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Merci M.Djibo !

Les médias occidentaux ont leur manière à eux de couvrir les évènements qui se produisent en Afrique. Pour le citoyen occidental en quête d’informations sur l’Afrique, impossible d’imaginer qu’il se produise sur le continent autre chose que des révoltes, des coups d’état, des massacres ou des drames quotidiens liés à la famine, la pauvreté ou aux ravages du sida. Pourtant, certains épisodes heureux surviennent parfois. Au mieux, ils sont accueillis avec indifférence, au pire, ils sont passés sous silence. Le processus de transition démocratique qui vient de s’achever au Niger en est l’exemple parfait.

Nous sommes le 19 février 2010. Le président Tandja voit définitivement s’interrompre sa tentative désespérée de conserver le pouvoir par une arrestation planifiée par un groupe de hauts gradés militaires. Si cet évènement est accueilli avec soulagement, autant par une majorité de nigériens que par les pays occidentaux, la méfiance reste de mise. Le Niger vient de connaître le troisième coup d’Etat de sa courte histoire et rien ne permet de penser que ce chef d’escadron, un certain Salou Djibo, soudainement promu à la plus haute charge du pays est sincère lorsqu’il annonce l’instauration d’un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) et la tenue d’élections, sans la moindre précision quant à une éventuelle date. Il est vrai qu’au Niger, l’appareil militaire est un Etat dans l’Etat. Mamadou Tandja est lui-même issu de l'appareil militaire, tout comme l'était feu Président Baré, le prédécesseur de M. Tandja, assassiné lors du coup d'état de 1999. Méfiance, donc.

Dès le début, le CSRD doit composer avec une nouvelle vague de famine, suite à de mauvaises récoltes. Les demandes pour une aide internationale, qui tranchent avec le silence de l’ancien Président Tandja sur le sujet, sont malgré tout accueillies avec réticence par les pays donateurs. Qu’est-ce qui prouve en effet que le CSRD n’est pas l’énième faux avènement démocratique ? A ce moment encore rien. Et de fait, assez rapidement, la cohésion du cercle fermé, composé de hauts gradés, pour certains amis de longue date du général Djibo, commence à se fissurer. Certains, plus intéressés par leur intérêt personnel, cherchent à freiner la ferme volonté affichée par celui qui préside le CSRD de rendre le pouvoir au peuple nigérien et d’organiser des élections transparentes. L’enjeu est de taille, car le Niger, très dépendant de l’aide extérieure, ne peut l’obtenir qu’à la condition de réussir sa transition démocratique. Le 22 octobre 2010, quatre officiers, dont certains proches du général, sont arrêtés.

Selon le porte-parole du CSRD, ceux-ci « préparaient un complot qui vient d'être déjoué et qui consistait à mettre un terme à la transition, y compris en attentant à la vie », du chef de l'État, le général Salou Djibo. La suite des événements ne laisse pas de place au doute. La transition démocratique vient d’être préservée.

Un peu plus d’un an plus tard, la transition démocratique s’est achevée, et les promesses d’un retour à la démocratie ont été tenues. Au final, les élections ont été un succès incontestable. Pas une seule déclaration de fraude n’est venue entacher les deux tours du scrutin, ce qui on l’admettra n’est pas si fréquent sur le continent africain.

Et le Niger a salué l'investiture de son nouveau Président démocratiquement élu avec 58% des voix, Mohamadou Issoufou. L’armée nigérienne, et tout particulièrement Salou Djibo, vient d’offrir une leçon démocratique au reste du monde. A l’instar de la Tunisie, l’appareil militaire a fait office de contre-pouvoir et de rampe de lancement pour un nouvel élan démocratique. Le fait mérite d’être signalé tant il est un signal fort pour l’Occident : l’Afrique n’est pas condamnée à l’échec.

Six mois plus tard, l’investiture du nouveau Président démocratiquement élu, M. Issoufou, le candidat jugé « le plus à gauche » de la scène politique nigérienne, clôture l’un des cycles de transition démocratique africain plus réussis. En témoigne le premier geste du nouveau Président, plein de symbole, de nommer un touareg comme Premier Ministre. On ne pouvait rêver meilleure manière de tourner définitivement la page de la discorde nigérienne, après deux décennies de grande tension entre les touaregs d'une part et les deux autres ethnies majoritaires, haoussa ou zarma, de l’autre. En réalité, le Niger avait besoin de ce petit miracle. Dans le classement de l’Indice de Développement Humain, le Niger ne devance toujours que le Congo et le Zimbabwe, tout en bas de la liste. Le pays est à genou au moindre aléa climatique et les risques de famine y sont chroniques. Son principal revenu, l’uranium, pourrait se déprécier suite au coup de frein que va subir la filière nucléaire suite à la catastrophe de Fukishima. Enfin, la croissance démographique très élevée est, pour un pays disposant de très peu de terres cultivables, un handicap particulièrement lourd. Mais si, aujourd’hui, ces immenses défis peuvent être relevés, c’est par la grâce d’un illustre inconnu qui a décidé de réinstaurer la démocratie et de s’éclipser discrètement afin de la préserver.


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2 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 8 avril 2011 07:33

    L’afrique est devenu ce que l’on en n’a fait......

    http://2ccr.unblog.fr/2010/12/05/afrique-terre-de-pillages/


    • Antar Ibn Chaddad 8 avril 2011 09:05

      salut Yves, rien à redire, c’est bien (et rare) ceux qui osent dire la vérité ... continue, bonne journée ! 

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