Il va y avoir du sang dans la rue.
C’est par cette phrase élégante et mesurée que Larry Kudlow, le présentateur vedette de CNBC la chaine américaine de finance internationale diffusée dans le monde entier et regardée par tous les banquiers et Hedge Funds managers de la planète, a ouvert son émission quotidienne d’hier.
Le gourou de Wall Street faisait référence à la débâcle du marché financier américain au cours du mois d’août qui vient de s’achever en faisant du mois passé le plus mauvais mois d’août financier américain depuis 2001.
Aux États-Unis on parle partout de Double-Dip Récession, soit double-récession ou encore double plongeon de récession.
Pourquoi ?
D’abord l’immobilier.
Le krach de 2007 continue de faire des ravages.
Mais maintenant une seconde vague de krachs immobiliers balaie l’Amérique et se superpose à la première vague. On s’était familiarisé avec la notion de subprime, voici maintenant que les prêts immobiliers consentis aux particuliers aisés, riches, voire très riches s’effondrent également. Les emprunteurs ne peuvent plus rembourser car ils ont perdu leur emploi ou leur société ou commerce a fait faillite.
Aujourd’hui, un prêt immobilier résidentiel sur sept n’est plus payé par ses emprunteurs (prêts consentis aux familles pour leur habitation).
40,5 millions d’Américains sur 311 millions, soit 13% de la population, vivent de food stamps, littéralement timbres de nourriture, qui remplacent les soupes populaires des années Trente, créées lors de la Grande Dépression.
Les prêts commerciaux (prêts immobiliers de bureaux ou prêts utilisés pour financer la construction d’immeubles d’habitation) voient augmenter de manière alarmante les défaillances de remboursement.
Le taux de chômage américain est de 9,7% selon les critères classiques. Mais aujourd’hui même les cercles officiels et les statisticiens économiques retiennent unanimement le taux énorme de 18% !
Ce chiffre inclut les chômeurs inscrits, ceux qui ne prennent pas la peine de s’inscrire car ils ne toucheraient aucune allocation, et tous ceux qui sont trop découragés pour continuer à chercher du travail après des années de recherche inlassables et infructueuses.
Les marchés financiers américains plongent, même si tous les dix jours ils remontent de quelques centaines de points dans la journée pour piquer du nez à nouveau pendant deux semaines.
Une nouvelle forme de folle spéculation vient d’être mise à jour par la SEC (Securities and Exchange Commission) qui régule les marchés financiers des Etats-Unis, comme le fait l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) en France.
Ces nouveaux instruments de spéculation sont les quote stuffings qui ont joué un rôle prépondérant dans le flash crash du 6 mai dernier à Wall Street lorsque le Dow Jones perdit 700 points en quelques minutes. Ce sont les grandes banques et les Hedge Funds qui placent électroniquement, via des super-computers et serveurs, des ordres d’achat ou de vente d’actions boursières et autres valeurs mobilières en quantités énormes et retirent ces mêmes ordres en l’espace de quelques millièmes de seconde, permettant des profits démurées à la marge [on joue énormément très vite sous forme d’allers-retours, ce qui fait une quantité de petits profits qui d’additionnant créent des profits au montants quasi-illimités].
Ces manœuvres interdisent aux petits épargnants toute compétition puisque ces derniers n’ont pas les moyens techniques de faire la même chose.
Comme les États-Unis restent la première puissance économique du globe et New York est toujours la première place financière devant Londres (avec des zigs zags mensuels), ce qui s’y passe se passe simultanément dans tous les pays de la planète.
Ce qui est modérément réjouissant.
Le reste du monde suit, ou précède d’ailleurs, avec des effets secondaires ou induits (ripples effects) qui partent dans des sens diamétralement opposés : le Yen est au plus haut face au Dollar, à un niveau jamais atteint depuis 15 ans. Le Dollar et l’Euro se tirent la barbichette, pendant que le Yuan chinois est dramatiquement sous-évalué.
Les conséquences de cette volatilité sur le commerce mondial sont explosives : avec des monnaies qui varient les unes par rapport aux autres avec une telle amplitude en si peu de temps, il est impossible de fixer des prix à l’exportation et à l’importation qui aient un sens économique. La couverture à terme des transactions internationales sur les marchandises devient encore plus indispensable, mais plus coûteuse, voire prohibitive, accentuant encore les distorsions des échanges globaux.
Il y a 25% de chômeurs chez les jeunes Français et 40% de chômeurs chez les jeunes Espagnols. Alors qu’on croyait la crise contenue, depuis trois jours l’Italie et l’Irlande sont de nouveau attaquées quotidiennement par les Hedge Funds sur leur dette nationale, comme le sont la Grèce, le Portugal et bien d’autres pays.
Le Banques centrales, elles, perdent la tête, Ben Bernanke, le Chairman de la FED (Federal Reserve Bank américaine) à déclaré mardi en substance que tout allait bien et qu’il fallait donc se préparer au pire et prendre des mesures d’urgence. Jean-Claude Trichet, le Président de la BCE (Banque Centrale Européenne) a à peu près dit la même chose le même jour. Et la BCJ ou BOJ (Banque centrale du Japon) s’est réunie d’urgence lundi matin pour tenter de colmater un bateau financier et monétaire percé de toutes parts. Résultat ? Une accalmie de 4 heures sur le marché du Yen, qui ensuite est reparti à la hausse de plus belle, désorganisant l’économie du Japon, troisième puissance économique du monde.
Apres une telle avalanche de catastrophes financières au mois d’août, que faut-il attendre du mois de septembre ?
Si on le demande à Larry Kudlow on a toutes les chances d’entendre à nouveau :
Blood in the Street
Du sang dans la Rue
(C’est-à-dire du sang à Wall Street, la Rue du Mur)
Encourageant.
Olivier Chazoule