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Depuis 25 ans, la création française s’est éteinte. Un nouveau monde est-il possible ?

 J’ai encore le souvenir de ce livre détonnant de Domenach sur le crépuscule d’une littérature française marquée par le nombrilisme et le déclin de notre culture dépeint avec un concept emprunté à Péguy, celui de décivilisation. Ce livre est paru au milieu des années 1990. Le processus était donc bien engagé. Mais loin de moi l’idée de sacrifier au « avant c’était mieux ». Disons plutôt qu’avant c’était différent, ce qui fera cesser toute intention polémique. Depuis 25 ans, l’idée d’une routine dans les champs intellectuels et artistiques mérite d’être examinée. Avec une question, simple à poser mais qui ne peut avoir de réponse dans l’immédiat. Juste des hypothèses. Dans cent ans, que retiendra-t-on de la période comprise en 1987 et 2002 ? Quelles réalisations résisteront à la sévère voracité de Kronos pour figurer au panthéon des grandes œuvres, par exemple celles de Voltaire, Balzac, Delacroix, Darwin, Bergson, Debussy, Einstein, Eisenstein, Prokofiev, Monet, Gide, Kafka, Schrödinger, Chateaubriand, Messiaen, Heidegger, L. Strauss… ? Des œuvres qui ont compté, marquant les époques, ouvrant les esprits. Mon avis est qu’il ne s’est rien passé de vraiment transcendant depuis ces 25 années, comme si la civilisation était en voie d’achèvement et qu’il n’y avait plus rien à créer mais beaucoup à produire pour occuper le terrain professionnel et s’assurer une carrière offrant quelques notoriété plus des revenus confortables permettant de s’offrir cette profusion de bien matériels que les ingénieurs produisent dans les laboratoires. Les célébrités se battent pour occuper les médias. Les goûts moyens sont médiocres et c’est ce qui fait le succès de Madonna, U2 ou bien de nos chanteurs nationaux dont la diffusion est inversement proportionnelle à leur capacité à écrire et composer de la musique. Parfois je me demande comment font les gens pour supporter une telle soupe dans les oreilles.

 Finalement, les « génies » de notre époque ne sont ni des savants, ni des philosophes, ni des artistes mais des inventeurs de produits qui modifient notre rapport au temps, à l’espace et aux autres. A retenir dans le panthéon des « génies » de la civilisation Steve Jobs, Bill Gates, sans oublier notre Roland Moreno inventeur de la carte à puce, ainsi que les aventuriers de la physique du spin grâce auxquels les disques durs ont une capacité démultipliée, permettant de charger des systèmes d’exploitation, puis des masses de données pouvant être échangées sur la toile. Mais au bout du compte, il n’y a rien à échanger de transcendant. Que des productions standardisées pour satisfaire les goûts moyens. Rien de neuf en littérature, en cinéma, en philosophie et dans la pensée scientifique, toujours les mêmes poncifs éculés sur la génétique, la cybernétique, l’ordre par le chaos. L’économie reste ensorcelée par le marché. La politique n’invente plus rien, elle gère, régule, corrige les fluctuations sociales et économiques. La musique n’offre plus rien de bien génial, excepté dans quelques secteurs. Vu que je suis ce qui ce fait dans le prog, je peux attester qu’il se passe des choses intéressantes mais pas de quoi révolutionner le genre.

 Avec le recul, en découpant les périodes en tranches de 20 années, on est sûr de trouver des œuvres, des découvertes et des inventions, du moins si on remonte vers le milieu du 18ème siècle. Qu’on prenne 1800-1820 ou 1880-1900, ou 1920-1940, on trouvera des peintres, des musiciens, des écrivains, des philosophes et des savants ayant marqué leur époque. Prenons 1920-1940, la mécanique quantique, Rachmaninov, Roussel, Gide, Sartre, Heidegger, Picasso. On peut poursuivre jusque dans la tranche 1960-1980, avec la génétique, la physique du chaos, Philip Glass, Michaël Nyman, John Adams, quelques grands écrivains américains, Deleuze, Derrida, Foucault, des œuvres de cinéma mémorables, notamment en Italie, les incroyables avancées dans la physique des particules, sans compter toute la création dans la rock musique, de Floyd à Tangerine Dream en passant par Magma et Led Zep sans oublier les Cure. En peinture, je ne vois pas trop mais il se dit que ce domaine artistique anticipe l’avenir et finalement, il est presque naturel qu’aucun peintre majeur n’occupe cette époque, sauf des peintres d’avant-garde dont le prestige pèse autant que le prix de leurs toiles négociés dans les galeries new-yorkaises ou les salles d’enchère londoniennes.

