Coronavirus : la crise d’une époque
Il y a trois mois, nous entrions dans la phase de confinement. Depuis, les craintes d’une seconde vague gonflent encore plus vite que le nombre de cas. L’occasion de chercher à faire un premier bilan de cette crise, dont bien des aspects soulignent à quel point elle est la crise de notre époque, cette époque du laisser-passer, du laisser-faire, ou des reculs démocratiques, sociaux et des services publics.
Une crise de la globalisation dite néolibérale
Bien sûr, les pandémies ne sont pas une nouveauté dans l’histoire de l’humanité. Il y en a eu bien d’autres, en des temps où les échanges étaient bien plus limités. Mais bien des aspects de la crise sanitaire actuelle sont liés à la globalisation dite néolibérale qui s’est imposée depuis les années 1980. D’abord, si les pandémies du passé avaient également fait le tour du monde, la vitesse à laquelle celle-là a traversé la planète est particulièrement rapide : forcément, quand on laisse tout passer plus vite et plus souvent, les virus passent également plus vite… Il est aussi frappant de constater à quel point, en Europe et aux États-Unis, ce sont les villes les plus globalisées qui ont été touchées, New York, Paris, Milan, Madrid, montrant que l’hyper-connexion n’est pas sans conséquence lors d’une épidémie. Les régions moins connectées ont généralement été beaucoup moins touchées par le virus.
Les gouvernements qui ont mis en place des confinements très stricts pour soulager leur système de santé, en paient le prix économique, comme le montre l’effondrement du PIB. Les plans de soutien à l’économie, s’ils sont les bienvenus, en disent également long sur l’époque. Les petits magasins aux flux limités n’ont pas été traités différemment des plus grandes surfaces probablement plus dangereuses d’un point de vue propagation de l’épidémie. Et bien des mécanismes d’aide profiteront davantage aux gros qu’aux petits, jusqu’au chômage partiel, si largement utilisé en France (3 fois plus qu’en Allemagne) qu’il est difficile de ne pas y voir un effet d’aubaine pour certaines entreprises, qui vont réduire leurs coûts aux frais de l’Etat. Idem pour la fermeture des commerces, où l’Etat laisse faire… Enfin, l’exécutif a mis en place des lois d’exception en matière de droit social et semble ouvert à leur prolongation.
Cette crise en dit également long sur les penchants autoritaires du système politico-économique actuel, prêt à des remises en cause très fortes des libertés individuelles, quand ce n’est pas à risquer l’annihilation économique de secteurs pourtant emblématiques de notre pays comme la restauration. Il est frappant que les pays les plus mis à mal par la globalisation dite néolibérale aient souvent mis en place les mesures les plus strictes. L’utilisation orwellienne des moyens numériques en Asie est inquiétante, d’autant plus que la « stratégie du choc » est à nouveau à l’oeuvre, une crise permettant des évolutions autrement perçues comme impossibles à faire passer. Les reculs des libertés individuelles ou démocratiques de cette période sont suffisamment notables pour être inquiétants.
Enfin, je vois un inquiétant parallèle avec la crise financière de 2008, à savoir une crise qui devrait remettre en question certains fondements du système économique, mais qui, au contraire, le renforce. Il y a dix ans, nous aurions du prendre un vrai virage et rien n’est venu. Les tenants du système ont réussi à imposer leur interprétation de la crise et leurs remèdes, toujours plus d’austérité, de recul du service public et de l’Etat, et de course mortifère la compétitivité. Et malheureusement, je crains que nous prenions le même chemin à nouveau avec cette crise. Certes, il y a une réponse des Etats à la crise, mais par-delà les milliards de 2020 et les grandes déclarations, nos dirigeants actuels ne remettront pas véritablement en cause leur logiciel. Et ils commencent déjà à pousser leurs pions pour l’après crise…
Pour une grande partie, la crise du coronavirus est bien une crise de la globalisation dite néolibérale. Et sur bien des aspects (revalorisation du service public, du local et du long terme), il semble y avoir un consensus pour changer les choses. Mais il serait naïf de croire que cela viendra facilement. Pour changer, il faudra non seulement changer de dirigeants mais profondément changer de politiques.
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