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SOS agriculteurs

Sans incident mais sans convictions Nicolas Sarkozy a inauguré le 48ème Salon de l’agriculture. Premier président de la cinquième république totalement urbain, Nicolas Sarkozy a bien du mal à comprendre le monde agricole et l’ampleur des drames qui s’y jouent. Un mal être qui se traduit concrètement par le chiffre terrible d’un suicide par jour, un taux trois fois plus élevé que chez les cadres. Car dans nos campagnes, la colère a cédé le pas au désespoir.

“On est 6 milliards d’individus sur terre, on sera bientôt 9 milliards, on aura toujours besoin de vous. Vous ne disparaîtrez pas, vous continuerez à exister mais pas de la même manière” a lancé le chef de l’État aux agriculteurs présents au salon de l’agriculture qui lui faisaient part de leurs inquiétudes.
 
“Commençons par permettre aux agriculteurs de faire vivre leur famille avant de leur demander de nourrir le monde” a répliqué par média interposé Pierre Priolet, auteur d’un ouvrage poignant au sous-titre explicite : “plaidoyer pour un monde paysan qu’on assassine”.
 
L’empathie du Chef de l’Etat est sans doute sincère mais pas à la hauteur des drames qui se déroulent. L’agriculture vit aujourd’hui une restructuration qui n’a rien à envier à dans son cortège de douleurs à celle qui a accompagné l’abandon de la sidérurgie. Car l’agriculture de papa c’est fini.
 
Ainsi en ont décidé les milieux d’affaires. Industries agro-alimentaire et grande distribution en premier lieu. Le grand perdant c’est l’agriculteur traditionnel qui ne maîtrise rien et dont la seule certitude est d’être pressurisé par les intermédiaires avec à la clé des prix d’achats bien souvent en dessous des coûts de production.
 
L’exemple de la filière du lait est éclairant. À 0,32 € le litre le cours du lait est aujourd’hui au niveau de 1985. Pour être au même niveau de revenus qu’en 1997, il faudrait qu’il soit à 0,58 €. L’élevage est dans une situation toute aussi catastrophique, amplifiée ces derniers mois par l’envolée des cours des céréales qui servent à l’alimentation des bêtes.
 
Seule lueur d’espoir, l’Etat semble enfin avoir compris les effets collatéraux désastreux du pacte diabolique passé avec la distribution pour offrir des prix de vente modérés aux consommateurs au détriment des agriculteurs.
 
Nicolas Sarkozy,étonnant mélange de libéralisme et d’interventionnisme, leur a promis le retour de la puissance publique et d’une certaine forme de régulation. “Il est normal que les prix tiennent compte de l’augmentation des coûts à la production par l’explosion des céréales. (…) Dans les négociations avec la grande distribution, l’État sera à côté de vous. Y compris face au consommateur, à qui je suis prêt à expliquer qu’il n’est pas anormal que les prix augmentent“.
 
Mais là encore, le dogmatisme libéral de l’Union Européenne limite grandement les marges de manœuvre de l’Etat. Le libre-échangisme à tout crin de l’UE donne lieu à des importations massives de produits moins chers, mais souvent de moindre qualité que ceux issus de nos terroirs, qui viennent finir de mettre à mal notre agriculture.
 
La faute dit-on à un manque de compétitivité. Comme avec la malbouffe c’est le système traditionnel français dit de la fourche à la fourchette qui est aujourd’hui en voie d’extinction. En agriculture comme dans l’industrie ou la finance, les importateurs-distributeurs et les traders sont aujourd’hui les seuls à faire fortune.
 
En quelques décennies, le monde agricole est devenu une caricature du laisser-faire. Le phénomène de concentration des exploitations agricoles est frappant. En 20 ans, le nombre d’exploitations a été divisé par deux. La France comptait 609 000 exploitations en 1988, il en restait seulement 326 000 en 2007. Conséquence logique, leur taille s’accroît passant de 42 ha en 1988 à 78 ha en 2010 soit, une augmentation de 85 %. Le phénomène est européen puisque dans l’union la taille moyenne des exploitations est de 136 ha. Aujourd’hui, l’agriculture française n’emploie plus que 2,9 % de la population active mais qui contribuent à 1,5 % du PIB français. Mais pour quels résultats ?
 
