Rumeur de Tolbiac : le mensonge de Leïla, la sagesse de Marylin
D'un côté, Leïla, l'étudiante militante et fougueuse ; de l'autre, Marylin, l'enseignante en philosophie, qui utilise et pense les réseaux sociaux. L'une a menti, pour la cause qu'elle défend ; l'autre, disciple d'Albert Camus, a peut-être les mots pour la raisonner.
Hier, nous avons rappelé les éléments constitutifs de la désormais fameuse rumeur de Tolbiac, selon laquelle un étudiant aurait été gravement blessé, vendredi 20 avril, par les CRS, au point de se retrouver dans le coma, entre la vie et la mort. Nous en avons dit les sources (Le Média, Reporterre, La France Insoumise), et avons conclu à une probable fausseté de cette rumeur. En 24h, de nouveaux éléments sont venus corroborer cette conclusion.
« Un témoin avoue avoir menti »
D'abord, Leïla, l'un des trois témoins directs du supposé drame, a menti. Elle l'a confessé à Libération, dans un article paru le 24 avril en fin de journée.
Ladite Leïla, rappelons-le, avait déclaré au Média :
« Première chose que l'on a vue, c'était quoi ? C'était un gars, devant les grilles, avec la tête complètement explosée, une flaque de sang énorme, et là... les CRS, leur réaction, c'est de nous pousser, nous. (...) On a vu un camion de pompier qui est venu chercher la personne qui est actuellement dans le coma, avec une hémorragie interne, donc on n'a pas de nouvelles, dans un coma profond... »
La jeune femme était donc censée avoir vu beaucoup de choses. Contactée par Libération, elle reconnaît désormais n'avoir rien vu : « Je ne suis pas un témoin visuel. Les témoins ne veulent pas parler aux médias, c'est pourquoi nous relatons les faits. »
Leïla, militante insoumise, présentée par @LeMediaTV comme un témoin dans l'affaire du blessé imaginaire de #Tolbiac, avoue avoir menti : « Je ne suis pas un témoin visuel. » dit-elle à @libe.
Revoir son "témoignage" et saluer la naissance d'une actrice. Qui sait ? 🤞 https://t.co/An1jY91lai— Raphaël Enthoven (@Enthoven_R) 24 avril 2018
Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre d'emblée que le témoignage de Leïla était plus que romancé : car comment aurait-elle pu savoir que le jeune homme était dans le coma, et même dans un coma profond, avec une hémorragie interne ? Sachant qu'elle ne sait pas dire qui c'est (elle ne connaît pas son nom) et dit n'avoir aucune nouvelle de lui depuis qu'il est (supposément) à l'hôpital. Elle aurait donc fait un diagnostic médical, elle, l'étudiante en économie, rien qu'en le voyant sur le trottoir ? Cela ne tenait pas la route. Pourtant, Le Média a tout gobé, sans une once d'esprit critique.
Il était évident qu'elle mentait. Elle disait que personne n'avait de nouvelle de ce soi-disant étudiant ; alors comment pouvait-elle affirmer qu'il y avait hémorragie interne puisque personne n'avait de nouvelle. Donc mensonge volontaire de sa part #cqfd
— karine labonne (@karinelabonne) 24 avril 2018
D'après Libération, Leïla était le seul témoin qui était censé avoir vu la fameuse flaque de sang (on nous présente en effet ce témoin comme « celui qui a vu la flaque »). Du coup, il n'existe plus aucun témoin de cette flaque imaginaire.
Taha Bouhafs : le "témoin" oublié est-il crédible ?
En fait, si, il y a un autre témoin (supposé), dont personne ne parle, ni Libé ni personne d'autre. C'est Taha Bouhafs, candidat de La France Insoumise aux législatives de 2017, et proche de Leïla, puisqu'ils invectivaient tous les deux les CRS le 20 avril, comme le montrait une vidéo dans notre précédent article.
Dans un tweet, le jeune activiste décrivait ce qu'il était censé avoir vu de ses propres yeux : « les CRS épongent le sang des étudiants à l’intérieur de la FAC pour ne laisser aucune trace. C’est tout simplement incroyable ce qu’il se passe. »
Nous avons pu commencer à sérieusement douter de la véracité de ce témoignage lorsque, hier, alors qu'un petit buzz autour de sa personne était en train de naître, Taha Bouhafs a subitement décidé de limiter l'accès à ses tweets : seuls ses followers confirmés avaient encore le droit de voir ses publications. Cela ne sentait pas la franchise...
