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C’est quoi les années zéro zéro

Tous les hectolitres de champagne picolés avec autant de bulle que d’espoir qui s’évaporaient en nous un certain 31 janvier 1999 n’auront malheureusement pas suffit à nous faire entrer dans ce nouveau siècle que l’on attendait de si exemplaire, meilleur, disons en route pour une certaine forme « d’excellence ».

Presque dix ans déjà, je m’en rappelle si bien… quelle euphorie… mais nous pouvons bien affirmer que la fête est aujourd’hui bien terminée et que la grosse gueule de bois, elle, est encore bien présente... alors que retenir de ces 8 piges qui viennent de nous traverser la tempe ? y laissant même pour nombre d’entre nous, quelques traumas plus ou moins profonds.

Vite fait de long en large.

En premier lieu, il semble que l’entrée dans ce siècle évoque tout d’abord un dérèglement généralisé et planétaire ; 11 septembre 2001, réchauffement climatique, ouragan Katerina, tsunami, crise financière mondiale, guerres en Afghanistan et ailleurs…et caetera..

Hormis quelques timides « bonnes » nouvelles comme par exemple : l’arrivée inespérée d’un véritable modèle pour nos générations comme Mickael Vendetta, les années 00 nous transmettent une vision esthétique assez apocalyptique des temps qui sont nôtres.

En terme donc d’esthétisme, plus rien n’est comme auparavant. Les repères esthétiques du début du siècle dernier étaient l’antiquité ; avant hier dans les années 70, c’était le progrès ; hier, dans les années 90, c’était le futurisme. Aujourd’hui, il semble que l’on n’ose plus vraiment imaginer de quoi sera fait demain, si ce n’est d’un avis personnel, dans une certaine forme de rétro-futurisme applicable non plus au kitch des années 70, mais au kitch exacerbé de notre époque qui existe bien. Il se pourrait donc bien que l’on « évolue » plus aussi vite que prévu ; tant par exemple par les besoins en matières premières que suggèrent de telles ambitions, mais également en terme de capacité économique à les réaliser où en fin de chaîne, à simplement les consommer. Mais attendons 2009 pour se fixer sur cette question…

Dans cette époque de crise(s), nous ne voyons plus le futur, ou plutôt, nous n’osons plus l’imaginer. La naissance du nouveau monde est en marche et un gigantesque processus de désorientation s’opère à tous les étages. Les critères religieux, politique et économique s’effritent et tout le monde devient vulnérable et personne n’y comprend plus grand-chose.

Le roman d’anticipation 1984 de Georges Orwel n’a certainement jamais été aussi actuel qu’aujourd’hui. Nos identités sont scannées et enregistrées à tour de bras (fichier Judex dans les aéroports, fichier STIC pour la police, fichier ERVIRPS le nouveau EDWIGE…etc). En 2006, la France comptait 34 fichiers, en 2008, elle en gère 45 et 45% des Français sont fichés désormais sans compter les fichiers privés notamment exploités sur Internet à travers de nombreux sites comme FaceBook, MySpace, Msn….etc. En terme de vidéosurveillance, des villes comme Londres peuvent vous pister à chaque coin de rue, mais à savoir, est ce que l’accroissement de ces outils « made in 21e siècle » répond réellement à un besoin ? A la seule sécurisation des individus ? Ou à une volonté politique de contrôler un maximum ?

Dans l’espace matériel des rues, nous assistons à une fermeture spatiale de plus nette entre les différentes catégories sociales. Les riches se font construire des temples sous haute protection, les classes moyennes sont elles cloîtrés dans des cités dortoirs hors des centres urbains, et les pauvres se meurent et se ghettoïsent dans la jungle urbaine. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la mixité sociale n’a jamais été autant dépourvue qu’aujourd’hui tout comme l’ascenseur social qui est actuellement complètement grippé, pourvu que l’on est pas la chance d’avoir une cuillère en argent d’ajuster au fin fond de l’arrière train.

Et l’individu dans tout ça ?

Un des critères esthétiques les plus fondamentaux -et en accord avec notre époque- est certainement la peopolisation du monde avec l’explosion du narcissisme et du désir de contact. La valeur ajoutée d’une existence se mesure désormais au nombre « d’amis » que vous possédez sur votre profil FaceBook. Ce n’est plus « je pense, donc je suis » mais « je suis connecté, donc je suis ». Auparavant, les individus prenaient exemple sur leurs chefs, ils les imitaient. Désormais les exemples se retrouvent chez les peoples ou les célébrités.