Les campagnes se vident, les dégâts environnementaux sont énormes et plutôt que d’assurer l’autosuffisance alimentaire des européens, les paysans de l’Union se concurrencent pour savoir lequel exportera le plus. Avec des prix de vente dans les rayons qui restent élevés alors que la qualité s’effiloche, le consommateur est le dindon de la farce.
 
Pierre Priolet n’hésite pas à parler d’une spoliation des paysans par une agriculture productiviste qui capte toutes les aides au détriment d’une agriculture humaine où l’homme a une relation avec ses bêtes et la nature. Le constat que l’on marche sur la tête est partagé par André Pochon, agriculteur plein de bon sens, qui estime qu’avec le productivisme, les paysans sont entrés en misère.
 
Le cas des céréaliers traduit une évolution inquiétante. Ils passent désormais la moitié de leur temps de travail à spéculer sur leurs ordinateurs et perdent petit à petit la mémoire de la terre, assistés et dépendants d’une électronique qui de la météo au dosage de l’arrosage et des semences les ravale au rang de simple exécutant dénué de toute pensée autonome.
 
Reste à savoir vers quoi nous souhaitons tendre. Peut-on abandonner les spécificités de notre système agricole et sacrifier notre monde rural sur l’autel d’un modèle unique de production ? Convient-il de considérer la noble mission de nourrir les hommes comme une activité économique ordinaire, soumise à spéculation, délocalisation et importations sauvages ?
 
C’est un nouveau modèle français qu’il convient d’inventer, maintenant tout à la fois un tissu d’exploitations familiales de taille moyenne réparties sur l’ensemble du territoire et une grande diversité de productions agricoles de qualité. Tout cela ne sera possible que si un système de garantie des prix voit le jour et si émerge un nouveau système de distribution fiscalement aidé, rapprochant le producteur du consommateur dans une logique de circuits courts.
 
Dans tous les cas, c’est bien de régulation dont notre agriculture a besoin. Autant dire que le sauvetage de l’agriculture française et de nos paysans passe par une nouvelle politique agricole commune basée sur autre chose que les seules lois d’airain du marché. Une révolution somme toute qu’il est urgent d’entamer. Le temps presse. A la compassion doit succéder la réflexion poussée et trés rapidement, l’action. L’agriculture doit ainsi trouver toutre sa place dans les différents programmes présidentiels de 2012.
 
 

 

 


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14 réactions à cet article    


  • Nestor 23 février 2011 12:38

    Salut Henry !

    Oui il est grand temps que ça change et vite !

    La misère agricole ne se voit pas forcément, mais elle est malheureusement bien présente. Comme l’ont dit José Bové et le ministre Bruno Le Maire l’autre soir, les agriculteurs crèvent de faim.

    Même qu’ils ne soient pas du même bord politique, les deux personnages ont été d’accord sur toute la ligne, si j’ai bien compris, ils sont tous deux près à s’engager pour défendre le milieu agricole en faisant abstraction à leurs attaches politiques. Un bon point à mes yeux, mais la chose n’est pas gagnée loin de là et le temps presse.

     Le-cri-de-la-larme ...

    Soutenons nos agriculteurs et notre agriculture !


    • foufouille foufouille 23 février 2011 12:45

      "La misère agricole ne se voit pas forcément, mais elle est malheureusement bien présente. Comme l’ont dit José Bové et le ministre Bruno Le Maire l’autre soir, les agriculteurs crèvent de faim."

      des promesses electorales


    • Christian Creseveur Christian Creseveur 23 février 2011 15:54

      Pour Le Maire ce n’est pas exact. Le Maire dit j’écoute, Mais il ne propose pas de solution. Mieux payer les producteurs revient dans sa tête à autoriser les distributeurs à répercuter les hausses sur le prix de vente au consommateur !
      Autrement dit il n’imagine pas une minute que les distributeurs réduisent leurs marges ahurissantes.
      Rappelons par exemple que le boeuf sur pieds est acheté 2€/kg en moyenne à l’éleveur et arrive à 20 chez le boucher, un peu moins en grande surface.
      Qu’est-ce qui justifie un tel écart ? Le boeuf voyage-t’il en limousine jusqu’à l’abbatoir ?


