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Après Daesh ?

Ces derniers temps, deux nouvelles très liées ont été au menu des informations. Tout d'abord, la petite polémique sur le très certain retour des djihadistes français qui ont sévi en Irak et en Syrie. Puis plus récemment encore, il y a la bataille contre l'Etat Islamique qui touche à sa fin, le groupe terroriste ne détenant plus que quelques kilomètres carrés de territoire. 

On pense alors à tous les événements tragiques que cette organisation a perpétré en France, chez nos voisins européens, aux Etats-Unis et même bien sûr au Moyen-Orient. Tout cela est encore vif et cette menace terroriste est désormais bien ancrée dans nos mentalités, presque résignées face à ce phénomène. On en oublierait presque que cette organisation, créée en 2006, a finalement marqué une bonne partie de la décennie qui s'achève peu à peu, particulièrement depuis 2013. Ces deux actualités peuvent nous amener à nous poser légitimement plusieurs questions : quel sera l'avenir des deux pays dévastés (entre autres) par cette tumeur pseudo-étatique, à savoir la Syrie et l'Irak ? Quel avenir également pour le djihadisme mondial et plus particulièrement, quelles sont les perspectives du risque terroriste en France ?

Syrie et Irak : quelle reconstruction ? 

C'est la dernière bataille contre l'EI. Elle a pour but de reprendre à l'Etat Islamique les derniers lopins de terre qu'il détient en Syrie. Les dernières encablures perdues à l'Est sont l'objet d'une attaque coordonnées par les forces arabes et Kurdes, soutenus par la coalition internationale. C'est la fin prochaine d'une reconquête lente sur ce proto-Etat qu'était l'organisation djihadiste, un temps auto-proclamée Califat. L'on peut être soulagé pour la stabilité de la région, mais le chemin est toutefois encore long avant la reconstruction d'Etats qui, avant même que les djihadistes ne prennent possession de régions entières, n'étaient plus très stables ou alors contestés. Plusieurs questions se posent alors pour rebattre les cartes de manière juste et équilibrée dans cette région si capitale pour la géopolitique mondiale. 

Tout d'abord, la transition politique sera délicate du fait du grand nombre d'acteurs impliqués, en particulier en Syrie, depuis plusieurs années : l'Armée Syrienne et les rebelles, l'Iran, le Hezbollah, les Kurdes, la coalition internationale, sans oublier la Russie. Et tout ce petit monde n'a pas forcément les mêmes ambitions pour la région ni les mêmes intérêts. Ensuite, rappelons un obstacle important : celui du régime de Bachar El Assad qui divise profondément. Si celui-ci a repris possession d'une grande partie du pays, il reste affaibli sur la scène internationale par les accusations de crime de guerre et de crime contre l'Humanité. Pour autant, le régime est à la manoeuvre : des contacts ont été repris avec la Turquie dans l'optique de la sécurité et quelques pays arabes sont en train d'ouvrir à nouveau leur ambassade à Damas. Ces rapprochements restent timides mais relativisent l'isolement international de Bachar El Assad qui vise à plus long terme une peu probable reconquête des coeurs européens. Enfin, il faudra se heurter à une difficulté majeure qui est la division de ces pays en différentes communautés politiques, linguistiques, culturelles et religieuses. L'Irak est lui divisé en trois : les Chiites au sud, les sunnites au centre et les Kurdes au nord. De son côté la Syrie est une mosaïque religieuse et culturelle, entre Alaouites, Sunnites, Druzes, Chrétiens et Kurdes. La répartition des pouvoirs et l'entente entre les communautés seront donc des questions houleuses pour la remise sur pied d'Etats un minimum stables. N'oublions pas non plus la volonté de créer un Etat Kurde qui pourrait impliquer plus que ces deux Etats. 

