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Accueil du site > Actualités > Economie > Réhabiliter la notion de limite dans le monde économique

Réhabiliter la notion de limite dans le monde économique

Paradoxalement, les pouvoirs publics ne cessent de poser davantage de limites et de contraintes pour tout ce qui relève de la sécurité civile des biens et personnes (sous forme de lois restrictives, de dispositifs de surveillance et de prévention, de sanctions accrues...) - avec d’ailleurs l’aval de l’opinion publique -, mais demeurent très timides et réservés quand il s’agit d’aborder ce thème des limites et contraintes dans le champ de l’économie.

Chez les décideurs comme chez le grand public, prévaut en effet l’idée que le surcroît de liberté est toujours une bonne chose dans l’économie et que s’il y a régulation, elle doit être maniée avec modération.

Or, nous savons bien désormais que face aux enjeux colossaux du XXIe siècle (notamment écologiques), la machine économique ne peut continuer à fonctionner comme elle l’a fait ces cinquante dernières années. Le rapport 2007 du PNUD (ONU) sur le développement humain le souligne : « L’une des plus rudes leçons qu’enseigne le changement climatique est que le modèle économique de la croissance et la consommation effrénée des nations riches sont écologiquement insoutenables. On ne pourrait pas infliger de plus profonde remise en question à nos hypothèses sur le progrès que le réalignement des activités économiques et de la consommation sur les réalités écologiques. »

Alors pourquoi si peu d’entrain à agir réellement sur l’économie ?

Il est vrai que dans un monde ouvert et globalisé comme le nôtre, le contrôle et la contrainte en matière économique sont délicats à manier, surtout au niveau national, avec la menace permanente de la concurrence féroce d’un moins-disant social ou environnemental. Il est vrai aussi que l’économie administrée a montré son impasse et son danger et que personne n’a envie d’y retourner.

Mais est-ce que pour autant l’idée de limite doit être abandonnée ? Assurément, non ! Il s’agit donc de la réhabiliter et même de l’assumer de manière décomplexée.

Une approche renouvelée et positive de la contrainte

D’abord, on l’a vu, parce que cette limitation est la condition même de la durabilité de l’économie et de l’humanité.

Ensuite, car elle peut être utile à l’économie elle-même. Aujourd’hui, par exemple, à gauche comme à droite, tout le monde s’accorde, à quelques nuances près, sur le même constat : la nécessité de reprendre la main sur un capitalisme financier dont les dérégulations successives lui ont fait perdre sa tête et sa conscience. Et pourtant, rien n’est fait ou si peu.

Notre comportement face à la finance rappelle celui des parents tyrannisés par leur enfant-roi : faute d’autorité (politique), face à la démission des « parents » (politiques), la finance s’est imposée comme l’enfant-roi qui dicte ses desideratas à la société et ne supporte aucune tutelle...

Par ailleurs, la « limite » ne se réduit pas à une interprétation coercitive et antilibérale. Il faut faire preuve d’imagination pour inventer des contraintes à la fois efficaces et réellement opérationnelles ; des contraintes qui n’inhibent pas l’initiative individuelle mais qui soient au contraire « incentives » à la créativité, à l’innovation ; des contraintes dynamiques qui ne soient pas uniformes, certaines choses devant croître et d’autres décroître, en fonction d’objectifs et de finalités humanistes (par exemple, les salaires pourraient progresser aussi vite que les gains de productivité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui...) ; des contraintes pouvant résulter des pouvoirs publics, de comportements volontaires, de négociations entre parties prenantes, etc.

Alors que faut-il encadrer et comment : la rémunération des dirigeants ? les écarts de revenus dans l’entreprise ? la rémunération du capital ? la taille des entreprises ? l’empreinte carbone des entreprise ? etc. Toutes ces questions sont complexes et mériteraient un véritable débat national et international. En s’inspirant par exemple des expériences des entreprises de l’économie sociale et solidaire (entreprises associatives, entreprises coopératives, entreprises d’insertion, entreprises de commerce équitable, etc.) qui sont, sur ces sujets, une source d’enseignements pertinente.

Enfin, la première des limites est celle que nous devons imposer à nos esprits : l’économie a pris une place démesurée dans nos vies. Comme le soulignait déjà Keynes, « les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière ». Le défi est de donner à l’économie toute sa place, mais rien que sa place.

