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Accueil du site > Actualités > International > Breaking news « conflit Azerbaïdjan-Arménie » : et si on essayait (...)

Breaking news « conflit Azerbaïdjan-Arménie » : et si on essayait l’objectivité ?

 

Et si le lecteur, avant de porter un jugement définitif, s'informait complètement et non unilatéralement.

carte azerbaïdjanaise

Depuis le début de ce conflit Azerbaïdjan-Arménie, la parole arménienne pour information est relayée par toute la presse française, avec pour moments forts, notamment, une longue interview de Nikol Pachinian le premier ministre de la République d'Arménie, dans le Figaro, un reportage de Maryse Burgot depuis Stepanakert au "20h" dominical de France2. Et une pétition de politiques français de droite, de gauche, et du centre appelle à un soutien de l'Arménie dans les colonnes du Journal du Dimanche.

Par contre la parole azerbaïdjanaise est absente de nos médias. Or le journaliste comme l'historien, sans porter de jugement, se doit d'être dans l'objectivité, se doit d'interroger les sources des 2 parties d'un conflit, afin d'être au plus près de la réalité et de laisser le lecteur se faire librement une opinion. Il peut donc être intéressant de prendre l'attache des azerbaïdjanais pour avoir connaissance de leurs analyses, afin de les confronter à celles des arméniens largement diffusées dans les médias français.

Les observateurs azerbaïdjanais font débuter la reprise du conflit au 27 septembre, avec une Arménie attaquant sur 3 impacts les lignes de contact avec les forces azerbaïdjanaises, pour forcer l'Azerbaïdjan à intervenir. Ces vigies indiquent que le conflit a pris un tournant important avec l'attaque par tirs de roquettes, missiles balistiques depuis l'Arménie contre des villes azerbaïdjanaises. Ont été atteintes Ganja la 2ème ville du pays, la ville industrielle de Mingachevir et la région de Khizi à 100km de la capitale du pays, Bakou.Tout cela dans le but de forcer l'Azerbaïdjan à attaquer l'Arménie directement. Alors que la contre- offensive azerbaïdjanaise est menée uniquement sur son propre sol (le Haut Karabakh et les 7 provinces autour du Haut Karabakh faisant partie intégrante de l'Azerbaïdjan ), dans les territoires occupés depuis près de 30 ans par l'Arménie. La Russie se refuse alors à intervenir constatant que l'intégrité territoriale de son alliée l'Arménie n'est pas mise en cause.

Pour le côté azerbaïdjanais le bilan humain est déplorable avec des morts et des blessés, des civils atteints, qui augmentent en nombre chaque jour, avec des villages, des infrastructures, des bâtiments résidentiels, détruits. L'armée azerbaïdjanaise remporte des succès au sud du pays notamment avec la reprise de la ville de Djebrayil près de la frontière iranienne, dans une réponse forte mais proportionnée aux dires des responsables. Le président Aliev demande le retrait complet des arméniens de tous les territoires occupés par eux, avec un calendrier précis de retrait des troupes.

Pour la partie azerbaïdjanaise il ne s'agit pas comme la presse française l'annonce, d'une lutte des forces arméniennes séparatistes du Haut Karabakh qui combattent l'armée azerbaïdjanaise, mais bien de l'armée arménienne, engagée depuis Erevan capitale de l'Arménie, sur le sol de l'Azerbaïdjan, dans les 20% du territoire occupés par l'Arménie, malgré toutes les résolutions des Nations Unies depuis près de 30 ans. Les autorités azerbaïdjanaises citent le ministre de la défense arménien ayant rendu visite à ses troupes sur le champ de bataille.

L'Azerbaïdjan rejette l'idée d'un combat Arménie chrétienne contre Azerbaïdjan musulman, en arguant du fait que l'Arménie est alliée à l'Iran chiïte.Il n'y a donc pas de choc de civilisation. L'Azerbaïdjan a toujours insisté sur le muticulturalisme en prônant la cohabitation et en ayant institué le dialogue interculturel et interreligieux entre les musulmans chiïtes, sunnites, les chrétiens, les juifs au sein d'un même état laïque, la religion étant séparée de l'état.

