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Accueil du site > Actualités > Société > Peut-on s’échapper d’une prison panoptique ?

Peut-on s’échapper d’une prison panoptique ?

Cette photo n’est pas anodine, il s’agit de la prison baptisée « Presidio Modelo » érigée sur l’ile des Pins au large des côtes cubaines. Elle a été fondée sur un principe simple : voir sans être vu, imaginé en 1791 par Jeremy Bentham à une époque où la France commençait à affuter sa guillotine. Les gardiens qui y officiaient entre 1953 et 1955 étaient chargés de la surveillance d’un prisonnier hors du commun : Fidel Castro, incarcéré après son assaut manqué contre la caserne Moncada de Santiago de Cuba. Mais il ne s’agit pas seulement d’un modèle particulier de prison. « Le panoptisme, pour Bentham[1], c’est bien une formule politique générale qui caractérise un type de gouvernement » stipulait Michel Foucault dans son ouvrage « Naissance de la biopolitique »[2]. Les lois récentes qui ont surgit à l’aune d’une politique dite sécuritaire attisent les critiques envers l’état nous renvoyant à la formule « Le panoptique, c’est la formule même du gouvernement libéral […] »[3]

L’Etat français se lance, à la suite des USA, dans une politique de surveillance massive et sans contrôle judiciaire à l’encontre du peuple qu’il est censé servir. Les moyens mis en œuvre, certes motivés par la lutte contre le terrorisme, sont pointés du doigt tant les incohérences voire les inconséquences géopolitiques n’ont pas manqué d’être mises en exergue par quelques libre penseurs assez largement médiatisés. Pour faire bref, comment justifier l’appui logistique apporté par la France aux factions séditieuses souvent exogènes en Syrie et en même temps leur déclarer une guerre totale ?

Cet ainsi qu’internet devient progressivement un lieu d’où est bannie la liberté d’expression. Ce contrôle pris en charge par la DCRI et DGSE n’est qu’un dispositif supplémentaire venant compléter ceux déjà installés par les GAFAs qui prennent dans leurs filets à petites mailles l’ensemble des données générées par l’usage de toute sorte d’applications connectées à l’internet. Matthieu, collecteur d’impôts devenu apôtre de Jésus-Christ s’exprimait ainsi : « Et les cheveux mêmes de votre tête sont tous comptés ». Cette phrase à double sens peut nous amener dans une première acception à craindre l’emprise démesurée qui s’opère sur les cybercitoyens et d’un autre point de vue nous faire prendre conscience, et ce me semble être la bonne interprétation, que la valeur de chaque individu est inestimable, jusqu’au dernier de ses cheveux.

Google associe les deux interprétations dans une politique de logiciels connectés déclinant une profusion de fonctionnalités allant du moteur de recherche (qui aurait déjà permis la mise en examen de personnes en fonction de la saisie de certains mots-clés), à la prise de note, au traitement de texte, d’un traducteur, du visionnage du vidéo, l’examen de votre trace GPS etc…Inutile de préciser que l’ensemble des traces laissées par les utilisateurs sur Facebook, Amazon ou Apple intéressent l’Etat qui a ensuite tout intérêt à solliciter les GAFAs pour approfondir sa politique de surveillance massive. Une nouvelle source d’information entre en scène via l’internet des objets, cette technologie mature développe une infinité de boucles de rétroaction entre individus et websites centralisés via l’internet. Les données ainsi collectées ouvrent de nouveaux horizons aux sociétés d’assurances en leur permettant de modérer leurs décaissements par le ralentissement drastique de la croissance des sinistres : les capteurs de toute sorte sont en effet susceptibles de prévenir des incendies, de surveiller le comportement de l’automobiliste, d’infléchir la consommation de produits nocifs (sucres) ou toxiques (nicotine), d’inciter aux exercices physiques en récompensant les calories brûlées etc… Pour compléter le tableau, les contrôleurs fiscaux bénéficiant de sources d’informations croisées commencent à se déployer en Italie, l’Espagne y songe alors que dans le même temps les entreprises internationalisées, bénéficiant de conseils fiscaux de haut vol, sont protégés par l’étrange légalité de leurs complexes techniques de défiscalisation off-shore.