 1980-2012. Le vide, rien à retenir de marquant. Inquiétant, étonnant ! Enfin non, disons que le moment est venu pour la quête spirituelle et la rencontre avec son chemin de Damas. Les productions contemporaines ne sont pas marquantes mais distrayantes. Le quidam lit Voici tandis que l’homme qui se croit éduqué achète chaque semaine les Inrocks où se décline toute la culture ennuyeuse et prétentieuse d’une époque. Les intellos se rabattent sur Philosophie magazine et les névrosés du mal être contemporain iront vers Psychologies. Une revue qui naguère fut d’une autre teneur. Je ne saurai que conseiller à la jeune génération d’aller zoner chez les bouquinistes afin de dégoter quelque vieux Best, Rock’n Folk ou Psychologies des années 1970. J’ai d’ailleurs un numéro où figure un entretien avec Marcuse couché en petits caractères sur une dizaine de pages. Maintenant, le lecteur n’a plus le temps de lire. Les articles doivent être concis. L’individu narcissique veut la pensée servie sur un plateau télé. 1980-2012, le vide de la pensée, le tsunami du bavardage, le monde gazouille sur Tweeter et les gens écrivent sur la toile comme ils chient. Une époque chiante, à l’image de Jean-Luc Reichman qui lorsqu’un candidat réfléchit, prend une posture empruntée, affectée et sérieuse, comme si un jeu télévisé avait l’importance d’une intervention chirurgicale de la dernière chance.

 Cette légère méditation sur les inventions et créations humaines en Occident (on y associera les « ailleurs » de l’Occident qui par leur côté exotique, peuvent supplémenter le vide culturel contemporain) laisse un goût d’inachevé. Car la question qui percute n’a pas été posée et on la posera quand même. La création est-elle achevée, la pensée est-elle terminée ? Je ne parle évidemment pas des bricolages technologiques car en la matière, il se trouvera toujours des ingénieurs pour fabriquer des écrans plus perfectionnés, des réseaux plus rapides, des matériaux plus « intelligents ». Finalement, la situation paraît incongrue aux yeux des quelques initiés qui savent que la pensée scientifique contemporaine est un artifice, pour ne pas dire une illusion, et que l’univers réel ontologique reste impensé. Pourtant, le monde savant n’avance plus et semble se contenter de cette illusion ontologique dont l’efficacité technologique est indéniable, pour ne pas dire considérable. Ce sont finalement ces succès pratiques de la science qui comblent l’attente des acteurs de l’efficace, assurant de ce fait le triomphe d’une modernité qui, comme l’a bien explicité Strauss, mobilise science et philosophie pour agir sur la matière et le monde en laissant comme option subsidiaire la contemplation et la connaissance théorétique si chère aux anciens, qu’ils soient issus de la Grèce antique ou de l’Europe médiévale.

 L’hypothèse qu’on a suivie évoque un tarissement des œuvres de l’esprit, une sorte d’épuisement intellectuel et culturel. Ce phénomène pourrait être constaté à l’échelle planétaire mais pour cela, il faudrait recueillir l’opinion de personnes avisées dans les pays concernés. Dont on peut glaner quelques nouvelles mais pour l’instant rien de tangible. Le déroulement des choses laisse penser à une sorte d’achèvement de l’esprit. Et c’est en Europe et en France qu’on peut voir le processus en œuvre. L’épuisement spirituel est un phénomène pas évident à cerner. Les historiens érudits racontent la fin de l’âge d’or hellène après Alexandre, ou le déclin de l’Espagne et de l’Italie pendant l’avènement de la Modernité. Un coup d’œil rapide sur la France laisse transparaître un hypothétique épuisement pour ne pas dire déclin. Après la guerre, Paris a perdu sa place de capitale de la peinture au profit de New York. Et l’on peut voir ensuite le lent dépérissement des œuvres de l’esprit à partir de 1970. Exemple édifiant, l’épistémologie française qui n’a plus connu de Canguilhem, ou alors la pensée philosophique défaite. Aucune grande figure n’est apparue depuis quarante ans. Inutile d’insister sur la peinture, la littérature, ni même le cinéma. Le rideau d’une époque est tombé. La société peut se divertir et s’amuser. Les fonctionnaires des savoirs et de la culture forment des gens en répétant les acquis tout en fabriquant des produits culturels avec des recettes éprouvées. La chouette de Minerve a pris son envol pour ne rien révéler car nous ne sommes plus en pleine transformation historique comme du temps de Hegel.

