Quel futur combat pour le Parti de Gauche ?
Fallait-il aller voter ?
Tout cela était-il bien nécessaire ? Les français ne s’y sont pas précipités, la participation est en recul de trois points sur 2007, c’est un record d’abstention. Pas de surprise au fond, quel intérêt d’aller voter derrière une présidentielle si déterminante dans les orientations politiques ? Le peuple a déjà fait son choix, à quoi bon lui demander d’élire des législateurs, pourquoi ne pas les nommer ? Sans ironie, c’est malheureusement un peu ce qui s’est produit, un vote de confirmation, une chose inéluctable comme une réplique suit immanquablement un séisme. Le PS arrive en tête, l’UMP enregistre plus ou moins le même score à la proportionnelle, le FN et le FDG privés de leurs têtes d’affiches dans les médias perdent en visibilité, et pâtissent tous deux de sept points par rapport à la présidentielle, sept points qu’ils rendent aux deux gros « machins ». On nous la promettait, comme on nous promettait Strauss Kahn et Hollande, la voilà, la fameuse bipolarisation de la vie politique française.
C’est d’une part une défaite rude, sèche et franche que nous subissons, au sein du Front de Gauche, et particulièrement au Parti de Gauche. C’est d’autre part une victoire écrasante du PS. Écrasante, c’est le mot juste…
C’est une victoire de l’appareil politique sur l’esprit citoyen, la Politique avec un grand « P » déjà très peu représentée parmi les acteurs et dans les médias, a définitivement déserté le paysage. À la lecture de l’hémicycle, la pluralité de pensées n’est plus. Comment ne pas déplorer l’extermination du centre, l’éradication du groupe écologiste conservé par perfusion contractuelle, ou encore la disparition progressive des représentants de la gauche de la gauche ? La lecture des courants radicaux, socialistes, libéraux, humanistes, gaullistes ne se fait même plus, tout est digéré dans un même gloubiboulga de députés, agglomérés sous deux étiquettes ; le clivage est total, le manichéisme triomphant, la pluralité en berne et la diversité végétative.
Eric Coquerel, Corinne Morel-Darleux, François Delapierre, Martine Billard, Jean-Luc Mélenchon, plus proches de nous René Revol, Charles Ménard et Danielle Floutier sont tous arrivés derrière les candidats socialistes. Seul Marc Dolez du PG dans la 17e circonscription du Nord remporte 30,84% des voix et devance le candidat socialiste de 8 points, les candidats FN et UMP de 10 points, se retrouvant ainsi dans une quadrangulaire. La réalité c’est que, même lorsqu’un candidat Front de Gauche se maintient au second tour, c’est toujours derrière un candidat PS sauf dans une dizaine de cas sur 577. Nous nous apprêtions à ne pas faire de cadeaux à Dominique Strass Kahn, nous n’en n’avons pas fait à son successeur François Hollande, bien que nous aurions pu être parfois plus virulents, en l’occurrence, lui n’a pas été franchement fracassant, mais il a fait le boulot, et plutôt bien fait. Un candidat PS dans chaque circonscription, pas d’arrangement avec les petits, à la guerre comme à la guerre, c’est une victoire totale.
À Hénin Beaumont, on a voulu se battre, on a pris des coups et on est tombés.
C’était courageux, d’aucuns diront téméraire, voire inconsidéré. Facile de dire aujourd’hui que c’était une très mauvaise idée, mais il faut le dire haut et fort, c’en était une. Combattre les idées du FN est une chose, cogner sur la figure de son leader, pointer du doigt un adversaire en permanence, c’est le statufier et lui offrir un piédestal. Nous ne devons pas nous égarer dans cette lutte de longue haleine qui ne pourra se résoudre en une ou deux élections. Le mal est profond, il vient de loin, bien trop loin pour qu’à nous seuls et en si peu de temps nous refermions la plaie. C’est une perte d’énergie que de vouloir réparer ou démolir un édifice rongé et corrodé par la vermine, c’est un travail tout aussi difficile et laborieux, mais bien plus honorable et utile que de construire une nouvelle bâtisse, et c’est là notre fonction, notre but au Parti de Gauche. Tôt ou tard, les gens désertent un lieu étroit et renfermé pour un espace ouvert, frais et convivial. Promouvoir les idées qui sont les nôtres, c’est-à-dire concrétiser la justice sociale, organiser une meilleure répartition des richesses, mettre fin aux stigmatisations communautaires, dénoncer un système néo libéral qui marche sur la tête, reconstruire une démocratie qui aujourd’hui s’étiole, voilà les tâches difficiles auxquelles nous devons nous atteler. Personne ne fera ce travail à notre place. Personne n’a en tout cas l’ambition de le faire.
République, Socialisme, Écologie.
Voilà nos objectifs au Parti de Gauche, ceux que nous portons pour la France. Le FN se fout de la république, il s’intéresse à la nation. Le FN se fout du socialisme, ou considère qu’il n’a cours que pour une caste d’élus naturels. Le FN se fout d’écologie, jamais je n’ai entendu quelqu’un du FN parler d’économie verte, de politique énergétique avec conviction et ferveur. Qu’à t-on gagner à dénoncer le Front National ? À quoi bon blâmer une population qui s’engouffre dans une position idéologique dont elle ne saisit pas la portée historique et les conséquences à long terme ? À quoi bon tancer ces gens qui adhèrent peu à peu, malgré eux parfois, faute de mieux, au message ségrégationniste du FN ? À quoi bon enfin vitupérer contre ces électeurs qui se bornent à rejeter tout en bloc ? 42,36 % au premier tour, voilà ce que l’on doit retenir. Ces gens-là, et ils sont plus nombreux, pour l’instant veulent Marine le Pen. Ce qu’il faut c’est comprendre pourquoi, et nous n’avons pas encore compris ; ce qu’il faut c’est constater, froidement, et prendre conscience des faits, de la réalité.
