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L’orbite terrestre en passe de devenir « infréquentable »

Les projets spatiaux ont du plomb dans l’aile. Ou plutôt, devrait-on dire, des trous dans la coque. Car depuis le lancement du premier satellite artificiel, l’humanité n’a pas seulement ouvert les portes de l’Univers, elle s’est aussi trouvé un nouveau « vide-ordures ». À moins que les comportements d’exploitation du cosmos n’évoluent radicalement, les débris spatiaux risquent de rendre les orbites utiles impraticables dans un futur qui selon Heiner Klinkrad, président du bureau des débris spatiaux à l’ESOC, pourrait être moins éloigné qu’on ne l’imagine.

M. Klinkrad, interrogé en septembre par le magazine mensuel de l’espace européen de la recherche Research EU y explique qu’ « aujourd’hui, les missions peuvent encore être effectuées en sécurité. Mais des études américaines montrent que, même si nous cessions les activités spatiales, la population de déchets va croître à certaines altitudes, augmentant le risque de collision ». Observables depuis le sol, les gros fragments - plus de 10 cm de diamètre - sont estimés à 18 000, dont 11 500 sont répertoriés. L’ESOC, basé en Allemagne, gère quotidiennement des manœuvres d’évitement de ces gros débris. Mais par contre, rien ne peut être fait pour les quelques 550 000 morceaux de 1 à 10 cm qui ne peuvent être répertoriés en raison de leur trop petite taille. Aux vitesses qui sont les leurs (jusqu’à 70 000 km/h...), les dégâts peuvent déjà être considérables. Et au vu de leur nombre, si l’on calcule la section transversale combinée de tous les satellites sur orbite, le temps moyen entre deux collisions destructrices est estimé à une tous les dix ans. Sachant que l’impact avec un débris de 10 cm est capable de pulvériser une sonde de plusieurs millions d’euros, le risque, ne serait-ce que d’un seul impact tous les dix ans, devient soudain très menaçant. Et que dire de l’ISS (la station spatiale internationale habitée) dont l’existence est, selon Hubert Reeves (1), gravement menacée ? Matériellement, suite aux éventuels impacts dont elle pourrait faire l’objet, mais aussi existentiellement, le retour sur investissement étant de moins en moins intéressant. La récente déchirure de son panneau solaire par un débris orbital non-identifié, qui a nécessité une opération risquée pour le remettre en état, confirme ces craintes.

Mais d’où viennent finalement tous ces débris ? La majorité provient des différentes expériences spatiales et des lancements de satellites. Ce sont en réalité les explosions qui représentent la cause la plus fréquente de production de débris. On en dénombre environ 200 depuis le début de la conquête spatiale, mais le phénomène s’est accéléré ces dernières années. La moyenne annuelle de 4 à 5 explosions a désormais doublé. Ces accidents sont pour la plupart dus à des lanceurs largués après la mise en orbite de satellites ou à d’anciens vaisseaux dont le carburant résiduel s’est enflammé. Mais certains comportements aggravent encore la situation. En témoigne la destruction par la Chine le 11 janvier de cette année de leur satellite météo hors service Fen Yung 1C par un missile balistique. On estime que la manoeuvre a généré à elle seule 1 600 nouveaux débris... Les explosions, accidentelles ou non, ne sont toutefois pas les seules responsables. Les collisions sont à l’origine à la fois du plus grand nombre de débris mais aussi d’un cercle vicieux, la quantité des débris risquant d’augmenter de manière exponentielle en raison des collisions de plus en plus fréquentes. L’épisode le plus célèbre reste celui du satellite français Cerise, qui fut percuté en 1996 par un fragment provenant vraisemblablement de l’explosion de l’étage supérieur d’un lanceur d’une fusée Ariane. A tout cela, il faut encore rajouter les déchets ménagers issus des vaisseaux habités ou des stations orbitales, sans oublier la ferraille constituée de boulons, d’écrous et même d’instruments perdus par des astronautes lors de sorties extravéhiculaires. Ou encore les objets radioactifs, dont la majorité provient de l’époque de l’URSS, et dont la durée de vie, d’après Ria Novosti, serait d’au moins 300-400 ans, une période nécessaire pour que les produits de fission de l’uranium-235 se désintègrent jusqu’au niveau de sécurité. Charmant tableau, on en conviendra.