 Pourtant, on pourrait voir où le destin de l’esprit se joue, dans des choses très savantes, divinement inspirées, en relation avec différentes formes de transcendance. Un monde nouveau est possible mais ce ne sera pas l’autre monde des altermondialistes qui selon le slogan est possible mais s’avère au fond assez pathétique. C’est donc le mot de conclusion sur un nouveau monde possible qui adviendra si les acteurs ont pour précepte de réaliser l’impossible. On y songera peut-être dans d’autres réflexions.

 


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14 réactions à cet article    


  • al.terre.natif 28 août 2012 09:16

    La profusion d’inutilité est effectivement effarante, mais en creusant bien, on trouve certains auteurs, certaines personnes qui invalident votre théorie. Non, pour moi, ces 25 années ne sont pas synonyme de vide intersidéral !

    Je vous cite simplement un auteur, philosophe, écrivain et agroécologiste : Pierre Rabhi.

    Lisez un peu ses écrits, et vous constaterez, je l’espère, que oui, certains textes méritent de passer à la postérité, et que l’évolution actuelle du monde aura besoin de telles idées, de tels engagements.

    Certaines époques laissent passer leurs meilleurs talents, sans les reconnaitre. Ce sont souvent les suivantes qui décident de reconnaitre que telle et telle oeuvre mérite la postérité.

    Peut être n’avez vous pas su reconnaitre vos contemporains qui sont dans ce cas ?

    Quant à votre petite digression de conclusion sur les altermondialistes, votre jugement quant au coté « pathétique » de cette vision du monde m’amène à croire que la votre est un tantinet passéiste et nostalgique, ce qui, peut être, fausse un peu votre constat présent.


    • frugeky 28 août 2012 09:18

      Il nous restera la compilation des oeuvres de Mr Dugué, ouf. smiley

      Plus sérieusement, je ne sais pas ce qu’il en restera mais la liste est longue de ce que moi je mettrais dans ce panthéon : littérature noire et/ou policère (américaine, française, autre) pour les styles, historique, musique....
      Notre époque n’est pas moins fournie que d’autres, il nous manque peut-être juste un peu de recul.

      • Xtf17 Xtf17 28 août 2012 10:06

        1985-2012 le vide ? A trop regarder la TV peut-être...
        Et que faîtes-vous des Emmanuel Todd, Jacques Généreux, Vincent de Gauléjac, Frédéric Lordon, Michel Onfray, Henri Laborit, Raoul Vaneigem, Jean Baudrillard, Michela Marzano... ?

        Bon c’est sûr que niveau musique aujourd’hui c’est plutôt David Guetta... Les textes ne sont ni du Desproges ni même du Jean-Jacques Goldman.
        De la musique pour se défouler. De la TV pour se divertir.
        Et cessé de penser.
        A outrance c’est TF1, Coca-Cola, et tant d’autres qui sont ravis...


        • zarathoustra 28 août 2012 10:47

          Entre nous un mec qui cite Onfray comme une référence en philosophie a du passer plus de temps devant la télé (ou sur youtube c’est mieux vu) qu’à lire du Nietzsche.




        • Xtf17 Xtf17 28 août 2012 11:34

          Je n’ai jamais vu Onfray à la télé pour une bonne raison : je n’ai pas de télé.
          En revanche j’ai acheté et lu l’un de ses livres, et écouté plusieurs de ses universités d’été.
          Et reconnaître l’apport de qq’un ne signifie pas forcément être d’accord avec ses propositions.

          Essayez donc d’ouvrir un livre pour vous instruire (et de manger des carottes, il paraît que ça rend aimable).


        • zarathoustra 28 août 2012 14:16
          J’ai tout de suite vu en vous, l’érudit qui est bien trop intelligent pour regarder la télé (contrairement à l’auteur qui la regarde beaucoup trop), c’est pourquoi j’ai supposé que vous aviez du voir Onfray sur internet (youtube). Peut-être était-ce plutôt en écoutant france culture ou bien en lisant télérama comme font les gens intelligents, peu importe finalement.

          Mais si vous essayez de me faire croire que c’est en lisant des auteurs qui citaient souvent Onfray ou en parlant avec des connaisseurs que vous avez été amené à lire un de ses livres je ne vous croirais pas et je ne serai pas le seul. Ce n’est donc pas par son apport objectif à la philosophie que vous avez été amené à le lire mais bien par son aura médiatique et il n’y a aucun mal à cela. 

