la troisième puissance économique mondiale à une distance encore respectable de l’Union des 27 et des Etats-Unis (6 000 milliards de dollars à l’horizon 2010), du moins dans l’immédiat.

Un gros exportateur qui veut importer plus
Il n’y a pas si longtemps encore, les Chinois défendaient leur politique monétaire et faisaient mine d’ignorer la dévaluation perpétuelle du dollar même si une politique timide de diversification de leurs réserves de change était initiée, tout comme une réévaluation graduelle de la monnaie. Il y avait de bonnes raisons à cela. Jusqu’à il y a peu les Etats-Unis étaient le premier client de la Chine. Wal-Mart entre autres y trouvait de quoi remplir ses rayons de biens de consommation à prix cassés. Les derniers chiffres publiés concernant le commerce sino-américain souligne deux points d’inflexion fondamentaux. D’une part, les importations américaines sont en chute libre ; les familles modestes particulièrement touchées par l’inflation achètent moins de biens de consommation chinois. D’autre part, l’Europe est devenue le premier partenaire commercial de la Chine. La somme de l’import-export entre l’Europe et la Chine se montait à 410 milliards de dollars pour 2007 contre 300 pour les échanges sino-américains. Les exportations européennes constituées pour l’essentiel de biens d’équipement pèsent deux fois plus lourds que les exportations américaines à destination de la Chine. A elle toute seule, l’Allemagne exporte presque autant que les Etats-Unis en Chine. Voilà qui en dit long sur la décadence de l’appareil productif américain qui profite pourtant maintenant d’une devise sous-évaluée ce qui n’était pas le cas en 2002. Voilà une bonne façon de souligner au passage que, sur le long terme, c’est la puissance industrielle qui guide la puissance monétaire et non l’inverse, dévaluer quand on n’a pas Siemens, Man, Daimler, Bayer, Basf, ça ne sert presque à rien. En substance, le dollar n’est plus central à la politique chinoise, sur le strict plan pratique les Etats-Unis ne sont plus qu’un partenaire parmi d’autres.

Non seulement la force de l’euro permet aux Chinois d’y exporter de plus en plus, mais, au surplus, la Chine importe également massivement des biens industriels nécessaires à sa politique d’équipement à marche forcée. Il ne faut pas oublier que la Chine n’est pas qu’un pays exportateur, elle importe aussi énormément, plus de 900 milliards de dollars l’année passée et pas seulement des matières premières, mais surtout ces biens d’équipement qui sont nécessaires à sa croissance beaucoup plus que ses exportations de chaussettes et de chaussures. Les pays « clients » pourraient à la rigueur trouver d’autres fournisseurs et même se passer brutalement de l’apport chinois, la Chine, elle, ne peut se passer de ces importations qui sont vitales à sa stratégie de croissance rapide. Dans ce domaine, la Chine a trois fournisseurs significatifs : la Corée du Sud, le Japon et l’Europe. Or, le yuan a baissé de 6 % par rapport à un yen anémique et de 20 % par rapport à la monnaie coréenne, il s’est effondré par rapport à la devise européenne. Fidèle à la loi des avantages compétitifs, identifiée par Ricardo il y a près de deux siècles, la Chine n’a pas pour seul objectif stratégique d’exporter, celle-ci n’exporte que pour être en mesure d’importer les biens dont elle a absolument besoin et qu’elle ne serait pas capable de produire seule. A notre sens, les importations sont même le seul vrai enjeu stratégique pour la Chine, la dévalorisation rapide du Yuan ne facilite pas les choses et il ne faudra pas être étonné de voir les Chinois sacrifier leur profil exportateur pour améliorer leur capacité à importer. L’outil le plus évident d’une telle orientation stratégique reste la politique monétaire.

