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Accueil du site > Actualités > Société > Retour sur la commission parlementaire pour Outreau

Retour sur la commission parlementaire pour Outreau

Raymond Radiguet disait un jour devant un mauvais tableau qu’il serait humain de l’achever. Je ne voudrais pas encourir le même reproche au sujet d’Outreau. J’ai déjà écrit une note sur la nécessité de rendre publics les débats que la commission, présidée par André Vallini, engagera bientôt. Je n’y serais pas revenu si dans Libération du 30 décembre dernier, dans sa rubrique Médiatiques, Daniel Schneidermann n’avait abordé le même sujet sur un registre qui me semble trop critique.

Non, il n’y a pas que les acquittés d’Outreau qui exigent la publicité des auditions. Je ne crois pas que, sur ce plan, le coup d’éclat de Roselyne Godard soit judicieux, qui la fait passer tout de suite à une réplique extrême. Le principal syndicat ne s’oppose pas à la publicité, il la désire au contraire, de même que le Syndicat de la magistrature. Par conséquent, pour une fois, Daniel Schneidermann, d’habitude si bien inspiré, me semble analyser trop rapidement la controverse en cours, en la réduisant à la seule volonté des magistrats de maintenir, dans la tranquillité du huis clos, la mise en cause de l’institution et de ceux qui l’ont mal servie.

Précisément, ce qui est singulier dans cette affaire, c’est que ce sont les députés, les politiques, dont on n’a aucune raison de suspecter par principe la bonne foi et le désir de vérité, qui ont pris cette décision que je juge aberrante. Pourquoi ?

Je crois qu’il convient de chercher l’explication dans le caractère exceptionnel et du cataclysme et de ses suites. Je ne doute pas une seconde que ces représentants du peuple soient pleinement conscients de la pédagogie bénéfique pour la démocratie qui résulterait de la publicité. Seulement, puisque le judiciaire a failli comme jamais, qu’il va être gravement dénoncé, et, je l’espère, dans toutes ses composantes, je me demande si, par une sorte de compensation absurde, presque de condescendance et de pitié, on ne cherche pas à éviter pour ce service public, qui a totalement démérité, non pas le pire mais la divulgation du pire, avant que le rapport n’offre de manière maîtrisée la synthèse de ce qui aura été ignoré.

S’ils perçoivent à l’évidence l’avantage de la publicité pour la démocratie, ils la craignent pour la justice, alors que le combat est rigoureusement le même et que les bienfaits seraient équivalents. Rien ne pourrait faire plus de bien à l’institution judiciaire que cette autopsie de son échec sous le contrôle de tous. Faute de publicité, je crains que la polémique ne demeure concentrée sur Outreau, ses tragédies et leurs responsables, sans tirer les enseignements pour l’avenir.

Outreau sera peut-être unique mais, qu’on ne s’y trompe pas, il y a toute la justice, ses risques et ses défis, dans Outreau.


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10 réactions à cet article    


  • rue-biot (---.---.254.185) 5 janvier 2006 08:27

    Transparence et huis-clos sont-ils respectivement synonymes de vérité et mensonge ?

    Personnellement je ne crois pas que les choses soient si... manichéennes.

    Même si je pense également qu’il serait intéressant de rendre publics ces débats, je pense aussi que si la méfiance devient le principe et la confiance l’exception, la démocratie est vraiment en péril.


    • Un ex-enseignant trentenaire Un enseignant trentenaire 6 janvier 2006 09:28

      Bien mauvais calcul que de faire à huis-clos les rapports/débats sur le désastre de cette affaire. L’institution judiciaire déjà passablement décrédibilisée par cette affaire finira d’achever sa réputation. En dissimulant partiellement l’analyse de ce désastre, le public imaginera encore pire et se montrera encore plus suspicieux et désabusé. Cachez tout ou partie d’un évènement et la rumeur, le « on dit » gonflera exagerément ce contenu de l’évènement.

      Je reste souvent perplexe devant les erreurs bêtes et néfastes que font nos dirigeants sensés être des hommes intelligents, cultivés, ayant fait de hautes études... Des erreurs qui sont pourtant lipides pour un citoyen moyen comme moi ( une preuve de plus de la déconnection du politique avec la population ). A croire que le pouvoir, en plus de corrompre, infantilise et crétinise...

      De plus, le fait que notre système judiciaire soit pathologiquement incapable de reconnaître ses erreurs, de les reconnaître publiquement, de s’amender, de faire tout son possible pour réparer les erreurs commises avec humilité et ensuite se reformer pour éviter que cela se reproduise, est inquiétant. L’évolution passe par une certaine forme d’esprit critique, d’auto critique et de réforme. Ce qui n’évolue dépéri et meurt.