Il s'agit donc bien pour l'Azerbaïdjan d'un conflit de 2 états du Caucase du sud qui dure depuis la chute de l'URSS, c'est à dire depuis bientôt 30 ans. Les territoires occupés par l'Arménie doivent d'ailleurs aux dires du droit international et des résolutions des Nations Unies, être rendus à l'Azerbaïdjan qui attend depuis toutes ces années la restitution sans rien voir venir. Les prétentions territoriales arméniennes sont donc très mal vécues, dans une impunité totale, alors que les autorités azerbaïdjanaises s'appuient sur l'article 51 de la charte des Nations Unies qui stipule que, lorsque l'intégrité territoriale et la sécurité d'un état sont menacées, il y a autodéfense légitime.

La raison de la reprise des combats, ces derniers jours, est imputée par les azerbaïdjanais au fait que le premier ministre Nikol Pachinian est affaibli par la situation économique et sociale de son pays en pleine crise du Covid19, aux dires même des experts arméniens. Il s'agirait donc pour lui d'une diversion, de l'occasion de resserrer autour du gouvernement l'ensemble du pays, opposition comprise, en attaquant le pays voisin, un bon ennemi éternel.

Dans le passé déjà des heurts et des combats ont eu lieu pendant quelques jours et après, sont arrivées les injonctions de la Russie pour un cessez- le- feu et une promesse de négociations effectives, suivie d'atermoiements pendant des mois qui enterrent la possible résolution du problème. Ainsi en 2016, après 4 jours de guerre et un cessez- le- feu, il a fallu attendre 2 ans pour que les chefs d'état des 2 pays se rencontrent. Pendant ce temps statu- quo et procrastination avec consolidation arménienne dans les territoires occupés.

Les analystes azerbaïdjanais jugent le pouvoir arménien . Lorsque le Premier ministre arménien actuel est arrivé au pouvoir en 2018, il a demandé aux autorités azerbaïdjanaises de lui laisser le temps de s'installer et arguant de sa popularité, et du fait qu'il n'est pas originaire du Karabakh, il a promis de résoudre la crise entre les 2 pays. Depuis il a proclamé que le Haut Karabakh c'était l'Arménie. Et il pense que des concessions lui coûteraient le pouvoir.

Quand ils regardent la France, les azerbaïdjanais peuvent être attristés car ils y voient un sentiment anti-azerbaïdjanais et ils considèrent, d'une part, que notre pays compte une importante diaspora arménienne de près de 600 000 personnes, que le lobbying va bon train , notamment au niveau électoral avec l'importance du vote arménien et dans les médias qui ont un préjugé défavorable sur l'Azerbaïdjan. D'autre part ils pensent que l'on fait à tort le lien entre l'Azerbaïdjan et le génocide arménien par l'empire Ottoman en 1915. Cependant depuis 1997 la France avec les USA, la Russie, fait partie du trio co-président du groupe de Minsk, mandaté par la communauté internationale, chargé de résoudre le conflit entre les 2 pays. Il devrait donc y avoir une position officielle de neutralité médiatrice.D'un côté,en France, des maires, en contradiction flagrante avec la loi internationale et les engagements internationaux français, ont signé des chartes d'amitié avec des localités dans les territoires occupés dans le Haut Karabakh. D'un autre côté 80% du PIB du Caucase du sud est à mettre à l'actif de l'Azerbaïdjan et les sociétés françaises sont largement présentes dans le pays et pas uniquement dans les hydrocarbures.

Quand on leur parle des puissances Russie et Turquie, les azerbaïdjanais affirment que la dernière attaque menée dans la zone frontière Azerbaïdjan- Arménie, en juillet, a été menée pour impliquer la Russie, alliée de l'Arménie au sein de OTSC, l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (avec Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan). Sans réussite. Les premiers tirs en provenance de l'Arménie, ont simplement provoqué une réponse proportionnée de l'Azerbaïdjan et pas de réaction de la Russie. Les arméniens n'ont pas renoncé à cette idée de pousser la Russie à intervenir. Dans les jours qui viennent, doivent avoir lieu des exercices communs sur le sol arménien avec des forces armées de l'OTSC. L' Azerbaïdjan craint des incidents graves, entre autres dans les zones frontalières.