Tout cela promet donc une difficile reconstruction. Eberhard Kienle, directeur du Centre de Recherche Internationale, estime que si aucune dislocation étatique n'est à prévoir, il est également trop optimiste de penser qu'à court terme des Etats "Wébérien" seront en place. Le spécialiste rappelle aussi que la reconstruction de l'Irak post Saddam Hussein par les occidentaux eut peu d'impact malgré les moyens et dispositifs déployés. Certains pourraient penser que le soutien à de nouveaux régimes forts pour dépasser les divisions serait une stratégie. Cependant, Kienle rappelle que si dans les années 1970-80, la Syrie et l'Irak avaient des régimes forts, c'était aussi en raison de conditions plus que favorables : flambée du pétrole et prospérité économique ou encore protection de l'URSS. Il se veut toutefois optimiste sur la capacité de ces Etats à se redresser : ils disposent d'une reconnaissance internationale (même si le régime d'Al Assad est contesté), de structures étatiques stables pour certaines et qui transcendent en partie les communautés, d'un poids de l'Etat qui est ancien et a mené, depuis des décennies maintenant, des politiques publiques, des levées d'impôts et s'est doté de symboles et drapeau qui fidélisent des populations. En somme, il y a un "savoir-faire de l'Etat" dans ces pays qui ne devraient ni éclater ni redevenir des régimes autoritaires. Il sera cependant complexe de construire des Etats qui correspondent aux aspirations si diverses des populations dans une stabilité au long cours, sachant que les interlocuteurs sont multiples, notamment en Syrie. 

Monde, France : la fin de la menace du terrorisme djihadiste ? 

Si l'Etat Islamique est donc territorialement vaincu, il n'est pas forcément évident que sa capacité de nuisance soit pour autant anéantie. La question est d'autant plus brûlante en France car on s'achemine certainement vers le rapatriement des djihadistes français sur le sol national. A cette décision, inimaginable pour le gouvernement il y a encore peu, la droite a largement réagi par ses principaux leaders qui se sont tous prononcés contre (Laurent Wauquiez, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen). Est-ce vraiment une folie ? 

Tout d'abord, cette décision n'est pas totalement prise de plein gré car elle intervient suite à la décision américaine de se retirer de Syrie. Ainsi, les quelques 14 000 militants restant de l'EI (dont 3 000 combattants), vont être bien plus difficilement contrôlables selon Jean-Charles Brisard, qui estime que la justice, les institutions et prisons Kurdes sont insuffisamment préparées à un tel contrôle et pourraient ainsi ne pas réussir à éviter des évasions (ce qui est déjà arrivé par le passé). Aussi, les Kurdes souhaitent-ils renvoyer ces djihadistes, ce qui paraît légitime tant ils se sont battus contre eux. Une troisième voie existe néanmoins, non évoquée par le spécialiste du terrorisme : la justice Irakienne, qui a déjà ces derniers mois jugé et lourdement condamné des djihadistes capturés en Syrie. Pour rassurer, Jean-Charles Brisard assure que les peines de prison seront élevées pour les quelques 40 adultes qui reviendront pour être jugés en France et leurs enfants (70 à 80) devraient être placés dans des familles d'accueil. Mais des questions subsistent : comment être sûr que ces djihadistes n'auront aucune influence en prison, malgré leur isolement dans des quartiers pour radicalisés ? Quel "sevrage idéologique" peut-on mener pour leurs enfants, sans doute profondément endoctrinés ? Et comment assurer un retour à la vie civile pour ces gens après la fin de leur détention ? Ces questions sont autant d'enjeux dans notre pays où la radicalisation n'appartient pas encore au passé. 

A l'échelle mondiale, il est aussi difficile d'enterrer si aisément la menace terroriste. En effet, selon Wassim Nasr, certains djihadistes ont pu se regrouper au sud de l'Euphrate. L'Etat Islamique a aussi déjà muté dans son fonctionnement et son organisation : il se disperse, improvise des actions très localisées ne nécessitant que peu de matériel et se maintient sous forme de cellules dormantes. Le pentagone a d'ailleurs bien exprimé ses craintes de résurgences de groupes djihadistes au Moyen-Orient. D'autres régions, instables également, pourraient constituer un terrain favorable au rassemblement de djihadistes, comme le Tchad et l'Afghanistan. 

