Y’a pas bon Banania
La polémique Banania a pris fin le 2 février dernier : avant même la plaidoirie, la société Nutrimaine, propriétaire de la marque Banania, a décidé de retirer de l’INPI le slogan "Y’a bon". Une plainte avait été déposée par le Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais (www.collectifdom.com), estimant que la marque véhiculait une image dégradante et raciste des personnes de couleur noire. En 2006, l’image du bon nègre joyeux et niais a fait son temps.
La saga Banania commence en 1912, lorsque le journaliste Pierre Lardet, de retour du Nicaragua, ramène dans ses valises la recette d’un breuvage composé de farine de banane, de céréales pilées, de cacao et de sucre. Il dépose la marque en 1914, et utilise le dessin d’un tirailleur sénégalais pour promouvoir la boisson chocolatée. Populaire pendant la première guerre mondiale, le tirailleur était aussi un symbole de force et d’énergie...
Seulement voilà, près d’un siècle plus tard, les ingrédients sont les mêmes : l’ami Banania porte toujours l’habit traditionnel du tirailleur, sur la tête la chéchia rouge avec son pompon bleu (patriotisme français oblige) ; et même si les traits se sont affinés avec le temps, les lèvres restent démesurées et caricaturées.
Outre son air hilare devant un bol de chocolat, ce petit bonhomme ne sait pas non plus aligner trois mots en français. D’où la controverse liée au slogan "Y’a bon Banania", d’ailleurs issu du parler petit-nègre. Eh oui, colonialisme et paternalisme n’ont pas disparu au XXIe siècle. Ils vont même jusqu’à s’immiscer sur la table du petit-déjeuner...
D’ailleurs, à son arrivée en France en 1928, Léopold Sédar Senghor, d’ordinaire mesuré dans ses revendications, s’écriait déjà : "Je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France". Avant-gardiste, Senghor ?
Le petit tirailleur, ou grossière caricature coloniale, a aujourd’hui gagné le droit au silence. A quand le droit à l’image ?
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