Quant au rôle de la Turquie dans le conflit, la partie azerbaïdjanaise indique qu'il s'agit de solidarité, de soutien, d'implication d'une puissance, facteur stabilisateur . La Russie va ainsi réfléchir avant de s'engager plus avant, auprès de l'Arménie.L'engagement direct de la Turquie dans le conflit est donc totalement faux. Malheureusement les fake news pleuvent et tentent de montrer l'Azerbaïdjan aidée par la Turquie, comme unique responsable. Dans la reprise du conflit, fin septembre début octobre 2020, 2 jours après le déclenchement des hostilités et les interventions arméniennes en Azerbaïdjan, il a été annoncé qu'un F16 turc était entré dans l'espace aérien de l'Arménie et qu'un SU25 avait été abattu. Or les frontières des pays de l'OTSC, face aux pays de l'OTAN dont fait partie la Turquie sont complètement surveillées par la Russie qui protège ces frontières et les zones de contacts éventuels avec la Turquie. Les renseignements aériens, les radars russes n'ont rien détecté. Pour les traces du combat aérien, aucune preuve n'a pu être apportée. De même on attend toujours du côté azerbaïdjanais la moindre preuve de la présence de djihadistes venus de Syrie, par la Turquie, pour prêter main forte à l'Azerbaïdjan. Qui plus est l'Azerbaïdjan peuplé de 10 millions d'habitants a une armée qui n'a pas besoin de supplétifs, et qui a un enseignement militaire dynamique et une motivation très grande pour libérer ses propres terres. Pas besoin de milices extérieures, apprenons-nous. Il y a en France une forte animosité envers la Turquie, mais il ne faut pas mélanger les sujets. Et les décideurs et la population azerbaïdjanais saluent l'amitié avec le peuple turc, peuple proche.

Les destructions du patrimoine azerbaïdjanais par les derniers bombardements choquent les citoyens du pays. Patrimoine classé et largement menacé. Les historiens et archéologues rappellent la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, la Convention de l'UNESCO de 1972 sur la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Les intellectuels s'indignent ouvertement du bombardement de la ville de Ganja, centre d'histoire et de culture anciennes et ils mettent en avant le mausolée de Cheikh Babi Yagrub fortement endommagé par les combats, dans la région de Fuzuli

En conclusion les azerbaïdjanais estiment qu'ils ont été tolérants, qu'ils ont attendu très longtemps qu'on leur rende justice et qu'on respecte la loi internationale. Dès avant la reprise du conflit actuel, ils le sentaient venir. D'abord avec la colonisation illégale au regard du droit international, avec la venue d'arméniens du Moyen-Orient, après l'explosion catastrophique à Beyrouth le 4 août : 150 familles libanaises ont été installées dans les territoires occupés. Ensuite en pointant, après les incidents du mois de juillet, l'information selon laquelle l'ambassadeur d'Arménie en Irak avait négocié avec le PKK, pour expédier des combattants, via l'Iran, vers l'Arménie (1500 à 2000 personnes). Enfin le 17 juillet dernier, de l'armement venant de Russie, ne pouvant passer par la Géorgie pour être livré à l'Arménie, était acheminé par le Turkménistan et la mer Caspienne. Dans quel but nous disent nos interlocuteurs d'Azerbaïdjan ?


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14 réactions à cet article    


  • hans-de-lunéville 6 octobre 2020 11:26

    « malgré toutes les résolutions des Nations Unies depuis près de 30 ans »

    cela me souvient un petit pays qui y résiste aussi depuis 50 ans au moins


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 6 octobre 2020 11:29

      On sait, tout cela est faux, tout cela est de la propagande smiley


      • c481 7 octobre 2020 23:00

        @Olivier Perriet
         
        En effet... L’auteur accuse l’Arménie d’avoir provoqué l’Azerbaïdjan le 27 septembre. Curieusement, c’est aussi le jour du début de l’offensive azérie ; quelle rapidité dans la réaction !
         