    • foufouille foufouille 23 février 2011 17:27

      les abatoirs prennent 4 a 5€ du kg


    • Alpo47 Alpo47 23 février 2011 12:43

      On est 6 milliards d’individus sur terre, on sera bientôt 9 milliards, on aura toujours besoin de vous. Vous ne disparaîtrez pas, vous continuerez à exister mais pas de la même manière

      Je crains pour les agriculteurs qu’avec cette phrase Sarkozy ait décrit son objectif « ... pas de la même manière ... ». Selon moi, cela signifie que l’objectif des « élites » qui installent la mondialisation est, en matière agricole, de favoriser la reprise en main de la production agricole par de grandes structures, de milliers ou dizaines de milliers d’hectares, aux mains de financiers et que les agriculteurs qui veulent continuer de travailler la terre, n’aient d’autre possibilité que d’en devenir ... salariés.
      Et c’est ce qui se passe dans les grandes régions céréalières.

      Pour eux, le monde se découpe en divers pôles de production, spécialisés, où on fait au maximum baisser les coûts, avec un renforcement de l’industrialisation, donc du recours aux OGM. Quasiment personne n’en veut ... sauf nos « mondialistes ». 

      Souci, ce sont eux qui décident de tout pour tous les autres.

      Or, et grand malheureusement pour les agriculteurs,leur principal syndicat agricole , la FNSEA est d’abord une « succursale de l’UMP », et ensuite toute orientée vers l’agriculture productiviste et industrielle.

      Si les agriculteurs continuent de laisser la FNSEA les représenter, ils n’existeront bientot plus
      ...

      D’après moi, toute solution pour les agriculteur passe par un mouvement très suivi, et surtout en dehors de la FNSEA. Ils le peuvent encore aujourd’hui, surtout au niveau européen, mais dans quelques années il sera trop tard.

      La vie est parfois à un de ces tournants, où il y a la possibilité d’agir ... si on laisse passer, il est ensuite trop tard.


      • foufouille foufouille 23 février 2011 12:43

        en vente directe ca marche bien
        mais c’est pas de l’elevage en cage ou des legumes chimique


        • manusan 23 février 2011 13:25

          Les agriculteurs sont bien trop gentils, ils font du bio et des cultures maraichères locales et les citadins ne les achètent pas, ils les laissent crever, leurs font la leçon, les traitent de ploucs deschiens, leur bloquent les crédits.

          Faites comme les céréaliers : faite leur bouffer des OGM et des hormones, empoisonnez les aux pesticides et fongicides, ravitailler leur resto Quick et gardez vous un coin de terrain sain pour votre frigo.

          Et si vous voulez des aides d’Etat, allez bloquer Rungis, en 4 jours vous affamez Paris, ils seront forcé de négocier. Quand les jeunes foutent le bordel, brulent des voitures, ils ont droit à des plans banlieue alors qu’ils sont pourtant plus riche que chez vous.


          • slipenfer 23 février 2011 18:20

            Sa me fait pensé aux suicides des paysans indiens avec les
            histoire d’OGM pourri.
            inde suicide collectif 1 500 paysans ogm coton bt monsanto 4131
             c’est complètement dément,j’ai du mal a réalisé et en plus c’est
            aussi 1000 autres par mois (avril 2009).
            Faut visualiser la scène,c’est apocalyptique,le double des disciples du
            gourou Jim Jones (en 1978) dont on a parlé pendant des années.

            En France on dira qu’il était dépressif et qu’ils avaient des problèmes
            familiaux,bref qu’ils sont dingues, le tout en moins d’une minute
            entre une pub et les résultats du foot.

            Alpo47 a bien mis en lumière la problématique qui les poussent à la fosse.
            les pauvres gars,j’espère qu’ils vont se regrouper pour se défendre,
            la solidarité national est de rigueur.
             