L’accumulation des données dont seul les GAFA bénéficient met en évidence notre entrée dans un système d’information asymétrique dont le cybernaute ravalé au rang de « ressource » par les géants du net ne bénéficie que de l’utilisation d’outils mis à sa disposition. La matière première, extraite des ressources que nous sommes tous, n’est pas rétribuée à son juste prix, l’internaute se mue en prosateur et pisse-copie, nègre et bois d’ébène pour les néo-colonisateur d’un système économique rappelant l’oppression des puissances coloniales envers les pays producteurs de matières premières.

Le phénomène d’ubérisation advenant dans une étourdissante frénésie médiatique renferme à n’en pas douter de puissants mécanismes collaboratifs. Pourtant, même si ces mécanismes réticulaires embarquent en eux une composante incontestablement favorable au pouvoir d’achat de la multitude, ils sont aussi destructeurs de valeur dans les secteurs où ils ont fait une entrée en force : celui des taxis et de l’hôtellerie notamment pour citer ceux les plus impliqués dans l’actualité médiatique. Bien sûr, l’ubérisation créé du pouvoir d’achat pour les clients concernés, mais dans le cas d’Uber et d’Airbnb, la valeur s’échappe vers des lieux à la fiscalité plus accueillante. Les investisseurs raflent la mise alors que l’essentiel des propriétaires des « outils de production » prestataires de services – comme le sont les chauffeurs et les loueurs des réseaux sus-cités sont prélevés de commission pouvant atteindre vingt ou trente pourcent des prix de vente. L’assujettissement des acteurs productifs vis-à-vis des règles de définition des prix de vente les enferme dans une mécanique asymétrique inéquitable vis-à-vis d’une instance centralisée totalement déshumanisée, cette asymétrie relève de la gouvernementalité algorithmique[4] appliquée au secteur économique.

Essayons de faire le tri parmi les échappatoires possible en partant d’expériences à même de baliser la marche à suivre. Sous le patronage de l’IRI dirigé par le philosophe Bernard Stiegler, se déroule depuis quelques années au centre Pompidou de Paris une importante série de conférences : les ENMI. En passant en revue la dernière session, il parait évident que l’actuel tropisme des médias et plus généralement des intellectuels qui planche sur le devenir de l’internet est orienté dans le sens d’une lutte féroce contre la prolétarisation généralisée, figurée par la gouvernementalité algorithmique, l’automatisation des tâches et la désindividuation psychique. On a assisté au fil des interventions de ces « Entretiens du nouveau monde industriel », à la dénonciation de nombreuses déviances de l’automatisation réticulaire au travers des discours de d’Evgeny Morozov, Dominique Cardon, Giuseppe Longo, Julian Assange et Harry Alpin. Il a été question de « Far West » pour qualifier, probablement de façon inapproprié, l’internet en tant que nouvel espace de non droit. En effet, l’internet semble plutôt évoluer par superposition de nouveaux territoires à l’instar de Facebook où les pionniers s’engagent insouciant en validant d’un clic les lois qu’ils devront respecter. Les GAFAs sont ainsi des territoires en mille-feuilles déroulant leur corpus de droit positif sous forme de code informatique. L’inconséquence apparente d’un clic validant les Conditions Générales d’Utilisation d’un GAFA pose la question du consentement éclairé, pour autant, le rapport de force asymétrique associé à une communication univoque ravale l’internaute au rang d’incapable de fait, dans le sens juridique du terme. Ce constat peu exaltant pousse à une appétence forte pour une plus forte implication de l’Etat, représentée lors des ENMI par Axelle Lemaire, supposée limiter l’emprise de la gouvernementalité algorithmique en permettant une nouvelle recomposition du collectif via le numérique. D’entrée de jeu Axelle Lemaire portait la voix d’un Etat souvent inaudible devant renforcer sa position face à l’emprise des GAFAs, mais le discours et les déclarations d’intention des politiques désarmés ont objectivement fort à faire face à la réalité en marche.

Certains conférenciers ont pourtant apportés leur brique à l’érection d’un bâtiment toujours sans architecte. Citons Xavier de la Porte, Christian Fauré, Bruno Teboul et Yuk Hui qui chacun dans leur domaine propose des pistes qui pourraient donner plus de consistance à un des maîtres mots de Bernard Stiegler emprunté au vocabulaire de Simondon, à savoir « la transindividuation ». L’internet doit s’orienter plus résolument vers le concept de groupe et donc s’éloigner de l’individualisme forcené dominant. En effet, le réseau porte déjà en lui les ferments d’une saine désintermédiation avec le puissant concept de la blockchain à même de généraliser de nouvelles pratiques stigmergiques au sein d’un web régénéré.