La fin d’une politique de taux accommodante qui prépare une politique de change plus souple
La politique de taux de la Banque centrale chinoise (2 %) a longtemps été très accommodante, alimentant le boom de la croissance par une liquidité abondante, selon les meilleurs préceptes keynesiens. Mais, voilà, la Chine est confrontée logiquement à l’envolée de bulles spéculatives dans les valeurs mobilières et immobilières qui est aggravée par une accélération de l’inflation de plus en plus préoccupante. La politique chinoise de taux ne posait pas de problèmes insolubles lorsque les Etats-Unis étaient eux-mêmes un peu moins accommodants. Aujourd’hui, non seulement la politique monétaire américaine renforce encore la pression sur le yuan, mais elle l’entraîne incidemment à la baisse contre les autres devises et contre le cours des matières premières. C’est donc logiquement que l’inflation s’envole, stimulée en interne par une explosion sans précédent des prix agricoles et, en externe, par la poussée soutenue du prix de toutes les matières premières et dévaluation aidant du renchérissement de la plupart des biens d’équipement que la Chine a besoin d’importer. La Banque centrale a donc modifié substantiellement sa politique, depuis 2006. Les taux à un an ont doublé passant de 2 % à 4 %. Mais, en l’absence d’un réajustement des parités, les résultats se font attendre ; jouer sur la demande interne ne peut suffire et risque de s’avérer contre-productif...
Les intempéries ont eu des effets catastrophiques sur l’inflation du prix des denrées alimentaires qui, au-delà de son caractère partiellement momentané, souligne les tensions durables qui existent sur ce marché. Or, en Chine, l’explosion de ce type de coût ne génère pas des accès de mauvaise humeur électorale comme en France, mais peut susciter de violents troubles sociaux. Le pouvoir chinois actuel, pour être encore autoritaire, n’est plus sourd à l’estomac de ses concitoyens. L’envolée des prix agricoles est une très mauvaise nouvelle pour lui, nous pensons qu’elle est de nature à provoquer des changements dans sa politique qui ne seraient venus autrement que beaucoup plus tard dans son cycle de croissance.

Selon nous, il y a fort à parier que la Chine va être amenée à revoir sa politique de change dans les mois qui viennent, non pour satisfaire aux désidératas des pays occidentaux, mais pour neutraliser les effets catastrophiques de l’inflation sur le tissu social. La Banque centrale chinoise sera tentée d’élargir les plages de valorisations permises au yuan ; la première conséquence sera une baisse supplémentaire du dollar par rapport aux devises mondiales qui comptent. Or, si les Américains demandent un rééquilibrage des parités depuis des années, on aurait tort de penser qu’ils se réjouiront. Le réajustement risque d’arriver au plus mauvais moment ; lorsque l’inflation, pas encore apaisée par la récession, sera à son maximum. Ce coup de pied de l’âne monétaire les forcera à importer encore plus d’inflation au moment le plus délicat de leur cycle économique. En somme, il y a de bonnes raisons de penser que la politique chinoise de gestion de la crise du dollar va bientôt changer de façon radicale en raison de facteurs internes qui s’imposeront devant tous les autres. La Chine est aujourd’hui le dernier garant international du dollar, la Fed n’est plus maître du destin de la monnaie qui lui a été confiée. Ce processus s’inscrit selon nous dans un ensemble plus vaste où la relégation du dollar jouera un rôle symbolique.

Le déplacement du cœur de l’économie-monde vers l’Asie est presque achevé
Selon I. Wallerstein le dernier attribut que perd une puissance hégémonique est son empreinte sur la finance mondiale. A notre sens, la fragilité actuelle de la « finance » américaine et de sa devise de référence répond à ce type de glissement et non à des difficultés conjoncturelles dont on a de plus en plus de peine à voir le bout. L’ascension d’une nouvelle grande puissance économique s’accompagne de terribles turbulences ; les guerres anglo-françaises du XVIIIe et la crise mondiale de 29 sont là pour le rappeler. Force est de constater que les éléments du tableau se mettent en place au pire des moments et sont susceptibles de générer une crise systémique de la finance occidentale, car, si la valeur des dettes américaines s’effondre, l’onde de choc bancaire frappera l’Europe de plein fouet, et ce, malgré l’adroite défense J.-C. Trichet. La politique monétaire chinoise conditionne désormais pour une bonne part le jeu monétaire international et son évolution aura des effets macro-économiques énormes sur l’ancienne hyper-puissance que sont désormais les Etats-Unis. A nos yeux, ce simple fait suffit à affirmer que les rapports de puissance sont en train de changer fondamentalement et la monnaie comme c’est souvent le cas servira de drapeau rouge pour rendre visible à tous le nouvel ordre mondial. La Fed fait donc à nos yeux preuve d’une terrible myopie, la politique qu’elle mène aurait été critiquable et dangereuse il y a quelques années même lorsque cette devise était incontournable, aujourd’hui elle est proprement suicidaire, c’est ce qui fait dire à Marc Faber dans une interview récente que T. Bernanke est en train de détruire le dollar.

