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Municipales 2020 (3) : et le second tour arriva…

« Il appartient donc désormais au gouvernement de prendre et d’assumer seul sa décision. La question est complexe, la réponse suscitera des désaccords, mais la clef pour le gouvernement réside dans la cohérence de ses décisions. (…) Après avoir pesé le pour et le contre, nous pensons que la vie démocratique, elle aussi, doit reprendre tous ses droits. » (Édouard Philippe, le 22 mai 2020).



Les listes susceptibles d’être présentes, seules ou en fusion avec d’autres, au second tour des élections municipales avaient jusqu’à ce mardi 2 juin 2020 à 18 heures pour se déclarer dans les préfectures.

À l’issue du premier tour, le dimanche 15 mars 2020, ce n’était pas une soirée électorale habituelle après le dépouillement. Les chaînes de télévision, généralement, multipliaient leurs reportages sur telle ou telle ville. Trente-quatre mille résultats. De quoi tenir jusqu’à la fin de la nuit, avec des résultats de grandes villes qui tardaient souvent à venir. Mais là, pas de municipales, toute l’information était focalisée sur les rumeurs du futur confinement. Le coronavirus avait détrôné l’urne. Exit le second tour du 22 mars 2020… C’est la loi du 23 mars 2020 qui a reporté le scrutin du 22 mars 2020. Rétroactivement. Par nécessité.

Décidément, les élections municipales sont une variable d’ajustement des calendriers. Ce n’est pas la première fois qu’elles ont été reportées : en 1995, de mars, elles sont passées à juin 1995 pour éviter le télescopage avec l’élection présidentielle (sans législatives programmées, à l’époque), mais en 2007, de mars, elles sont carrément passées à mars 2008, prolongeant d’un an le mandat de six ans des élus municipaux, pour cause de printemps électoral.

À la différence des deux reports évoqués, celui de 2020 n’était pas prévu. Soyons clairs : le gouvernement était dans un enfer décisionnel lorsque, le 12 mars 2020, il devait confirmer ou infirmer la date du premier tour des élections municipales du 15 mars 2020 : comment annuler juridiquement et politiquement un scrutin à la fin d’une campagne électorale pour raison sanitaire ?

Beaucoup ont reproché au Premier Ministre Édouard Philippe de l’avoir maintenu, mais il n’avait pas beaucoup d’autres choix. Il ne pouvait pas juridiquement annuler le scrutin, sauf à le reporter d’une ou de deux semaines, ce qui aurait été insuffisant avec la pandémie, ou alors, nous entrions dans une dictature, sans État de droit.

Ceux qui lui reprochent d’avoir maintenu le premier tour sont de deux types. Il y a d’abord les opposants politiques, et franchement, cela ne fait pas honneur à la classe politique d’émettre une telle critique puisque justement, le pouvoir avait consulté tous les partis politiques et très majoritairement, tous s’étaient prononcés pour le maintien du scrutin, en particulier LR, majoritaire parmi les maires de France.

Il y a ensuite des électeurs ou des assesseurs qui affirment que les conditions de sécurité n’étaient pas respectées et qu’il y a eu des contaminations à cause du scrutin (il n’y a pas eu de statistiques à ma connaissance, mais plusieurs maires sont hélas morts du covid-19). À ceux-là, je répondrais qu’il est quasiment impossible de déterminer l’origine d’une contamination, quand l’épidémie s’est autant propagée. C’est possible lorsqu’il n’y a que quelques dizaines de cas, mais le 15 mars 2020, la France était en plein dedans, comme on dirait.

Évidemment, comme tout le reste, des failles humaines (un geste oublié) ou organisationnelles (qui sont aussi du ressort humain) sont toujours possibles et ont probablement eu lieu (la perfection n’est pas de ce monde). Pour avoir été, durant ce scrutin, à la fois électeur, assesseur et superviseur du dépouillement de mon bureau de vote, je dois au contraire reconnaître que le personnel de ma mairie était quasi-parfait et que tout était sécurisé. Tout pour le public, tout sauf lorsque l’équipe gagnante a voulu fêter sa victoire avec du champagne (là, les distances de sécurité n’étaient pas respectées). Lorsque je suis allé voter, j’ai attendu un peu après l’isoloir pour atteindre l’urne, et ma voisine de devant, à un mètre de moi, me confiait que c’était beaucoup plus sûr que dans le métro, qu’elle prenait tous les jours de la semaine.