Il était aussi possible de douter de la crédibilité de ce témoin en comparant un de ses tweets, où il disait avoir été victime d'une agression des CRS, et une vidéo montrant précisément la scène, où c'est plutôt lui qui agressait les CRS... en les traitant de « grosses merdes ».
Le garçon qui, se sachant filmé, cherche l’incident avec les policiers c’est le candidat #FranceInsoumise dans la 2e circo de l’Isère. La fille à côté, c’est la fameuse #Leila qui prétendait sur @LeMediaTV avoir vu un gars « la tête complètement explosée »pic.twitter.com/xdtsmGH5WV
— Adrenaline ✞ 🇫🇷 (@adrenaline1001) 24 avril 2018
Déjà, le 3 juin 2017, lors d’un "thé de l’amitié" organisé par La République en marche à Échirolles, le candidat de la FI affirmait avoir été agressé physiquement par un militant du parti d’Emmanuel Macron, et avait annoncé porter plainte.
Jean-Charles Colas-Roy, le candidat de LREM sur la deuxième circonscription de l’Isère, avait réfuté le fait que Taha Bouhafs ait été agressé par le militant.
« Il lui a demandé de partir. Peut-être qu’ils se sont pris par le bras… Il lui a dit : Pourquoi tu es là ? Pourquoi tu dis des choses par derrière ? [Taha Bouhafs aurait notamment dit ou repris cette phrase : “Macron, c’est une banane”]. Il n’y a pas eu d’agression comme il le dit. »
Selon Colas-Roy, son concurrent de la FI cherchait « à faire le buzz » alors qu’« il n’y [avait] rien ». « Ma réaction est de ne pas réagir à cette provocation. C’est un incident qu’il est venu créer lui-même pour se faire de la pub et pour, derrière, venir gonfler quelque chose qui n’existe pas. Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça. » La France Insoumise avait alors soutenu son candidat.
Ce mercredi 25 avril, on apprend dans Le Dauphiné Libéré de Grenoble que le militant isérois de La France Insoumise annonce porter plainte après « avoir reçu des centaines de messages d'insultes et de menaces de mort », suite à la diffusion de la vidéo de son altercation avec les CRS devant la fac de Tolbiac.
A lire dans @LeDL_Grenoble ce mercredi. Le militant iserois de @FranceInsoumise, Taha Bouhafs, annonce porter plainte après "avoir reçu des centaines de messages d'insultes et de menaces de mort". #Tolbiac pic.twitter.com/L2DOIipjpk
— Eve Moulinier (@EveMoulinier) 24 avril 2018
Les révélations de ses agissements envers les CRS, de son intox sur la flaque de sang (jusqu'à preuve du contraire), et de son appartenance au mouvement de Jean-Luc Mélenchon ont effectivement déclenché une vague de réprobation et de moquerie à son endroit sur les réseaux sociaux... au milieu desquels se sont apparemment glissés des messages plus menaçants et répréhensibles en provenance, dit-on, de la "fachosphère".
Je ne résiste pas au plaisir de publier ces photos du jeune #TahaBouhafs, le candidat #FI de l'Isère infiltré à la fac de #Tolbiac qui provoquait les CRS avec #Leila après l'évacuation des #bloqueurs. Ces documents sont tirés de l'album de famille de la #FranceInsoumise #LArnaque pic.twitter.com/XR9HNP4yNa
— de Cabarrus Thierry (@tcabarrus) 24 avril 2018
Dans la tourmente, Taha Bouhafs peut encore compter sur le soutien de sa hiérarchie au sein de la FI, en particulier celui du député Éric Coquerel, qui ne semble pas très préoccupé par la propagation de fake news par ses poulains :
Les Jeunes Insoumis contre Libé : défense "pourrie"
Hier soir, Taha Bouhafs a réagi sur Facebook à la publication de l'article de Libération avec une certaine véhémence ; selon lui, cet article ne serait qu'un tissu de mensonges. Leïla aurait répondu à la journaliste qu’elle ne donnait aucune interview.
