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Accueil du site > Actualités > Politique > Le réformisme entendu comme un conservatisme technocratique

Le réformisme entendu comme un conservatisme technocratique

Le réformisme est une idéologie politique apparemment anodine et innocente, basée sur une certaine forme de bon sens pratique visant à perfectionner les rouages de la société non sans faire évoluer les lois pour prendre acte des nouvelles dispositions dans le domaine culturel et social. En fin de compte, le réformisme navigue entre perfectionnement des techniques, des dispositifs humains ainsi que la correction des effets collatéraux liés aux usages techniques, ces effets étant évidemment considérés comme nocifs. L’idéologie du développement durable est basée sur ce souci de corriger les dégâts occasionnés par l’activité humaine et s’il y a lieu, de limiter certaines de ces activités. On pensera inévitablement aux mesures souhaitées en matière de transition énergétique et de limitations dans l’utilisation d’énergies fossiles qui produisent le gaz carbonique accusé d’accélérer le réchauffement climatique.

Le réformisme technocratique contemporain constitue l’aboutissement de l’idéologie du progrès et de la métaphysique occidentale pour parler comme Heidegger qui voyait la cybernétique comme achèvement de cette métaphysique. Nous voyons cette métaphysique en œuvre dans la logistique de l’évaluation qui permet un retour sur expérience avec les corrections qui s’imposent. Revenons un moment sur ce progrès à travers les âges.

L’idéologie du progrès a pour ressort la croyance en une vie meilleure dans le futur, pour les vivants mais aussi les générations futures. Néanmoins, ce progrès suppose qu’on agisse avec des cadres et des outils spécifiques, notamment l’usage de la raison. C’est au 18ème siècle qu’est née le progressisme. Une idéologie partagée dans quelques cercles restreints de la société, notamment les lettrés et les philosophes. Vers 1830, le progressisme a pris la forme du positivisme. Les industriels et les savants ont supplanté les philosophes pour administrer le progrès. Vers 1900, le positivisme est devenu le scientisme. Le futur et la vitesse des machines ont été loués par les futuristes. Ces espérances n’ont duré que quelques décennies, car deux terribles conflits ont secoué l’Europe et le monde. A nouveau, l’idée d’un monde meilleur a été partagée dans les années 1960 (malgré les avertissement du club de Rome) puis les années post-68. La nouvelle société proposée par Chaban-Delmas a pris la forme du giscardisme avec sa formule choc, le changement dans la continuité. Mais cette ère a vite pris fin avec l’individualisme et la fin des grands Récits pour reprendre une thèse de Lyotard sur le post-modernisme qui en réalité a été un hyper-modernisme. L’euphorie des mouvements sociaux et du progrès collectif a été achevée dans les années 1990 avec les grandes grèves de 1995 qui ont signé la marque de notre époque actuelle, avec le désenchantement et la lutte pour conserver les avantages acquis ou bien se placer dans les meilleurs rouage du jeu économique et administratif. Le désarroi s’est propagé avec une idée pas vraiment étayé sur des générations futures qui vivront moins bien que les actuelles.

Cette situation a abouti au réformisme conservateur adossé au régime technocratique. Il faut modifier les lois, les règles et les techniques pour que le modèle social soit préservé. Bref, que tout change pour que rien ne change. Le changement c’est maintenant décréta François Hollande qui aurait pu paraphraser Louis XIV avec cette formule : l’Etat technocratique qui administre le changement, c’est moi ! Et en plus, je compatis avec toutes les victimes, du terrorisme et des accidents de la route. La cellule psychologique, c’est moi ! Foucault aurait vu la marque de la psychopolitique ou même de la neuropolitique en incluant d’autres traits du monde contemporain.

On comprend bien que la technocratie actuelle n’a plus vraiment de lien essentiel avec le progrès. La politique actuelle confond perfectionnement et progrès. Elle aussi sait jouer sur le ressentiment, non pas face au passé mais face à l’actualité et ses informations ciblant les émotions. Combien de fait divers ont-ils motivé des mesures inédites ou des modifications de textes de lois ? Quelques reportages sur les glaciers qui fondent et voilà nos gouvernants prêts pour une immense conférence dont le résultat sera un mélange de taxes nouvelles et des sources de revenus pour un certain nombre de profiteurs de la peur climatique, lesquels fonctionnent comme les profiteurs de la peur sanitaire. Je ne pense pas uniquement à la grippe H1N1. La peur du cholestérol a été une source de profit pour les marchands de statines et j’en passe.