Le 22 mai 2020, Édouard Philippe s’est défendu avec le même genre d’argument : « Décision parfois contestée, mais décision assumée. J’assume d’avoir considéré qu’un bureau de vote était un lieu indispensable à la vie du pays. J’assume d’avoir considéré, comme le conseil scientifique, et au vu des conditions d’organisation des bureaux de vote qui avaient été mises en place, qu’il n’y avait ce jour-là pas plus de risques à aller voter qu’à aller, par exemple, faire ses courses. J’assume surtout cette décision parce que, dans aucune démocratie, on ne peut décider, en dehors de tout cadre légal, d’annuler un scrutin la veille du jour où il doit se tenir. ».

Ajoutons à cela les milliers de candidats qui ont mené campagne pendant plusieurs semaines voire mois, pour certains épuisés, qui voulaient au moins conclure par le vote, car tout report aurait rendu nécessaire une nouvelle campagne avec probablement de nouveaux thèmes, et peut-être de nouvelles listes, tant la pandémie a chamboulé notre vision de l’avenir.

Finalement, 30 143 communes ont choisi leurs conseillers municipaux dès le premier tour. Soit une grande majorité des communes, puisqu’il ne reste plus que 5 000 communes, parmi les plus grandes, qui ont besoin d’un second tour. La crise sanitaire a cependant empêché l’installation des nouveaux conseils municipaux, prolongeant ainsi le mandat des équipes municipales sortantes de quelques semaines pour agir pendant le confinement. Les nouveaux conseils municipaux ont été installés entre le 23 et le 28 mai 2020, soit avec un retard de deux mois et demi (normalement, l’installation aurait dû se faire entre le 19 et le 22 mars 2020).

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Certes, il y a eu une forte abstention, ce qu’on pourrait appeler une "abstention coronavirus" car l’épidémie a découragé beaucoup d’électeurs de venir voter, de peur d’être contaminés (en particulier chez les personnes âgées ou fragiles). Il y a eu effectivement, le 15 mars 2020, 55,4% d’abstention, à comparer aux 37,9% du premier tour des précédentes élections municipales du 23 mars 2014. C’est donc beaucoup et personne ne le niera, mais il faut quand même regarder le verre à moitié plein : plus de 20,5 millions de Français ont eu le courage d’aller voter malgré l’épidémie (et les discours alarmistes) : « Chacun se souvient des conditions exceptionnelles dans lesquelles s’est déroulé ce premier tour. Ces conditions, ce sont celles d’une vague épidémique d’une rare brutalité qui avaient conduit le gouvernement à prendre des mesures soudaines pour limiter la vie sociale dans les jours qui ont immédiatement précédé ce 15 mars. ».

Dans sa conférence de presse du 22 mai 2020, Édouard Philippe a annoncé que le second tour aurait lieu le dimanche 28 juin 2020, tout en laissant une petite incertitude en cas de reprise de l’épidémie (ce qui n’est pas le cas à ce jour). Le 20 mai 2020, il avait consulté les différents partis politiques et avait annoncé qu’il voulait un vote au Parlement. Les partis ont refusé le vote en disant que c’était de la responsabilité du gouvernement : c’est facile de vouloir critiquer le gouvernement et de refuser de prendre ses responsabilités et d’assumer aussi la part des parlementaires. Édouard Philippe leur avait proposé une cogestion du calendrier électoral des municipales, ce qui n’était pas aberrant dans l’état de crise dans laquelle le pays est plongé.