      • roy roy 7 janvier 2006 10:55

        je connais personnellement un des membres de la commission en question, issu d’un milieu très modeste, ayant toujours l’ambition de devenir « quelqu’un » en politique, en quittant sa profession pour devenir :conseiller municipal et maire d’une petite commune, conseiller général, conseiller régional,maire d’une très grand commune, et député. Nous avons continué de nous rencontrer en famille, et ainsi remarqué les changements dans ses attitudes, ses convictions, plus conforme à son statut qu’à ses véritables convictions. Il est difficile voire impossible d’aborder « sérieusement » un sujet qui l’obligerait à prendre des positions critiques à l’égard de son parti alors que nous en rèvions avant cette « ascencion » comment espérer et croire à des changements jugés nécessaire pour notre pays ?


      • Philippe Bilger (---.---.71.245) 7 janvier 2006 12:13

        J’espère que la commission parlementaire sur Outreau saura se dégager de toute orientation politique partisane. Je ne vois d’ailleurs pas en quoi celle-ci pourrait consister puisque les politiques, en général, ne sont pas animés à l’égard de la justice de sentiments forcément favorables.Non, j’attends beaucoup du travail de cette commission.Il ne faut pas commencer à la délégitimer, selon une tradition bien française, avant même qu’elle ait pu faire ses preuves.


      • Gil (---.---.93.79) 7 janvier 2006 17:54

        Personne ne délégitimise cette commission : en exigeant le huit-clos sur l’analyse des « dysfonctionnements » de la justice, elle se décrédibilise d’elle-même aux yeus de tous. Quant à ses conclusions, qui pourra dire qu’elles sont objectives ou qu’elles n’ont pas passé sous silence certains aspects de la réflexion ou certaines réalités ?


      • Dominique Dutilloy Dominique Dutilloy 10 janvier 2006 18:30

        Un jour, une de mes connaissances, qui, heureusement, ne fait pas partie de mes amis, est allé me prétendre, puisqu’il était persuadé de la justesse de ses dire que « ces acquittés d’Outreau, étaient, malgré le verdict d’innocence... et qu’ils méritaient la peine de mort ». Cela m’inquiète, cela m’interpelle... d’autant que des condamnés à mort ont bien souvent exécutés aux ETATS UNIS, alors qu’ils étaient innocents... Mais, en France aussi, il existe des erreurs irréparables... Cette phrase reflètant bien entendu le sentiment de beaucoup de personnes qui considèrent que « l’innocence n’existe pas du tout »... Alors, il faut que cette Commission soit publique, soit télévisée et radiodiffusée... Je pense qu’il serait bon qu’il y ait une campagne d’informations qui serait chargée d’apprendre aux gens ce que signifie exactement le mot « innocence »...

        Quoiqu’il en soit, la justice française a beaucoup de progrès à faire en ce qui concerne la reconnaissance de ses erreurs judiciaires...

        Ne serait-il pas possible d’avoir la possibilité d’inventer un « habéas corpus à la française » ?


        • Cylbertjj (---.---.251.177) 10 février 2006 22:26

          Bonjour. Avertissement préliminaire : je n’ai pas la télévison donc je n’ai pas joué au voyeur, j’ai simplement écouté des résumés, commentaires, extraits diffusés par diverses radios. Même si elles paraissent « basiques », voici mes réflexions sur cette commission d’enquête : * Pourquoi si tôt, donc sans recul ni hauteur suffisante, avec les médias (des) aussi farouchement pour les innnocents qu’ils ont été contre il n’y a pas si longtemps et qui « jouent » sur les sentiments des citoyens gavés de télévision (entre autres) ? * Pourquoi ne pas avoir élargi à toutes les affaires précédentes, pédophilie ou non, où des citoyens ont été présumés coupables, incarcérés... puis innocentés ? * Pourquoi avoir autorisé le quasi-direct pour nombre de télés, radios... ? * Pourquoi le président de la commission se permet-il des interventtions médiatiques commentées avant le dépôt des conclusions ? * Le Procureur de Boulogne ! À l’aise, bien sûr, vu son ancienneté dans les diverses cours ! Habitué à cette théatralisation judiciaire fort solennelle dont le système use (et abuse ?). Ce n’était pas quelques parlementaires qui allaient le déstabiliser ni lui faire dire la « vérité ». * Pourquoi la commission interrompt-elle ses travaux pour des vacances ? Le judiciaire lui-même ne termine pas une session d’assises ou un procès après une interruption permettant de prendre un congé « bien mérité » !

