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Ukraine-Russie : deux stratégies opposées pour deux crises convergentes

Alors que la guerre en Ukraine entre dans sa troisième année, la crise démographique frappe de plein fouet les deux camps. Fuite des jeunes, chute de la natalité, pénurie de main-d’œuvre : la Russie comme l’Ukraine voient leur avenir compromis par un effondrement silencieux. Mais si les causes sont parfois communes, les stratégies pour y répondre, elles, sont radicalement différentes. L’une mise sur le contrôle et la contrainte, l’autre sur la résilience et l’inclusion.

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Depuis février 2022, l’Ukraine a perdu plus de dix millions d’habitants, selon l’ONU. Ce déclin spectaculaire résulte d’un double phénomène : l’exode massif lié à la guerre et un taux de fécondité effondré à un enfant par femme, l’un des plus bas au monde. Certaines régions sont aujourd’hui quasi dépeuplées, les jeunes ayant fui, les personnes âgées y survivant dans l’attente. Dans ce contexte, les conditions sociales et psychologiques rendent impossible la fondation de familles.

Face à cette urgence, Kiev a opté pour une stratégie inspirée du modèle suédois, misant sur l’investissement dans le capital humain : accès à la santé, à l’éducation, à la formation professionnelle, mais aussi égalité femmes-hommes et soutien à la parentalité. Dans l’industrie de précision, des femmes déplacées ont été formées en interne pour remplacer les hommes mobilisés. Le regard sur la main-d’œuvre féminine évolue, d’autant que 80 % des demandeurs d’emploi aujourd’hui sont des femmes. L’État ukrainien a mis en place des programmes ciblés pour les reconversions professionnelles, la création d’entreprise ou la formation de démobilisés. La pénurie de main-d’œuvre se double d’une restructuration dynamique du marché du travail, où l’économie réagit dans l’urgence avec une nette hausse des salaires (+55 % en trois ans).

En Russie, les effets sont tout aussi lourds mais la réponse est différente. La population russe décline depuis la chute de l’URSS. La guerre a aggravé cette tendance par la mobilisation militaire, les morts au front et un exil massif de jeunes actifs. La fécondité stagne à 1,41 enfant par femme. La main-d’œuvre manque dans tous les secteurs, y compris dans le complexe militaro-industriel. Pourtant, la stratégie russe reste ancrée dans une vision autoritaire : natalisme moraliste, restrictions sur l’avortement, chasse aux discours « childfree », exclusion des enfants non russophones des écoles.

Moscou tente de compenser par l’immigration, en recrutant en Asie centrale. Mais la xénophobie montante, renforcée par l’attentat du Crocus Center, rend cette voie instable. Des visas « idéologiques » sont proposés à ceux qui fuient l’Occident libéral, et un institut a même été créé pour faire revenir les expatriés. Parallèlement, le Kremlin a organisé l’enlèvement de milliers d’enfants ukrainiens depuis les territoires occupés, dans une tentative de les « russifier » à travers leur placement dans des familles ou des institutions russes. Cette politique vise à compenser le déclin démographique par une assimilation forcée, tout en affirmant un pouvoir symbolique sur les générations futures. Mais ces initiatives restent en grande partie symboliques. La productivité stagne, les employeurs relâchent les critères de recrutement, sans résultat significatif. Les tensions sur le marché du travail alimentent l’inflation sans gains de compétitivité.

Dans les deux cas, la démographie devient une donnée stratégique. Mais si l’Ukraine tente de bâtir son avenir sur l’inclusion, la Russie campe sur des instruments de contrôle. Dans un conflit où le temps joue un rôle crucial, celui qui saura reconstruire et mobiliser durablement son capital humain pourrait aussi dessiner les contours de la victoire.


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21 réactions à cet article    


  • sylvain sylvain 17 avril 20:15

    C’est vrai que moscou a une strategie desastreuse vis a vis de sa demographie, c’est qu’elle a d’autres priorites me semble t il.

    Ceci dit, dans les societes ou la demographie a ete tres elevee, l’inclusion n’a jamais ete une priorite. Pas sur que la strategie ukrainienne, ou plutot occidentale car ce que l’auteur decrit est le modele occidental actuel, soit plus efficace : les pays occidentaux ont une demographie faible eux aussi, compensee par une immigration massive : ce n’est pas le choix de la russie


    • Olivier Olivier 18 avril 09:32

      @sylvain
      Il n’y a pas une stratégie occidentale.
      La stratégie française basée sur l’incitation financière et la protection sociale n’est pas la même que la suédoise.
      Le modèle des Etats Unis est lui encore plus radicalement différent. 