          Il est surement très bon pédagogue/vulgarisateur mais il est à ranger dans la catégorie des philosophes médiatiques avec BHL, Enthoven, Finkelkraut, Ferry plutôt que dans celles des penseurs (Foucault, Derrida,...). 

          Pour Laborit, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’éloge de la fuite mais même s’il n’a pas pris une ride, il est sorti en 1976.

        • Xtf17 Xtf17 28 août 2012 14:58
          Pour Onfray, qui vous dit que je n’étais pas à ses universités populaires ? Qui vous dit que je n’ai pas acheté ses CD ? Où ai-je dit que j’ai été mené à lui en lisant d’autres auteurs ?
          Quelle arrogance dans vos propos !

          Tout comme la TV, je n’écoute pas la radio et ses merdes identiques, et ne lit pas Télérama, ni les hebdos du même genre qui me font gerber. Tout comme BHL, Enthoven, Finkelkraut et Ferry que vous citez.

          Les idées qu’Onfray développe dans ses conférences « Le Post-Anarchisme expliqué à ma Grand-Mère », ’Le pur plaisir d’exister« , dans sa »Contre-histoire de la Philosophie« , dans son livre »Politique du rebelle - Traité de résistance et d’insoumission« , sont très intéressantes, on en prend ce que l’on veut, et personnellement elles me sont d’un apport identique à celles de Deleuze, Foucault ou Derrida dont le post-structuralisme est justement partie du post-anarchisme.


          Quant à Laborit, il a écrit 11 bouquin entre 1980 et sa mort en 1995. Qui a dit que je n’avais lu que son »Eloge de la fuite«  ? Ce livre a peu pris de ride en effet, mais pour moi il a été dépassé récemment par celui de Vincent de Gauléjac »Travail - les raisons de la colère". Je vous le conseille.

        • zarathoustra 28 août 2012 10:34
          Je vous invite à lire les écrits d’Adorno sur la culture.

          La culture dans son ensemble a suivi le modèle de la télé et est devenue un bien de consommation destiné à vider la tête des spectateurs alors qu’elle était initialement destinée à élever l’homme au de-là de sa condition.

          L’homme usé par la société moderne n’a plus les ressources mentales pour une fois sa journée de travail achevée réfléchir sur une oeuvre et préfère apaiser son esprit en écoutant la musique actuelle avec des basses saturées qui le plongent dans un état de semi hypnose. 

          Les éternels optimistes qui s’abritent derrière l’existence hypothétique de génies contemporains incompris devront quand même tenir compte du fait que les plus grands musiciens ont eu dans leur immense majorité beaucoup de succès à leur époque : Mozart, Beethoven, Rossini, Haydn, Liszt, Chopin,... 

          • al.terre.natif 28 août 2012 11:01

            une seule solution : changer de libraire ;)

            et surtout arrêter de lire les livres qu’on vous dit de lire. Lisez ce qui vous plait, le reste, passé 3 pages ennuyantes, vous pouvez garder pour :

            - faire une belle déco type bibliothèque

            - allumer la cheminée en hiver ...

             :)


          • chantecler chantecler 28 août 2012 12:18

            Effectivement « l’être et le néant » n’est pas un livre simple à lire .

            J’ai essayé mais j’ai abandonné .

            Et votre résumé/ interprétation me convient parfaitement .

            Mais JP Sartre n’a pas écrit que des oeuvres très techniques .(de pure philosophie qui demande tout de même des prérequis indispensables )

            Le théâtre de Sartre , les mots ..... sont passionnants ...

            A part cela l’auteur aurait pu faire un effort .

            Par exemple ne retenir que l’estimable S. Rachmaninoff comme compositeur entre 1920 et 1940 me semble plus que léger .

            L’école française est très riche . La Russie a fourni aussi des compositeurs extraordinaires .

            Je vous laisse rechercher .