            • Gnagnagna 23 février 2011 18:46

              « Sans incident mais sans convictions Nicolas Sarkozy a inauguré le 48ème Salon de l’agriculture. »
              Sans incident... c’est bien ce qui est préoccupant !
              Les agriculteurs ne font pas dans la dentelle d’ordinaire. Et là, RIEN alors que c’était l’occasion rêvée, les média étaient là.
              Donc si les agriculteurs crèvent la bouche ouverte sans rien dire, pourquoi nous indignerions-nous de leur sort qu’ils acceptent même s’ils râlent un peu, mais si peu.
              Les super marchés nous servent de la saloperie importée depuis longtemps. S’il n’y a plus d’agriculteurs en France demain, cela ne changera pas beaucoup le panier de la ménagère.

              Les Tunisiens, les Égyptiens, les Libyens n’ont pas peur de se faire casser la gueule pour ne pas crever de faim. Les agriculteurs français préfèrent crever en serrant la main du président qui vient parmi eux pour se foutre de leur gueule. Quelle preuve de courage ! C’est leur problème.


              • JACOB 23 février 2011 20:00

                Merci à l’auteur de pointer les difficultés du monde paysans qui travaille beaucoup et meurt en silence

                Plutôt que, une fois de plus, faire payer les cochons ou les vaches à lait de consommateurs il faudrait, peut être, se pencher sur les taux de crédits accordés aux paysans et la spéculation.

                Sortons du mondialisme


                • dawei dawei 23 février 2011 22:49

                  « Sortons du mondialisme », et surtout de l’antlantosionisme


                • sobriquet 23 février 2011 23:00

                  Je souhaite bonheur et prospérité aux éleveurs, mais malheureusement, l’élevage est bien trop développé dans notre pays, et il faudra bien trouver un moyen de le réduire drastiquement.

                  Je révolterai sans doute certains éleveurs en écrivant ça, mais sans leur vouloir de mal, une transition est nécessaire.

                  Nous produisons trop de viande. Ce faisant, nous empoisonnons les consommateurs par suralimentation, accaparons pour l’élevage des terres que l’on pourrait dédier à une alimentation durable, c’est-à-dire végétarienneà 90 %, nous polluons les sols et les cours d’eau avec les effluents d’élevages. Et pour couronner le tout, nous compromettons la capacité de notre planète à encaisser l’accroissement de la population.

                  Avec moins d’élevage, 12 milliards d’habitants sur terre ne serait pas un défi audacieux.

                  Humainement, j’en suis désolé pour les éleveurs en difficulté, d’autant plus que je préfèrerait que ce soient les grandes exploitations industrielles qui disparaissent. Mais il serait vraiment souhaitable que l’élevage subisse des coupes franches, dans les meilleures conditions, bien évidemment.


                  • french_car 24 février 2011 09:03

                    Il n’y a plus de mineurs, presque plus d’ouvriers dans la sidérurgie etc ...
                    Même les métros s’automatisent et il y a de moins en moins de conducteurs.
                    Nptre société est ainsi faite, la productivité fait disparaitre des professions.
                    La productivité ne signifie pas perte de qualité, je ne parle pas d’agriculture intensive mais de simple mécanisation.
                    Il est clair que ceux qui veulent continuer dans cette profession n’ont que 2 choix : modernisation ou prendre la voix d’une agriculture élitiste de produits hauts de gammes réservés à des couches sociales aisées. Comme pour tout bien de consommation il y a 2 catégories de consommateurs : par nécessité ou par gout.


                    • suumcuique suumcuique 24 février 2011 12:25

                      Avec moins d’élevage, 12 milliards d’habitants sur terre ne serait pas un défi audacieux.

                      Pourquoi s’arrêter à 12, quand, mathématiquement et exponentiellement, on peut aller jusqu’à 18, 36, 72 milliards de ... consommateurs démocratiquement gavés d’aliments de synthèse ?

                      Pendant ce temps..."While the United States and Europe orders its own scum public to accept massive public spending cuts along with higher taxes on top of soaring inflation and food prices, it concurrently prepares to buy off post-”revolution” governments in the Middle East and North Africa with BILLIONS in “aid” (taxpayers’ money) in order to install fresh puppets who will graciously buy huge quantities of arms from the US-EU-Israeli military-industrial complex."

                      http://www.prisonplanet.com/us-eu-prepares-to-buy-off-post-revolution-governments-with-billions-in-aid-taxpayers-money.html

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Henry Moreigne

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