        Il nie le fait que des djihadistes syriens ont été envoyés en Azerbaïdjan avant cette date, et même leur présence.
         
        Il occulte les exercices militaires conjoints turco-azéris du mois d’août.
         
        Il triche sur les dates en citant les frappes sur Ganja, alors qu’elles se sont produites le 4 octobre.
         
        La carte qu’il présente est trompeuse, donnant l’illusion d’une attaque généralisée contre l’Azerbaïdjan, alors que les tirs arméniens dépassent rarement la ligne de front de quelques kilomètres.
         
        Il accuse le 1er ministre arménien d’avoir voulu cette guerre, alors qu’elle rend son pays encore plus dépendant de la Russie, dont il souhaiterait au contraire s’émanciper pour se rapprocher de l’occident.
         
        La perle : « de l’armement venant de Russie, ne pouvant passer par la Géorgie pour être livré à l’Arménie, était acheminé par le Turkménistan et la mer Caspienne ». Mais l’Arménie n’a aucun à la mer Caspienne, ni à aucune autre ! Et je vois mal les armes transiter par l’Iran (seule frontière terrestre ouverte, en dehors de la Géorgie, les 2 autres étant fermées : Turquie, Azerbaïdjan).
         
        L’auteur déplore que des civils azéris soient hélas touchés... mais ce qui tombe du côté azéri est sans commune mesure avec le déluge de feu qui s’abat sur les civils arméniens du Haut-Karabakh, y compris sur leur petite capitale Stepanakert.

         
        En vérité, les azéris ont déclenché l’offensive contre les séparatistes ; qu’ils ne s’étonnent pas que ces derniers tirent sur les positions azéries, c’est la règle de ce jeu morbide. Comme disait De Gaulle, la guerre, c’est comme la chasse, sauf qu’à la guerre, le lapin tire aussi...
         


      • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 6 octobre 2020 12:57

        J’aime bien la presse « française », qui joue a la vierge effarouchée avec les mercenaires syriens. Du temps où c’était Fabius qui s’en servait contre Bashar, ça ne provoquait pas tant d’émoi. Ajoutons que les contentieux actuels en méditerranée avec les turcs ne sont pas là pour affûter l’intégrité journalistique française.


        • M.William 6 octobre 2020 16:29

          L’Azerbaïdjan n’a pas besoin de reportages TV, ni de unes dans les journaux ; il est déjà au Louvre.

          C’est pas suffisant ?


          • DACH 7 octobre 2020 10:47

            Le ministère arménien de la Défense a publié les pertes de l’Azerbaïdjan sur le front de l’Artsakh depuis le déclenchement de la guerre le 27 septembre. Les pertes de l’Azerbaïdjan en date d’hier soir 21h00 : 3 754 soldats, 416 chars, 16 hélicoptères, 17 chasseurs, 127 drones, 4 tireurs Smertch. Ces pertes sont plus importantes avec les combats de ce matin et la destruction de dizaines de véhicules militaires et la mort de plusieurs centaines de soldats Azéris et mercenaires djihadistes syriens au sud-est de l’Artsakh près du fleuve Araxe.

            Krikor Amirzayan


            • c481 7 octobre 2020 23:04

              @DACH

              Quelle que soit la fiabilité de ce bilan, il ne me réjouit pas... 
              Cela fait toujours trop de morts.
              D’autant plus que les minorités ethniques d’Azerbaïdjan sont envoyées en première ligne, pour y crever...
              Les turcs azéris font ainsi d’une pierre, deux coups : tuer des arméniens, et éliminer en même temps leurs propres ressortissants non-azéris.
              Machiavélique...


            • DACH 7 octobre 2020 23:31

              @c481=Bsoir, un des objectifs du mamamouchi d’Ankara est de rendre cette région le AK ou HK invivable et créer une sorte d’exode. Déjà la moitié de la population a fui les bombardements. L’autre est de prendre le pouvoir en AZ, pour contrer l’influence israélienne.


