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Accueil du site > Actualités > Environnement > Les arguments du Titanic

Les arguments du Titanic

J’ai été interpellé par la lecture du très intéressant « Le syndrome du Titanic » ou la fin du capitalisme. Je souscris personnellement à de nombreux points de l’analyse de son auteur, avec certes quelques bémols. Mais ce n’est là le propos de mon article
 
Sur ce sujet brûlant et très actuel, les nombreuses réactions des lecteurs m’ont profondément interloqué. Bien sûr, quand je discute de ces sujets avec des amis sur les différentes crises qui se déroulent avec une grande ampleur, crise économique, crise écologique, crise des ressources, crises des valeurs, je retrouve les mêmes réactions. Mais moi, naïf que je suis, je les trouve toujours étonnantes quand on veut bien ouvrir les yeux.
 
Permettez-moi de développer mon propos. L’auteur de l’article en question fait une analyse plus ou moins argumentée du film de Nicolas Hulot. Je conçois que l’on puisse être d’un avis très différent, avec une vision du monde et de l’avenir. Mais la plupart des arguments opposés à cet article sont d’une telle indigence que j’aimerais en faire avec vous un rapide tour.
 
Premier type d’argument : Chez moi, je vois bien que… alors ailleurs… autrement dit, du particulier au général.
 
Par exemple, « il y a moins de pollution chez nous qu’il y a 50 ans. Vous auriez vu cette ville il y a 30 ans, c’était irrespirable… » etc. Certes, je n’ai pas de peine à croire cela. De là à conclure que la menace brandie d’une pollution de plus en plus grande est donc devenue un objet de propagande, c’est un peu court. Creusons un peu.
 
Prenons la ville X. Selon certains scientifiques plus ou moins fiables, la pollution, formidable nouvelle, a diminué de moitié. Le conseil municipal se réunit pour rebaptiser X du doux nom de PropriX, et pour pourfendre tous ces agents de l’apocalypse écologique qui réclament encore plus d’effort, alors que SalY, à l’autre bout de la terre pollue de plus en plus. Que ces prophètes de malheur aillent donc officier là bas, bon débarras. Oui mais…
 
- Connaître la situation à PropriX ne nous dit rien de la situation à SalY ou BordeZ, et encore moins de l’ensemble X, Y Z. Si la pollution diminue à PropriX, cela veut-il dire qu’elle diminue à SalY. A moins d’étudier chaque cas séparément, rien ne nous permet de le savoir. Enfin, connaître l’état général de la pollution de la terre, demande beaucoup, beaucoup de travail…
- Moins polluer ne veut pas dire non polluer. Car il manque une référence de départ. Imaginons par exemple que le seuil acceptable de pollution soit de 100, et qu’il y a 50 ans, notre taux se situait à 400, alors une division par deux nous ramène à 200, deux fois trop encore.
- Une pollution non visible n’est pas moins naturellement dangereuse qu’une pollution invisible, encore plus insidieuse
- En poussant un peu plus loin, moins de pollution sur place, par exemple de 50%, ne veut pas dire que nous avons réellement diviser par deux notre pollution. Par exemple, il se peut simplement que la pollution émise se retrouve ailleurs, parfois à des milliers de kilomètres : gaz à effet de serre qui circulent dans l’atmosphère, déchets qui s’accumulent dans l’océan. Ou encore tout simplement que SalY pollue plus parce qu’il a récupéré les activitées que PropriX a évacué, mais dont elle utilise les produits…
- Enfin, hypothèse supplémentaire, SalY a doublé sa pollution en 50 ans : Ouh les vilains pollueurs, alors que PropriX a divisé sa pollution par deux, de quoi donner quelques leçons n’est-ce pas. Sauf que la référence de départ est une nouvelle fois omise. Car si nous apprenons que le taux de départ de Saly est de 100… Je vous laisse faire le calcul.
En fait, ces quelques points se fondent en un seul : quel référentiel utilisons-nous pour construire nos arguments : objectif ou subjectif, réflexion ou bon sens mal utilisé, profondeur ou superficialité.
 