L'article de Libé rapporte pourtant des propos de Leïla mis entre guillemets, dont celui-ci, qui est décisif : « Je ne suis pas un témoin visuel. » Des propos que l'on peut d'ailleurs recouper avec d'autres propos, donnés à un journaliste de Brut, où la jeune militante affirme qu'elle n'était pas à l'intérieur de Tolbiac au moment de l'évacuation (ce qui a pour conséquence directe qu'elle ne pouvait pas avoir été un témoin visuel).
A la vérité, les Jeunes Insoumis ne contestent pas que Leïla n'ait rien vu de ses propres yeux. Leur ligne de défense est autre : ils contestent que Leïla ait reconnu avoir menti (comme le titre de l'article de Libération l'indique). Et pour cause : elle n'aurait jamais prétendu avoir été un témoin direct.
C'est ce qu'écrit David Guiraud, porte-parole jeunesse de La France Insoumise (le mouvement dont Leïla est sympathisante) ; selon lui, la militante retranscrivait simplement des propos tenus par d'autres :
Leila n’a pas été « contactée » par Libération : elle a été harcelée en répondant qu’elle ne répondrait pas. Elle n’a jms « avoué » ni jamais s’est fait passer pour un témoin de la scène, elle retranscrivait simplement les propos tenus.
Article pourri. https://t.co/5XRQiO7Hnn— David Guiraud (@GuiraudInd) 24 avril 2018
A ce stade, on est en droit de se demander si les Jeunes Insoumis ne nous prennent pas pour des idiots. Car, rappelons le contenu du témoignage de Leïla :
« Première chose que l'on a vue, c'était quoi ? C'était un gars, devant les grilles, avec la tête complètement explosée, une flaque de sang énorme (...). On a vu un camion de pompiers qui est venu chercher la personne qui est actuellement dans le coma, avec une hémorragie interne, donc on n'a pas de nouvelles, dans un coma profond... »
Qui est donc ce "on" dont Leïla nous parle ? Puisqu'aucun journaliste n'a été en mesure de trouver le moindre témoin ayant vu un gars avec une tête explosée, une énorme flaque de sang, un camion de pompiers, sans parler de l'hémorragie interne et du coma profond que nul n'était en mesure de diagnostiquer... Les médias de gauche (Libé) et d'extrême gauche (Le Média, Reporterre), qui ne sont pas hostiles aux étudiants bloqueurs, ont été incapables, depuis vendredi, de trouver ces témoins dont Leïla ne ferait, selon David Guiraud, que retranscrire la parole ! En l'occurrence, "on" ne peut vouloir dire que "je".
Ce mercredi, Leïla a répondu à son tour à l'article de Libération, qu'elle qualifie de « diffamatoire » :
« Je n'ai (...) jamais prétendu être témoin oculaire de la scène, même si la forme d'expression collective que nous avions adopté pouvait le laisser entendre. Puisque je m'exprimais au nom d'un collectif qui souhaitait faire état des témoignages recueillis, c'est bien le "on", celui du comité de mobilisation de Tolbiac, qui s'est imposé dans mon discours. Si c'est ce "on" qui m'est reproché (...) je tiens à faire remarquer que nous avons été nombreux à l'employer... »
Leïla affirme que « plusieurs témoins » ont vu la flaque de sang. Des témoins sur lesquels elle ne donne aucune indication (qui sont-ils ?), et qui sont introuvables depuis cinq jours...
Reporterre rétropédale : « Les témoignages ne sont pas fiables »
Mais revenons justement à nos témoins, car Leïla n'est que l'un des trois supposés "témoins" répertoriés. Qu'en est-il des deux autres ? Voici ce qu'en dit Libération :
« Il s'avère que le témoin clé, Désiré dans l'article de Reporterre, est injoignable : il protégerait son identité. Le deuxième témoin, selon la Commune libre de Tolbiac, serait beaucoup plus difficile à joindre. A mi-mots, on nous concède que sa fiabilité commence à être mise en doute. »
Reporterre, l'un des deux principaux médias (avec Le Média) à avoir donné crédit à la rumeur, a rétropédalé le 24 avril. Dans un article signé Camille Martin, on lit :
« Disons-le tout net : après trois jours d’enquête, les témoignages décrivant comment la police aurait causé un blessé grave lors de l’évacuation de la faculté de Tolbiac, vendredi 20 avril, se révèlent fallacieux. »
Détail qui nous avait échappé jusque-là : les deux témoins sur lesquels toute cette affaire repose (si l'on met à part Leïla) ne sont pas deux étudiants, mais deux SDF.