Eric Grémont
OpesC


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24 réactions à cet article    


  • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 11:04

    Pas mal de choses vraies dans cet article, mais je fais pourtant l’analyse exactement inverse.

    Dans la théorie des "avantages comparatifs", le Chine s’est spécialisée dans ... l’esclavage. Elle ne s’est pas assez préoccupée de sa demande intérieure. Sa production industrielle part à l’export et les bénéfices replacés aux US au profit d’une oligarchie.

    La récession occidentale va tuer ce système. Si la classe politique était capable de reconvertir vite la production vers la demande intérieure, ça ne serait pas trop grave. Mais quelle classe politique ? Ce pays, qui est pour la plus grande part un pays du tiers monde, est "gouverné" militairement par une nomenklatura corrompue.

    Je ne vois pas là "l’émergence d’une grande puissance" et le "rééquilibrage vers l’Asie". Je vois plutôt quelques garde-chiourme à qui l’on va dire : "on n’a plus besoin de vous".

    La "théorie du découplage", qui était tout ce qu’il y a de plus officielle il y a encore trois mois, semble ne plus convaincre grand monde aujourd’hui. Si elle foire vraiment, ce qui me semble probable, la Chine va se trouver dans la situation du Japon en 1935. Qu’alors Dieu nous aide tous.


    • Francis, agnotologue JL 19 mars 2008 13:03

      @ Forest, je suis assez d’accord avec vous, sauf avec votre dernière phrase, mais seulement parce que je ne crois pas en dieu.

      Que pensez-vous des événements au Tibet et de l’éventualité d’un appel au boycot des JO par les occidentaux ?


    • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 15:44

      Les US vont, comme dans les années 1930, revenir à l’isolationnisme. Il n’y a plus de gardien du "nouvel ordre mondial". Les canonnières vont rentrer au port. La Chine est livrée à elle-même et tout le monde va s’en foutre.


    • Francis, agnotologue JL 19 mars 2008 18:45

      0 Forest, là je ne vous suis plus.


    • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 20:29

      Comme pour l’URSS en son temps, l’empire coûte trop cher aux US, par exemple en Irak. Pendant la grande dépression, il y aura de fortes pressions politiques pour arrêter les frais. Les US redeviendront isolationnistes, comme dans les années 1930. Ils feront peut-être le service minimum pour Taiwan, Israel, et quelques autres bases-clé, mais pour le reste ils laisseront le reste du monde se démerder. En particulier, ce sera à l’UE de se démerder seule avec ses Balkans. Et je ne pense pas que les kurdes d’Irak fassent par exemple partie du service minimum.

      Tout cela est une impression, pas une démonstration, mais je pense qu’il est bien trop tard pour s’alarmer de l’interventionnisme US dans le monde, et temps de commencer à se préoccuper de l’absence de shériff.


    • Mr Mimose Mr Mimose 19 mars 2008 11:07

      Quelle ironie de l’histoire ! Un pays communiste qui bat les Etats-unis sur son propre terrain, celui du capitalisme.

      Es-ce que la chine pourrait atomiser financièrement les USA ? Si oui quelles en seront les retombées pour elle ?

      J’ai lu que les chinois ont refusé de renflouer la Bear Stearn(5ème banque américaine) et que la FED à du y parer en injectant 30 milliards de dollars.

      Es-ce que les événements qui ont lieu au tibet actuellement ne serait pas soutenu par les américains afin de faire pression sur la chine pour qu’elle se tienne à carreau ?


      • tvargentine.com lerma 19 mars 2008 11:08

        Quelles sont les différences entre l’allemagne des nazis en 1933 et la chine communiste de 2008

        Ils sont des pratiquants des crimes contre l’humanité dans l’extermination des minorités

        Les chinois veulent dominer le monde et s’appuie sur un modèle qui consiste à ne respecter aux des droits fondamentaux des droits de l’homme (comme les nazis)

        Les produits qu’ils produisent ne respectent bien souvent aucun respect des normes sanitaires,sociales,et écologiques.

        La question est de savoir si la France doit aller aux jeux olympiques en sachant que ces jeux ont déjà beaucoup perdu en crédibilité avec les affaires de dopages.