Deuxième type d’argumentation : quand le message ne nous plait pas, le plus facile est de détruire le messager.
Imaginons cette chère Nicolette Mulot, éminente citoyenne de PropriX, connue pour toutes ces fabuleuses « émissions » à travers le monde, sorte un pathétique court-métrage sur la situation de PropriX. Ah mais mon cher ami, c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Cette dame, aucune crédibilité. D’ailleurs, je sais de source sûre que…
 
- Il est sûr que la crédibilité du messager n’est pas à négliger. Elle peut en particulier nous pousser à faire davantage attention au fond du message, à augmenter notre sens critique sur le contenu et sur l’objectif que poursuit le messager. Mais elle ne peut nous servir de paravent pour écarter les arguments et les problèmes soulevés.
- Ensuite, est-ce que tout ce que je « sais » du messager est vrai, fondé, avéré, ou cela n’est que dire et mensonges. Ai-je pris le personnage dans son ensemble, dans sa réflexion propre, dans son évolution. Est-il le seul à délivrer ce message, et pourquoi ? A l’instar de l’apôtre Paul dans la Bible, je préfère un messager qui délivre un bon message, même pour de mauvaises raisons, du moment que le message est entendu (attention, ne tombez pas dans le piège que je viens de tendre…)
- Et enfin, n’ai-je pas le droit d’évoluer moi-même. Je préfère de loin la formule : « je ne suis pas né écologiste, je le suis devenu » que celle détestable du : « voyez, j’ai toujours eu raison ».
 
Troisième type d’argumentation : Même s’il y a un problème on trouvera la solution, la science a toujours permis de s’en sortir. Argument que je mélangerais avec celui que nous ne devons nous inquiéter pour nos ressources, que la croissance sera toujours. C’est croire que le passé est reproductible à l’infini. Sauf que…
- le passé est souvent imaginé, voire fantasmé. Certes la science a accompli d’indéniables choses, a permis de surmonter bien des obstacles. Mais la science n’a jamais résolu la situation dans son ensemble. Il est même possible de se poser la question de savoir si la science n’a pas contribué à la situation. Personnellement, je pense que la question n’est pas là, mais dans le fond même de l’être humain. Mais je m’égare…
- Nous sommes confrontés à notre propre finitude, que nous refusons d’accepter. Par la taille de notre monde, trop grand pour nous, mais trop petit pour nous tous, du moins avec notre manière de vivre actuelle. Nos ressources sont limitées, ce que peut supporter notre monde est limité, nous avons franchi la limite.
- Etonnamment, ceux qui partagent cette croyance d’une science toute puissante sont les mêmes qui accusent ceux qui tirent la sonnette d’alarme de tous les ismes possibles et imaginables.
 
Je vous ai fait grâce des arguments les plus loufoques, à part celui-ci qui me plait particulièrement : « Quand nous respirons, nous émettons du CO2. Alors, franchement, comme le CO2 peut-il être dangereux pour l’environnement, puisque c’est naturel. » Et oui, l’homme serait-il dangereux ? je vous laisse un peu de travail.
Savoir aller aux delà de tous ces arguments qui n’en sont pas réellement, savoir aller au delà de notre « visible », tout cela, comme nous pouvons le voir, tout cela exige bien des efforts. Les mêmes efforts, en fait, que ceux qui sont nécessaires pour faire face à la situation actuelle de plus en plus dégradée. Une fois tout cela accompli, la prise de conscience de la réalité n’est plus très loin.
 
Petite note de fin ironique, les arguments que nous venons de décrypter et les personnes qui les utilisent, vont tout à fait dans le sens du titre du film de Nicolas Hulot. Le Titanic est insubmersible. Jusqu’à ce que…
 

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6 réactions à cet article    


  • plancherDesVaches 9 octobre 2009 17:19

    Et, cette ville ProfiX ... ?
    Ca se trouve où ?

    Nous allons bientôt devoir rebosser de nos mains. Le reste est littérature.


    • fafalefou 9 octobre 2009 17:55

      Je ne dis pas le contraire. Mais la littérature a encore de l’avenir. La preuve, vous avez pris le temps de lire cette prose.


    • Croa Croa 10 octobre 2009 00:26

      Derrière ces pauvres arguments se cachent un non-dit. C’est à mon avis un sentiment d’impuissance, truc peu avouable même à soi-même ! C’est aussi une fuite en avant.

      Comme alerte « la vérité qui dérange » suffisait. Aujourd’hui tout le monde ’’sait’’ mais restent sourd ceux qui ne veulent pas entendre ! Ce point a troublé Monsieur Hulot qui a alors réalisé « le syndrome du Titanic » Lequel constitue plus qu’une redondante alerte, aussi une excellente métaphore !

      Dans les naufrages il est stupide de fuir droit devant. Il est plus judicieux de chercher la sortie...

      à mon avis, la sortie est l’écologie... avec une porte... c’est la démocratie mais celle-ci est verrouillée par un mécanisme frauduleux conçu par et pour une oligarchie : L’Argent-dette ! Nous devrons donc démonter ce mécanisme et le remplacer par un truc public, stable et honnête. 