L'un des deux SDF, qui se fait appeler « Désiré », a écrit une déclaration, qu'il a montrée au journaliste de Reporterre (vu l'orthographe hautement hasardeuse, on est plutôt rassuré qu'il ne s'agisse pas d'un étudiant à la Sorbonne) :
A la vue de cette lettre, on en viendrait à se demander si Leïla, tout comme Taha Bouhafs, n'ont pas fait que broder sur cette base, si finalement Désiré n'est pas l'unique source, dont le propos a été déformé et surtout amplifié (comme dans la propagation de toute rumeur) : le sang sortant du nez, de la bouche et des oreilles, dans sa lettre, devenant une énorme flaque de sang chez les deux Insoumis...
Cherchant à vérifier ses informations, Reporterre s'est entretenu avec un étudiant et une militante, qui ont suivi l’occupation de Tolbiac depuis le début et ont rencontré plusieurs fois Désiré depuis vendredi dernier. L'étudiant avait aussi vu, dès avant le 20 avril, le second SDF prétendument témoin.
Pour l'étudiant, « Désiré est perdu dans sa tête », tandis que son camarade, le second SDF, « cherchait à se faire valoir ». Quant à la militante, « elle a retrouvé chez Désiré les traits de la mythomanie. »
Conclusion de Reporterre :
« On peut conclure que les témoignages ne sont pas fiables. Il n’y a pas eu de blessé grave à Tolbiac le 20 avril. Avec une nuance : ils pourraient être très exagérés. Il y aurait bien eu une chute, mais qui n’a pas empêché la victime de s’enfuir, malgré sa douleur au coude. Et c’est quelques centaines de mètres plus loin, rue Patay, comme nous l’a indiqué la préfecture, que le « jeune homme » aurait été recueilli par les pompiers, qu’il aurait appelés lui-même. »
Libération a aussi mené une enquête de voisinage dans l'immeuble qui donne sur la rue Baudricourt (où auraient eu lieu les faits) et les fameux parapets de l'université. Six riverains, réveillés au moment de l'évacuation et qui l'ont regardée par leurs fenêtres, assurent formellement n'avoir ni vu, ni entendu aucune ambulance, camion de pompiers ou gyrophare. Personne non plus nettoyant d'éventuelles flaques de sang.
Leïla, rappelons-le, avait formellement soutenu que l'« on » avait vu un camion de pompiers venir embarquer l'homme (fantôme) inconscient...
Résumons : la rumeur de Tolbiac repose sur trois témoins : deux SDF injoignables à l'heure qu'il est et, semble-t-il, à la psychologie fragile, et une militante de La France Insoumise (Leïla). Libé affirme que Leïla a reconnu avoir menti (elle n'est pas un témoin visuel). Taha Bouhafs, qui a tous les traits d'un provocateur et ne nous apparaît pas comme l'homme le plus crédible du monde, accuse Libé de mensonge. David Guiraud concède que Leïla n'a rien vu, mais essaie de nous faire croire qu'elle ne l'a jamais prétendu... Reporterre, qui a longtemps soutenu la véracité de la rumeur, fait marche arrière et juge désormais les témoignages fallacieux. Si tant est qu'il y ait eu un blessé, il ne baignait pas dans son sang et n'a pas été dans le coma (ce qui était le cœur de la rumeur).
« Comment en vouloir à ces étudiants » d'avoir menti ?