Nous devons donc renverser la perspective : les limites et les contraintes ne sont pas anti-économiques ; nous avons au contraire besoin d’elles pour tendre vers une économie saine et durable (notre économie actuelle n’est ni saine, ni durable). Cet impératif s’impose à nous : il pourra se traiter de manière démocratique et raisonnée maintenant ou alors de manière autoritaire et brutale demain, si rien n’est fait (à quand le rationnement individuel de production de CO2 par exemple ?)...

A nous d’inventer et de mettre en œuvre une troisième voie, entre la régulation modérée et souvent illusoire d’une « soft law » et la contrainte démobilisatrice d’un Etat Léviathan.

La fronde économique


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9 réactions à cet article    


  • Yvance77 13 juin 2008 22:05

    Je me suis fait la même reflexion que parkay.

     

    Ceci étant j’appartiens à ceux qui pensent que c’est mort, et qu’il ni a qu’une necessité c’est que disparaissent l’homme de la Terre.

     

    La Nature retrouvera son équilibre, c’est la seule matrice qui est à observer, et à suivre en exemple.

     

    A peluche


    • Yvance77 13 juin 2008 22:06

      Ceci dit le post est interessant


    • Lisa SION 2 Lisa SION 14 juin 2008 09:54

      "...Or, nous savons bien désormais que face aux enjeux colossaux du XXIe siècle (notamment écologiques), la machine économique ne peut continuer à fonctionner comme elle l’a fait ces cinquante dernières années..." "...D’abord, on l’a vu, parce que cette limitation est la condition même de la durabilité de l’économie et de l’humanité..." avez vous écrit. Vous avez tout dit, il n’y a rien à rajouter.

       Si ce n’est mettre l’accent sur l’absence de durabilité dans l’esprit de l’économie actuelle. Peut-être faudrait-il lui imposer de s’inscrire dans une nouvelle forme d " éconologie ".

      Les pouvoirs économiques sont les couilles du système, leurs place est entre les jambes et non à la place des yeux...


      • alceste 14 juin 2008 12:43

        Cet article fait réfléchir, mais il n’est pas facile de se dégager d’un sentiment d’impuissance devant le Moloch de la finance internationale. J’aurais bien la tentation de penser ,comme Yvance, que l’humanité sourde et aveugle ne mérite plus que de s’auto-détruire. Mais je me dis aussi que l’Europe, si elle n’avait pas commencé par se vendre corps et âme à l’idéologie libérale dominante, aurait pu jouer un rôle majeur dans un rééquilibrage entre le politique ( au sens noble du terme) et l’économique. Peut-être qu’il n’est pas trop tard - bien des dogmes économiques commencent à être mis en cause...


        • La fronde économique 14 juin 2008 12:46

          En effet, on peut légitimement s’interroger si ce n’est pas déjà foutu... On peut aussi faire sienne cette belle phrase du philosophe Alain : "Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté"
           

           


        • armand armand 14 juin 2008 13:11

          Article plein de bon sens.

          Et qui encourage à interpeler nos dirigeants sur leurs contradictions fondamentales : pourquoi faire la chasse aux immigrés qui font oeuvre utile dans les restos parisiens et en même temps laisser le fonds Carlyle acquérir l’imprimerie nationale à bas prix pour la revendre à un autre ministère trois fois plus cher ?

          Mais je suppose que je suis naïf...

           


          • melanie 15 juin 2008 12:36

            Qu’entendez vous par"opinion publique", dont vous truffez votre texte  ???

            Les personnes agées toujours plus nombreuses en occident qui, de façon classique veulent plus de sécuritaire, deviennent réactionnaires et tous ceux qui , sans culture économique aucune ont ingurgité sans le comprendre les slogans distillés depuis 20 ans par une obédience idéologique qui sourd comme un mauvais poison, comme quoi le libéralisme économique, c’est plus de liberté ...pour les entreprises.

            A tous ces petits patrons de PME -que les lois économiques ont oublié au profit des multinationales- qui profitent du système mais ressasssent eux aussi contre les lois qui protègent les travailleurs de la loi du jetable et des licenciemments à la tête du salarié ???Merci le syndicat des patrons européen qui essaime partout.