Par ailleurs, Édouard Philippe avait laissé un choix qui n’en était pas vraiment. Il proposait soit la fin du mois de juin 2020, c’est-à-dire le plus loin possible avant la pause estivale, soit …en janvier 2021 (des responsables du RN voulaient même en mars 2021, en même temps que les élections régionales et départementales). Pourquoi pas en octobre 2020 ? Parce que la campagne des municipales impose traditionnellement une pause des travaux parlementaires, or le Parlement est très occupé en automne avec la discussion des lois de finances. De toute façon, le gros inconvénient de reporter après l’été 2020 le second tour des élections municipales, c’était de rendre difficile la tenue des élections sénatoriales de septembre 2020, car les élus municipaux sont les plus gros bataillons des grands électeurs sénatoriaux. Et puis, si jamais l’épidémie reprenait en automne, la situation serait alors extrêmement compliquée.

Quand, ce 22 mai 2020, Édouard Philippe a annoncé la date du 28 juin 2020, beaucoup l’ont contestée en disant que c’était trop tôt et trop risqué. Mais on ne peut accepter de tout rouvrir, y compris les bars et les restaurants, et même les cinémas, et refuser de rouvrir les bureaux de vote. Et pourquoi exclure du déconfinement les bureaux de vote ?

D’ailleurs, deux semaines plus tard, plus personne ne conteste cette date. Certains ont même critiqué la date en voulant l’avancer d’une semaine, au 21 juin 2020, considérant que le 28 juin serait le premier week-end des départs en vacances (ce qui est inexact puisque les vacances scolaires ne commencent que le week-end suivant).

L’enjeu économique est aussi important que l’enjeu démocratique : ce sont les communes et les intercommunalités qui lancent la plupart des projets de travaux publics, l’arrêt des investissements publics depuis deux mois et demi a plombé une partie de l’économie nationale et il faut donc redémarrer les chantiers au plus vite.

16 millions d’électeurs sont donc convoqués à participer à ce second tour, pour achever le processus électoral de près de 5 000 communes et compléter les 1 100 structures d’intercommunalité qui n’étaient pas encore entièrement renouvelées.

Au lieu d’être de courte durée (trois jours), la campagne du second tour a donc plus de trois semaines (vingt-quatre jours). Les conditions sanitaires des opérations de vote seront plus strictes que le 15 mars puisque les assesseurs devront porter un masque chirurgical et les électeurs un masque éventuellement alternatif (cela sera "coton" pour vérifier l’identité de l’électeur avec la photo de la carte d’identité).

C’est la campagne électorale qui va être plus difficile. Il est vain d’imaginer des meetings en vidéoconférence, car seuls les militants convaincus regarderont ces meetings sur Internet. L’intérêt d’une campagne, c’est de s’ouvrir à ceux que les candidats ne voient jamais, pour mieux les connaître, mieux les comprendre. Faire une campagne uniquement sur Internet, c’est la replier sur le déjà vu, déjà connu. Tous ceux qui ont fait campagne le savent bien, d’ailleurs, car il y a toujours une composante Internet dans une campagne, mais elle a une faible influence, elle a surtout pour fonction de convaincre (et rassurer) les convaincus et de polémiquer avec des militants opposants convaincus. Certes, les réunions électorales ne sont guère plus fournis que les clics sur Internet, mais la campagne, c’est surtout aller au devant de la population, les croiser dans les marchés, dans les commerces, dans les cafés, etc. Un peu dur avec la distanciation physique et le masque, et surtout, oui car ce sont des gestes essentiels en campagne, avec l’absence de poignée de main et de bise.

Le risque d’une forte abstention est évidemment toujours aussi élevé, mais que faire d’autre ? Supprimer les élections ? Le maire de Pau et président du Modem, François Bayrou aurait voulu profiter de cette crise exceptionnelle pour promouvoir le vote électronique. Je dis surtout : attention, le vote électronique anéantira le reste de confiance qu’il reste dans la démocratie, dès lors que n’importe quel citoyen, même des "nuls" en informatique, en algorithme, ne pourra plus vérifier de lui-même, personnellement, de ses yeux, que les opérations de vote ont bien eu lieu de manière totalement sincère, libre, secrète et honnête. De son côté, le maire de Nancy et président du Mouvement radical, Laurent Hénart est favorable à assouplir les règles du vote par correspondance et permettre à tous les électeurs de le faire, ce qui réduirait l’abstention.