        Il s’agit donc ici de savoir si nous allons accepter de donner comme dans les années 30,de la puissance à un modèle anti-démocratique et qui constitue un grave danger pour la sécurité du Monde

         


        • alberto alberto 19 mars 2008 14:18

          Oui, Lerma, on se demande dans ces conditions pourquoi Sarko le Terrible s’en va faire de bisous et des courbettes au président chinois en répétant ce que ce dernier lui a demandé de déclarer :" le Tibet fait partie intégrante de la Chine" ! (ce dont les tibétains ne semblent pas convaincus au vu des émeutes de ces derniers jours !).

          Bien à toi.

           


        • Webes Webes 20 mars 2008 11:03

          @ alberto parce qu ils achetent des centrales en Euro 


        • Valou 19 mars 2008 13:44

          Je ne vois pas le rapport entre l’économie mondiale et les JO.

          Valou


          • manusan 19 mars 2008 14:09

            article trés intéressant.

            La Chine d’aujourd’hui est un pure produit de la mondialisation, la seule plus-value qu’elle apporte ce sont des esclaves et quelques consommateurs de produits de luxe. Cependant, les travailleurs à moins de 3 dollars/jour, c’est pas ce qui manque dans le monde.

            Comme dit l’auteur, avec les importations de machine-outils indispensable à ses exportations, l’allemagne n’a pas à baisser son froc devant Beijing, contrairement à la France.

            Je crois aussi que la Chine va devoir réevaluer sa monnaie pour une raison évidente, le prix de la bouffe. Le prix du porc a monter de plus de 60% en un an et ça continue. Et si une chose effraie les chinois, c’est bien l’idée d’une famine.


            • Sarro 19 mars 2008 15:16

              A propos de la monnaie chinoise, voici le lien d’un article de Valerie Peugeot de la revue transversales sciences/culture qui nous raconte comment la souveraineté du Yuan et fortement menaçé par la monnaie virtuelle le Q Coin de dans la messagerie instantanée Tencent (l’équivalent chinois de MSN). Celle-ci inquièterais les autorités chinoises malgrè un chiffre marginal.

              http://grit-transversales.org/article.php3?id_article=237


              • LE CHAT LE CHAT 19 mars 2008 15:22

                c’est bien de casser les prix , mais après pour suivre la demande on est obligé d’importer des matières premières , mais comme leur prix flambe , le matelas de dollars n’est plus aussi épais .

                Même si le yuan 2008 est d’aspect sympathique

                http://worldcoinnews.blogspot.com/2008/03/china-1-yuan-2008-rat-year.html

                ceux qui tiennent les rennes de la finance commencent à grimacer comme des masques de théatre chinois .

                 

                @EQUIPE AGORAVOX / NATURAVOX

                il doit y avoir un problème technique sur mon article , pas moyen de poster ...

                Merci de regarder sous le capot !

                 


                • alberto alberto 19 mars 2008 15:41

                  Minet : à propos de masques : qu’as tu fait de Marsu ?

                  Bien à toi.


                • LE CHAT LE CHAT 19 mars 2008 15:53

                  salut alberto , je parlais justement de ton article sur la consommation des chats et des chiens en chine dans mon article un peu plus bas , c’est à croire que les figures du calendrier chinois sont en fait ce qu’ils vont bouffer toute l’année ! mais pas moyen de rajouter le lien ni de poster quoi que se soit pour le moment .

                   

                  marsu , il doit se reposer en Palombie !


                • Marc Bruxman 19 mars 2008 19:46

                   

                  Article intéressant qui remet effectivement les choses à leur place. L’empire américain est en train de chuter comme Emmanuel Todd l’avait prédit. Inversement la Russie et la Chine s’apprétent à jouer un role majeur ce qui nous pose bien des problèmes.

                  Dans la théorie des "avantages comparatifs", le Chine s’est spécialisée dans ... l’esclavage.

                  Vous y allez un peu durement... La Chine est dans le même état que l’Europe au XIXème siécle. Elle n’avait pour ainsi dire que sa main d’oeuvre a vendre.

                  Entre 1981 et 2001, le taux de pauvreté est passé de 53% de la population à 8%. Et si vous allez réguliérement en Chine vous verrez que la situation va en s’améliorant contrairement à chez nous ou elle va en se dégradant.

                  Source : http://en.wikipedia.org/wiki/People%27s_Republic_of_China

                  Après ok, personne n’envie leur sort. Mais l’idée c’est qu’avant ce que vous appelez l’esclavage il était largement pire.