            "L’opinion publique" est malléale, influençable et veut plus de sécurité ...pour se protéger des "autres" mais plus de liberté pour elle.

            Que savez-vous de l’"opinion publique" qui est consituée à plus de 75 % de salariés du privé qui commencent à péter de trouille devant le spectre de ce qui se dessine pour les jetter plus encore et plus fragiles dans la gueule d’un système mondialisé qui profite aux mêmes .

            Alors même si la propagande qui consiste à faire croire que liberté=libéralisme a fonctionné avec force intox, l’opinion publique commence à se réveiller.

            Quant à savoir pourquoi rien n’est entrepris pour réguler la finance mondiale ????

            C’est que c’est à la foi très complexe à faire- car rien ne peut se décider seul dans un système mondialisé- et surtout et que c’est précisemment les multinationnales qui modulent le monde et que cette économie ultralibérale déréglementée sert, qui font masse, pour que rien ne change.

            Et que cette finance mondiale et les multinationales qu’elle sert tient les états dans sa main avec chantage de déllocallisation à la clé.

            Pour repasser dans une économie régulée à la Keynes, il faudrait - ce qui se profile- une crise d’une ampleur supérieure à 1929, qui nécessite des mesures drastiques comme celles prises au moment New Deal mise en place par Delano Roosevelt.

            Aucune mesure cosmétique ne peut actuellement réguler un système tentaculaire et ni DSK- FMI- ou Pascal Lamy -OMC-, deux ex socialistes !!!!!!!! n’en prennent le chemin.

            Comme hélas semble le montrer un livre pas très optimiste de Patrick Arthus - économiste et Marie-Paule Viard "Globalisation, le pire est à venir" www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index.php , les crises financières, alimentaires vont se succéder.

            Je ne crois plus ,à part déclarations d’intention - mais nous sommes entrés depuis longtemps dans l’ère des déclarations et des discours qui se suffisent à eux mêmes : On a tenu un discours ou une commission, c’est bouclé- que ni Obahma, ni Merkel, ni Sarrkozy ne peut réguler quoique ce soit :

            Laisser la "main invisible du marché" faire son oeuvre et juguler par le contrôle et la contrainte - même violente- les débordement d’un peuple qui souffrira de plus en plus : Ce qui se passe au Mexique - émeutes de la faim- se passera ici dans une moindre mesure.

            Il est bien tard pour mettre des limites à un système qui , devenu monstrueux, car tentatuculaire- avez-vos déjà vu des images des salles des marchés - bourses- qui décident du cours du blé, du coton, du maïs, du soja, du pétrole...Dela vie , quoi .. ????-

            Lisez le dernier Marianne, du 7 au 13 Juin, sur "la dictature des spéculateurs "...ça décoiffe.

             


            • ombrageux ombrageux 15 juin 2008 18:52

              Faux,, les contraintes ne doivent pas être financière le libéralisme le plus pur est la seule solution de la mondialisation.

              Je dirais même que c’est quasiment un espoir de paix, les intérêts étant tellement imbriqués les uns dans les autres au sein des multinationales que la haute finance n’a aucun intérêt dans les conflits et les guerres.


              Il ne peut y avoir de limite qu’écologique prise par des actes ou des traités internationaux imposant la même norme à toutes les industries de la planète.


              • Iren-Nao 16 juin 2008 09:09

                Nous vivons decidement une epoque super, cette crise des carburants fossiles enfin commence a nous reveiller d’une civilisation degueulasse.

                La mondialisation est deja cuite, elle ne peut profiter qu’aux actionnaires des grands groupes, qui ne sont pas la vraie vie, elle fut d’ailleurs concu pour ca. A la Lanterne. !!

                On commence a s’apercevoir que la tres sacro sainte croissance est ce qui nous tue, comme si on ne savait pas de puis le neolithique que plus tu grandis plus t’es pres d’etre mort.

                Nous allons par grande necessite avoir des etats forts et protecteurs, ca va pleurnicher chez les Bobos...

                Ca sera pas forcement pire que Big brother.

                Aux armes citoyens !!!!!!!!!!!

                Iren Nao

                 

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