Ce dimanche a eu lieu un des derniers actes majeurs de la saison du carnaval de Dunkerque, avec la fameuse « bande de Bergues ».
Le changement d’heure n’aura en rien perturbé les "carnavaleux"
qui, un mois après la plus médiatique bande de Dunkerque, se sont donné rendez-vous à Bergues, petite cité fortifiée de la Flandre maritime. La "bande de
Bergues" est le dernier grand rendez-vous du carnaval dunkerquois, avant de
remettre les kletchs (costumes) au placard, jusqu’en janvier prochain.
C’est sur les coups de 15 h que le tambour-major lance le
cortège ; derrière lui, ses musiciens chargés de donner le rythme au gros des
troupes, juste derrière. Les chapeaux à fleurs et les fourrures sont de sortie
ainsi que les incontournables parapluies géants qui donnent au défilé une
hauteur et une couleur supplémentaires. Déambulant au son des fifres et des
tambours, le long des demeures typiquement flamandes, la "bande" change
d’aspect lorsque les cuivres prennent le relais. Tout se transforme en une
gigantesque bousculade, les chapeaux à fleurs s’entassent, si bien que du
haut, on ne distingue plus qu’une immense masse colorée. Compressés, les carnavaleux
tiennent bon jusqu’à la fin du chahut. Dans les faits, ce chaos général est bien
plus organisé qu’il n’y paraît. Les premières lignes, sorte d’aristocratie du
carnaval, essentiellement composées de gros bras, sont chargées de retenir la
foule qui pousse derrière, afin de protéger les musiciens. Les lignes dans
lesquelles les carnavaleux se tiennent bras dessus, bras dessous, sont plus ou
moins distinctes, mais le tout conserve une relative organisation.
Au fur et à mesure des heures, la liesse s’empare de la
bourgade flamande ; pendant que la "bande" continue son parcours, la
bière coule à flots dans les bars et également dans les "chapelles",
terme particulier pour désigner des maisons qui ouvrent leur porte et offrent
boissons, crêpes, gâteaux ou autre pouding aux masquelours (personnes déguisées).
La chapelle est un endroit festif où règne une ambiance à la fois moite et
bruyante, mais où tout le monde se retrouve : patron et ouvrier, élève et
professeur... les couches sociales tombent allègrement le temps d’un dimanche.
Le disque des Prouts, qui ont en mai dernier enflammé l’Olympia, les plus
anciens racontent leurs souvenirs et inculquent aux plus jeunes les codes d’honneur
du carnaval. Cette tradition carnavalesque trouve son origine au temps des pêcheurs
au long cours, qui, avant de partir en direction de l’Islande, faisaient trois jours de
fêtes.
Une fois désaltéré et restauré, il est temps de rejoindre le
cortège qui ne prend pas le temps d’admirer les monuments dessinés par Vauban. Du
haut de la mairie, du fromage de Bergues est lancé aux carnavaleux qui trouvent
ainsi une nouvelle manière de reprendre des forces avant de converger vers le "rigodon
final".
Le rigodon final est au carnaval ce que le bouquet final est
au feu d’artifice. Le cortège s’enroule autour du kiosque, sur lequel les
musiciens surplombent la gigantesque vague colorée. Pendant une heure, les
chahuts s’enchaînent. La pluie qui fait son apparition ne décourage pas les
milliers de personnes présentes. Pas ou peu de "spectateurs", tout
le monde est déguisé, et les voix s’élèvent dans le ciel berguenard, tout comme
la fumée qui sort tout droit du rigodon, tant la chaleur et la compression sont importantes.
La joyeuse fête s’achève par un hommage rendu à Jean Bart, célèbre corsaire dunkerquois.
Agenouillés sur l’asphalte détrempé de la place de la mairie, les carnavaleux
chantent l’hymne à Jean Bart au pied du grand beffroi qui surplombe la ville. Un
beffroi qui sonnera les coups de 20 h à la fin de cette véritable folie
populaire. Chacun repart dans la joie, certains finiront au bal, d’autres dans
de multiples chapelles, avant de retrouver, dès le lendemain, la vie civilisée.