Mais, il y aussi beaucoup plus de conscience aujourd’hui et de mise en compétition entre ces consciences. Les chalenges personnels sont désormais souvent faussés et brouillés par l’image au sens large. La télévision à travers la tv réalité a voulu nous offrir de l’authenticité, mais elle s’est plantée dans la diffusion de l’égocentrisme et dans l’industrie lourde de la starification de bas étage. Et aujourd’hui, la peopolisation & la starification traversent tout les domaines du possible ; le chanteur karaoké, le cuisinier, le bloggeur...etc De plus en plus d’individu revendiquent aujourd’hui la quête d’eux-mêmes, ce qui est aussi pour beaucoup d’entre nous une chance, mais notre vie se labellise, elle prend la forme d’un logotype notamment aussi parce que nous avons un rapport plus personnel au paraître et au bien être.

Est-ce que nous avons changé dans notre vie quotidienne ?

Il va s’en dire qu’une des métamorphoses de l’individu les plus intéressantes de ce début de siècle s’adosse selon moi au langage, et si vous en doutez, demandez aux professeurs des écoles, des lycées et des universités. Le langage sms/Msn brouille l’ensemble des bases du savoir. Certes, nous faisons tous des fautes de français compte tenu de la richesse fantastique de notre langue ; néanmoins, le niveau d’orthographe et de grammaire chez les lycéens et les étudiants n’a certainement jamais été aussi bas qu’aujourd’hui et ce, depuis un bon siècle.. Je m’étonne d’ailleurs chaque jour sur ce sujet lorsque je reçois notamment des cv et lettres de motivation d’étudiant allant jusqu’à BAC+5 avec des fautes qui relèvent d’un niveau de français à la hauteur du courant esthétique de notre époque sus cités, soit apocalyptique, et il s’agit bien là d’un grave problème. Comment asseoir sa personnalité avec une certaine légitimité lorsque l’on est incapable d’aligner trois mots sans fautes dans sa propre langue ? A 33 ans, en comparant ce qui me semblait être une moyenne à l’époque où j’étais étudiant, j’ai la nette impression qu’en seulement dix ans, le niveau s’est totalement effondré. Et là, pas lol.

Concernant Internet, il semble bien que cet outil nous pousse à ouvrir des portes. Nous assistons à une libéralisation des talents mais également du flan. Il n’est cependant pas sûr qu’il y ait plus de talent artistique qu’auparavant ou simplement qu’Internet nous stimule à en avoir plus -du talent- Cependant, Internet a ouvert une palette impressionnante de métiers créatifs liée au design et en premier lieu à l’accroissement prodigieux du monde de l’image qui de plus en plus nous semble englobé toute notre existence. Voyons simplement nos préférences alimentaires qui privilégient aujourd’hui souvent la forme et le packaging au détriment du goût et de l’authenticité. L’information, la communication, le tourisme, le charcutier du coin…etc englobent de plus en plus des axes esthétiques et créatifs. L’économie s’approprie la Culture, l’art est rendu à la marchandise et la frontière entre virtuelle et réelle est de plus en plus en amalgame, mais nous assistons aussi à un redéploiement de l’artisanat au sens large via Internet, ce qui procure de nouvelles perspectives pour l’innovation, et pourquoi pas pour une activité pérenne future des petits producteurs et autres artisans. 

Sur notre carrière, nous sommes aujourd’hui amenés à exercer plusieurs métiers pendant notre existence. Nos emplois ne se limitent également plus à une tâche, mais à un nombre infinis de tâches, rentabilité oblige.

Encore sur l’esthétisme, il semble que le design s’intègre de plus en plus à nos vies, tant sur notre environnement extérieur, qu’intérieur, qu’en terme brut identitaire, par le dépouillement qu’il invoque. Certainement que le design dans son sens d’utilité, d’économie et d’esthétisme sera une finalité universelle.

Artistiquement, le cinéma a par exemple apporté sa touche d’identité aux années 00. Fight Club illustre lui parfaitement notre époque par l’anticipation qu’il illustre. Kill Bill déploie une richesse esthétique mutipolaire et l’image tout comme la force de la femme y est exacerbée. A notre époque, il faut aussi satisfaire ce besoin d’égal à égal. Une femme, ça possède maintenant des couilles et ça fracasse du mec.

Voici un sondage effectué dans les années 60 en France sur la question : Comment voyez-vous l’an 2000 ?

- 84% des sondés pensaient que le cancer serait guéri.

- 74% pensaient cependant qu’il y aurait plus de maladie liée à la psychologie.

- 67 % pensaient qu’il y aurait en France 10000 km d’autoroute.

