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Quand l’idéologie conduit à l’impuissance... et à la catastrophe

L’écoute, la vision ou la lecture des médias, ces derniers jours, laissent perplexe sur l’ampleur de la crétinisation des esprits des puissants et des bien-pensants. C’est qu’un mal les a rongés, bien plus qu’on aurait pu l’imaginer. Et ce mal a un nom, l’idéologie. Spécialité européenne, la logique d’une idée poussée jusqu’au bout (sens que donne Hannah Arendt au terme idéologie), a conduit aux deux totalitarismes (nazisme et stalinisme) avec la soumission aux prétendues « lois », pour l’un de la nature (à travers la race supérieure), pour l’autre de l’histoire (avec la mission du prolétariat). En octobre 2007, je m’interrogeais, sur mon blog, sur les dangers de totalitarisme que présentait la construction européenne.

« Les technocrates et les politiques européens persistent dans une approche et une mise en œuvre totalement idéologique d’un marché où la concurrence serait libre et non faussée. Une telle approche dogmatique et rigide n’existe nulle part ailleurs et sûrement pas aux États-Unis. Cette démarche, non pas dans son fond, mais dans sa forme rappelle les heures très sombres du XXe siècle où deux idéologies fondées, l’une sur des prétendues “lois de la nature”, l’autre sur des prétendues “lois de l’histoire”, ont conduit aux régimes totalitaires remarquablement analysés par Arendt. En quoi ? Dans le développement de la logique d’une idée, indépendamment de toute référence aux enseignements de l’expérience. Dans le monde réel, aucun marché ne fonctionne selon les lois de la concurrence pure et parfaite. Dans le monde réel, la concurrence ne conduit pas forcément aux meilleurs prix, à la meilleure qualité et surtout à la satisfaction des vrais besoins. Dans le monde réel, les lois de l’économie ne sont pas des lois naturelles, mais des lois des hommes fondées sur des conventions, des règles et des institutions créées et amendables par les hommes. »

J’avais apparemment commis une erreur d’appréciation. L’idéologie de la concurrence libre et non faussée et de la marchandisation de l’ensemble des activités humaines (sous le nom de libre-échange généralisé) a aussi contaminé le continent américain et particulièrement les républicains de Bush et McCain.

Essayons de décrypter ce qui se passe cette semaine. Plombé par cette idéologie, l’ensemble des dirigeants de droite de la planète a traité, par la parole, la promesse de milliers de milliards de dollars et d’euros le mal-être des bourses, c’est-à-dire des réseaux d’acteurs de la finance. On a vu réapparaître l’intervention des Etats, mais uniquement sur les marchés financiers un consensus se dessinant pour abandonner, brutalement, l’idée de l’efficacité de leur auto-régulation. Après une courte embellie, les bourses sont reparties à la baisse par manque de « confiance » et crainte d’une « récession » dans l’économie réelle.

Fascinant et terrifiant. Comme s’il existait une économie virtuelle ! Comme si les marchés incapables d’auto-régulation, dans le domaine de la finance, l’étaient dans les autres domaines (travail, produits agricoles...). Comme si la confiance à restaurer n’était pas celle des consommateurs/salariés/citoyens, seuls « créateurs de richesses », qui voient leurs conditions d’existence se dégrader dans les pays développés et, pour beaucoup, dans les pays « en voie de développement », ce qui conduit à la réalisation de la prophétie auto-réalisatrice des marchés, la récession.

Pour imiter une expression célèbre de Reagan, « le libre-échange et la marchandisation généralisés » ne sont pas la solution, mais le problème ! Il reste à espérer qu’un new-deal américain, que seule la victoire d’Obama peut permettre, redonne confiance au nœud (hub) actuellement le plus critique dans le réseau des échanges mondialisés : celui des consommateurs américains et de leur indispensable confiance dans le « rêve américain ».

Nous disposerons alors, peut-être, du répit pour reprendre nos esprits. Les politiques, pour sortir de l’idéologie de la concurrence généralisée et de l’abandon de l’action pour la gestion. Les citoyens pour sortir de l’idéologie du bonheur par la consommation. Il sera alors possible de réfléchir aux conditions de sortie civilisée et de dépassement du capitalisme du XXe siècle. Sinon, comme le dirait Edgar Morin qui se désespère à juste titre de l’incapacité actuelle à sortir de la « pensée en pièces détachées  » et à agir dans un monde complexe... la barbarie nous guette.


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4 réactions à cet article    


  • Emile Red Emile Red 17 octobre 2008 12:58

    Jolie analyse de ce qui nous guette.


    • Céphale Céphale 17 octobre 2008 15:52

      @ L’auteur

      Je partage entièrement votre analyse.

      En écho à cet article, un livre paru l’année dernière : La libre concurrence en procès, de JM Gogue


      • Blé 17 octobre 2008 21:57

        Créer de nouvelles bases et trouver un système économique qui ne réduise pas 90%de l’humanité en esclavage est certainement possible à notre époque mais hélas ce ne sera pas le cas. Trop de "libido" serait frustrée. Quand on ne sait rien faire d’autre que de jouer avec l’argent difficile de se convertir dans une autre activité.

        Ll ne faut pas rêver. Ceux qui détiennent les pouvoirs ont bien l’intention de le garder, les chefs d’états qui nous gouvernent sont là pour ça. Les peuples n’ont qu’à se débrouiller entre eux, les élites qui profitent de la mondialisation ont d’autres chats à foutter que de s’occuper de la faim, de la santé, du logement, de l’environnement, etc... sauf s’il y a de gros profits à la clé.

        J’aimerai bien qu’Obama soit élu mais j’ai vraiment l’impression que ce ne sera pas le cas. Aux Etats-Unis ce n’est pas la volonté du peuple qui gouverne mais "une Volonté" invisible très efficace imposée au peuple. Le mythe du rêve américain fonctionne encore.



        • Céphale Céphale 17 octobre 2008 22:46

          NB. J’ai donné un lien qui va sur l’éditeur. Le lien qui va sur le livre est

          La libre concurrence en procès

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