On aurait pu espérer que les cadres expérimentés de la FI et du Média recadrent leurs jeunes militants, mais c'est tout le contraire qui se produit ; comme on l'a vu, Éric Coquerel soutient Taha Bouhafs, et Gérard Miller, tout en reconnaissant la désinformation de ses jeunes amis, la justifie ; par leur mensonge, explique-t-il, les étudiants n'auraient fait que traduire la violence policière qu'ils ont subie ; Miller ose, en outre, faire reposer l'essentiel de la responsabilité de la désinformation sur les médias, qui, en donnant la parole à des étudiants émotifs, auraient dû s'attendre à ce qu'ils déforment la réalité (on croit rêver...) :
« Évidemment, quand on prend le risque de recueillir des témoignages de gens qui ont vécu un événement traumatisant, on prend le risque d'avoir des témoignages qui peuvent se révéler inexacts, imprécis. Sous le coup de l'émotion, comment en vouloir à ces étudiants d'avoir traduit la violence policière qu'ils avaient subie (...) ? »
🔴 FAKE NEWS SUR TOLBIAC ? GÉRARD MILLER RÉAGIT
Suite aux polémiques autour de l'évacuation de #Tolbiac, @millerofficiel explique que l'essentiel est de donner la parole à ceux qui ont vécu des événements traumatisants même si leur témoignage peut être soumis à vérification. pic.twitter.com/Q66YunsOLW— Le Média (@LeMediaTV) 25 avril 2018
La défense de Gérard Miller est pathétique à plus d'un titre. D'abord, tous les étudiants ont subi une évacuation musclée, mais seule une poignée, des militants de la FI, ont colporté la fake news. Ensuite, quand on dit avoir vu un étudiant inconscient avec une hémorragie interne, quand Sud Santé affirme qu'un patient arrivé en neurochirurgie a été transféré dans un autre hôpital, quand on évoque un mensonge d'État coordonné par la Préfecture de Police, la mairie de Paris, l'AP-HP, on est dans le registre de la manipulation, sciemment orchestrée, pas de la simple imprécision sous le coup de l'émotion.
En infantilisant les quelques étudiants qui ont propagé une grave rumeur, en leur trouvant des excuses, Gérard Miller ne leur rend pas service (ce n'est pas ainsi qu'ils grandiront et se corrigeront). Il ne rend pas non plus service au Média, qui se serait grandi en présentant des excuses et en reconnaissant son manque de déontologie sur ce coup-là.
« Il y a des méthodes qu'aucun combat ne justifie »
Pour finir, en prenant un peu de recul, nous relayons ci-dessous un texte publié le 24 avril par Marylin Maeso, prof de philo, sur son fil Twitter. Ancienne élève de l’ENS Ulm et agrégée de philosophie, la jeune femme est doctorante à l’Université Paris IV, et enseignante au lycée. Elle tire les leçons de cette affaire, en mettant en cause à la fois certains étudiants militants et Le Média, qui ont subordonné le souci de la vérité à leurs intérêts politiques.
Une belle leçon à méditer, pour Leïla en particulier :
« Bon, je ne me suis guère épanchée sur le sujet jusqu'à présent, mais il faut que ça sorte : Twitter, j'ai quelques petites choses à dire concernant le traitement de l'histoire de l'étudiant dans le coma introuvable de Tolbiac. Attention : thread camusien. Let's go.
Ayant une timeline des plus bigarrées, j'ai vu passer tout et son contraire sur le mouvement étudiant et les facs bloquées. Ça a ses avantages (écouter et comprendre des opinions divergentes), mais aussi ses inconvénients (difficile de s'y retrouver, et ça vire vite à la polémique...).
Il y a un truc cependant sur lequel j'aurais cru qu'on serait tous d'accord. Sur lequel, du moins, je pense sincèrement qu'on devrait tous l'être. C'est sur cette histoire d'étudiant dans le coma. Elle m'a rendue furieuse et triste, et je pense qu'il faut en tirer quelques leçons.
Je suis prof. J'ai enseigné (et étudié) à la Sorbonne. Les CRS dans ma fac, ce n'est pas une image réjouissante. Entendre qu'un étudiant était dans le coma suite à l'évacuation m'a donné envie de tout casser. Apprendre que tout cela était une manipulation m'a mise hors de moi.
Je sais qu'un cœur en révolte peut avoir ses raisons que la raison ignore, mais il y a des méthodes qu'aucun combat ne justifie, surtout quand elles sont contre-productives en plus d'être malhonnêtes. Comme inventer un étudiant dans le coma et nourrir le complotisme, par exemple.
Prétendre sans preuve qu'un étudiant est entre la vie et la mort, qu'il a été évacué inconscient par les pompiers avec une hémorragie interne, c'est d'un cynisme crasse. Et c'est surtout irresponsable : et si des étudiants s'étaient mis en danger pour venger ce martyr fictif ?
Et quid de la fiabilité de la parole des étudiants ? Vous y avez pensé ? S'il y a vraiment un blessé grave un jour et qu'ils dénoncent les violences policières, vous vous sentirez comment, quand tout le monde ressortira tel un joker sceptique le fameux mourant fantôme de Tolbiac ?
