Mettre en pratique les valeurs du Conseil de l’Europe
Les Britanniques ont fait, stupidement, sauter les symboles et la devise de l’Union européenne dans le texte du traité de Lisbonne. Mais ce traité n’interdit en rien de développer l’usage des symboles si essentiels pour forger une identité européenne et de prendre et faire prendre au pied de la lettre la devise qui avait été proposée dans le traité constitutionnel : « Unie dans sa diversité »...
Dans cette perspective, il est très judicieux, pertinent et opportun que « L’Année européenne de l’égalité du dialogue interculturel » qui vient d’être lancée ait pour slogan : « Ensemble dans la diversité ». L’appartenance à une même famille implique le respect de règles communes, mais « intégration » n’est pas dissolution, abrasion, uniformisation, standardisation...
« L’intégration » européenne n’est en rien la « purée de marrons » que caricaturait de Gaulle. Ni un pudding. Bien au contraire. Jamais cela ne sera assez répété : l’unification européenne est aussi (de plus en plus) une arme pour la préservation des cultures d’Europe, donc des spécificités des terroirs et des peuples d’Europe, des religions et des courants de pensée européens, des langues, des traditions et des mœurs... Face au rouleau compresseur venu d’ailleurs de la « cocalisation », de la « macdonalisation », de la « com’cul » (cette aculture), de la marchandisation des esprits. Face aux effets pervers d’une mondialisation par ailleurs si riche. Face aux impérialismes des Croisés du « choc des civilisations ». Et face aux poussées d’intolérance bien de « chez nous », qui voudraient transformer le « Vivre ensemble » en « Vivre de la même façon », avec les majorités trop tentées d’oublier que la vraie richesse de la démocratie tient au respect des minorités et que les droits de l’homme sont fondés sur une « égale dignité » des êtres humains par-delà leurs différences.
« L’Autre » est un autre, donc un différent, et chacun est l’Autre de quelqu’un d’autre... RELATIO qui est animé par une philosophie personnaliste, comme les valeurs fondatrices du Conseil de l’Europe, suivra évidemment de très près les manifestations organisées dans le cadre de cette « Année ».
Cinq remarques en ces heures inaugurales :
1) Le hasard du calendrier fait que cette « Année » est lancée sous présidence slovène, donc dans cette ancienne Yougoslavie où le « dialogue interculturel » est plus qu’ailleurs un élément essentiel pour une paix qui reste à consolider. Le Kosovo reste une poudrière. Attention danger !
2) Le choix du vocabulaire pour qualifier cette année est porteur d’une pédagogie essentielle du « Vivre ensemble ». INTER-culturel n’est pas MULTI-culturel. La nuance est essentielle. Comme l’a dit Edgar Morin voilà longtemps déjà, « le primat de la culture européenne est l’affirmation du primat des cultures » et non de ce que l’on appelle « la culture européenne ». Là encore, l’accent est mis sur le respect mutuel : une belle occasion de rappeler que « civilisation » et « civilité » ont les mêmes racines et que toute « politique de civilisation » pour reprendre l’expression d’Edgar Morin remise au goût du jour par Sarkozy présuppose une politique qui donne du sens aux valeurs proclamées...
3) Selon une récente enquête d’opinion Eurobaromètre, deux tiers des Européens ont quotidiennement des contacts avec au moins une personne d’une autre religion, ethnie ou nationalité, ce qui démontre que les interactions interculturelles sont monnaie courante au sein de l’Union. Plus de 70 % des répondants considèrent ces relations positives et enrichissantes. L’identité est inséparable de l’altérité. Cela aussi doit avoir sa traduction politique ! Les droits de l’homme ne font certes pas office de politique, mais ils devraient interdire toute politique qui les bafouent ou simplement les écornent.
4) L’année du dialogue interculturel s’inscrit également dans le nouvel agenda européen de la culture à l’ère de la mondialisation, adopté par la Commission le 10 mai 2007. Il s’agit de promouvoir la diversité culturelle, le dialogue interculturel et la culture en tant que « catalyseur de la créativité dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et en tant qu’élément indispensable dans les relations extérieures de l’Union ».
5) Le dialogue interculturel est une priorité transversale de grande envergure de l’Union européenne. Il ne concerne pas que les institutions : chaque citoyen doit se sentir directement concerné. Cette « Année » ne sera une réussite que si les responsables politiques réussissent, en en étant les premiers acteurs, à mobiliser les opinions publiques.
D’ores et déjà un constat bien affligeant : en France, on ne peut pas dire que le lancement de cette « Année » ait eu un écho médiatique très fort, même dans les chaînes et stations dites de « service public »... Dommage. Mais la mise en relief de ce qui favorise un « Vivre ensemble » est moins bon pour l’audimat que les violences, les incivilités et les poussées d’intolérance qui peuvent l’ébranler. L’Occident ne vibre que par l’Accident... Et par ce que Castoriadis appelait « la montée de l’insignifiant »...
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