Le problème étant clairement posé, les réponses, elles, tardent à venir. Sans doute à cause de la complexité de la tâche, ainsi que de son coût élevé. Le nettoyage de l’espace circumterrestre apparaît en réalité très problématique. La possibilité d’une destruction « naturelle » existe grâce à l’impact purificateur de l’atmosphère, mais elle ne peut être d’un grand secours pour tous les débris ou objets situés à 600 km d’altitude ou plus. Le milieu scientifique propose plutôt d’utiliser à cette fin des lasers. Mais l’évaporation complète même d’un petit fragment demandera beaucoup d’énergie. En outre, certains matériaux vont, au contraire, s’atomiser sous l’action du laser et augmenter la quantité générale des débris. Enfin, cette méthode de nettoyage est assez dangereuse vu les puissantes émissions d’énergie dans l’environnement qui risquent non seulement de briser son équilibre thermique, mais aussi de modifier sa composition chimique. La vitesse des cibles à détruire couplée à leur petite taille ne facilite également pas la résolution du problème. Au vu de tous ces éléments, l’unique solution viable semble donc bel et bien de modifier urgemment les comportements dans l’espace. Selon Heiner Klinkrad, quelques mesures concrètes pourraient être prises immédiatement. Eviter de larguer des objets qui ne sont pas indispensables aux missions, comme les lentilles opaques éjectées après leur utilisation. De même, selon lui, on pourrait éviter bon nombre d’explosions en lestant le carburant du satellite, dès la mission achevée.

Un pas dans la bonne direction a déjà été réalisé via l’adoption par une soixantaine de pays de principes édictés au sein du Copuos (Committee on the Peaceful Uses of Outer Space) des Nations Unies. Mais il n’existe toujours pas d’accord contraignant qui permettrait de lier efficacement les différents protagonistes. Or, on sait ce qu’il advient des conventions internationales non contraignantes. Elles sont rarement, pour ne pas dire jamais, suivies. Seule une législation internationale pourrait permettre d’éviter le pire. Car comme le rappelle Heiner Klinkrad, « si nous ne changeons pas rapidement nos comportements, dans moins de 50 ans, les orbites spatiales deviendront impraticables ». Et de fait, l’homme est en passe de polluer irrémédiablement le dernier endroit qui était encore vierge de son empreinte.

(1) Mal de terre, édition Seuil, 2005, pages 163-164


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18 réactions à cet article    


  • jcm jcm 12 novembre 2007 12:17

    « l’homme est en passe de polluer irrémédiablement le dernier endroit qui était encore vierge de son empreinte » : vraiment toujours pareil à lui-même, cet homme, véritablement indécrottable...


    • thirqual 12 novembre 2007 12:46

      Très léger HS, à voir : la première partie de la série PlanetES sur des récupérateurs de débris spatiaux.


      • Forest Ent Forest Ent 12 novembre 2007 12:48

        Information intéressante.

        Une collision tous les dix ans n’est pas encore rédhibitoire, puisque c’est la durée de vie d’un satellite. Mais effectivement à ce rythme ça le deviendra.


        • ZEN ZEN 12 novembre 2007 17:41

          Merci de m’avoir prévenu, Yves.Je ne m’aventurerai plus dans ces zônes-là ...


          • Yves Rosenbaum Yves Rosenbaum 12 novembre 2007 18:17

            J’avais aussi réservé des vacances dans le coin ... mais j’ai finalement décommandé ... smiley


          • seespan 12 novembre 2007 18:46

            @ auteur

            Pour la destruction du satellite chinois, il s’agissait d’un probleme militaire, la chine devait tester ça capacité de destruction des satelites depuis le sol. Cette experience a fait grincer beaucoup de dent au pentagone.

            Nous sommes en effet en trein de polluer l’espace autour de la terre, ce qui nuis a notre capacité de construction.

            Dans le projet de l’ascenceur spatial ( http://www.spaceward.org/elevator2010.html ), l’un des plus gros problem a gerer sont les debris. Par contre si la structure peut etre construite leur elimination devient relativement simple.


            • Yves Rosenbaum Yves Rosenbaum 12 novembre 2007 20:20

              Merci pour la précision et pour le lien sur l’ascenceur spatial (dont je méconnaissais jusqu’à l’existence). J’avais effectivement dans l’idée qu’il ne s’agissait pas d’une manoeuvre gratuite mais plutôt d’une démonstration de force.