Nombre d’entre nous sont en mesure d’émettre de pertinentes critiques de la nouvelle toile en train d’être tissée, mais plus que de critiques, des propositions nouvelles et fortes doivent être formulées pour se constituer en un modèle cohérent. Initions l’exercice en quelques phrases. Tout d’abord, reprenant l’idée du choix éclairé, l’internaute doit être promu au rang de citoyen, non seulement libre de ses choix, mais aussi participant à l’élaboration des propositions qui s’offriront à lui. Il doit pouvoir être partie prenante dans l’élaboration des lois codées du réseau - les algorithmes - et ne plus seulement cocher la case CGU des applications. Plus généralement, il devra bientôt pouvoir choisir de s’insérer dans un système réticulaire piloté par une pléthore de boucles de rétroaction ou bien de vivre quand il le souhaitera en dehors du système. La première liberté sera donc celle consistant à disposer du choix, celui de vivre dans le système ou bien celui de demeurer en dehors (auquel cas certaines zones pourraient être totalement libérées des émissions électromagnétiques). Parmi les deux options, il devra être possible de changer facilement d’option et ainsi d’être libre d’effectuer des allers-retours entre les deux options.

Ceci posé, il semble essentiel de développer un concept global : un système totalement intégré, centré sur la coopération des acteurs et qui devra récompenser toutes les formes de néguentropie (thermodynamique et cognitive en premier lieu), pénaliser l’entropie et instaurer une totale transparence dans toutes les relations interindividuelles et intergroupes. En matière d’économie, une des premières pistes à étudier pourrait être celle des cryptomonnaies, à l’instar du bitcoin, qui à l’insigne avantage de permettre de redéfinir un système horizontal cohérent en dehors du système bancaire pyramidal. La gestion de la réputation, éventuellement déclinée en multiple attributs en fonction des compétences de la personne, peut également figurer en bonne place dans le nouveau système.

Viennent ensuite une cascade de remise en question, quelles règles de fonctionnement affecter à la cryptomonnaie quand la collaboration prend le pas sur la concurrence ? Doit-on conserver la notion d’offre et de demande ? La notion de prix doit-elle perdurer et si oui, quel pourrait-être le nouveau mécanisme de création des prix ?

Dans la mesure où la néguentropie thermodynamique est favorisée, le localisme devient ainsi une priorité. Dans l’hypothèse où un prix est associé à un produit, le système pourrait se charger d’incrémenter la tarification en fonction de son empreinte écologique et de la décrémenter en fonction de sa néganthropie potentielle. La notion de travail elle-même devrait ainsi être totalement revue sur la base d’une telle analyse appliquée aux individus et aux groupes.

Les nouveaux cybercitoyens coordonnés au sein de groupes collaboratifs alimenteraient au quotidien le « contrat social » sous forme d’un corpus de règles essentiellement localistes adoptées par consensus. Ils disposeraient d’un revenu de base inconditionnel auquel s’ajouterait un revenu contributif généré par des actions liées à la création de nouveaux objets, à la production agricole et à la prestation de services (artisanat, aide aux personnes, etc). Chaque groupe disposerait de la possibilité de communiquer sur ses projets référencés sur le réseau en groupe-action. Le système en connaissance des compétences des acteurs, de leur agenda, de leur réputation serait susceptible d’établir des liens entre groupe-actions et ainsi de proposer des prestations aux personnes en demande.

Le déplacement des acteurs verra son tarif augmenté en fonction de son impact écologique. Si plusieurs acteurs sont disponibles, celui nanti du moindre impact écologique sera retenu.

Voici trop rapidement énoncé quelques suggestions que les ENMI 2015 auraient pu formuler par la voix d’un de ses intervenants, car après tout, pour faire rêver en un meilleur avenir ; la proposition se doit d’être radicalement nouvelle. Ainsi elle pourra produire en chacun de nous une indispensable aspiration au « buen vivir », à l’« eudaimonia » ou à la « vie bonne ». La recherche d’une ambition symbolique forte est indispensable pour « la toile que nous voulons ». L’aspiration à cette « vie bonne » clairement matérialisé par la description d’un système global, totalement cohérent peut susciter l’« enthousiasme » que Cicéron, reprenant la pensée de Démocrite qualifiait « d’énergie divine de l'âme », nous touchons là un territoire que les ENMI2015 n’ont pas défrichés.