Quelle serait l’essence de ce temps qui accompagne le réformisme. C’est le temps de la cybernétique comme on l’a suggéré, le temps cyclique des actions, effets, mesures, calculs et rétroactions. La roue du progrès déclinée en roue des perfectionnements. L’électeur a le choix entre deux nuances, le PS et les Républicains ex-UMP. Aucune différence majeure. On dirait une mécanique bien réglée qui essaye de considérer tout le monde et donc personne et de soigner les carences sociales en poussant les machines économiques mais au final, c’est le même schéma depuis des millénaires. La domination de l’homme sur l’homme. Et dans notre monde hyper-moderne, l’usage des techniques favorise l’émergence des structures dominantes sur les populations dominées. Que faire ?

Pour l’instant, il n’y a aucune solution ce qui laisse entendre qu’il n’y a pas de problème. D’un certain point de vue, c’est exact. Il n’y a aucun problème, le développement technocratique et scientifique de la société laisse des gens sur la route mais certainement moins qu’à d’autres époques quant à l’existence technique des gens, cela semble leur convenir malgré les désagréments. Les opposants au système ne veulent pas changer le système mais que le système leur accorde une place plus importante. Ce qui signifie plus de moyens ou plus d’attention à leurs désirs sociaux qui parfois, sont arbitraires, relevant parfois d’un caprice narcissique ou d’un formatage idéologique. Le conservatisme technocratique est l’idéologie qui sert l’avancée de la machine humaine articulée à la machine artificielle. On ne peut rien contre cette puissance. Les affranchis de ce système n’y sont pas entrés ou en sont sortis, développant des aptitudes spirituelles caractéristiques d’une destinée humaine la plus haute.


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5 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 26 octobre 2015 12:12

    la réforme ..... votez pour moi , la réforme c’est maintenant ......


    • Laconique Laconique 26 octobre 2015 12:29

      Je ne suis pas toujours d’accord avec vos articles, mais sur ce coup-là je dois saluer la cohérence et la pertinence de votre réflexion. Nous vivons en effet dans une société profondément conservatrice, dans laquelle on s’accroche à ses avantages et à ses acquis, sans se soucier du bien commun. Une petite pointe de perspective sociologique aurait peut-être affiné votre analyse : la génération des baby-boomers, qui possède actuellement tous les leviers de pouvoir, n’est-elle pas la plus égoïste de l’histoire, totalement indifférente à l’idée de progrès ou de transmission (refus symétrique à son refus passé de l’héritage), génération dorée, qui n’a connu aucune guerre, et qui a placé le narcissisme, l’hédonisme et l’insouciance (c’est-à-dire en un mot la dette à l’égard des générations futures) comme ses valeurs fondamentales ? (cf. Les Particules élémentaires de Houellebecq.)


      • Jason Jason 26 octobre 2015 14:16

        Débarrassez-nous du despotisme républicain, et nous réinventerons la démocratie !

        La fuite en avant c’est de faire plus de lois, mais, comme disait Montesquieu, plus on fait de lois, plus on crée d’infracteurs.

        Et la sarabande continue sans fin, les saturnales prennent de l’ampleur, mais on légifère, même si cela ne sert à rien.


        • izarn izarn 27 octobre 2015 12:58

          Si je vous ai bien compris c’est : Réformons pour mieux conserver ?
          Mais c’est le principe fondamental de toutes les droites libérales au pouvoir depuis perpette...Leur modus videndi, leur ligne de vie ontologique, leur doxa totalitaire.
          Je résume encore : Si tu veux conserver ton fric, tu dois te réformer.
          L’idée c’est de faire croire que la réforme c’est le progrés, et non pas de simple mesure de conservation. Boucher un trou dans le toit ; c’est une réforme du toit !
          Bref c’est de preferer la nourriture surgelée, à la nourriture fraiche, c’est de preferer sa télé, au grand air. C’est preferer de rester dans sa prison, plutot que de prendre le risque d’ouvrir la porte pour aller voir ailleurs...
          Bref c’est la définition de la sclérose du cerveau, de la vieillesse prématurée, tel qu’on la voit dans Soros par exemple...Enfin, lui était fou de naissance...
          Les politiciens sont vieux, meme jeunes, ils sont déja vieux, alors à 60 ans et plus, c’est la catastrophe !
          Vieux, oui, mais si au moins ils étaient sages, Ben non ! Ils deviennent cinglés !
          C’est la logique en médecine, non ?
          Seuls les esprits jeunes deviennent en vieillissant des sages...


          • julius 1ER 28 octobre 2015 10:08

            Le Réformisme ne fait pas recette au vu du nombre de citoyens/internautes qui viennent sur ce forum...... attention Bernard tu vas finir comme Stolypine !!!!

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