Le Noël des isolés
Une incroyable ferveur.
Pour la seconde année, j’ai accepté de venir apporter un peu d’animation au Noël des isolés. Des bénévoles se mettent en quatre pour offrir ce soir-là un moment de convivialité à ceux qui sont seuls ou sans famille, isolés ou en situation de grande précarité. Cette année, mes pas m’ont conduit vers un établissement d’enseignement catholique qui ouvrait ses portes à cette belle occasion.
J’arrivai une heure avant l’heure prévue de ma prestation afin de m’installer convenablement et de proposer une sonorisation convenable tout en assurant la projection de quelques petits films de ma production. C’était du moins mes intentions quand je découvris que la grande salle recevait la messe de Noël.
Monseigneur l’Évêque en personne officiait pour une centaine de personnes de toutes origines et de toutes conditions. Le mécréant qui ne met jamais les pieds dans une église sauf rares exceptions pour des enterrements, fut surpris de la ferveur qui émanait de ces fidèles. Les chants étaient repris en chœur tandis que les prières étaient entonnées à l’unisson. Il y avait là une dévotion sincère à laquelle je ne m’attendais pas.
L'homélie de l'Évêque me surprit à la fois par sa simplicité, sa volonté permanente de se mettre à la portée de son auditoire sans jamais tomber dans l'insignifiance ou bien les facilités de notre époque. Un vrai discours évangélique que je trouvai parfois un peu naïf de ma place de mécréant indécrottable mais fondamentalement respectable et humain. Je commençais à m’interroger sur ma capacité à prendre la suite de ce recueillement si intense.
La messe terminée, il y eut un mouvement de foule. Les fidèles se levèrent, entamèrent des conversations multiples. Je devais prendre au plus vite la suite du prélat en décidant de ne pas sortir mon matériel. Je pensais que derrière cette heure d’une grande solennité le conteur n’avait aucune chance de trouver sa place.
Par un bref propos liminaire, je priai ceux qui avait envie de discuter à quitter la salle tout en invitant les autres à cette grande tradition de la veillée contée, telle qu’elle avait cours autrefois. À ma grande surprise, tous les participants vinrent s’asseoir autour de moi, reconstituant l’assemblée des fidèles telle qu’elle était en place il y a peu.
Le silence se fit, la racontée débuta. Enfants et adultes m’écoutèrent si j’ose dire aussi religieusement que comme durant la messe de Noël. Bien sûr mes récits tinrent compte du contexte, j’avais choisi des récits merveilleux liés à la culture chrétienne de cette région. Le temps n’était pas à la provocation sans pour autant désavouer mon regard décalé.
L’écoute fut incroyablement attentive. Un respect absolu et je peux le dire, des regards qui s’éclairaient. Cette assemblée hétéroclite s’était fondue, abolissant ses différences, oubliant les difficultés de l’existence pour n’être durant une heure que des enfants sages aux yeux écarquillés. J’en avais la chair de poule.
Monsieur l’Évêque au fond de la salle, semblait lui aussi apprécier les facéties du mécréant. Ce qui se passait relevait de la magie de Noël. Le spectacle terminé, j’héritais d’applaudissements nourris, de félicitations sincères, de remarques agréables alors qu’un temps j’avais craint d’être totalement déplacé derrière une messe. Je ressentis surtout une formidable reconnaissance pour la leçon de respect que venaient de m’offrir ces exclus d’une société de la futilité.
Je repensai alors à ce public de bobos, la veille, incapable de considérer le chanteur qui s’était présenté devant eux. Nous ne pouvions entendre l’artiste tant les éclats de voix, les rires, les conversations de ces gens prétendument éduqués et à l’abri du besoin couvraient le malheureux. La véritable bonne éducation n’est donc pas dépendante du niveau social, voilà une constatation parfaitement dans l’esprit des évangiles. Je ne pouvais que m’en réjouir.
Moralisateurement vôtre.
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