Jouer au garçon qui criait au loup en inventant un étudiant entre la vie et la mort, c'est donc inexcusable et c'est se tirer une balle dans le pied : on ne fait pas entendre une parole en la décrédibilisant par un mensonge éhonté. Mais ne vous remettez surtout pas en question.
Maintenant, j'ai deux mots à dire à
@LeMediaTV plus particulièrement. Honnêtement, je trouvais le concept d'un média alternatif appartenant à ses abonnés et offrant un autre son de cloche plutôt prometteur. Mais plus ça va, plus je trouve que vous trahissez la confiance de vos socios.En clair,
@LeMediaTV, je pense que vous prenez vraiment les gens pour des cons en prétendant être ce que vous n'êtes pas, et que ça commence à se voir. Vous affichez une volonté de journalisme alternatif soucieux de s'en tenir aux faits, mais vous ne montrez que ce qui vous arrange.Je me souviens (comment l'oublier ?) de votre journaliste, Claude El Khal, déclarant, au sujet des massacres de la Ghouta : « Nous ne sommes pas là pour faire du sensationnalisme ou de l’info-fiction et rapporter les évènements tels que nous voulons qu’ils aient lieu ».
Je me souviens de l'acharnement que vous aviez mis à soutenir, pour vous justifier de ne rien montrer, que les images de Syrie n'avaient pas été vérifiées de manière indépendante et ne montraient pas les deux versions du conflit, en dépit du démenti de l'AFP.
Le pire, c'est que vous n'êtes même pas cohérents avec la ligne éditoriale que vous affichez. C'est en cela que vous vous moquez du monde. Votre scepticisme est à géométrie variable, et vous l'avez montré de façon exemplaire dans votre traitement de l'histoire de l'étudiant fantôme.
Vous refusez de montrer des images authentifiées par l'AFP au prétexte qu'elles n'ont pas été « vérifiées de manière indépendante ». Et le témoignage de cette étudiante encartée à la FI (dont vous êtes proches), a-t-il été vérifié de manière indépendante ?
🔴 INTERVENTION POLICIÈRE À TOLBIAC : "DES CRIS, DES PLEURS, DU GAZ"
Leïla, étudiante à @TolbiacLibre nous raconte l'intervention policière de ce matin.
➡️ Le Média existe grâce aux Socios, rejoignez-nous https://t.co/EXExYWYVH4 pic.twitter.com/cIyPu5Meve— Le Média (@LeMediaTV) 20 avril 2018
Elle est où, votre enquête journalistique qui aurait dû, EN AMONT de toute expression de votre part au sujet de cette affaire, vous amener, au vu de la gravité de la situation, à aller interroger les hôpitaux de Paris qui ont été plutôt clairs à ce sujet ?
L’AP-HP dément fermement les rumeurs selon lesquelles un blessé grave aurait été conduit dans l’un des services de l’AP-HP à la suite de l’évacuation de #Tolbiac https://t.co/LDbap1Mutk
— AP-HP (@APHP) 21 avril 2018
Trouvez-vous cela cohérent d'appeler "sensationnalisme" des photos d'enfants suffoquant suite à une attaque chimique (une insulte aux journalistes qui risquent leur vie) mais d'illustrer votre article sur les violences policières à Tolbiac avec une photo de la police espagnole ?
Trouvez-vous déontologiquement acceptable, après avoir diffusé une fakenews, de non seulement ne pas faire de démenti public pour vous excuser d'avoir fait oeuvre de désinformation en vous contentant de supprimer l'article et de maintenir qu'"on peut douter de la version officielle" ?
Diffuser une information grave sans la vérifier, en l'absence de toute preuve tangible et en ne donnant qu'une seule version (coucou
@claudeelkhal), nourrir le complotisme, ce n'est pas l'idée que je me fais d'un journalisme alternatif, mais c'est peut-être moi le problème.« Nous ne sommes pas là pour faire du sensationnalisme ou de l’info-fiction, et rapporter les évènements tels que nous voulons qu’ils aient lieu. » Ces mots de votre journaliste résument parfaitement cette histoire, je trouve, et il eût fallu vous les appliquer à vous-mêmes.
Le rôle d'un journal n'est pas de diffuser sans enquête préalable une rumeur grave en jouant à fond sur le sensationnel et le pathos pour raconter l'histoire telle qu'on voudrait qu'elle ait eu lieu. Cette leçon que vous prétendiez donner à l'AFP, permettez-moi donc de vous la retourner. »
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