Fake news ou la guerre mondiale de l’information
Twitter a commencé à censurer les contenus de son réseau avec ses nouvelles règles de modération. Le réseau social a déjà supprimé des comptes liés à l’extrême droite en Grande-Bretagne et aux États-Unis pour lutter contre les « discours haineux ». Une suite logique aux volontés d’Éric Schmidt, ancien PDG de la maison mère de Google (Alphabet), qui s’était engagé en faveur de la censure des contenus qu’il juge néfastes (pro-Russe, nationalistes, etc). Les algorithmes de Google et sa filiale Youtube ont donc été modifiés pour déclasser, voire déréférencer les idées qui ne plaisent pas aux dirigeants de ces moteurs de recherches. Des suppressions de liens de sites Web et de journalistes US d’extrême gauche ont également sévi sur le fil d’actualité de Google News. C’est notamment le célèbre site trotskiste World Socialist Web Site (WSWS) qui s’est plaint de cette répression. Youtube a supprimé 150 000 vidéos en moins de huit mois en 2017 et va signaler aux internautes lorsque des vidéos de sa plateforme proviennent de médias subventionnés par un État. En France, Google avait déjà financé le fameux Décodex (né l’année dernière) qui permet à son créateur, le quotidien Le Monde, de noter ses concurrents de « bons » ou « mauvais » site d’informations. Le tout revendiqué sans parti pris idéologique bien entendu, comme à son habitude.
Facebook compte également s’inscrire dans la hiérarchisation de l’information pour que certains contenus n’apparaissent pas ou moins dans les fils d’actualité. Ce sont les utilisateurs du réseau social eux-mêmes qui pourront juger du degré de fiabilité d’une information présente sur la plateforme. De plus, Facebook travaille main dans la main avec la Commission européenne contre les fake news et ferait preuve d’un certain zèle pour censurer et supprimer des contenus sur demande du gouvernement israélien et américain. Comme nous l’anticipions dans notre numéro précédent, le financement de la presse mainstream française par Facebook a notamment été mis en place pour contrer les « contenus sales ».
Le Canard enchaîné (03/01/2018) a effectivement établi que l’entreprise numérique collabore avec le journal Le Monde depuis février 2017, ainsi que d’autres journaux qu’elle rémunère, pour qu’ils sous-traitent la surveillance de l’information sur son ré- seau. Le Monde a affirmé que les fermetures de comptes sont plus liées aux contenus « haineux ou racistes » qu’aux fausses informations.
Côté gouvernements, le président français Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’un projet de loi destiné à contrer les fake news « en période électorale » dans l’Hexagone. Une loi allemande entrée en vigueur le 1er janvier 2018 va verbaliser les réseaux sociaux qui ne modèrent pas la haine et les mauvaises informations avec des amendes allant jusqu’à 50 M€. La police italienne a récemment lancé un site internet pour que les citoyens puissent dénoncer ce qu’ils jugent être des fausses nouvelles. Aux États-Unis, c’est encore le Département de la Défense qui est chargé de cette lutte : il a lancé un appel d’offres pour initier un programme capable d’analyser les commentaires sur internet et de générer automatiquement des publications sur les réseaux sociaux en sept langues (arabe, français, pachtou, farci, ourdou, russe et coréen). À partir du 20 mars 2018, les réseaux sociaux présents en Chine auront l’obligation de mettre en place des mécanismes de lutte contre les « fausses informations ». L’entreprise Baidu (équivalent de Google en Chine) soutient déjà les autorités gouvernementales en permettant l’accès à son moteur de recherche et à ses forums de discussion, à travers une plateforme d’intelligence artificielle (IA) pouvant déceler les intox. Même le pape en personne a condamné les fake news. Pour approfondir sur les caractéristiques et les méthodes de diffusion des fake news, voir l’intéressant rapport du Centre de réflexion sur la guerre économique.
La Commission européenne va également étudier le sujet par l’intermédiaire de Mariya Gabriel, la nouvelle commissaire au numérique. L’objectif est d’accompagner les mesures nationales avec une possible réglementation européenne. Le service extérieur de l’Union européenne va bénéficier d’1,1 M€ pour lutter contre le phénomène. Au total, 4 M€ sont consacrés à la surveillance de la propagande russe sur internet et à la diffusion de la propagande de l’UE pour contrer le phénomène (Ruptures, n° 71, 26/12/17, p.2.). L’Observatoire des Journalistes et de l’Information Médiatique relève que l’UE a félicité les entreprises high tech US pour leur zèle contre les « contenus haineux ». Selon l’organisme, tout ton trop vigoureux contre les politiques européennes pourrait être dorénavant supprimé sans vergogne. Mais la Commission reste prudente en attendant de voir les résultats de la régulation des entreprises, car elle se donne jusqu’à mai prochain pour décider si elle veut légiférer sur ce sujet ; Facebook a embauché 3 000 personnes pour se conformer à la loi allemande (Ruptures, n°72, 29/01/18, p.2).
Ces différentes mesures et lois sur les fake news sont explicitement dirigées contre la Russie et sa déferlante informationnelle efficace, selon France Culture. Plus généralement, toutes les actions de ce type sont menées contre le nationalisme, les idéologies qui l’entourent (religion, conservatisme, tradition, etc.) et les États qui s’en revendiquent. Finalement, le Vrai, le Bien, le Beau ne peuvent être énoncés que par l’État, les médias de masse et les multinationales du numérique.
Franck Pengam, Février 2018.
Extrait de Géopolitique Profonde n°1.
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