La constante de gravité G est-elle une constante ?

Le grand public est abreuvé de trous noirs, matière sombre, boson de Higgs, ondes gravitationnelles. Mais dans le secret des laboratoires, un autre destin de la physique se joue. Questions empiriques et surtout théoriques, de quoi faire fuir le Français lambda qui n’apprécie que le tangible, le pittoresque, l’évidence et se détourne des questionnements théorique.
La constante G fut introduite par Newton pour calculer la force de gravité générée par deux masse M1 et M2 qui s’attirent, et séparées par une distance R. La formule est simple.
F = G.M1.M2/R2
G étant une constante, considérée de plus comme universelle, doit être constante. Ce qui du point de vue expérimental signifie que toutes les mesures effectuées en laboratoire par les physiciens doivent donner le même résultat. Or, les résultats actuels obtenus par des appareillages très sensibles semblent indiquer que G n’est tout à fait une constante.
La mesure de G se fait avec une balance de torsion. Le principe est simple. Un haltère est suspendu en son centre par un fil très fin. Deux masses sont ajoutées de telle manière que l’attraction entre elles puisse exercer une torsion à laquelle s’oppose la résistance du fil à la torsion. On peut mesurer alors la force avec précision. C’est ce qui fit Coulomb en utilisant deux masses chargées pour mesurer la force électrostatique. On peut faire la même expérience et mesurer la très faible force d’attraction entre deux masses attirées par la gravité. C’est ce que réalisa Cavendish en 1798, avec une précision assez modeste. Depuis, quelque deux cents mesures ont été effectuées avec cette fois une très grande précision, de l’ordre de 50 ppm (parties par million). Or, il se trouve que l’écart entre les valeurs extrêmes est de 500 ppm, ce qui indique clairement que la mesure de G ne donne pas le même résultat, avec parfois des expériences dont la précision est de 14 ppm. En revanche, d’autres constantes universelles sont mesurées comme constantes avec un écart expérimental supérieur de plusieurs ordres de grandeur, par exemple quelques parties par milliard pour la vitesse de la lumière ou la constante de Planck. La physique est face à l’énigme de la constante G.
Pour aller plus loin, quelques vingt physiciens, tous chinois sauf un russe, ont réalisé des expériences mais cette fois au sein d’un même laboratoire. En utilisant une balance de torsion mais avec deux types de mesure. L’une dite TOS (temps de rotation) consiste à mesurer des oscillations en utilisant deux configurations pour les masses. L’autre dite AAF (accélération angulaire) utilise deux platines sur lesquelles pivotent les masses. Un dispositif de rétroaction permet de calculer l’accélération de la balance qui est égale à l’accélération de gravité produite par les masses. Les deux méthodes ont une précision de quelque 11.6 ppm. Les valeurs mesurées de G avec les méthodes AAF et TOS présentent un écart de 45 ppm.
La mesure de G ne donne pas le même résultat et cette fois, c’est au sein d’un même laboratoire. Ce qui ne signifie pas que G varie car avant de conclure ainsi, il faut éliminer les artefacts et autres sources parasites pouvant affecter les mesures. Notamment s’assurer de l’élasticité des fils de torsion comme le suggèrent les auteurs de l’article recensant l’expérience, publié dans Nature le 30 août 2018.
Il n’y a qu’une seule alternative. Ou bien la différence provient des appareillages, éventuellement d’une fluctuation minime mais significative de l’élasticité, ou bien il n’y a pas d’artefact, auquel cas la constante G varie pour des raisons que l’on ignore. Si tel est le cas, alors cette expérience incline à revoir la gravité et à envisager une modification de la physique contemporaine. Si G varie, la relativité générale est aussi impactée dans la mesure où G figure comme constante dans le membre droit de l’équation tensorielle. Cette perspective est fascinante tout en restant incertaine car d’une part la variabilité de G n’est pas un résultat acquis et d’autre part on ne sait pas trop dans quelle direction chercher pour concevoir cette gravité à constante variable ! Pourtant, la perspective est séduisante. La physique tend à s’endormir. Une bonne secousse nous réveillera. La gravité quantique est en ligne de mire, ou alors la conception entropique de la gravité, ce qui est à peu près pareil car le quantique et l’entropie ont pour principe une physique de l’information.
Dernière remarque. Une variabilité de G permettrait de supprimer la constante cosmologique qui est liée à l’énergie du vide. L’ajustement à un univers en expansion ou contraction se ferait par le membre de droite, autrement dit le pôle matière de la cosmologie. Cette option est radicale et change le sens physique de la relativité générale. Nous n’en sommes pas encore à ce stade.
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Article de Nature
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