            • DACH 7 octobre 2020 11:22

              Une analyse = La logique des blocs, héritée de la Guerre froide, continue de formater les esprits des élites politiques, militaires et économiques du monde occidental et, bien entendu, les médias. Le statut singulier de la Turquie au sein de l’OTAN pèse de tout son poids dans les esprits. Beaucoup ont observé une évolution de la politique intérieure et régionale de la Turquie qui les inquiète mais — à l’exception notable de la France d’Emmanuel Macron — n’en tirent pas les conséquences ou peinent à les accepter.

              Dans la guerre qui nous interpelle depuis une dizaine de jours autour du sort de la République d’Artsakh, plus communément appelée République autoproclamée du Haut-Karabagh, les raisonnements suivent encore un chemin inspiré par la logique des blocs. La Turquie est membre de l’OTAN - donc notre alliée - et, par conséquent, il est problématique de lui signifier ouvertement nos griefs. De l’autre côté, l’Arménie et le Haut-Karabagh se trouvent être associés au bloc Eurasiatique mené par la Russie. Or, le conflit qui se déroule sous nos yeux dépasse largement ce schéma ancien car il met au prise une Arménie confrontée à un défi sécuritaire majeur et une Turquie qui a démontré ces dernières années un activisme pour le moins dangereux.

              Il ne s’agit pas ici de faire l’inventaire de son attitude ambiguë en Syrie où elle a soutenu les djihadistes de tout poil avec un cynisme non dissimulé, ou encore comment elle est parvenue à convaincre les «  alliés  » américains d’évacuer ses troupes du Nord-Est syrien, ouvrant la voie à une prise de contrôle des zones kurdes de Syrie où elle a instauré un régime de terreur dernièrement documenté dans un rapport le Haut-Commissariat des Droits de l’Homme de l’ONU. Historien, spécialiste des violences de masse et en particulier du génocide des Arméniens, je travaille depuis longtemps sur les questions de violence en Turquie et sur les pratiques de l’État turc à l’égard de ses minorités. Cette expérience m’inspire quelques réflexions sur les racines du conflit actuel.
              D’aucuns se sont demandés qui avait pris l’initiative de lancer cette guerre, alors qu’un examen élémentaire de la situation sur le terrain, comme des déclarations guerrières de l’Azerbaïdjan et de la Turquie ne laissaient guère de doute. Il a ensuite été question de prouver que des djihadistes «  pro-turcs  » originaires de Syrie avaient été envoyés combattre les Arméniens depuis la Libye et la Turquie. L’étape suivante a consisté à démontrer que la Turquie était directement impliquée dans les opérations militaires contre le Haut-Karabagh via des conseillers et, comme il est probable depuis que le chef d’état-major azéri a été démis voici quatre jours, la direction des opérations. Une brève apparition meurtrière de F16 turcs, évidemment pilotés par des officiers turcs, dans l’espace aérien de l’Arménie, rapidement dénoncée, a probablement convaincu Ankara de se faire plus discrète pour ne pas risquer une intervention directe de Moscou qui a un accord de défense avec l’Arménie (mais pas avec le Haut-Karabagh, du fait de son statut de zone grise).

              Au final, pourquoi la Turquie s’est-elle engagée dans cette « aventure »  ? Outre le contexte international propice, ce pays partage avec l’Azerbaïdjan, que le régime jeune-turc de triste mémoire a porté sur les fonds baptismaux en 1918, un héritage génocidaire. D’Edirne à Bakou, ces proto-fascistes, ainsi que les définit un historien suisse, ont construit leurs États en exterminant les populations arméniennes et en menant une politique d’élimination et de répression de leurs minorités, obsédés par une pureté raciale qui perdure jusqu’à nos jours. Le catalogue des exactions commises contre les «  ennemis intérieurs  » arméniens, syriaques, grecs, juifs, alévis, yézidis, kurdes sont sans nombre et émaillent toute l’histoire du XXe siècle. Au risque de paraître culturaliste, je pense qu’une bonne partie de la société turque est contaminée par une culture de la violence qui est encore à l’œuvre aujourd’hui.