    • sylvain sylvain 18 avril 20:32

      @Olivier
      a peu pres tous les pays occidentaux ont un systeme d’aide financière pour les enfants, d’acces a la sante, autorisent largement l’avortement, militent pour l’egalite homme femme.... enfin le modele dit inclusif me semble, de toute evidence, occidental.


    • V_Parlier V_Parlier 17 avril 20:41

      Je cite : « Face à cette urgence, Kiev a opté pour une stratégie inspirée du modèle suédois, misant sur l’investissement dans le capital humain : accès à la santé, à l’éducation, à la formation professionnelle »

      Mais l’auteur croit vraiment à ça ou il a fumé quelque chose ? Depuis 2014 et même avant, l’Ukraine est un pays gangréné par la corruption où les médecins survivent grâce aux pouboires ! C’est Tenzer qui fournit les articles ?


      • Olivier Olivier 18 avril 09:39

        @V_Parlier
        L’auteur cite ses sources. aussi désagréables puissent elles être pour vos certitudes.
        Bonne fumette.


      • Hervé Hum Hervé Hum 18 avril 11:55

        @Olivier

        mais pour croire dans la sincérité de ses « sources », lorsque celles-ci sont sujettes à caution, il faut être remplit de certitudes.

        En l’occurrence, que RFI ne soit pas un organe de propagande du gouvernement français, tout acquis à la cause ukrainienne et donc, peu soucieuse de dire la vérité, mais de nourrir la propagande du grand chef.

        Cela ne veut pas dire que cela soit faux, mais qu’on ne saurait se fier à une source qui coule dans le sens qu’on veut, sauf si c’est exactement ce que l’on veut entendre et alors, seules les sources qui coulent dans le bon sens sont bonnes, les autres étant évidemment mauvaise.


      • V_Parlier V_Parlier 18 avril 21:20

        @Olivier
        Vous appelez ça des sources ? La propagande habituelle soigneusement recopiée ? L’état des lieux de l’Ukraine que j’ai mentionné, je le tiens directement de familles ukrainiennes (mais pas pro-maïdan, donc des vilains pro-russes bien sûr), dont une famille qui a pourtant perdu son appartement lors de la prise de Marioupol.

        Quant à votre rapport sur la Russie (où j’habite maintenant depuis 3 ans), je peux me permettre de dire directement par moi même que c’est de la merde. Donc je n’ai pas de certitudes, j’ai une connaissance directe. Les « certitudes », c’est pour le pigeons comme vous qui jouent les perroquets de RFI/LCI/BFM.


      • V_Parlier V_Parlier 17 avril 20:43

        Pour ce qui est des problèmes démographiques, je suggère une comparaison avec les vieux pays d’Europe, ça calme vite fait.


        • Seth 18 avril 14:41

          @V_Parlier

          Le problème est bien plus simple : si vous envoyez les mecs « dans la force de l’âge » se faire trucider sur le front, il ne reste plus que des vieux impuissants à l’arrière.

          Comment voulez vous qu’on se reproduise ?

          Autrefois il y avait des perms pendant la guerre pour y remédier autant que possible.

          Une seule solution : l’oxydant doit se dévouer et fournir du matériel prêt à fiver. Tous à la branlette ! smiley


        • titi titi 17 avril 21:15

          @L’auteur

          Une erreur dès le début : " entre dans sa troisième année

          « 

          Et non c’est dans la quatrième année...

          La démographie est un des sujets récurrents dans le discours de Poutine depuis les années 2000. Il parlait même de »suicide de l’occident".

          La démographie est vraisemblablement l’objectif principal de ce conflit.

          Je dirais :

          1. Récupérer 40 millions de blancs chrétiens pour contrebalancer la progression de la population musulmane
          2. Le monopole/chantage au gaz face à l’Europe
          3. Le monopole/chantage aux céréales façe à l’Afrique

          Le résultat, c’est que même en cas d’effondrement de l’Ukraine

          1. foutu : les ukrainiens émigreront pour ne pas devenir russes
          2. foutu : les européens ont diversifié leurs appro
          3. c’est le seul point où l’objectif pourra être atteint

          • Olivier Olivier 18 avril 09:36

            @titi
            Exact, erreur de relecture. C’est bien trois ans révolus et nous sommes entré dans la quatrième année.
            Pour les conséquences que vous en tirez, je ne suis pas certains que tous les Ukrainiens quitteraient l’Ukraine sous domination Russe. Et, nolens volens, qu’ils n’iraient pas renforcer l’impérialisme russe.