Nous devons reprendre le contrôle de notre destiné pour affirmer notre autonomie face à un système néolibéral qui accroit son emprise panoptique. Le nouveau modèle s’adossera des choix formulés individuellement et collectivement par les cybercitoyens que nous sommes, le néoliberalisme sera peut-être in fine amendé par petite touche, mais sa transformation doit être impulsée par la définition d’un schème cible intégré, cohérent et exhaustif afin de fournir au peuple les moyens de concentrer sa motivation qu’il fera suivre d’actions. A l’instar des programmes libertariens, anarchistes ou communistes, il apparait qu’un nouveau cadre global et cohérent, pouvant être encapsulé dans un réseau social intégrant des fonctionnalités de gestion de groupe, de cryptomonnaie, de travail collaboratif etc, peut combler les voeux des cybernautes à la recherche d’un avenir meilleur.

Dans son ouvrage « Presidio Modelo », Pablo de la Torriente Brau dépeignait le sort des prisonniers dans les termes suivants “[…] les hommes devinrent des monstres, quelques-uns des héros, et des centaines se rachetèrent par leur martyre”. Nous sommes tous des héros de « Presidio Modelo », personne ne doit se laisser déposséder de son avenir, il n’y a pas lieu de se résigner à la servitude volontaire. Le cybercitoyen pourra ainsi s’engager sur de nouvelles voies de développements individuels (et en commun) où les décisions seraient prises en parfaite conscience des enjeux du présent et du futur. En 1792, Bentham ne put mener à bien son projet de prison panoptique qu’il espérait concrétiser en France, ainsi, malgré qu’il fut fait citoyen français, les évènements de la révolution mirent fin à sa chimère. L’asymétrie du pouvoir des gouvernants se pose de façon bien plus large aux citoyens du XXIème siècle, il ne tient qu’à eux de ne pas se laisser prendre au piège d’un nouveau panoptisme insidieux et ubiquitaire.

 

 

Crédit photo : I, Friman [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html), CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/) ou CC BY-SA 2.5-2.0-1.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5-2.0-1.0)], via Wikimedia Commons de Wikimedia Commons

 

 

[1] L’inventeur du procédé.

[2] P69 Hautes Etude – Gallimard Seuil éd.2004 10 04.

[3] Ibid.

[4] Concept développé notamment par Antoinette Rouvroy.


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20 réactions à cet article    


  • Le421... Refuznik !! Le421 21 décembre 2015 20:34

    Très très bon article.
    Même si la perception de tous ces éléments se fait de façon subliminale, et ce, pour les citoyens à qui il reste quelques neurones, l’explication et le constat sont bons.
    Pour ma part, du moins...

    La suite serait d’expliquer qu’il reste à tout un chacun désirant vivre dans une condition de liberté acceptable, de se comporter avec, ce qui n’est pas évident, une méfiance de tous les instants.
    La civilisation urbaine avec ses concentrations reste un milieu privilégié pour la surveillance de masse. A la campagne, il reste la communication, ce que j’écris est sûrement surveillé - encore que je suis sous W7, avec W10, ça frise le scandale !! - pour contrôler les citoyens.
    Par contre, le fait de disposer d’espace physique permet de trouver plus facilement des endroits de « relaxe médiatique » et de repos mental.
    Ensuite, il y a une éducation à développer, encore qu’il est très difficile de faire boire un âne qui n’a pas soif, je le constate souvent avec mes propres enfants (qui ont environ 40 ans pourtant !!).

    Pour finir par une anecdote que je répète souvent, pas de « FN », « Le Pen » dans votre titre...
    Donc, vous n’aurez que de rares lecteurs, et, probablement du même bord politique que moi...


    • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 11:25

      @Le421

      Merci pour votre réaction encourageante. La question de la surveillance qui s’étend est imbriquée dans un système politico-économique laissant peu de place à la contestation. Nous vivons dans une pseudo-démocratie qui interroge de plus en plus les jeunes en opposition sur la doxa qui les étouffe. Vous avez bien souligné un point essentiel, il s’agit de l’éducation (Stiegler parlerait de néguentropie cognitive), avec les limites du temps disponible...car les gens le passe de plus en plus en distractions pour faire passer un stress devenu très prégnant. Bien à vous.

