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Accueil du site > Actualités > Société > « Le Convoyeur » : Part Two

« Le Convoyeur » : Part Two

On ne l’a peut-être pas assez signalé, mais l’affaire Tony Musulin, le convoyeur de fonds de la société Loomis qui avait volé plus de 11 millions d’€ de son propre fourgon blindé, est ni plus ni moins une espèce de remake d’un film sorti il y a quelque temps, Le Convoyeur (2004) de Nicolas Boukrief, comme si, ici, encore une fois, la maxime de Boileau se vérifiait (« La nature imite l’art ») et qu’on avait une réalité qui dépassait ou, à tout le moins, égalait la fiction. Quelle fiction ? Celle de ce film noir doublé d’une chronique sociale portant un regard clinique sur la vie en entreprise d’ une petite compagnie de transports de fonds, la Vigilante, en pleine crise parce que victime en un an de trois braquages meurtriers ; le réalisateur avait lui-même déclaré à la sortie du film * : « On s’est rendu compte que, chose assez incroyable, il n’y avait jamais eu de films sur les convoyeurs de fonds, alors que ce sont des ouvriers qui, pour un salaire de misère, transportent des millions !  ». C’est tout autant l’histoire de ce film qui semble avoir inspiré Musulin que la catchline de son affiche : « 1000 € par mois, 1 000 0000 € dans chaque sac… ».

Par rapport au film lui-même (où l’on sent bien que l’ennemi est intérieur et où l’on entend même un vieux convoyeur dire à un jeune – « C’est un joli chargement, t’imagines, juste un sac histoire de se sentir moins con »), c’est surtout la catchline (« phrase qui attrape ») qui est la plus percutante pour évoquer Tony Musulin. Attention, loin de moi ici l’idée de prendre sa défense (il a commis un acte répréhensible par la loi – point barre, ça ne se discute pas), et loin de moi l’idée de le transformer en Robin des Bois ou en Tony Montana - d’ailleurs, la réalité plutôt décevante (il s’est rendu à la police parce que la vie de solitude et de planques à la Mesrine est une épreuve de force) a freiné la course aux fantasmes de certains - mais ce dont il faut discuter, disputer, c’est de ce geste. Et de sa cause. Et peut-être même mettre cela en parallèle avec ceux qui ont tout cassé à Paris suite à la non-distribution de billets de banque promis par le sinistre Mailorama.

Facilement, on pourrait dire que l’argent rend fou mais ce serait trop simple. Non, dans nos sociétés industrialisées au capitalisme financier carnassier adepte de l’argent facile (salaires mirobolants, bonus délirants de vieux capitaines d’industrie, parachutes dorés, paradis fiscaux, stock options de traders robotiques, subprimes et on en passe), ce qui rend fou les gens ce sont les disparités énormes, à savoir l’écart incommensurable qui se creuse entre les plus riches et les plus pauvres : « 1000 € par mois, 1 000 0000 € dans chaque sac  », bien sûr que cette phrase trouve à l’heure actuelle une résonance dans la colère de la rue, chez les gens fatigués, écœurés d’un côté par leur quotidien (l’argent difficile à gagner et en temps de crise plus que jamais) et, de l’autre, par l’arrogance et l’obscénité du bling-bling qui surfe sur une économie ultralibérale servant grassement une poignée (d’élus ?) pendant que le « bas peuple », lui, en pâtit gravement, à coups de jonglages boursiers virtuels qui se concrétisent en licenciements en série. Ce système bancaire mondial, sauvage et prédateur, marche sur la tête et finit, par voie de conséquence, par rendre les gens fous : piquer dans la caisse, s’imaginer courir après un camion pour récolter du fric comme au zoo, destruction des biens publics, suicides au travail. Alors, mesdames les instances dirigeantes de cette machine capitaliste bling-bling, jusque ici tout va bien ? Hum, rien n’est moins sûr : « 1000 € par mois, 1 000 0000 € dans chaque sac », ça risque d’en faire réfléchir plus d’un encore longtemps si l’on ne revoit pas au plus vite un système qui s’entête à faire l’impasse sur le capital humain au nom du sacrifice aveugle au dieu Argent.

* Source : Allôciné.


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1 réactions à cet article    


  • jltisserand 24 novembre 2009 05:48

    Amusant, c’est le monde à l’envers ....

    Aux USA, le monde du cinéma s’inspire toujours (ou presque) de la vraie vie : les guerres sur tous les continents, les navettes qui rentrent ou non, les gangs, le western etc ... etc....

    En France, c’est dans le cinéma que la vraie vie s’inspire ?

    Arretons vite d’aller au ciné ... ou ça va devenir dangereux.

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