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Tout sur la roue

Le cycle infernal de nos fatuités

Quand il y a près de six mille ans, en Mésopotamie ou plus sûrement en Europe centrale, le monde allait faire un bond prodigieux en se roulant sur lui-même pour porter un lourd fardeau, personne ne pouvait imaginer que ce qui alors, n'était qu'un moyen technique fantastique pour simplifier la vie des individus allait devenir l'expression la plus aboutie du délire consumériste de la civilisation de la fin des temps.

La roue débuta sa prodigieuse carrière en se faisant pleine. Elle apparut là où les humains disposaient d'animaux de trait pour les suppléer dans l'art de déplacer de lourdes charges. Un axe de rotation et le tour était joué, les gens pouvaient aller de l'avant tout en envisageant de voir plus grand. Le premier pas sans doute dans un cycle infernal mais comment pouvaient-ils l'envisager ?

La roue fit une cure d'amaigrissement en s'évidant. Les rayons n'avaient rien de sympathiques, ils se mirent immédiatement au service de l'armée. Le char précéda tout ce qui lui succéda pour transporter aisément d'un point à l'autre, ceux qui ne voulaient pas aller à pied. La roue se mit d'entrée au service de la destruction ou du pouvoir puisque Jupiter s'en attribua l'emblème pour matérialiser sa puissance après notre ami Taramis qu'il avait singé.

Suivie alors une longue période d'évolution technique au service du confort du transport. La roue chercha tous les aménagements possibles pour cesser de secouer comme des pruneaux ce qu'elle était chargée de déplacer. Le cerclage en fer, la bande roulante, le caoutchouc, le pneu et la chambre à air vinrent compléter au fil du temps le dispositif. La roue pensait en avoir terminé avec sa révolution.

Elle ne pouvait savoir qu'elle allait entrer de plain-pied dans la compétition sportive en gagnant tout à la fois en rigidité, souplesse, légèreté et fiabilité. Termes certainement contradictoires mais qui parvinrent à se concilier afin que les courses aillent toujours plus vite. Est-ce ce qui mit la puce à l'oreille aux tenants de la grande décadence ? Je ne puis l'affirmer.

La roue pensait avoir fait le tour de la question. Elle allait son train, se modifiant au gré des terrains, des besoins, des modes de transport mais restant les pieds sur terre. Puis d'un coup, elle voulut s'envoyer en l'air, voyant tout en grand, voulant illuminer de mille feux la vacuité de ceux qui venaient s'y faire rouler.

La grande roue devint l'archétype du consumérisme de la nativité. Le cycle infernal du gaspillage énergétique trouvait son aboutissement dans l'installation au cœur de l'hiver et des grandes villes de cet emblème d'une civilisation en déconfiture. Gavés de lumière, de musique, d'achats, d'odeurs, les rouliers s'installent pour s'assurer qu'ils ne savent plus où ils vont.

Prendre une roue pour aller nulle part, voilà bien ce que nos ancêtres ne parviendraient pas à comprendre. La roue allait de l'avant, elle se contente de prendre de la hauteur pour satisfaire l'orgueil, la suffisance et l'envie d'avoir froid de ceux qui se grisent de dépenser à tour de bras. C'est sans doute le point ultime de l'évolution, la fin d'un cycle qui suppose ensuite le grand néant, la catastrophe.

À quoi bon lever les yeux au ciel pour fustiger ce qui en apparence emporte l'adhésion collective. Un marché de Noël dans une grande cité doit disposer de sa grande roue à moins de passer à côté de la plaque. Les communes plus petites lui préféreront la patinoire, sans doute pour se prémunir de la prochaine catastrophe climatique. Pour Noël, toujours plus, toujours pire, dans une frénésie de fin du monde. Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond chez les humains qui échappent encore à la misère. S'ils pouvaient au moins apercevoir du haut de leur grande-roue, le monde qui se meurt à leurs pieds : le petit tour n'aurait pas été inutile.

À contre-plongée.


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18 réactions à cet article    


  • wagos wagos 11 décembre 2021 11:51

    J’y pense et puis j’oublie, c’est la vie c’est la vie chantait Dutronc avec « 700 millions de Chinois... »


    • C'est Nabum C’est Nabum 11 décembre 2021 12:00

      @wagos

      Alors pensons-y !