            • seespan 12 novembre 2007 20:44

              @ auteur

              Demonstration de force, non pas vraiment. Detruire un satelite depuis le sol est dure, si il n’y pas de test en situation reelle impossible de savoir si la technologie est au point. Pendant la guerre froide les deux blocs faisait regulierement ce genre de test. La chine savait qu’elle serait critiquer, mais elle avait besoin de ce test. Voie ça comme les essais nucleaire français, il etait necessaire pour l’entretien de la force de dissuasion mais le cout politique etait elevé.

              Pour l’ascenseur spatial, on sait depuis les année 60 que la conquete de l’espace si elle a lieu ne passera pas par la fusée. Le rapport energie depensé par kg en orbite est beaucoup trop defavorable. Il avait etudié l’ascenseur comme alternative mais les calcules ont montré qu’il fallait un materiau ayant environs cent fois la resistance a la traction de l’acier. Le projet a donc etait abandonné. Maintenand le materiau a etait decouvers (nano tube de carbone ) ses capacités mecanique sont superieur a ce qui est necessaire. Le problem est : peut ont faire un ruban qui conserve les propriétés mecanique de la molecule, sans defaut sur 100 000 km de long. L’argent est mis dans la recherche les propriétés du materiaux sont tel qu’il y aura des applications, meme si la realisation de l’ascenceur est impossible.

              Si on peut monter en orbite a un cout raisonnable ( monter le long d’un fil fait baisser le cout de la mise en orbite de 98% ) l’elimination des dechets peut se faire de maniere simple.


            • seespan 12 novembre 2007 19:05

              @ auteur

              Pour la destruction du satellite chinois il s’agissait d’un test militaire. La chine voulait tester en condition reelle sa capacité de destruction d’un satellite depuis le sol. Cette experience a fait grincer beaucoup de dent au pentagone.

              Nous somme en effet en trein de polluer cette partie de l’espace ce qui nous pose des problemes pour la mise en place de structure . Dans le projet de l’ascenceur spatial (http://www.spaceward.org/elevator2010.html ), un des principaux problem a traiter est comment eviter les dechets. Par contre une fois que la structure est mise en place les suprimers devient relativement simple.


              • seespan 12 novembre 2007 19:22

                ceci est un test


                • seespan 12 novembre 2007 19:41

                  ceci est un test


                  • seespan 12 novembre 2007 20:26

                    ceci est un test


                    • seespan 12 novembre 2007 21:16

                      Desolé problem informatique, il faut que j’envois un message pour voir les commentaires des fils ( d’ou les ceci est un test ). Quelqu’un a deja rencontré ce probleme ? ou c’est le site d’agora qui bug .


                      • Forest Ent Forest Ent 13 novembre 2007 01:45

                        J’ai eu quelques problèmes avec IE que je suis obligé d’utiliser à certaines périodes, mais aucun avec FF. Il peut être utile de rafraîchir de temps en temps la MEME page.


                      • seespan 13 novembre 2007 01:54

                        @ forest ent

                        Merci j’utilise ff. J’ai reussi en partie a regler le pb, apparament c’est le navigateur qui bloque. Je vais telecharger opera, pas moyen que j’utilise IE no passaran.


                        • Droopy 15 novembre 2007 13:25

                          Bof. Je pense qu’il y a déjà assez de problèmes sur terre à résoudre avant de claquer encore de l’argent public à nettoyer les cochonneries orbitales. Pour nous coller encore des satellites pour le téléphone portable, la TV en HD tri nitro audimat et diffuser la Tare Académy, ou je ne sais quel satellite espion.


                          • moizaussi 18 novembre 2007 16:12

                            Anecdote croustillante, depuis sa mise en service par la France, le radar GRAVES à permis de bien étranges « débris » qui n’étaient pas répertoriés dans les catalogues américains.. http://www.futura-sciences.com/fr/sinformer/actualites/news/t/astronautique/d/espionnage -spatial-les-satellites-qui-nexistent-pas_12064/

                            Tant que seuls quelques pays ont les moyens de faire cette cartographie spatiale, le traitement des débris spatiaux ne sera pas commencé : c’est quand même bien pratique de planquer des « objets » parmi des « débris »

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