                  Mais Il faut bien comprendre qu’entre 1980 et 2008 la Chine a connu simultanément sa révolution agricole, sa révolution industrielle, son exode rural et une révolution politique. Tout a changé dans ce pays.

                  Une révolution industrielle est toujours difficile à vivre car elle signifie la remise en cause d’a peu près tout. Rien ne résiste aux révolutions technologiques. Ni les habitudes, ni les hiérarchies, ni la culture. Le problème c’est que durant ces périodes, le changement va plus vite que la capacité des citoyens à l’absorber. Il se crée alors d’énormes inégalités jusqu’à ce que le système se restabilise vers quelque chose d’acceptable.

                  On a connu ca en Europe (vous vous souvenez de Germinal). Cela n’a pas été drole pendant cette période puis cela s’est amélioré lentement. Les Chinois connaissent cela maintenant.

                  De notre coté, la révolution du numérique commence à nous atteindre et à tout bouleverser. Cela commence déja et cela va continuer à générer de graves troubles.

                  Elle ne s’est pas assez préoccupée de sa demande intérieure. Sa production industrielle part à l’export et les bénéfices replacés aux US au profit d’une oligarchie.

                  Ils s’en préoccupent actuellement. La Chine a beaucoup changée depuis l’arrivée de Hu Jintao et Wen Jiabao en 2002. Si pour Jiang Zemin seules les exportations comptaient, la nouvelle équipe n’est pas du même avis.

                  Seulement si il suffisait de décréter que la population doit être heureuse et bien nourri pour qu’elle le soit il serait facile de faire de la politique. Alors forcément la nouvelle politique prend du temps pour faire effet.

                  Je vous laisse un lien sur qui sont les dirigeants actuels de la Chine :

                  http://en.wikipedia.org/wiki/Hu_Jintao

                  http://en.wikipedia.org/wiki/Wen_Jiabao

                  La récession occidentale va tuer ce système. Si la classe politique était capable de reconvertir vite la production vers la demande intérieure, ça ne serait pas trop grave.

                  Il est clair que la Chine va prendre cher si les EU s’effondrent. Mais le boostage de la demande intérieure est déja en cours. Les zones cotiéres sont maintenant relativement riches, et une politique intense de développement de l’arriére pays est en cours.

                  Mais quelle classe politique ? Ce pays, qui est pour la plus grande part un pays du tiers monde, est "gouverné" militairement par une nomenklatura corrompue.

                  Pour les méthodes de gouvernement c’est très très loin d’une démocratie mais ce n’est pas non plus le 3ème Reich ! Vous n’avez AUCUNE liberté politique mais les libertées personelles se sont grandement améliorées depuis 1989.

                  La encore, il faut rappeler qu’en 1989 c’est la Chine des villes qui s’est soulevé et qui a réclamé des réformes qu’elles jugait nécéssaire de façon très violente. Cette révolte a été noyée dans le sang avec une certaine difficulté. A savoir qu’il y a eu des combats très violents dans Pékin et que les émeutiers se sont battus avec un grand courage. Ces jours la le gouvernement chinois a failli chuter et il l’ont bien compris. A la suite de cela, le gouvernement qui craignait pour sa pomme a donné à peu prés tout ce que la Chine des villes réclamait sauf la liberté politique. Cette chine qui a eu ce qu’elle voulait a alors cessé de revendiquer pour la liberté politique. Tant que l’économie tiendra, ce pacte tiendra et la contestation du moins dans les grandes villes sera virtuellement inexistante.

                  La situation est différente dans les campagnes avec de très nombreuses émeutes d’ou le fait que le gouvernement central se préoccupe maintenant plus de l’arriére pays. Car ils savent qu’ils ont la une véritable bombe à retardement.

                  Je ne vois pas là "l’émergence d’une grande puissance" et le "rééquilibrage vers l’Asie". Je vois plutôt quelques garde-chiourme à qui l’on va dire : "on n’a plus besoin de vous".

                  Mais on a besoin d’eux ! Sans la Chine, tous les biens de consommation vont valoir une fortune !

                  La "théorie du découplage", qui était tout ce qu’il y a de plus officielle il y a encore trois mois, semble ne plus convaincre grand monde aujourd’hui. Si elle foire vraiment, ce qui me semble probable, la Chine va se trouver dans la situation du Japon en 1935. Qu’alors Dieu nous aide tous.