    • elpepe elpepe 22 décembre 2015 01:16

      ok un commentaire avec FN et Lepen donc

      il ne tient qu’à eux de ne pas se laisser prendre au piège d’un nouveau panoptisme insidieux et ubiquitaire

      Plus sérieusement c est trop tard maintenant si tous les internautes se mettent a de clamer du Dieudonne, alors leur système de surveillance ne leur servira a rien car toutes les gyrophares rouges commenceront a fondre.
      Tout ce qu ’ ils ne veulent pas voir et entendre il suffit de l amplifier, de le déformer pour que cela soit encore moins absorbables, le plus insupportables, odieux, bannissables et greco incorrect, possible. Par exemple les photos du Bataclan il aurait fallu submerger tous les medias avec ces dernières etc
      Je suis Charlie Hebdo Coulibaly , une avalanche de tweets ...
      Les photos de Marine, il aurait fallu les re-tweeter des millions de fois, en les sous-titrant, ’les amis de Hollande en action’ Oh la belle rouge
      Soyons tous des Zazie dans le metro a la puissance 10.000, les plus inciviles possibles avec les autorites


      • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 17:40

        @elpepe

        Voir ma réponse qui figure à la suite de votre commentaire.
        Cordialement.

      • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 11:32

        Votre approche renvoi à la désobéissance civique, ... à une certaine forme de subversion. A cette approche s’oppose le triste spectacle de la réalité. Le peuple continu de voter, même s’il se réduit à une portion congrue. Personnellement, je ne vois pas d’alternatives politiques intéressantes. J’ai arrêté de voter, je ne me déplace même plus pour déposer un bulletin de vote customisé...a quoi bon ? Je préfère m’orienter vers l’autodidactisme et chercher des voies intéressantes, dans les « communs » ou « commons » en anglais. Si je parviens à formaliser pour moi-même un modèle cohérent, peut-être serais je à même de le proposer à la multitude. Je ne vois rien de plus intelligent à faire pour le moment.

        Bien à vous.