- 27% pensaient que l’on voyagerait sur la lune.

- L’ensemble des sondés pensait que les professions en accroissement seraient : médecin et fonctionnaire.

- Egalement, la moitié pensait que l’Europe ne serait plus qu’un seul pays. Et la moitié pensait que la France serait plus optimiste que les pays étrangers dans les années 2000…

A cette époque, les générations croyaient au progrès techniques parce que cette logique les éloignait de l’après-guerre. A cette époque, il y avait donc une inspiration profonde et collective à la paix qui était nourrie par des utopies collectives. Aujourd’hui, il semble que nous ayons passé la marche arrière sur cet état de conscience car nous ne voyons plus vraiment le progrès ou plutôt notre futur et par-dessus tout, il n’y a plus d’utopie collective. Notre style est certes globalement plus décontracté qu’au siècle dernier, mais nous sommes plus anxieux. « L’hypermodernité » semble décadentielle, néanmoins, notre potentiel pour avancer et faire les bons choix n’a jamais été aussi important, alors on avance ou on part vers le grand n’importe QUOI ?


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6 réactions à cet article    


  • Absurde Absurde 2 janvier 2009 11:41

    Article hyper-passionnant, et j’applaudis de mes sept mains de mutant.

    C’est vrai que dans les années soixante on était porté vers l’avenir. Dans mon petit quartier il y avait un "Bar de l’Avenir" (minuscule et tenu par deux petits vieux), on voyait des voitures aux lignes futuristes, des feuilletons dont l’action se déroulait dans le futur, des bandes dessinées mettant en scène des personnages bardés de gadgets, flanqués de lieutenants extraterrestres et de robots, partant à la conquête de planètes lointaines et de dimensions parallèle, bref, on se projetait. 

    Là, depuis une petite dizaine d’années, on voit se mélanger toutes les époques de l’après-guerre au niveau du style, on nous ressort des Fiat 500, des Cox, des Thunderbird et des Mustang à peine redessinées, certaines bagnoles ont un design inspiré des années 30, les nanas retrouvent un look seventies, les ados découvrent les 33 tours de leurs parents, on baigne dans une espèce de nostalgie béate de ce qui n’a en fait jamais été... Car quiconque a un peu connu les années 60 et 70 peut dire que ce n’était pas, loin s’en faut, une époque si transcendante qu’ont l’air de le croire ceux qui n’étaient pas né en ce temps-là. Notez que ma génération (je suis né en 60) est tombée dans le même piège à propos des années 50, et qu’il se trouvait fort heureusement des contemporains de cette décennie pour nous rappeler qu’on voyait rarement des Cadillac bicolores pilotées par des rockers dans les rues de Massy-Palaiseau et qu’on entendait davantage Piaf et Chevalier sur Europe N°1 que MM Presley ou Gene Vincent. 

    Le fait est qu’aujourd’hui, non seulement on peine à se projeter dans l’avenir, mais on a du mal à vivre le présent. Aucun courant artistique, littéraire, musical ne se dégage de la masse de micro-courants existants. Politiquement on a l’impression d’avoir fait le tour de toutes les utopies pour se rabattre sur un néolibéralisme par défaut qui, moi, me fait penser à cette obsession de l’argent qu’ont certaines vieilles dames qui ont été belles et qui sont revenues de tout. 





    • Mordius 2 janvier 2009 13:12

      Seule remarque : ce n’est pas le 31 décembre 1999 la fin du vingtième sièce mais le 31 décembre 2000.


      • Zanini 2 janvier 2009 17:14

        Erreur courante de croire que le passage au 21eme siecle était le 31 décembre 1999 par contre confondre janvier et décembre c’est nettement plus étonnant.(31 Janvier 1999 !)


      • Zanini 2 janvier 2009 17:17

        Erreur courante de croire que le passage au 21eme siecle était le 31 décembre 1999 par contre confondre janvier et décembre c’est nettement plus étonnant.


      • blog postraumatik blog postraumatik 2 janvier 2009 23:10

         :) ouais étonnant effectivement... désolé c ma gueule de bois


      • Neozenith 6 janvier 2009 13:56

        Très bon article !

        Effectivement, étant né dans les années 80, je me dis souvent que tout était plus rose dans les années 60 - 70. Quand je vois que l’humanité ne progresse plus, et même régresse, je suis nostalgique d’un temps que je n’ai pas connu mais qui voyait l’information (et pas la désinformation actuelle) et la science croître fortement !
        Aujourd’hui tout piétine, et de plus en plus de gens se rendent compte qu’un retour en arrière devient nécessaire (développement plus durable).

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