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La méritocratie à l’épreuve de l’argent ?

Récompenser l’assiduité des élèves en classe par le versement d’une somme d’argent. Il y a de quoi s’épouvanter d’une telle mesure. Et de se demander comment peut-on en être arrivé à ce point ? Ça y est l’argent roi a investit toute les dimensions de la vie humaine. D’une seule idée lancée en l’air et retombée en un bruit assourdissant, tous les idéaux qui nous restaient s’écroulent dans le même temps. Et la vague n’est pas passée.

De prime abord, cette idée apparaît plus fumeuse que fameuse. Rien d’étonnant car elle est la totalement caractéristique de tout ce qu’on appelle couramment : la fausse bonne idée. C’est-à-dire, le genre de solution idéale de par son efficacité immédiate qui nous passe par la tête spontanément et dont on identifie tous les désagréments à mesure qu’on réfléchit à ses conséquences. Cependant, comme toute bonne idée qui se respecte, elle n’est pas à détacher de son auteur. Car souvent dans ce type de circonstance, l’idée prend racine dans le dessein plus large de celui qui l’a fomenté. Portée et défendue par un acteur tel que Martin Hirsch, cette action a de quoi- au moins pour cette seule raison - nous faire réfléchir. En effet, au regard du travail qu’il a déjà engagé, chacun reconnaîtra que notre brave Martin n’est pas l’incarnation d’un individu libéral ni dénué de valeurs.
Alors, deux questions méritent d’être posées à propos de cette mesure.
1) Comment expliquer qu’une telle mesure provoque autant de réactions ? Autrement dit, qu’est-ce qui fait réagir avec autant de contestation la communauté éducative ?
2) Quels intérêts peut-on en dégager, une fois passées les premières représentations ?
En tout premier lieu, il faut identifier la dimension symbolique d’une telle mesure dans les représentations que chacun a sur l’éducation. Il est vrai que l’idée de voir des pièces sonnantes et trébuchantes remplacer la traditionnelle image que l’institutrice distribuait jadis pour récompenser ses meilleurs élèves se trouve là malmenée. Et c’est pour beaucoup d’entre nous une image encore gravée dans la mémoire de notre enfance.
De plus, l’idée d’introduire le rapport à l’argent dans la sphère de l’éducation nationale n’a rien de rassurant. Dernier rempart à l’hégémonie de la finance, l’Education Nationale laisse entrer le loup dans la bergerie.
Enfin, cette idée de chantage à l’argent apparaît comme l’échec de l’acte éducatif en lui-même.
Pour toute ces raisons, notre idéal éducatif, partie intégrante du modèle social à la française, se trouve à la dérive. Mais pour accepter toute idée de progrès, il faut avant tout peser les inconvénients et les atouts. A présent, voyons en quoi cette mesure est-elle utile.
Si le rapport à l’argent peut apparaître comme un non sens dans l’éducation, il peut constituer un moteur lorsque l’argent ne représente pas la finalité mais le moyen d’accéder à un projet, bien plus enrichissant comme un voyage scolaire par exemple. Et c’est là il me semble que se situe tout le sens de la mesure proposée par Martin Hirsch. Ainsi la récompense à l’assiduité n’est pas l’obtention de l’argent comme argent de pochemais l’accès vers une activité autrement inabordable en raison du prix. C’est par conséquent une manière d’accompagner le jeune vers l’autonomie et de lui faire prendre conscience du vrai sens de liberté. Car la liberté n’est pas d’être libéré de toutes contraintes mais de se les approprier afin qu’elles n’apparaissent plus comme des obstacles infranchissables. Comme le disait Jean-Paul SATRE, « la liberté, c’est d’avoir les moyens de réaliser ses projets. » Ici, pour le jeune, l’apprentissage de la liberté passe par la présence en cours, condition de son apprentissage.
De plus, une autre dimension se dégage de cette mesure, c’est le caractère collectif du projet. En effet, il faut bien noter qu’il ne s’agit pas d’une aide individualisée comme peut l’être le RSA ou tout autre aide sociale, mais un droit de la classe à recevoir une subvention.
Vue de cette manière, cette mesure, en apparence anti-éducative se révèle sous un autre jour. Il y a bien un cadre dans lequel l’élèves, s’il veut avancer devra trouver sa place. Et des étapes auxquelles il devra se résoudre. Ouf, l’acte éducatif est sauf.

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