        • asterix asterix 22 décembre 2015 12:58

          Article intéressant mais je ne comprends toujours pas le rapport avec le bannissement de Fidel Castro à l’île des Pins.
          Vous connaissez cette île ?
          Moi bien. Je vais vous éclairer, j’y ai passé près d’un mois et me contenterai de vous rapporter la vision que j’en ai eue. Un voyage de rêve au prix local en hovercraft sur une mer d’huile, une multitude de petits cayos à l’entrée, puis un ultime bras de mer entièrement peuplé par un cimetière à carcasses de bateaux soviétiques. L’île est vraiment coupée en deux et sa partie sud est interdite à ses habitants. Il n’y a qu’une route qui y mène et elle est entièrement contrôlée pour empêcher quiconque d’aller y voir.
          Pourquoi ?
          Parce qu’elle est jonchée ( le mot convient ) de datchas grand luxe réservées aux hautes autorités de l’état égalitaire qui y accèdent directement par hélicoptère. Interdit d’y voir, interdit de savoir..
          Invité par un membre de la famille de mon ex, j’ai suscité une énorme curiosité des locaux qui ne sont pas bien nombreux et tous regroupés dans des immeubles à appartements dans sa partie nord. Le mot promiscuité y prend tout son sens et chacun épie l’autre. Les abords de l’île regorgent de langoustes, mais il est interdit de les capturer. Réservées à l’exportation les belles langoustes... Notez qu’il y a moyen de les piquer, elles se revendent en noir à un dollar l’unité. Pas cher, non ? Mais si ceux qui bravent l’interdiction se font prendre...
          Mon souvenir le plus marquant fut une rencontre avec un milicien qui avait le visage balafré d’un coup de machette.
          « Comment cela t’est-il arrivé ? »
          « Ce fut lors de la révolte des étudiants » candidats docteurs « africains. Pour mieux les surveiller, Fidel avait installé sur l’île l’université chargée de leur enseigner la bonne parole, celle qui dit que le monde entier doit s’extasier devant son humanisme qui consiste à offrir aux pays sous-développés mais partageant sa vision du monde un système de santé à l’abri de tous reproches »
          « Oui, je sais, mais encore ? »
          « Et bien ces negros de merde ( sic ! ) ont fini par se révolter parce qu’on leur interdisait d’aller voir nos femmes. Alors un jour, ils sont descendus et nous ont attaqué comme des sauvages, il y eut beaucoup de morts des deux côtés. J’ai eu de la chance, mais je resterai défiguré à vie. Tous les survivants furent immédiatement transférés à Cuba même, puis renvoyés chez eux. Ici, personne n’a oublié cet épisode, mais on ne peut rien dire, tu comprends ? » 
          Oui, je comprends...
          Ceci dit, cette île est merveilleuse. Au milieu, il y a une montagne de marbre dont personne ne sait où il disparait après son extraction. On m’a également dit que dans cette fameuse partie sud, on organise des parties de chasse aux petits perroquets, des animaux en voie d’extinction mais il faut bien que les huiles du régime puissent se distraire, non ?
          Comment vérifier l’exactitude de ces propos ?
          Aucun moyen...
          Quant au pote Fidel, il ne fut pas le seul à y être banni. José Marti bien auparavant également, d’autres aussi. Batista avait pour habitude d’y cloîtrer tous les opposants qu’il était dangereux de faire disparaître. L’anecdote court les rues : une des habitudes des gardiens était de dévaloriser leurs « clients » en leur coupant la pointe de la bite.
          A Cuba, on dit, on vous chuchote, que c’est la raison pour laquelle Fidel est devenu fou.
          Comment vérifier ?
          Pour revenir au sujet, je ne comprends pas où veut en venir l’auteur. Peut-être, alors que son article est vraiment intéressant, pourrait-il m’informer à ce sujet ?
          Parce que Fidel, mieux vaut qu’on compare avec le sort qu’il réserve à ses propres prisonniers politiques. Pire que Guantanamo à n’en pas douter. Pour étayer mes dires, j’ai également rencontré durant mon long séjour mais plus tard, le vice-directeur de Kilo 7 qui était l’époux d’une des soeurs de ma nana, elle même psychologue dans la même prison. Je l’ai saoulé à mort. Et ce qu’il m’a dit, c’est une autre histoire. Terrible ! Pas de prisons panoptiques, rien qu’une dépersonnalisation totale du détenu. Je finirai par ces mots, ses mots à lui qui sont gravés en moi au fer rouge :
          " Ces traitres ne méritent pas de se faire exécuter. Aussi les fout-on à poil dans une cellule où chacun dispose d’un mètre-carré et dont ils ne sortent jamais, sinon une fois par semaine dans la cour. On les dépersonnalise et à la longue, ils finissent par se jeter d’eux-mêmes sur les barbelés électrifiés pour en finirr.
          Comment savoir si c’est vrai ? Comment vérifier ?
          Il riait...
          Les certitudes, je les laisse à Fortin et compagnie : c’est le meilleur régime politique égalitaire du monde et toi, Asterix, tu n’es qu’un menteur.
          Comment savoir, comment vérifier ? 


          • abcd 22 décembre 2015 13:53

            @asterix l’idée est plutôt de partir de la prison panoptique (je crois qu’à la base c’est plutôt un délire Anglais, mais on a toujours le chic d’être ouvert aux délires) comme folie totalitaire.
            Un geôlier peut observer tout les prisonniers, mais qu’il le fasse ou non, tout les prisonniers modifient leurs comportements dans la crainte d’être observés, imaginez que tout les murs soient transparents, c’est l’impression que donne l’avenir du numérique.
            Vous êtes un pion aux comportements déterminables et vous conditionnez votre comportement pour correspondre à la détermination.
            Si vous connaissez la série le prisonnier, dans ce cas, au lieu de dire « je ne suis pas un numéro », vous êtes demandeur du numéro qui vous ai attribué, vous le réclamez comme preuve éclatante que vous êtes adaptés, dans le système (comme ces puces sous la peau, en homme libre vous pleurez l’idée de n’avoir pas de chaine).
            Cuba c’est pour donner une réalité historique, même si elle fût éphémère.
            Mais il y a d’autres exemples totalitaires, celui là est justement plus précis pour la situation actuelle, car vos données vous rendent transparents aux multinationales, mais plutôt que de râler, le comportement est plutôt je n’ai rien à cacher (mettez moi dans la prison pour que je puisse démontrer que mon comportement est sain).
            Je crois qu’un documentaire s’appelant « optimum » avait aussi une interrogation à partir de cette prison, mais c’était plutôt sur le quantifiable, le moyen, l’optimisation à tout craint (là cela revoit plutôt à Alain Supiot).
            La crainte c’est un peu un fahrenheit 451 version 2.0, comment ne plus avoir besoin de brûler les livres, mais que « librement » je choisisse de ne plus les lire.
            Mais il faut aussi voir des vidéos de Bernard Steigler avant, le mieux c’est de commencer par « de la destruction créatrice à la destruction destructrice » :
            https://www.youtube.com/watch?v=CRibNTz-W7I
            Après il faut rentre dans l’idée qu’on est le produit d’un système socio-technique, mais point trop n’en faut... Vous avez déjà du boulot :)


