« Publicité absolue, publicité zéro »
Le musement est-il à la figure ce que la séduction est à la publicité ? Dans « Publicité absolue, publicité zéro », (Jean Baudrillard, « Publicité absolue, publicité zéro » in Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981, p. 131-143) Jean Baudrillard ne propose évidemment pas de réponse à la question. Il en pose nombre d’autres et, nécessairement, ouvre le champ des possibles à de toutes nouvelles considérations. Comment mettre cela en relation fructueuse avec la séduction, la figure et ses processus ? Suivons Baudrillard là où nous mène le mouvement incessant de sa pensée. Il ne s’agit pas ici de penser la publicité à la pièce, mais l’opération publicitaire comme forme. La publicité ne relève pas de l’expression, mais d’un mode d’expression. Ce mode est l’absorption. Absorption des « formes culturelles originales » et des « langages déterminés » parce que la publicité est sans profondeur, sitôt oubliée et apothéose de la surface. Elle est l’ultime avènement ; ce qui tend vers la publicité s’y épuise inéluctablement.
Elle n’articule pas de discours, mais dissout la signification à sa plus simple expression. Cette réduction du sens est impossible avec des énoncés de type lourd, « formes articulées de sens ou de style », alors que les polysémies du non-discours publicitaire servent toutes le même démon. Sans passé ni avenir, la publicité brutalise dans un semblant d’immédiat. Le fantasme de la transparence superficielle de toute chose, synonyme de publicité absolue, conduit, sans euphémisme possible, à la propagande. Toutes deux langage de masse, rhétorique presque sophistique, elles sont pareillement vendues au marketing et au merchandising d’idées. Toutes deux image de marque. Là où politique égale économie, le social concurrentiel même devient marque.
L’entreprise collective se dissout dans la demande expressément satisfaite, demande nourrie, gavée par les promesses publicitaires. Le monde est, selon Baudrillard, borderline, ballotté entre sa tendance névrotique et obsessionnelle à consommer, et psychotique, triste résultat de l’enfermement du sujet « hypercontenté ». Le jeu est celui de l’offre et de la demande.
En définitive, la publicité ne propose pas de signifiés à investir, mais impose des équivalences simplifiées. S’il fut un temps où la marchandise générait sa publicité, actuellement, les rôles se sont inversés : la publicité est sa propre marchandise. Se confondant avec elle-même, dangereusement tautologique, voire auto-érotique, la publicité se « publicise ». Le médium constitue le message : le média influence davantage que le contenu exclusivement informatif. Les médias et les technologies déforment la réception de l’information. La transmission n’est jamais de l’ordre de la pure dénotation. La publicité n’habille pas l’espace. Elle l’efface comme elle bafoue et fait disparaître tout support. Baudrillard voit cet outrage, liquidation, vacuité sensuelle, comme l’euphorie hyperbolique qu’est la structure vide de la séduction et de ses apparences. Plus grande que la réalité, elle se déguise telle. Hyperréelle, vêtue des signes seuls. Elle exalte l’objet, objet dès lors doublé d’une figure. Dans ce cas, la séduction est-elle un effet, l’inscription non plus seulement d’une désirabilité, voire d’une « séductionnalité », ou une nature ? « Or la séduction n’est jamais de l’ordre de la nature, mais de celui de l’artifice - jamais de l’ordre de l’énergie, mais de celui du signe et du rituel. »
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