          Cette enquête parlementaire n’est pas terminée, cependant, l’impression que je ressens ce vendredi 10 février : => les affaires sont réparties entre les différents juges d’instruction. Ensuite, chacun son « boulot » ! Ce qui eput s’expliquer compte tenu du nombre de dossiers simultanés par magistrat.De plus, le principe de base semble être la confiance totale envers le juge d’instruction donc pas (ou peu) d’examen des dossiers par des magistrats « tiers ». « On signe et »on" transmets, sans se poser de question(s). => Le culte de la toute puissance et de « l’intouchabilité » règne dans le système.Croporatisme à la limite de l’état dans l’État. Ce que j’aime traduire par : les maistrats sont « injustiCiables ». => Les médias, les politiques (surtout de puis que certains juges ont fait preuve de cosncience professionnelle à leur encontre) se sont souvent élevés contre les prérogatives immenses du juge d’intruction. Bien que cela paraisse une énormité au plan de l’organisation et du fonctionnement de la justice, le procureur a toujours été épargné ! Pourtant, c’est lui qui « classe » ou qui poursuit ! Mais il est NOMMÉ par le politique ! => Je suis très circonspect quant à la volonté ostensible actuelle de réformer et repenser le système judiciaire « grâce » aux conclusions de cette commission « télévisuelle ». Comme les parlementaires ne sont pas prêts (et près) de réformer leurs statuts, le POUVOIR judiciaire en est à des années lumières. => Pour ce qui est de l’égalité devant la présomption d’innocence, des indemnités versées aux victimes d’erreurs (de FAUTES) judiciaires mais acquittées par les contribuables... la route est longue et extrêmement sinueuse ! J’en ai oublié mais l’essentiel est là . Molière, au secours ! JJ


          • cylbertjj (---.---.91.37) 13 février 2006 23:36

            J’ai pu échanger avec des personnes ayant regardé tout ou partie de l’audition du juge Burgaud. J’en retiens que cette commisssion s’est comportée envers lui comme il avait agi envers les « présumés coupables » lors de leur passage dans son cabinet. Ce « au théâtre ce soir » était pitoyable, surtout indigne et vilement manipulateur ! Amenant les intoxiqués de la télé à prendre le juge en pitié gommant ainsi ses fautes d’ailleurs partagées. Je ne reviendrai pas sur le show du Procureur.

            Il manque toujours le policier « patron » de l’enquête et ses subordonnés, les autres magistrats qui ont suivi, adopté et entériné les décision de F. Burgaud.

            Si cette commisssion devait réellement mener à une réforme de la « Justice » elle n’aurait jamais dû se limiter à cette affaire par trop énorme, en particulier par le nombre des innocentés. Il serait étonnant que ces parlementaires imbus de leur rôle volontairement médiatisé à outrance aient pensé à toutes les victimes précédentes de l’aveugle justice, dont toutes celles et tous ceux qui n’ont même pas pu bénéficier d’un procès en appel puisque cette procédure n’existait pas ! Je ne vais ni accabler ni plaindre ce juge que sa corporation va caser dans des postes qui ne l’exposeront plus. Cet épisode sera vite oublié et, s’il a retardé le déroulement de sa carrière, ce sera certainement très peu sensible quand il fera valoir ses droits à la retraite.


            • hegron 24 mars 2006 14:49

              Devant la 8ème proposition du Bâtonnier Yves Repiquet concernant réforme de la JUSTICE, à savoir creer une grande école de la formation du DROIT(tronc commun aux avocats et aux magistrats),le SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE va-t-il basculer officiellement dans le camp des corporations auxquelles sont affiliés les avocats ? Les valeurs de la REPUBLIQUE (égalitaires d’où service public ) sont antinomiques de celles de l’ANCIEN REGIME, inégalitaires et assorties d’une justice privée. à méditer...


              • Ragot C (---.---.147.54) 4 avril 2006 16:59

                Messieurs les Parlementaires,Je suis tres attentif aux travaux de votre comission qui s’attache à rechercher tous les disfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau ,certes nombreux mais il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt et je suis tres attaché à l’égalité des citoyens devant la justice .En flagrant délit un noir par ex ,qui a faim vole 3 bananes résultat 3 mois ferme .Un détourment d’argent à des fins politiques ,abus de biens sociaux ,prise d’interêt ,délit d’initiés se perdront dans les méandres de la justice ,trouveront un juge d’instruction en état de léthargie tout cela pour arriver sur non lieu ou s’apercevoir qu’il y a prescription .Autre problème insoluble :pourquoi les procureurs généraux et en particulier celui de Paris est-il toujours un magistrat qui a fait carrière dans les ministères ? Je ne cite aucun exemple tant il sont nombreux dans une classe sociale . Tout cela pour dire que votre tache est immense . L’égalité de tous devant la justice est fondamentale pour la rendre crédible . Respectueusement vôtre . C R

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