Si cette capacité de mutation et de résurgence existe toujours, c'est parce que, même si l'aspect politique et territorial de l'Etat Islamique (un califat qui avait vocation à exercer son autorité sur tous les musulmans en théorie) n'existe plus, l'idéologie demeure, dans les esprits et sur les réseaux sociaux, par le biais de tous les moyens de communication. Cette idéologie transfrontalière est donc à intégrer dans les luttes et il importe selon Edouard Vuiart de bien la comprendre : celle-ci intègre parfaitement la fin de l'EI dans son système, ce qui incitera toujours certains fanatiques à se venger des occidentaux. La mort est une victoire pour ces gens qui se perçoivent comme des martyrs : ils sont donc mentalement toujours vainqueurs. Le discours de l'EI s'adapte également à la perte de territoire : leurs combattant l'emporteront par leur conviction et Dieu impose une épreuve à ses fidèles pour les tester. Par ailleurs, l'appareil idéologique et le corpus théologique demeurent intacts et peuvent toujours être sources d'actions violentes. Le sens qu'ils donnent aux écritures, à leurs actes, et leur zèle "missionnaire" à révéler leur vérité persistent. C'est contre l'idéologie qu'il faut lutter pour éradiquer la menace.

Le Journal du Dimanche
Le Journal du Dimanche
Le Figaro
Le Monde
Le Monde 
IRIS 
La Croix
France Culture
 

Vincent D.


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6 réactions à cet article    


  • Sergio Sergio 23 février 2019 13:00

    Avec Daesch on lessivera 2 en 1, on lavera alors plus blanc que blanc en Syrie et en Irak !


    • delor 23 février 2019 16:24

      L’on parle beaucoup ces derniers temps du « problème » du retour des djihadistes français en France. Mais il est une chose capitale dont on ne parle nulle part, ni dans les médias écrits, mais dans les médias télévisuels : puisque la guerre en Syrie est quasiment terminée, il est nécessaire que les habitants venus de la région en sollicitant le « statut » de réfugiés fuyant ladite guerre, refassent le trajet en sens inverse. Compte tenu de leur connaissance de leur pays, de leur force de travail et de leur savoir-faire, et de ce qu’ils ont forcément « appris » en France, nécessairement désormais ils représentent plus une « chance » pour leur pays qu’une « chance » pour la France !


      • hgo04 hgo04 24 février 2019 08:03

        @delor

        Il y a quand même plus de syriens réfugiés en Turquie ou d’autres pays voisins, qu’en France.
        Et vu la responsabilité de la France dans ce massacre syrien.... on ferait bien mieux de faire profil bas.


      • hgo04 hgo04 24 février 2019 08:02

        Il n’y aura pas un après DAESH..

        Il y aura un DAESH d’après, c’est nuancé mais la réalité. On a crée un monstre, on l’a laissé grandir, on lui a même laissé croire qu’il pourrait un jour occuper une partie du monde pour y exceller dans sa doctrine.

        Puis, parce qu’on y a été obligé, on extermine ses têtes pensantes.. Et vous pensez que cela en est fini de DAESH ?

        Vous allez vite déchanter ! Autant vous y habituer, DAESH est déjà chez nous, dans nos cités nos campagnes, partout où vous verrez des femmes sous une burka, et où vous entendrez dire que la seule loi à laquelle obéir est celle du « CORAN ».. Je mets CORAN entre guillemets, car je parle de l’usage du Coran, et non pas du coran en lui même.

        Combien de massacre ont été fait par des hommes de dieu, la main sur la bible, le regard sur jesus.. Ben dans l’immédiat, c’est ce que traverse la religion musulmane.

        Donc DAESH n’est pas disparu ni mort. Il est déjà en europe !


        • Vindex Vindex 25 février 2019 17:17

          @hgo04

          Bonjour et merci pour votre commentaire. 
          C’est justement le propos de l’article ici : rappeler que si la structure étatique de Daesh n’existe plus, son appareil idéologique, lui, demeure intact. 


        • Pokemon999 5 juin 2019 12:03

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