Devait-on houspiller les journalistes pour avoir abuser de la métaphore du match de boxe ?
N’était-ce pas autre chose ? Comment appelle-t-on un combat que l’on souhaite mener en duel contre un poids lourd de la politique ? En janvier de cette année, nous étions poids plume, et puis nous avons pris du muscle, en même temps que nous avons pris la bastille, nous voilà poids moyen dans le cœur, et en dehors du ring, dans les débats, sur les idées, on gagne, partout, tout le temps. Au point que les sondeurs nous nommaient « challenger » et nous plaçaient même devant le poids lourd qui refusait de débattre, de combattre, sous prétexte que nous serions hors catégorie. Alors nous montions une première fois sur le ring. 17,9 contre 11,1. Premier K.O. on se relève, et à nouveau, les débats sont lancés, mais les médias s’y trompent un peu moins. À vrai dire dans le cœur, le poids moyen se sent poids léger, mais toujours ardent, fier, et prêt à se remettre en piste. L’arbitre, le peuple, lui, constate les dégâts, après tout le jeune veut combattre, qu’il y aille. La cloche sonne, c’était ce dimanche, et vlan, deuxième coup de poing dans la mâchoire. On peut bien se rassurer, bomber le torse, dire qu’on l’on a amélioré son score, on est une fois de plus au sol. N’oublions pas le grand organisateur de la soirée, l’observateur du combat qui en coulisse empoche la monnaie, quel que soit le résultat. Alors l’arbitre se penche sur le blessé. Ce dernier se relève, se relèvera toujours, c’est un jeune, et c’est un dur, toujours prêt au combat. Mais auquel ?
En boxe, le troisième Knock Out est souvent le dernier, l’arbitre prononce alors le KO technique, c’est l’élimination, le match est perdu.
Ne nous trompons donc plus de combat.
Oui nous avons le jeu de jambes, oui nous avons la jeunesse, l’esprit clair, l’ambition élevée, et peut-être un peu d’arrogance du fait de nos récents faits d’armes. Ce n’est pas rien de rassembler cent mille personnes dans la rue, mais c’est autre chose de changer des millions d’esprits, d’infléchir la ligne du monde. Il faut une force bien plus grande que la force brute, il faut la force du nombre, la force de la raison. Il arrivera peut-être que les choses changent par la force du désespoir, mais un désespoir qui ne serait soutenu par rien de cohérent ou de construit, conduirait inexorablement les peuples vers le chaos. Il faut préparer d’ores et déjà l’espoir de demain, le modèle de société qui devra remplacer celui que nous subissons, y réfléchir maintenant et former l’utopie dans chacun des esprits citoyens de notre belle et grande république, donner de l’air, donner l’envie, donner le courage et la force d’un possible, c’est là que nous étions les meilleurs. Notre combat au PG, pour les cinq ans à venir, n’est plus à l’assemblée, il est dans les esprits de soixante-dix millions de français. Notre combat commence dans les salles de boxe des quartiers à côté de chez nous, nous devons apprendre la parade plus que d’apprendre à donner des coups. On gagne parce qu’on est physiquement fort, en place, parce qu’on connaît bien son adversaire, parce que lui se fatigue et qu’un jour vulnérable, il montre son flanc droit que l’on peut frapper pour le mettre à terre. Et le relever. Ne perdons pas à l’esprit que se sont les idées que nous combattons, jamais les personnes qui les portent. Que notre adversaire persiste dans ses erreurs, et il tombera toujours par son flanc droit, jusqu’au jour où il comprendra, et ce jour peut venir, nous ferons qu’il advienne. Notre premier combat est donc au pied de nos immeubles, à l’orée de nos villes, auprès des citoyens qui souffrent et qui vont souffrir pour les dix ans à venir. Cinq ans de PS à tous les étages, à la présidence, aux ministères, au parlement, aux régions, aux départements et aux villes, c’est l’assurance de se retrouver avec cinq ans de droite décomplexée à tous les étages aux prochains coups, la garantie que la politique du pays sera conduite en dehors de nos frontières, au sein d’une assemblée technocratique non élue, non représentative et non démocratique. Il arrivera certainement qu’entre temps des gens exaspérés et poussés à bout conduiront des luttes désespérées, nous ferons tout pour les soutenir ; mais sans le moindre doute, ce système viendra irrémédiablement les casser.
Militants du PG, militants du Front de Gauche, citoyens concernés par la chose politique, le combat doit en réalité commencer ici, d’en bas. Nous devons dès à présent nous atteler à améliorer la vie des concitoyens qui sont proches de nous, dans les associations d’abord, dans les syndicats d’ouvriers, de travailleurs et de patrons, puis dans les conseils municipaux de nos villages, dans ceux des villes, et plus tard, dans les conseils généraux, puis régionaux. Voilà notre combat aujourd’hui pour les dix prochaines années. Rappelons nous à chaque instant qu’un long voyage commence toujours par un petit pas.
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