    • juluch juluch 11 décembre 2021 12:48

      je préfère les auto tamponneuses.. comme dans les fêtes de villages.....avec la barbe à papa !!!


      • C'est Nabum C’est Nabum 11 décembre 2021 12:56

        @juluch

        La démesure est désormais la règle dans cette société qui sait qu’elle va dans le mur et qui accélère le pas


      • Samy Levrai samy Levrai 11 décembre 2021 12:51

        L’essieu de velours...


        • C'est Nabum C’est Nabum 11 décembre 2021 12:56

          @samy Levrai

          Fort belle formule


        • Clark Kent Schrek 11 décembre 2021 14:59

          C’est ce qui fait que les trains andalous sont très confortables : la bielle de Cadix a l’essieu de velours.


        • C'est Nabum C’est Nabum 11 décembre 2021 15:16

          @Schrek

          Je vous donne la palme décerne le piston d’or


        • Un des P'tite Goutte Un des P’tite Goutte 12 décembre 2021 12:20

          Bonjour,

          « La roue, connue, mais non exploitée ? »

          Grande question que des archéologues ont du se poser en découvrant que la civilisation aztèques avait découvert la roue : sur de petits objets qui devaient être des jouets, antérieurs à l’arrivée des envahisseurs... Roue, oui, mais qu’ils n’utilisèrent pourtant pas pour leurs monuments, constructions et autres nécessités !...?

          Des hypothèses diverses voient le jour : l’utiliser priverait de travail la population qui érigea des temples - décision « politique » donc - , ou bien éviterait un certain nombre de participer par là-même au sacré inhérent à cette œuvre ; Une autre estime que celle-ci, participant de la création du monde dans la mythologie, avait un caractère sacré, donc intouchable car sacrilège.

          Cordialement.

          https://www.franceculture.fr/emissions/la-transition/la-non-invention-de-la-roue-et-du-feu

          https://www.liberation.fr/livres/2020/03/11/la-roue-fortunes-et-infortunes-d-une-invention-millenaire_1781330/


          • C'est Nabum C’est Nabum 12 décembre 2021 13:51

            @Un des P’tite Goutte

            Merci pour cet éclairage


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 12 décembre 2021 14:21

            Bonjour Nabum, un livre qui pourrait vous remonter le moral : Le modernisme réactionnaire : Haine de la raison et culte de la technologie (sous l’Allemagne nazie). Flanders technology (nazis durant les guerre).... De Jeffrey HERF. 


            • C'est Nabum C’est Nabum 12 décembre 2021 15:11

              @Mélusine ou la Robe de Saphir.

              Je préfère me remonter le moral avec Crime et Châtiment
              C’est vous dire mon état


            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 12 décembre 2021 14:26

              A ce triste Sire, prônant le transhumanisme, Tristan Mendes France. dans son livre de 1984, Reactionary Modernism : Technology, Culture and Politics in Weimar and the Third Reich, s’appuyant sur la théorie critique, en particulier la critique de l’idéologie, Herf a inventé le terme de « modernisme réactionnaire » pour décrire le mélange d’une modernité robuste et d’une position affirmative envers le progrès, combiné avec des rêves du passé - un romantisme hautement technologique - qui était un courant dans la pensée des idéologues de la « révolution conservatrice » de Weimar et des courants du parti nazi et du régime nazi. Les chiens ne font pas des chats. Parfois : si...



                • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 12 décembre 2021 14:42

                  Et voici ce que révèle la page de the économist" : la roue ou route de THULE... une version française existe :https://www.youtube.com/watch?v=CUmaj0pGsnU 



                    • Vivre est un village Vivre est un village 8 octobre 2023 10:04

                      La roue fit une cure d’amaigrissement en s’évidant. Les rayons n’avaient rien de sympathiques, ils se mirent immédiatement au service de l’armée. Le char précéda tout ce qui lui succéda pour transporter aisément d’un point à l’autre, ceux qui ne voulaient pas aller à pied. La roue se mit d’entrée au service de la destruction ou du pouvoir puisque Jupiter s’en attribua l’emblème pour matérialiser sa puissance après notre ami Taramis qu’il avait singé.

                      EXCELLENT !!!

                      A bientôt.

                      Amitié.

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