          • titi titi 18 avril 21:15

            @Olivier

            "tous les Ukrainiens quitteraient l’Ukraine sous domination Russe

            "

            Non bien sûr.

            Mais dans une telle hypothèse, tous ne retournerons pas en Ukraine : des pays comme l’Allemagne leur ont déroulé le tapis rouge il y a 4 ans.

            Et il n’est pas sûr non plus qu’une occupation prolongée de l’Ukraine se fasse sans heurt : les russes ont commis trop d’atrocités contre les civils.

            Tout cela fait que les Russes ne récupéreront pas 40 millions de citoyens.


          • waymel bernard waymel bernard 17 avril 21:41

            Non la Russie n’a pas enlevé des milliers d’enfants ukrainiens.Elle a mis sous protection des milliers d’enfants de familles russophones vivant dans des territoires bombardés par les Ukrainiens.


            • Olivier Olivier 18 avril 09:38

              @waymel bernard
              Ca ne tient pas.
              Si on laisse de côté l’acte d’accusation pour enlèvement très bien documenté, il reste que si c’était dans le but que vous affirmer, il n’y aurait aucune raison d’effacer totalement leur état civil.
              C’est fait tout simplement pour qu’ils n’aient aucun moyen de retrouver leurs familles.


            • Goldo Du 18 avril 17:23

              @waymel bernard
              "Non la Russie n’a pas enlevé des milliers d’enfants ukrainiens.Elle a mis sous protection des milliers d’enfants de familles russophones vivant dans des territoires bombardés par les Ukrainiens."
              C’est ça. Et la marmotte...
              N’aime manger de la propagande russonazie ?


            • Hervé Hum Hervé Hum 18 avril 11:55

              "L’une mise sur le contrôle et la contrainte, l’autre sur la résilience et l’inclusion.

              « 

              les deux misent sur le contrôle et la contrainte, tout comme partout où la dictature du petit nombre qui fait travailler le grand est nourrit par lui et le gouverne (dixit Voltaire) règne, c’est à dire, dans tous les pays à quelques exceptions près.

              Mais sans doute que vos »sources" ne vous le disent pas !


              • Gérard Luçon Gérard Luçon 18 avril 14:05

                le « Maidan » en 2014 n’a strictement rien changé au niveau de la corruption en Ukraine, il va peut-être falloir, un jour, admettre ça !!!

                Les trafics d’enfants, d’organes, les ventres à louer, la drogue, le tabac, grâce à 2014, se sont développés ... et depuis 2022 nous avons une explosion des ventes d’armes « hors Ukraine » ... ce qui va nous retomber sur la tronche quand l’Ukraine actuelle va disparaitre...


                • xana 18 avril 14:27

                  @Gérard Luçon
                  Mais non, l’auteur de l’article nous le dit : L’Ukraine est une république démocratique !


                • Gérard Luçon Gérard Luçon 18 avril 14:41

                  @xana
                  comme mes articles, en ce moment, sont bloqués sur A-vox, voici qqch intéressant validé « ailleurs » https://reseauinternational.net/roumanie-pieges-par-une-definition/


                • Corcovado 18 avril 18:51

                  Extrême popularité de l’auteur et surtout de son article. Echec et mat.


                  • Phil 18 avril 18:54

                    C’est sûr que cela comme stratégie commerciale c’est d’un autre niveau : https://youtu.be/LAuwfvNZeiE

                    Source Arte 2019.

                    https://www.apar.tv/societe/tv/le-film-darte-qui-montre-que-lukraine-est-une-plaque-tournante-du-trafic-international-denfants/

                    « Nous vous présentons un article sur les horreurs réalisées dans les orphelinats ukrainiens.....................Vous allez comprendre que l’ukraine est une plaque tournante du trafic international d’enfants 10% viennent d’Ukraine...........Il est clairement dit dans ce film que des enfants ukrainiens sont vendus à des hommes ukrainiens de haut vol. Oui, oui vous avez bien lu, Arte fait son job pour une fois... »

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