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Accueil du site > Actualités > Politique > Les universités dans l’économie (numérique) de la connaissance

Les universités dans l’économie (numérique) de la connaissance

Deux étudiants, avides de savoir(s), mais provenant de deux universités distinctes, ont-ils les mêmes moyens d'accès à la connaissance ? Au delà, de la question de l'inégalité au sein des universités françaises, cet article souhaite montrer que des moyens techniques existent pour faire entrer la France dans une véritable économie de la connaissance qui, in fine, favoriserait l'égalité entre étudiants.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler ce qu'est l'économie de la connaissance. Ce concept, qui désigne une nouvelle phase de l'histoire économique, renvoie également à une stratégie politique menée par l'UE depuis le conseil européen de Lisbonne de mars 2000. Il s'agissait pour l'UE de devenir d'ici 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale, dans le respect de l’environnement »(1). Pour y parvenir, quatre puis trois piliers ont été retenus : la "recherche-développement et innovation", l'éducation et les technologies de l'information et de la communication.

Les universités sont donc concernées au premier chef par cette politique. Si actuellement leurs présidents se sentent davantage concernés par des questions budgétaires et par la recherche de financements afin d'éviter la faillite(2), le rayonnement et l'attractivité des universités françaises peuvent venir d'une meilleure insertion dans l'économie de la connaissance. Et les technologies numériques sont peut-être l'outil idéal pour y parvenir.

Actuellement, chaque étudiant dispose d'un accès à l'environnement numérique de travail (ENT ou d'un équivalent) proposé par son université. Depuis cet ENT, l'étudiant peut notamment accéder à ses résultats ou à son agenda (lorsqu'il est mis à jour). C'est également depuis cet ENT que les étudiants peuvent accéder à des ressources électroniques (ou ressources en ligne) qui sont gérées par la bibliothèque de l'université. En fonction de leurs moyens et des disciplines considérées comme prioritaires, les universités achètent des licences pour accéder à des bases de données de revues et de magazines. Ainsi, l'Université de Franche-Comté dispose, entre autres, d'un accès à CAIRN, un bouquet de 291 revues francophones en texte intégral en sciences humaines et sociales et d'un accès à ScienceDirect (anglophone), qui permet de consulter environ 2100 périodiques en sciences et techniques. L'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ne propose pas à ses étudiants ScienceDirect, mais elle propose d'autres bases de données anglophones dont ne disposent pas les étudiants de l'Université de Franche-Comté comme SAGE Journals Online (plus de 650 périodiques) ou Taylor and Franis Journals (plus de 1000 périodiques).

Ces accès ne pourraient-ils pas être mutualisés par l'ensemble des universités françaises ? La plupart (sinon la totalité) des universités françaises ont déjà adhéré à la fédération d'identité RENATER qui permet aux étudiants de se connecter à Internet depuis n'importe quel campus universitaire membre de la fédération. Pourquoi ne pas donner, en plus de l'accès à Internet, l'accès à l'intégralité des bases de données proposées par les universités membres de RENATER ? A une époque où les universités sont en difficulté financière, la mutualisation des coûts peut permettre de les réduire tout en élargissant le panel des étudiants ayant accès à ces ressources électroniques. Précisons ici que certaines de ces bases de données sont en libre accès et ne coûtent donc rien aux universités. C'est notamment le cas de Gallica ou de Hyper Articles en Ligne (HAL).

Les universités françaises ont déjà commencé à mutualiser des savoirs en mettant à disposition du grand public des cours ou des conférences sur des sites internet comme http://www.canal-u.tv/, http://www.canalc2.tv/ ou un site plus emblématique http://www.universites-numeriques.fr/. En plus d'être peu connus des étudiants, ces sites ne proposent que peu de contenus au regard du nombre et de la diversité des cours proposés dans les universités françaises. Pourquoi ne pas inciter les universités, à défaut de les obliger, à enregistrer les cours au format audio ou vidéo et à diffuser les supports de cours (powerpoint, bibliographies, etc) ? La mobilité généralisée des étudiants étant impossible car trop coûteuse, cela permettrait – à moindre frais – à des étudiants d'autres universités de découvrir des spécialités dont ils ne bénéficient pas dans leur université. L'objectif étant de donner la possibilité à tous d'accéder au savoir, pourquoi ne pas doter également les associations de types Universités Populaires ou Universités Ouvertes de matériels permettant d'enregistrer les conférences qu'elles proposent ? On pourra objecter que ces universités dites ouvertes nécessitent une adhésion payante et donc, qu'elles n'ont pas intérêt à offrir le même contenu gratuitement. Pourtant un organisme comme l'Institut de Recherche et d’Études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (IREMMO) a fait le choix de diffuser les vidéos des conférences qu'il propose.

On le voit, les universités françaises ont déjà commencé à intégrer le numérique dans leurs stratégies, mais des efforts restent à fournir. On s'autorisera encore quelques suggestions.

Depuis juillet 2011, le site http://www.theses.fr a ouvert et recense les thèses soutenues depuis 2006. A terme, le site souhaite élargir sa bibliographie aux thèses soutenues depuis 1985. Pourtant, l'accès au texte intégral est conditionné par l’autorisation de mise en ligne accordée par le docteur et/ou les ayant-droits de la thèse. Pourquoi ne pas élargir ce site internet aux mémoires de master ? Et pourquoi ne pas permettre, au moins aux étudiants, d'avoir un accès libre à ces documents ? La question se pose avec beaucoup plus d'acuité depuis que certaines formations réclament de leurs étudiants un rendu numérique. Si l'objectif premier consiste à vérifier si l'étudiant n'a pas trop utilisé le « copier / coller » – en passant le texte dans un logiciel anti-plagiat – cette démarche permettrait aussi de mettre en ligne le document.