          • Denzo75018 28 août 2012 10:48

            On ne peut que s’en réjouir, parce que lorsque l’on lit votre prose, on ne souhaite qu’elle soit éteinte définitivement ! (LOL)


            • Laconique Laconique 28 août 2012 12:59

              Très bon article, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire. Mais... il y a bien plus longtemps que cela que l’astre des lettres françaises (pour se limiter à ce point) s’est éteint, et ceux que vous citez comme des modèles, Deleuze, Foucault, Derrida, en sont directement responsables. En s’enfermant dans la glose universitaire, en coupant le lien avec le peuple, en enrobant leurs fantasmes pervers et leurs egos disproportionnés d’un jargon péremptoire et ridicule, ces auteurs (et d’autres : Sollers par exemple) sont très précisément à l’origine du discrédit mérité dans lequel sont tombées la littérature et la philosophie. Pour moi, le dernier grand livre lisible paru en France est Thésée d’André Gide, paru en 1946. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si Houellebecq est le premier bon écrivain depuis longtemps à avoir du succès en France : lui au moins se réclame de Baudelaire et ose qualifier toutes les idoles structuralistes et psychanalytiques comme elles le méritent : une vaste fumisterie.


              • jocelyne 28 août 2012 18:10

                Pas d’accord du tout, les livres français ( et autre que les livres) français de qualité sont profusion, voir les autres commentaires si vous manquez d’une bonne librairie


                • JeQuestionneDoncJeSuis JeQuestionneDoncJeSuis 9 novembre 2012 22:02

                  Je vous sauré gré de pardonner cette réaction fort tardive ; du haut de mes quelques années, dans le gouffre insondable de mon ignorance, j’aimerais toutefois faire part d’un avis pour, je le souhaite, enrichir la discussion. Vous me passerez les quelques fautes que je pourrai avoir commises, et mon verbe peu... rigoureux et pauvre en concepts.

                  Il est bien évident que nul ne peut s’arroger le droit de juger « par délégation », c’est-à-dire, sans la connaissance de l’objet dont il s’agit d’évaluer la valeur. A ce titre, chacun doit se pencher de la façon la plus naïve et vierge qui soit sur le produit de la création humaine, afin de livrer un jugement critique et rationnel, c’est-à-dire fondé sur... les lumières que l’Esprit peut jeter sur le Monde. Ici, on achoppe sur un problème ; car quiconque est en mesure de constater que, bien que n’ayant pas lu l’oeuvre de tel ou tel auteur, n’ayant pas prêté oreille à la musique de tel ou tel compositeur, nous réalisons que nous sommes déjà influencés, car, comme chacun sait, nous sommes continûment noyés sous l’information. Notre raison, notre conscience, est devancée par celle-ci.

                  Et puisqu’on en parle, de ce flux sans reflux inexorable, parlons de son corollaire dans le monde plus... pachydermique -quoi que...- de la création, dans la publication, vous me comprenez.

                  Fort de mon expérience... famélique, je puis affirmer que l’on se trouve rapidement confronté à ces myriades d’auteurs prétendûment érudits, qui nous livrent un regard prétendûment neuf sur un monde... prétendûment dévasté... Ces « prétendûment » ne témoignent d’aucune ironie, attendu que celle-ci implique le jugement et donc, « la connaissance de l’objet and so on... » mais bien d’une simple prise de distance préventive.

                  Selon une connaissance -homme érudit s’il en est, et d’une modestie, d’un désintéressement inaltérables, ce qui n’est hélas pas le cas de tous les hommes dont on dit qu’ils ne sont pas des moitiés d’imbéciles-, l’Occident n’a connu, grosso modo, qu’un nombre désespérément restreint de philosophes, au sens le plus noble du terme ; c’est-à-dire, de penseurs qui « firent système », dont le déploiement intellectuel ébranla l’Homme dans sa vision du monde et de lui-même, irréversiblement.

                  Mais trêve de péroraisons. Les trames de mes pensées se sont entremêlées et rien n’y est plus intelligible. J’en viens précipitamment à la conclusion ; toute oeuvre, aussi médiocre soit-elle, devrait pouvoir être lue, ne serait-ce que pour repousser les bornes de la définition qui accompagne le mot « médiocrité » ; cependant, on est bien vite enseveli sous une tâche qui paraît insurmontable, eu égard au nombre d’ouvrages publiés... C’est pour cela qu’avant de se lancer orgueilleusement dans la lecture d’un précis amphigourique, ne faut-il pas s’être abreuvé aux véritables sources, celles d’où sourd l’authentique liqueur de la pensée, ces rares oasis qui émaillent les sables des siècles ?

                  En clair, lisons Aristote, Platon, Descartes, Rousseau, Hegel, Heidegger... avant de découvrir ceux qui ne sont peut-être, en réalité, que de vains rhéteurs, qui, en lieu et place du majestueux autel consacré à la Vérité, ont dressé celui de leur propre culte.

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