Le social et le sociétal
Longtemps la politique a été structurée par le champ social, la luttes des classes étant le fondement des revendications qui s'exprimaient par des grèves, des manifestations, et débouchaient le plupart du temps sur des accords qui augmentaient progressivement les droits des travailleurs.
Les médias eux-mêmes étaient traversés par cette vision, même si les médias officiels étaient du côté des classes dirigeantes, la base de cet affrontement était également leur ligne éditoriale.
Progressivement, ce paradigme s'est estompé à la faveur d'un autre, qui se pose davantage les problèmes de minorités et abandonne le côté social. À partir des années quatre-vingt, ce glissement progressif du politique a fini par remplir le champ des explications devenues officielles.
Dans son besoin d'aliénation des populations et de création de profit, le système capitaliste s'est transformé, demandant davantage de travail immatériel que de travail matériel, demandant pour cela une main d’œuvre plus instruite, plus "moderne", et moins nombreuse.
Les protections sociales, qui étaient, malgré son corps défendant et au niveau global, nécessaires pour construire les objets techniques de XX° siècle, ne le sont plus pour construire les objets et services technologiques du XXI° siècle. Une plus grande autonomie, et quelque part une plus grande liberté, mais strictement individuelle, est désormais nécessaire.
Il faut au capitalisme des individus autonomes, libres de leurs corps, et dont les esprits sont attachés aux objectifs capitalistes.
Les protections sociales sont donc devenues obsolètes, et remplacées par les libertés sociétales. Le corps devant être libre, plus aucune attache à sa condition réelle ne doit faire obstacle à celui, celle ou celluie, qui veut s'intégrer, lorsque son esprit est collinaire à celui du système. Le respect de cette liberté, et donc de la sexualité, du sexe devenu genre, de toute forme de déviation face à ce qui était autrefois considéré comme un standard, y compris physique, ou religieux, est devenu sacré. Avec des contradictions dont la plus criante concerne le respect de la religion musulmane quelque soit ses contraintes tournant parfois au délire, et le respect du féminisme jusqu'à l'interdiction de draguer dans les rues. Le résultat jusqu'à l'absurde étant ces femmes en niqab se prétendant féministes.
Les couches dominées de la population, autrefois faisant partie du prolétariat selon les dénominations du XX° siècle, y voient un double affront, une double déstabilisation. À la fois, ce qui était le standard corporel et sociétal, auquel ils se conformaient par habitude et obéissance, est détruit, mais également le standard social qui les protégeait, tant bien que mal, se trouve également détruit. C'est dans le même temps où ils ne trouvent plus de médecin pour les soigner, de poste pour mettre le courrier, où les pensions de retraite s'évaporent, où les aides sociales s'épuisent, que les médias leur inculquent les idées nouvelles de mélange des genres, d'accueil des migrants, de droit aux mariages non mixtes, etc.
Comme dans les classe dirigeantes, de plus, ces couches dominées de la population sont considérées comme rien, ne comptant pour rien, inutiles à la création de profit (leur seul objectif réel), le sentiment général de défiance devient légitime. Mais ce sentiment de défiance, dans une partie de la population, prend l'effet pour la cause.
La liberté des mœurs, la fin du sexisme, l'intégration des minorités culturelles ou religieuses n'est pas la cause de l'effondrement des politiques sociales, cette cause vient bien du système capitaliste, qui dès la présidence de Valérie Giscard D'Estaing, a lâché du lest au niveau sociétal pour serrer la bride au niveau social. Hollande a fait de même avec à la fois la detruction du droit du travail et l'adoption du mariage pour tous.
Mais ni l'autorisation de l'avortement, ni le mariage pour tous ne sont par eux-mêmes la cause de ces destructions sociales. C'est bien le système qui a accompli les deux transformations de façon simultanées, l'une ne nécessitant l'autre. Le fait de revenir sur des avancées sociétales, finalement réelles même si amendables ou relativisables, ne modifiera pas en soi le recul social global imposé par le système capitaliste via son macro(n)valet.
Les revendications sociales doivent porter sur le social et uniquement celui-ci en le décorrélant de la contestation des avancées sociétales, nécessaires, avec une évaluation certes pouvant être critique, mais dans les effets réels et non supposés liés au champ social.
Si dans sa lutte anti-sociale, le système capitaliste cède des avancées sociétales, celles-ci ne sont pas à condamner en soi au nom du retour à une plus grande justice sociale, bien au contraire.
L'être étant composé à la fois de sa part individuelle, y compris sexuelle, et sa part collective et sociale, l'avancée du social n'est pas opposer à celle du sociétal, mais les deux devraient avancer de pair, dans une lutte contre un système qui se sert de l'un contre l'autre pour à la fin aliéner l'être dans son essence.
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