Actuellement les étudiants qui souhaitent accéder à des documents qui ne sont pas proposés dans la bibliothèque de leur université doivent effectuer une demande de Prêt Entre Bibliothèques (PEB) à leurs frais (certes très modestes), sauf en Ile-de-France, où les étudiants doivent se rendre eux-mêmes dans la bibliothèque qui possède un exemplaire du document qu'ils souhaitent.

A l'heure où le prêt numérique existe, pourquoi ne pas généraliser la numérisation des ouvrages détenus par les bibliothèques ? Cette numérisation faciliterait la recherche si elle était effectuée avec des logiciels de reconnaissance optique de caractères (OCR). En effet, elle permettrait une recherche à l'intérieur même des textes – c'est le cas pour Google Book – alors qu'actuellement la recherche s'effectue à partir des titres, des noms des auteurs et au mieux par mots clés – c'est le cas de Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF. A défaut de numériser tous les ouvrages, une numérisation de leur sommaire, de leur table des matières et de leurs index apparaît comme un minimum.

Par ailleurs, le principal problème de l'ère numérique concerne l'absence de classement, d'organisation, pour ne pas dire de hiérarchie. Ces documents numérisés devraient être classés de la même manière que dans une bibliothèque physique.

L'économie du savoir connaît un autre blocage : celui de la langue, et l'université pourrait le faire sauter. En effet, chaque année des milliers d'étudiants apprennent les langues étrangères. Dans le cadre de leur cursus, ils pourraient être sollicités pour traduire des documents, que ce soit de la langue étrangère vers le français – de manière à permettre à d'autres étudiants et à des enseignants et des chercheurs d'avoir accès à de nouvelles informations – ou du français vers une autre langue – de manière à exporter les connaissances françaises dans le monde. Ces traductions pourraient donner lieu à des bonus pour les étudiants et ce travail valoriserait très certainement leur CV. Le choix des textes à traduire pourrait s'effectuer à partir d'une plateforme où les documents seraient déposés par les enseignants et où les étudiants viendraient piocher.

 

Enfin, et parce que l'ordinateur et les technologies numériques ne permettent pas de fonder une société, il est nécessaire de favoriser des rencontres entre enseignants, chercheurs et étudiants de mêmes disciplines mais d'universités différentes. Si les géographes ont leur Festival International de Géographie à Saint-Dié-des-Vosges et les historiens les Rendez-Vous de l'Histoire de Blois(3), qu'en est-il des autres disciplines ? Même pour les géographes et les historiens, ces moments d'échanges sont rares et le nombre d'étudiants qui y assistent est bien faible au regard du nombre total d'étudiants dans ces deux disciplines. Il ne faut pourtant pas oublier que si ces rencontres n'existent pas (encore ?), cela peut s'expliquer par des querelles de chapelles et plus encore par des querelles d'égos omniprésentes dans le monde universitaire.

 

 

Références :

 

  1. Citation tirée de : COMMISSION EUROPENNE, 2004, Relever le défi – La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi, Communautés européennes, Luxembourg, 60 p. multig.

 

  1. Voir http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2012/07/05/un-quart-des-universites-en-faillite-virtuelle_1729596_1473692.html

 

  1. Il est à noter que ces deux festivals participent à l'économie numérique de la connaissance puisqu'ils mettent en ligne des vidéos et/ou des enregistrements audio des communications.

 

 


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3 réactions à cet article    


  • promeneur 90 promeneur 9 mars 2013 17:29

    un étudiant pas diant diant.


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 9 mars 2013 18:04

      J’aimerais bien vous encourager à mener l’expérience suivante ; faire traduire http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Confessions_%28Rousseau%29 en américain, puis faire retraduire le résultat en français... Il serait très intéressant de constater les dégâts.
      Pour la défense du français, les dix dernières minutes de cette deuxième vidéo : http://www.agoravox.tv/culture-loisirs/culture/article/alain-soral-marion-sigaut-38200


      • gogoRat gogoRat 12 mars 2013 11:33

        Enfin un article mature traitant de vraie politique !

         ... mais comment se fait-il que du 9 au 12 mars, à l’heure ou j’écris ceci, cet article n’ait recueilli que 7 votes ?? !!!

         Quand il s’agit des turpitudes et de l’hyper-prétention d’un « mariage pour tous », tout le monde devient savant ! : même la ministre de la justice en oublie son devoir de respecter la séparation des pouvoirs et exprime publiquement Sa volonté de conduire rien de moins qu’un « changement de civilisation » ! 
         Mais là, s’agissant d’une question de politique non politicienne, dès que sont exposées des suggestions à la portée de chaque citoyen -et pas seulement des étudiants ! ... - plus personne n’a le moindre argument !

         Concernant, par exemple, la question de la numéristion des ouvrages de notre patrimoine culturel, rappelons au passage le vide de réaction aux turpitudes de la ville de Lyon dont le maire s’ennorgueillissait d’être premier à étabir un « partenariat » avec le plus grand monopole américain ... en trahissant l’effort de normalisation institutionnel national et européen ! ...

         ....

         Autre question, entre autres, qui n’intéresse bizarrement aucun universitaire ni même aucun défenseur de l’open culture, open ducument , open sources ... : 
         quid du format privé « pdf » ? ( au coeur de pratiquement 100% du contenu savant de cette « économie de la connaissance » )
          Les gens « en avance » , qui ont l’esprit si ouvert ... s’en contrefichent !




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