              Concernant la situation actuelle, pour les observateurs expérimentés, il ne fait guère de doute qu’à travers cette guerre imposée aux Arméniens, la volonté commune de l’Azerbaïdjan et de la Turquie est d’exterminer leur voisin et de faire la jonction entre les deux pays. Côté arménien, on est parfaitement conscient de l’obsession génocidaire des adversaires. Nous payons aujourd’hui, au Haut-Karabagh et ailleurs, l’incapacité des vainqueurs de la Première Guerre mondiale à punir les criminels turcs auteurs du génocide des Arméniens. Ce pays s’est développé durant des décennies avec l’ambition de se moderniser, adoptant même quelques signes de laïcité, tant vantés par leurs admirateurs européens. Il faut tout de même rappeler que le régime jeune-turc a largement inspiré les Nazis, grands admirateurs des méthodes employées par leurs voisins pour «  résoudre  » les questions de minorités. Ce régime a aussi été un allié des Nazis qui n’attendait que la chute de Stalingrad pour rentrer au Caucase et finir le travail.

              Aujourd’hui, qu’observons-nous  ? Un échec turco-azéri dans les combats frontaux des premiers jours, à la suite de quoi le tandem turc s’est attaqué aux localités civiles du Haut-Karabagh. Certains se posent encore la question de savoir qui a décidé de passer à l’usage d’armes de destruction massive. Il n’y a pas de doute à ce sujet, mais les mensonges proférés par les porte-paroles des deux autocrates semblent encore faire de l’effet. Il est possible que dans les jours à venir les assaillants passent au niveau supérieur qui signifiera une guerre totale et une destruction des infrastructures de la région, et plus encore.

              L’agressivité de la Turquie en Méditerranée orientale, en Libye et en Syrie, a fini par générer une guerre par procuration contre l’un des plus petits États d’Europe qui a, de surcroît, la particularité d’appartenir au bloc Eurasiatique notamment parce que la Turquie - qui n’a jamais assumé son passé génocidaire - est une menace permanente pour la survie de l’Arménie. Sans doute M. Erdogan a-t-il pensé qu’il pourrait à bon compte offrir à ses concitoyens ultranationalistes une victoire le mettant en gloire, d’autant plus populaire qu’on enseigne en Turquie la haine de l’Arménien dès la maternelle.
              Le calcul était sans doute trop optimiste. On ignore comment cette guerre va finir, mais on ne peut pas exclure que David domine Goliath. Dans ce cas, le petit État d’Arménie aura rendu service à la Russie, dont la Turquie conteste le leadership au Sud Caucase, et à l’OTAN auquel elle aura révélé une extraordinaire imposture de l’Histoire, l’intégration d’un État qui n’a jamais été «  dénazifié  » dont les fondateurs étaient des criminels de guerre auquel a succédé un régime des Frères musulmans. Elle aura enfin contribué à freiner les ambitions d’un État pris d’une fièvre expansionniste.

              Dans ces conditions, son appartenance à l’OTAN n’a plus guère de sens et une quelconque solidarité avec la Turquie revient à être complice d’un État criminel qui tente de finir le travail génocidaire. Aujourd’hui, la Turquie n’est plus face à des populations civiles, mais bien devant une armée qui se battra jusqu’au bout.

              Raymond H. Kévorkian,
              Historien


              • DACH 7 octobre 2020 11:31

                Le président russe Vladimir Poutine dans une interview ce matin sur la chaîne de télévision russe Rossia 1 a affirmé que la Russie est liée à l’Arménie par un pacte stratégique militaire et qu’elle a toujours réalisé et réalisera toutes ses obligations ses engagements envers l’Arménie. «  Comme vous le savez l’Arménie est membres de l’OSTC et nous avons devant l’Arménie un certain nombre d’obligations dans le cadre du traité. Mais les opérations militaires qui continuent malheureusement, ne se déroulent pas sur le territoire de l’Arménie (…) je suis en lien direct régulier avec le Premier mministre arméniens et nous nous informons sur la situation au front, les dirigeants de l’Arménie n’ont jusqu’à présent aucune demande auprès de Russie  » a indiqué Vladimir Poutine.