          • asterix asterix 22 décembre 2015 16:26

            @abcd

            Merci pour votre réponse très intéressante qui succède à un article qui l’est tout autant. Modification du comportement ou pas, il n’en revient pas moins que je ne sais toujours pas pourquoi l’auteur évoque en avant-plan la captivité de Fidel Castro à la Isla de la Juventud ( île des Pins ) Comme j’ai eu l’occasion d’y vivre quelques temps en dehors du seul hôtel permis aux touristes et que j’ai pu appréhender en famille et au hasard de nombreuses rencontres et pérégrinations le fond de pensée du peuple cubain, je n’ai fait que vous faire part des impressions et autres souvenirs que j’en ai gardé, c’est tout.
            La prison détruit et son expression suprême aliène tout sentiment humain au point de préférer la mort. . 
            Mes salutations.


          • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 17:05

            @asterix

            Vos propos sont intéressants. Pour répondre sur le premier point, à savoir pourquoi faire référence à Fidel pour la prison panoptique ? Simplement pour rendre le propos moins austère, car l’important à mon sens relève plutôt du « panoptisme » qui devient envahissant, ici en France, par les politiques de surveillance asymétrique et l’uberisation des firmes multinationales qui restent centralisées et imposent leurs règles.Je connais bien la vie à Cuba, nous retournons ma femme et moi chez nous à Santiago de Cuba, quand nous pouvons, mais je suis un peu coincé ici à l’heure actuelle, çà explique les références cubaines de mes propos. Je ne vénère pas l’état cubain, loin de là, le système est trop répressif, mais comme je ne veux pas avoir de problème pour mes allers-retours à Santiago, je modère mes propos. Quant aux anecdotes violentes qui vous ont été exposées, je n’ai pas de doute sur leur véracité, il se passe pas mal de chose que ne remonte pas à la presse internationale...de moins en moins tout de même par l’action de « las damas en blanco » et de leur famille.

            Bien à vous.

          • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 17:23

            @asterix
            J’avais déjà rédigé une réponse que j’ai fait malencontreusement disparaitre avec une erreur de manip. En bref, je considère que le moyen essentiel pour sortir peu à peu de ce système orweillien consiste à s’éduquer pour pouvoir éduquer les autres. Evidemment, Stiegler est probablement l’homme de la situtation pour faire prendre conscience à la multitude de la nouvelle forme de prolétarisation qui envahie la société et qui abouti à la situation que vous décrivez où l’on a plus besoin de brûler les livres". 

            Le reproche (si l’on peu dire) que je pourrait lui adresser est qu’il manque à ses équipes (Ars Industrialis et IRI) notamment un intellectuel pour développer un modèle de société réticulaire et automatisé qui soit exhaustif et nanti des attributs qu’il développe (favoriser la néguentropie et pénaliser l’entropie, etc...). 
            Bien à vous.

          • abcd 22 décembre 2015 17:37

            @ARTURO, je crois que tout le monde est un peu dépassé par la vitesse et les moyens de pensée le présent, au moins Stiegler offre une démarche et de la vulgarisation.
            J’ai quand même bien aimé Dominique Cardon, il ma permit de penser que là on s’obstine trop sur la centralité technique par les pionniers du web, on fait aussi semblant de ne pas voir la centralité sociologique des dits pionniers, c’était pas la plèbe et même les marginaux avaient un bagage culturel de CSP +.
            D’une certaine manière on reproche une trop grande centralité technique aujourd’hui, pour ne pas voir une certaine homogénéité intellectuelle hier (bon je suis redondant, mais c’est un point important).


          • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 17:47

            @abcd
            Mon reproche est certes la centralité technique mais aussi et surtout le fait de la captation d’une part illégitime de la valeur s’agissant de l’uberisation... car il s’agit d’un panoptisme néoliberale comme le suggère Foucault. Donc la multitude est privée de l’essentielle de la valeur ajoutée et de tout pouvoir de décision sur la répartition de cette valeur (gouvernementalité algorithmique). L’important me semble être le développement de solution P2P comme le suggère Michel Bauwens (sortir du système bancaire) créer de la démocratie participative et fabriquer des communs etc... et je ne parle pas de la sortie de l’Etat policier qui est une évidence.

            Bien à vous.

          • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 18:37

            @abcd
            J’ai rangé Dominique Cardon parmi les critiques...je ne sais pas à quel point elles sont constructives. Le débit de son exposé m’a incommodé... Mais j’irais l’écouter de nouveau sur Youtube, ils y sont déjà.


          • abcd 22 décembre 2015 20:54

            @ARTURO
            Pour l’instant les monnaies numériques sont des monnaies secondaires, c’est-à-dire qu’on est sur du services, or le système technique est toujours thermique (pétrodollars), par conséquent il restera limité, les pétromonarchies voudront des monnaies institutionnels (avec des armés), par conséquent pas de « coins » pour faire le plein de la voiture ou chauffer la maison ou acheter un billet d’avion ou produire de la nourriture de masse (les métropole avec 3 jardins j’y croit pas trop).
            Et Jacanovici a raison, la part d’énergie verte ne sert qu’à compenser le surcroit de besoin énergétique du numérique (les serveurs représentent quand même un frigo par smatphone), on va sur une impasse sans institution centralisé à court et moyen terme (ne serait-ce que pour le recyclage, la gestion des poubelles est collective).
            C’est vrai que je suis moins sensible à uber, parce entre la flexibilité, les paradis fiscaux, la concurrence déloyale, même sans uber la chaine des valeurs est bien prélevé (Piketty n’a eût besoin d’uber pour le démontrer)
            Par contre l’état policier soft, on y arrive vite, il suffit juste de quelques morts de plus et indépendamment des acteurs, on aura un combo prison administrative alimenté par des algorithmes et pour éviter de faire partie des quelques faux positifs, il faudra limiter les sites signifiants (même la ligne éditorial d’agoravox sera un peu modifié, de manière à ce que ses utilisateurs ne soient d’hypothétiques faux positifs, sauf qu’entre deux billets complotistes on perdra aussi des billets intéressants, mais possiblement limite).
            Mais bon, on m’offre des livres pour être « positif », delà à basé l’avenir sur un sentiment, je dois pas être up-to-date :)


          • abcd 22 décembre 2015 21:15

            @abcd
            En plus pour l’état policier soft, il y a un vrai particularisme culturel Français, là où l’« intelligence » Anglaise est tourné vers l’extérieur, le « renseignement » est sur-investi vers l’intérieur, peut-être que nos dirigeants craignent toujours qu’on leurs coupe la tête :)


          • zygzornifle zygzornifle 22 décembre 2015 13:52

            nous on a les écoutes organisées par Valls avant de gouter aux joies de la prison ......


            • Arturo ZAPATA ARTURO 22 décembre 2015 17:25

              @zygzornifle

              C’est effectivement probablement l’enjeu majeur de la lutte contre le panoptisme.
              Bien à vous. 

            • zygzornifle zygzornifle 22 décembre 2015 13:53

              comme le compteur électrique Linky ??


              • pemile pemile 23 décembre 2015 11:58

                @ARTURO " Je préfère m’orienter vers l’autodidactisme et chercher des voies intéressantes, dans les « communs ». Si je parviens à formaliser pour moi-même un modèle cohérent, peut-être serais je à même de le proposer à la multitude. Je ne vois rien de plus intelligent à faire pour le moment.« 

                Je plussoie et pratique, au niveau voisinage plutot que de la multitude, même sans internet, le bouche à oreille permet de faire des »sauts" de 500km. Peut être plus évident en campagne que dans les villes ?

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