Aux Etats-Unis, les bébés tuent dix fois plus de personnes que les terroristes
A peine élu, le président Donald Trump promulguait le 27 janvier 2017 le décret présidentiel N°13769 interdisant le territoire états-unien aux ressortissants libyens, syriens, irakiens, iraniens, yéménites, soudanais et somaliens. Communément nommé "Muslim Ban", ce décret était une promesse de longue date de Donald Trump qui avait garanti qu'une fois élu, il ne permettrait plus aux Musulmans d'entrer sur le sol des États-Unis, ce afin de "protéger la sécurité des Américains". On relève pourtant que seuls sept pays sont nommés sur la cinquantaine d'États où l'islam est majoritaire. Depuis le début du terrorisme islamique dans les années 1970, aucun citoyen des États-Unis n'a été tué par des ressortissants de ces sept pays. L'Arabie Saoudite, dont le commando du 11 septembre était originaire, ne figure pas, quant à elle, sur la liste des pays non grata. Pas plus que l'Afghanistan et le Pakistan, qui ont quand-même abrité des bases d'Al Qaïda et aidé Ben Laden.
L'Amérique aime se faire peur. Après la menace anglaise, amérindienne, allemande, communiste, et extraterrestre, voici la "menace terroriste", nouveau maccarthysme savamment entretenu par les médias d'alt-right comme Breitbart News qui n'hésitent pas à jouer sur le traumatisme qu'ont pu provoquer les attentats du 11 septembre ou d'Orlando auprès du public états-unien.
Dans les faits, la menace terroriste se place loin derrière les autres risques quotidiens. Par exemple, il y a 33 000 fois plus de probabilités qu'un Américain moyen meure du cancer qu'il ne soit tué par des islamistes. L'obésité, désormais cause nationale, tue quant à elle 5800 fois plus que le jihadisme : d'après l'OMS, 39% des adultes et 17% des enfants états-uniens sont en état d'obésité. Le risque de perdre la vie dans un attentat islamiste est cent fois plus faible que celui d'être foudroyé (69 personnes en 2017) ou de heurter mortellement le sol en tombant de son lit (73 personnes). Le risque est enfin 20 000 fois plus élevé d'être victime d'une overdose. La drogue a en effet engendré plus de morts (63 000) en 2017 que le cancer et les accidents de la route réunis. Selon l'American Medecine Association, 115 personnes mourraient d'overdose chaque jour. Ce fléau n'est guère circonscrit aux quartiers noirs défavorisés, contrairement à l'image que l'on en a en Europe, mais toucherait l'ensemble de la société états-unienne, jusqu'aux cadres et aux fonctionnaires.
Mais en pratique, il y a plus de risques qu'un Américain meure d'un coup tiré par arme à feu. Chaque année, ce sont plus de 15 000 Américains qui sont ainsi tués, par d'autres Américains : balles perdues, fusillades de masse, règlements de compte. Le 2ème Amendement de la Constitution, qui, sous couvert d'autodéfense, permet la libre possession d'armes à feu facilite grandement cette prolifération. A tel point que même des enfants en bas âge ont accès à ces armes mortelles. Car, contrairement à la France où la loi impose de garder ses armes à feu dans un coffre-fort fermé à clé, la législation outre-Atlantique est éminemment plus souple : l'on peut laisser traîner son révolver sur la table de cuisine et son fusil mitrailleur dans sa voiture.
Ainsi, en 2017, cinquante-trois personnes ont été tuées par des bébés armés, contre quarante-sept en 2016. Une conclusion qui amène le Washington Post à titrer : "Aux États-Unis, vous avez dix fois plus de chances d'être tué par un bébé que par un jihadiste". Volontiers provocant, ce parallèle n'en est pas moins dénué de vérité. Depuis 2001, 170 personnes ont été victimes d'attentats terroristes (dont seuls 25% étaient d'inspiration islamiste), tandis qu'une cinquantaine de personnes meurent chaque année sous les balles d'enfants en bas âge. Deux faits divers tragiques ont été rapportés par The Independent : le 29 septembre 2017, à Detroit, un enfant de quatre ans a tué deux camarades du même âge avec un révolver dérobé chez sa babysitter ; le 3 juillet dernier, en Caroline du Sud, un bébé de deux ans a quant à lui tué sa mère et sa grand-mère à bout portant avec une arme qui traînait sur le siège arrière de la voiture familiale. Des tragédies qui font la une des médias pendant quelques jours et donnent lieu à quelques manifestations avant de tomber dans les oubliettes. Pendant ce temps, en France, le youtubeur dextrogyre Code-RNO (fan d'armes de guerre et admirateur de Trump) nous fait insolemment l'éloge du "modèle américain" et appelle le législateur français à imiter la "politique d'autodéfense" en vigueur outre-Atlantique.
Comme nous l'avons vu ci-dessus, 170 États-Uniens ont été victimes du terrorisme depuis la fin 2001 (en ne comptant pas les victimes du 11 septembre). Seulement un quart de ces attentats étaient d'inspiration islamiste. Il y a eu en effet onze attaques revendiquées par Daesh (avec des doutes sur l'attaque de Las Vegas) tandis que 33 attentats ont été perpétrés par l'extrême-droite : KKK, néonazis, survivalistes, fondamentalistes chrétiens… Les attentats islamistes ont cependant fait plus de victimes : 95 morts et 289 blessés, tandis que les attentats d'extrême-droite ont fait 75 victimes et 48 blessés. Si l'inconscient collectif voit dans l'attentat du 11 septembre 2001 le symbole même du terrorisme, il ne faut pas oublier qu'avant sa survenue, le sombre titre d' "attaque la plus meurtrière de l'Histoire" était détenu par l'attentat d'Oklahoma City. Commise le 19 avril 1995 par deux survivalistes complotistes, l'attaque à l'explosif avait fait 168 morts et plus de 880 blessés.
Et, au fait, qu'en est-il en France, de la fameuse "menace terroriste" ? Les mathématiciens probabilistes ont étudié la question et leurs conclusions sont plutôt cocasses. On aurait ainsi 250 fois plus de chances de perdre la vie à cause de l'alcool (maladies liées à la surconsommation, accident de la route, rixe d'ivrognes) que face aux balles d'un fou de Dieu. De fait, l'alcool causerait 49 000 décès chaque année tandis que 250 personnes ont trouvé la mort dans les attentats survenus depuis janvier 2015. Les probabilités de mourir dans une attaque islamiste s'élèveraient à 3 sur 10 000 tandis que celles de trépasser en tombant de son lit seraient de 5 sur 10 000. Ici même, un certain "Bruno" publiait un article très sensé le 16 janvier 2016, intitulé : En France, le chômage tue 100 fois plus que le terrorisme. Dans cet article, destiné à lutter contre la psychose ambiante, l'auteur démontait avec brio le discours anxiogène sur la "menace terroriste". Expliquant par exemple que 14 000 personnes étaient mortes en 2015 "à cause du chômage" (dépression, suicide) tandis que la voiture tuerait 20 fois plus (3 000 chaque année) que les terroristes de Daesh.
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