                Krikor Amirzayan


                • DACH 7 octobre 2020 21:13

                  Le mamamouchi d’Ankara va se réjouir au nom de sa religion de cour de maternelle de ce qu’affirme le dirigeant arménien ce jour : Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian dans une interview dans la soirée a déclaré qu’actuellement étaient réalisés les fondements d’une victoire finale de l’Armée de l’Artsakh.
                  « Si on tient compte des informations qui son reçues aujourd’hui tôt le matin, on peut dire que les stratégies du commandement militaire de l’Artsakh furent réalisées. Ils ont réalisé au sud des opérations militaires en laissant un couloir et pris au piège un nombre important de soldats Azéris. En ces minutes, ces corps d’armée azérie tombent sous les coups de l’Armée arménienne de l’Artsakh qui établit ainsi les réelles fondations d’une victoire finale » dit Nikol Pachinian.

                  Selon Nikol Pachinian hier soir les Arméniens ont laissé venir des troupes azéries très importantes en direction de la ville de Djebrayil au sud-est de l’Artsakh. Les troupes azéries se sont engouffrés et furent pris au piège. Ce matin les unités de l’Armée arménienne de l’Artsakh sont passés à l’action pour liquider un nombre important de soldats Azéris. « Une très belle victoire arménienne » dit le Premier ministre. Nikol Pachinian qui n’a pas exclu que l’Armée de l’Artsakh après ces succès sur le front de l’Artsakh puisse lancer des opérations militaires et avancer sur le territoire de l’Azerbaïdjan.

                  Krikor Amirzayan


                  • M.William 8 octobre 2020 13:18

                    "Quand ils regardent la France, les azerbaïdjanais peuvent être attristés car ils y voient un sentiment anti-azerbaïdjanais et ils considèrent, d’une part, que notre pays compte une importante diaspora arménienne de près de 600 000 personnes, que le lobbying va bon train , notamment au niveau électoral avec l’importance du vote arménien et dans les médias qui ont un préjugé défavorable sur l’Azerbaïdjan.

                    Les azerbaïdjanais ne se posent -ils pas la question de savoir pourquoi en France nous avons autant d’Arméniens ?

                    cela ne les attriste pas ? Sachant que c’est suite au génocide des Arméniens ?

                    Que les rares rescapés n’ont jamais eu le droit de regagner leurs maisons et leurs lieux de vie dans la Turquie kémaliste ?

                    Par rapport à d’autres, le « lobbying arménien » n’arrive pas à grand chose .

                    L’auteur ignore-t-il que le Conseil Constitutionnel a rejeté des propositions de lois qui auraient pu protéger ces français d’origine arménienne du négationnisme de ces 2Etats 1 nation à cause justement du lobby turco-azéri ?

                    Que partout les Arméniens sont poursuivis par ces deux lobby pour n’importe quoi voire pour la simple projection d’un film relatant le génocide des Arméniens ?

                    @l’auteur :

                    Nous sommes tous des Arméniens.


                    • M.William 8 octobre 2020 13:32

                      "En conclusion les azerbaïdjanais estiment qu’ils ont été tolérants, qu’ils ont attendu très longtemps qu’on leur rende justice et qu’on respecte la loi internationale. « 

                      Pour les turco-azéri, tolérer = rejeter.

                      Rien de pire que de lire ce mot dans ce papier orienté.

                      Une totale acceptation , une reconnaissance totale de l’Autre , voilà les mots dont il fallait utiliser ; mais on sait combien l’empire ottoman a abusé de ce mot ’tolérance » à des fins de propagande ; le revoilà dans le discours d’un auteur du XXI ième siècle !

                      On tolérait les juifs aussi, dans les ghettos.


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