Il faut bien sûr réfléchir à l’hypothèse d’une nouvelle crise comme celle-ci, aussi soudaine, et peut-être pas seulement une pandémie, cela pourrait très bien être une contamination radioactive, même si celle-ci ne devrait a priori pas s’étendre sur tout le territoire, en tout cas, imaginer une situation exceptionnelle où le bon déroulement d’un scrutin serait remis en cause, et alors, que faire ? J’évoque cette possibilité car si, au lieu des élections municipales, nous avions eu une élection présidentielle, l’enjeu aurait été d’autant plus grave pour la démocratie (c’est du reste la situation des États-Unis le 3 novembre 2020). Anticiper, préparer le pire des scénarios, c’est ce à quoi devront s’atteler les gouvernements de l’après-coronavirus.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Municipales 2020 (3) : et le second tour arriva…
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Les élections municipales de mars 2014.
Les élections municipales de mars 2008.
Scrutins locaux : ce qui a changé.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Les ambitieux.

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5 réactions à cet article    


  • caillou14 rita 4 juin 2020 11:36

    Les élections, l’instant magique des magouilleurs !

    La politique c’est comme une fosse septique, ça pue vous en avez la démonstration tous les jours !


    • troletbuse troletbuse 4 juin 2020 15:44

      @rita
      La politique c’est comme une fosse septique, ça pue

      Rototo devrait se faire tester car il doit avoir le Covid-19. Il ne sent absolument rien.


    • ETTORE ETTORE 4 juin 2020 20:49

      Il y a ensuite des électeurs ou des assesseurs qui affirment que les conditions de sécurité n’étaient pas respectées et qu’il y a eu des contaminations à cause du scrutin (il n’y a pas eu de statistiques à ma connaissance, mais plusieurs maires sont hélas morts du covid-19). À ceux-là, je répondrais qu’il est quasiment impossible de déterminer l’origine d’une contamination, quand l’épidémie s’est autant propagée. C’est possible lorsqu’il n’y a que quelques dizaines de cas, mais le 15 mars 2020, la France était en plein dedans, comme on dirait.

      M A G N I F I C O ! Lisez bien !
      Rakotoarison nous fait part, d’une certaine vision de sa culpabilité cerf volant .
      Celle qui fait du va et vient, selon la longueur de la corde d’excuse déroulée.

      Il déclare l’impossibilité de déterminer si le covid 19 peut être à l’origine « de la morts de plusieurs maires ».

      MAIS, approuve le fait que le scrutin ait eu lieu, alors que :
      «  La France était en plein dedans » 

       Comme il dit ! LOL !

      Les Maires de France pensaient sûrement être immunisés, par leur charge ( même pas virale) c ’est ce que avait du leur dire le premier sinistre.
      Quant à la dernière phrase....Honnêtement, j’ai du mal à en saisir la portée...
      Parce que même à la lire dans le texte, même lumière éteinte....
      Croire à la contamination par une dizaine de cas....est probable !
      Et qui devient « quelques », quand la France était en plein dedans...
      NO comprendo !


      • Emohtaryp Emohtaryp 5 juin 2020 00:46

        @ETTORE

        Laissez tomber ce clown propagateur de fake news comme par ex un de ses derniers torchons sur l’étude falsifiée Lancet et la meute merdiatique qui se sont jeté dessus, croyez-vous qu’il ferait son mea culpa sur les fadaises de la pressetituée qu’il relaie chaque jour ici ?

        Ragototo = complotiste de propagande stipendié....


      • xana 6 juin 2020 10:44

        @Emohtaryp
        Oui. Moi je dirai même que Rakoto c’est le « nègre de maison ».
        Il me fait irrémédiablement penser au nègre domestique de Candyland, dans Jango Unchained.
        Plus macroniste que Macron, plus raciste que Castaner, plus anti-chloroquine que Véran. Traître à ses frères, pour se faire bien voir d’un maître qui le méprise...
        C’est vraiment une pourriture abjecte.

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