                  Si la théorie du découplage foire vraiment et que la chine entre en récession, vous n’avez pas grand chose à craindre. Si ce n’est une inflation gigantesque chez nous. Car la seule chose qui tient la dictature en place c’est que les gens ont cessés de se poser des questions. Ils considérent qu’ils ont un gouvernement compétent et ne le remettent pas en question. Donc la liberté politique n’est pas une revendication. Si ca commence à aller mal dans les villes, le PCC va devoir jouer très serré pour rester au pouvoir... Pour nous, cela sera effectivement une catastrophe. Car il va falloir transporter les usines ailleurs et qu’on ne sait pas vraiment ou...

                   


                  • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 20:17

                    Mais on a besoin d’eux ! Sans la Chine, tous les biens de consommation vont valoir une fortune ! (...) Pour nous, cela sera effectivement une catastrophe. Car il va falloir transporter les usines ailleurs et qu’on ne sait pas vraiment où...

                    Clarifier ce sujet sur le fond demande plus qu’un bref échange. A mon avis, la crise actuelle est celle d’une mondialisation. L’occident n’avait pas vraiment besoin des sweatshops. Ils reviennent à peine moins cher que les usines automatisées qu’on a démontées en Occident. Ca arrangeait juste certains occidentaux. Je pense faire un prochain article là-dessus.

                    Comme le système implose, j’imagine que l’on va voir, dans cette grande dépression comme dans la précédente, le retour de l’isolationisme US et du protectionnisme mondial, par un effet de balancier excessif. On verra bien, mais en tout cas, c’est ce que j’ai déjà écrit dans tous mes articles macro précédents.

                    A part ça, l’esclavage en Chine au sens propre n’est sans doute pas général mais existe bel et bien.


                  • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 20:19

                    La Chine est dans le même état que l’Europe au XIXème siécle.

                    L’Europe du 19ème n’exportait pas le tiers de son PIB.


                  • Marc Bruxman 19 mars 2008 21:26

                    Clarifier ce sujet sur le fond demande plus qu’un bref échange. A mon avis, la crise actuelle est celle d’une mondialisation. L’occident n’avait pas vraiment besoin des sweatshops. Ils reviennent à peine moins cher que les usines automatisées qu’on a démontées en Occident. Ca arrangeait juste certains occidentaux. Je pense faire un prochain article là-dessus.

                    C’est malheureusement en partie faux. Oui on peut faire des usines automatisées efficaces ici. Mais j’ai un jour vu une usine qui fabriquait des cartes mères. Une usine commme on ne croit pas en voir. Avec au millieu des machines encore de nombreuses taches manuelles. A la demande de pourquoi l’usine avait l’air complétement archaique, l’ingénieur a répondu que l’humain coute moins cher à reconfigurer que les machines (je cite quasi verbatim pour ceux que ma phrase choquerait). Avec un cycle produit de 6 mois, les humains mal payés mettaient quelques heures à apprendre la nouvelle position de chaque composant. Reprogrammer les robots aurait été bcp plus complexe, long et couteux.

                    L’autre problème c’est ce que les financiers appellent le CAPEX (l’investissement en capital) soit la dépense en capital nécéssaire pour créer une usine automatisée. Elle est énorme. Donc même si après l’OPEX (les coûts d’exploitation) est inférieur que pour l’usine "sweatshop", cette derniére sera préférée car le risque est plus limité et qu’il faudra souvent 10 ans pour rentabiliser la différence. Sauf qu’en 10 ans, il y a des chances que votre produit soit obsoléte et qu’il faille recommencer.

                    L’autre problème c’est l’écologie et la on est bien d’accord que cela nous concerne directement. Et bien aussi choquant à dire, on a besoin de faire effectuer une partie de notre sale boulot la bas. Et ca nous arrange grandement que les riviéres soient polluées la bas et non ici. La encore, produire propre coute dans le meilleur des cas très cher et dans le pire n’est pas totalement possible. Est ce dégeulasse ? Complétement et dans les deux sens du terme. Mais on est maintenant dépendent d’un certain mode de vie et des dégats collatéraux qui vont avec. La situation ne s’améliore que trop lentement même si il semble que les pouvoirs publics chinois commencent à comprendre que la pollution coute au final très cher. Si ils commencent à agir sur les dégats les plus inadmissibles, il reste encore un grand bout de chemin à faire.