      Il pourrait aussi se détruire de lui-même au cours du naufrage mais il y aurait alors moins de survivants  smiley 


      • ramonjimenez ramonjimenez 10 octobre 2009 16:11

        @ l’auteur

        Il n’est pas tant question de nier l’impact de la civilisation industrielle que de se poser la question des moyens employés pour le réduire.

        Le problème se pose en plusieurs points :

        - d’abord le constat factuel , qui est à considérer comme tel.

        - les conclusions qu’on font certains « écologistes » comme Hulot ou Arthus-Bertand . Alarmiste , visant essentiellement l’émotionnel (le choix de l’image est parlant) , visant à la culpabilisation du peuple (dont les moyens d’action sont somme toute limités)

        - La récupération de ce discours par la classe politique , devenue éco-logique (éco au sens économique..) pour l’occasion et favorisant à fond le green business , ou comment continuer à polluer pareil tout en faisant payer plus cher.

        Le gros probleme du discours éco-logique est qu’il ne s’appuie à aucun moment sur le fait qu’aucune alternative viable n’est disponible instantanément pour remplacer le petrole. Aucun effort n’est fait pour developper les transports en commun. Les problèmes de déforestation trouvent leur source dans l’économie de marché , mais ils ne l’acceptent pas.

        Nous entretenons des rapport financiers avec les plus gros pollueurs de la planete. Comment cesser tout commerce avec eux ? comment glisser doucement vers le non polluant sans remettre en question l’équilibre économique mondial ? Quels rapports de forces geopolitiques naitront de la disparition du petrole ?

        Là sont les vraie questions. Ce sont des décisions politiques , qui ne sont pas entre les mains du peuple français , ni des dirigeants français d’ailleurs. Donc quel est l’intérêt de mettre la pression sur la populace ? à par préparer l’opinion à un durcissement généralisé de la vie de tous les jours je ne vois pas... Hulot ou pas , lundi faut aller bosser...

        C’est tout le modèle de societe qu’il faut remplacer , mais par quoi ? là est la question


        • UnGeko 11 octobre 2009 01:04

          Je viens de tomber sur un article assez édifiant ayant pour titre « Effet de ’serre’ et eugénisme vert » .

          De la taxe carbone en voici un passage :

          "Le marché du carbone, ce n’est pas une bagatelle puisqu’il se chiffre à 135 milliards de dollars pour 2008. Ce qui fait quasiment s’étrangler le très placide Jacques Diouf, directeur de la FAO, qui se demande bien pourquoi on peut générer un tel marché de carbone planétaire et ne pas être capable de lui confier 30 petits milliards de dollars pour régler le problème de la faim dans le monde. Mais Mr Diouf a sûrement compris, depuis belle lurette, que ce ne sont pas les mêmes caisses. Il posa également la même question pour le “coût de la crise financière” qui vient, d’ailleurs, d’être revu à la baisse, le 30 septembre 2009, par le FMI, le Fonds Monétaire International : il ne serait que de 3400 milliards de dollars. [39] Il avait été estimé auparavant à 4000 milliards de dollars. Mr Strauss-Kahn, un grand ami de Condoleezza Rice, qui a été placé par les Autorités à la tête de cette institution, en récompense de ses loyaux services [136], sait jouer de la calculette virtuelle. Les communiqués officiels cajoleurs omettent de préciser qui “finance” le coût ! C’est bien évidemment de l’argent public : des sommes astronomiques qui partent à fond perdu pour renflouer les banques et le système financier. D’où la nécessité de lever de nouveaux impôts aux USA, dits “taxes carbone” ou “U.S. cap-and-trade bill”.

          Et en attendant que le petit peuple soit une nouvelle fois carbo-taxé, pour la bonne cause climatique, les multinationales se gavent sur le marché du carbone géré par le Chicago Climate Exchange et le European Climate Exchange : Barclays, le pétrolier BP, Fortis, Goldman Sachs, Morgan Stanley, le pétrolier Shell, etc. Parmi les fondateurs du Chicago Climate Exchange, nous retrouvons American Electric Power (AEP), DuPont, Baxter International (vaccins H1N1), etc. Et dans le comité de conseillers « à la stratégie » du Chicago Climate Exchange, nous retrouvons également Mr Rajendra K. Pachauri, le président du GIEC. [209]" 


          • yvesduc 11 octobre 2009 09:33

            Bienvenue dans l’aveuglement humain ! Lorsque l’homme ne veut pas voir, il ne voit pas et invente toutes les fausses raisons possibles pour se protéger.

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