                     


                  • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 21:46

                    Je n’ai pas dit que tout pouvait être automatisé. J’ai dit que l’on a fermé des usines qui l’étaient. Ce qui annule l’argument du capital investi, puisqu’il a fallu le payer deux fois.

                    Je pense que le textile est éclairant sur ce point. Il n’était pas il y a 5 ans inabordable. La production française était très automatisée. Il n’y avait plus de canuts. Il est moins cher maintenant, c’est vrai. Mais c’était vivable avant l’accord "multifibres". Et la marge du distributeur a sans doute augmenté.


                    • Marc Bruxman 19 mars 2008 22:36
                      Je n’ai pas dit que tout pouvait être automatisé. J’ai dit que l’on a fermé des usines qui l’étaient. Ce qui annule l’argument du capital investi, puisqu’il a fallu le payer deux fois.

                      Non car ce n’est pas la même personne qui a investit deux fois ! Quelqu’un a investit en France et quelqu’un d’autre a investit en Chine. Et l’usine Française a fermée parce que le produit chinois était jugé de meilleur rapport qualité prix par le consommateur.

                      Bien sur la même chose est valable si un francais investit dans une usine en Chine. C’est son fric, il n’investit pas deux fois.

                      Je pense que le textile est éclairant sur ce point. Il n’était pas il y a 5 ans inabordable. La production française était très automatisée. Il n’y avait plus de canuts. Il est moins cher maintenant, c’est vrai. Mais c’était vivable avant l’accord "multifibres". Et la marge du distributeur a sans doute augmenté.

                      Sauf que pour le bien être de la filliére francaise textile qui touche une très petite partie de la population, on ne peut pas forcer toute la population à payer plus cher !

                      Parce que quand même, il y a un bazar en bas de chez moi qui vend des fringues made in china et bien niveau prix c’est imbattable. Si vous passez dans l’école d’ingé juste à coté vous entendrez d’ailleurs les étudiants faire des remarques du style : "L’arabe a coté, il est trop bien. Ces fringues c’est moins cher que la lessive !".

                      Quand aux marges du distributeur plus grande cela fait en réalité plus de marges en France. Car les marges de la production francaise étaient très réduites comme c’est le cas dans l’industrie. Au total, la marge globale sur le produit textile a augmenté. C’est juste produit ailleurs.


                    • Forest Ent Forest Ent 19 mars 2008 23:04

                      Ce n’est pas la même personne qui a investi deux fois !

                      D’abord, ça reste franchement à démontrer (et j’en doute, posez la question à walmart ou carrefour). Ensuite ça ne marche pas pour une chaîne déjà amortie, au moins en partie.

                      Sauf que pour le bien être de la filliére francaise textile qui touche une très petite partie de la population, on ne peut pas forcer toute la population à payer plus cher !

                      Axiome libre-échangiste. Si bien sûr. On le faisait il y a 3 ans. Ca s’appelle des douanes. Quel intérêt d’importer pour la nation prise dans son ensemble ? La baisse des prix ne compense pas la perte de salaires. En sacrifiant par petits bouts selon votre raisonnement, il ne reste plus rien à la fin.

                      Quand aux marges du distributeur plus grandes cela fait en réalité plus de marges en France.

                      Non, ça reste au passage aux Cayman, à Luxembourg ou à Guernesey.


                    • Francis, agnotologue JL 20 mars 2008 10:14

                       

                      Max Bruman a écrit un peu plus haut : ""Article intéressant qui remet effectivement les choses à leur place. L’empire américain est en train de chuter comme Emmanuel Todd l’avait prédit. Inversement la Russie et la Chine s’apprètent à jouer un role majeur ce qui nous pose bien des problèmes"".

                      Je crois utile à de rappeler ici l’ouvrage paru en 1973 d’Alain Peyrefitte : "Quand la Chine s’éveillera"".

                      Selon le site "Lire", ce titre serait emprunté à une prophétie qu’aurait faite Napoléon à Sainte-Hélène : "Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera."


                      • Francis, agnotologue JL 20 mars 2008 10:21

                         

                        Max Bruman encore lui, a écrit : ""L’autre problème c’est l’écologie et là on est bien d’accord que cela nous concerne directement"".

                        Je crois qu’un modèle de bonne réaction face à cette question a été fourni par cet athlète qui participera aux JO mais sur de petites distances seulement : il refuse de courir de grandes distance pour "ne pas se suicider, vu le niveau de pollution nà Pékin" a-t-il dit.

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