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Commentaire de Little Scarlet Pimpernel

sur Comment contrer les lobbies de toute sorte et comment aller vers la démocratie


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Little Scarlet Pimpernel Little Scarlet Pimpernel 10 septembre 2007 20:51

Les commentaires supprimés plus haut dénonçaient également un terrible exemple de lobbying idéologique (intéressé !) permettant de faire dire n’importe quoi à des « sciences » qui se veulent « sérieuses ». C’est ce que fut la propagande du franc-maçon Jules Ferry et de ses amis du « centre-gauche » sur les prétendues « races supérieures », afin de justifier l’expansion militaire coloniale.

Ferry ne semble pas croire lui-même à ses salades, car son véritable « argument » est :

« Si l’honorable M. Maigne a raison, si la déclaration des droits de l’homme a été écrite pour les noirs de l’Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics ? »

Il y a cet article :

http://blog.360.yahoo.com/quicalt?p=119

Nicolas Sarkozy, l’Etat et l’identité nationale (2)

(...)

A ce stade, la décence commande de rappeler la manière dont les populations de vastes zones de la planète, notamment en Afrique, ont été asservies par la force brute des canonnières au cours de la « grande expansion coloniale », dans des conditions incroyablement humiliantes et par des pratiques d’une violence et d’un racisme extrêmes. En témoigne le discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885 devant la Chambre des Députés, dont voici un extrait tiré du site de l’Assemblée Nationale qui évoque un « grand moment d’éloquence parlementaire » :

[début de l’extrait du discours de Jules Ferry]

« (Jules Ferry) Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le bien : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question.

Sur ce point, l’honorable M. Camille Pelletan raille beaucoup, avec l’esprit et la finesse qui lui sont propres ; il raille, il condamne, et il dit : Qu’est ce que c’est que cette civilisation qu’on impose à coups de canon ? Qu’est-ce sinon une autre forme de la barbarie ? Est-ce que ces populations de race inférieure n’ont pas autant de droits que vous ? Est-ce qu’elles ne sont pas maîtresses chez elles ? Est-ce qu’elles vous appellent ? Vous allez chez elles contre leur gré ; vous les violentez, mais vous ne les civilisez pas.

Voilà, messieurs, la thèse ; je n’hésite pas à dire que ce n’est pas de la politique, cela, ni de l’histoire : c’est de la métaphysique politique...(Ah ! ah ! à l’extrême gauche.)

Voix à gauche. Parfaitement !

M. Jules Ferry.... et je vous défie - permettez-moi de vous porter ce défi, mon honorable collègue, monsieur Pelletan -, de soutenir jusqu’au bout votre thèse, qui repose sur l’égalité, la liberté, l’indépendance des races inférieures. Vous ne la soutiendrez pas jusqu’au bout, car vous êtes, comme votre honorable collègue et ami M. Georges Perin, le partisan de l’expansion coloniale qui se fait par voie de trafic et de commerce.

[...]

Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l’extrême gauche.)

M. Jules Maigne. Oh ! vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l’homme !

M. de Guilloutet. C’est la justification de l’esclavage et de la traite des nègres !

M. Jules Ferry. Si l’honorable M. Maigne a raison, si la déclaration des droits de l’homme a été écrite pour les noirs de l’Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics ? Ils ne vous appellent pas ! (Interruptions à l’extrême gauche et à droite. - Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche.)

M. Raoul Durai. Nous ne voulons pas les leur imposer ! C’est vous qui les leur imposez !

M. Jules Maigne. Proposer et imposer sont choses fort différentes !

M. Georges Perin. Vous ne pouvez pas cependant faire des échanges forcés !

M. Jules Ferry. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... (Marques d’approbation sur les mêmes bancs à gauche - Nouvelles interruptions à l’extrême gauche et à droite.)

M. Joseph Fabre. C’est excessif ! Vous aboutissez ainsi à l’abdication des principes de 1789 et de 1848... (Bruit), à la consécration de la loi de grâce remplaçant la loi de justice.

M. Vernhes. Alors les missionnaires ont aussi leur droit ! Ne leur reprochez donc pas d’en user ! (Bruit.)

M. le président. N’interrompez pas, monsieur Vernhes !

M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures...

M. Vernhes. Protégez les missionnaires, alors ! (Très bien ! à droite.)

Voix à gauche. N’interrompez donc pas !

M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures ont des devoirs...

M. Vernhes. Allons donc !

M. Jules Ferry. Ces devoirs, messieurs, ont été souvent méconnus dans l’histoire des siècles précédents, et certainement, quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. (Très bien ! très bien !) Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation.

M. Paul Bert. La France l’a toujours fait !

M. Jules Ferry. Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu’un peut nier qu’il y a plus de justice, plus d’ordre matériel et moral, plus d’équité, plus de vertus sociales dans l’Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions œuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? Est-il possible de nier que, dans l’Inde, et malgré les épisodes douloureux qui se rencontrent dans l’histoire de cette conquête, il y a aujourd’hui infiniment plus de justice, plus de lumière, d’ordre, de vertus publiques et privées depuis la conquête anglaise qu’auparavant ?

M. Clemenceau. C’est très douteux ! »

[fin de l’extrait du « grand moment d’éloquence parlementaire »]

La première constatation qui s’impose, à la lecture de ce débat hallucinant, est que les « théoriciens » de l’impérialisme protectionniste comme Jules Ferry ne brandissaient pas la théorie des « races supérieures » sur la base d’une quelconque conviction. Ils le faisaient sans trop d’égards et de la manière la plus cynique, parce qu’elle convenait aux intérêts des groupes financiers et des grands spéculateurs. Ferry avoue ouvertement que la raison d’être de son discours est, entre autres, de pouvoir « imposer les échanges, les trafics » aux « noirs de l’Afrique équatoriale ». Le reste relève de la pure mise en scène. L’ancien président du Conseil était sans doute bien conscient du caractère parfaitement antiscientifique de sa « théorie », mais il s’en fichait éperdument. C’est cela, la politique politicienne.

La deuxième évidence est celle de la capacité du « centre » pour faire passer les pires politiques, combines et manipulations au nom de la « raison », du « consensus », de la « bonne gestion », de l’ « entente nationale »... L’oligarchie financière de la fin du XIX siècle a confié la mise en œuvre de l’impérialisme protectionniste au « centre gauche » plutôt qu’aux libéraux, dont les réticences envers cette politique étaient bien connues, ou aux conservateurs, parmi lesquels militaient des propriétaires agricoles hostiles à toute politique de confrontation avec le client riche qu’était l’Allemagne. On ne peut pas sérieusement douter du bien-fondé de ce choix des milieux d’affaires, car personne d’autre n’aurait pu « placer » un discours comme celui de Jules Ferry du 28 juillet 1885.

Au point que, de nos jours, Jules Ferry passe pour un grand réformateur et on peut même lire son nom sur des banderoles syndicales. Mais ses réformes n’étaient-elles pas intéressées et conformes à la stratégie de l’oligarchie ? D’une part, pour garantir l’efficacité d’un appareil militaire et colonial qui ne pouvait pas fonctionner avec des illettrés. De l’autre, pour répandre un sentiment nationaliste propice à l’entreprise coloniale dans un premier temps et, à terme si nécessaire, à une nouvelle guerre avec l’Allemagne. Une guerre qui a bien fini par éclater en 1914.

Enfin, que signifient les références à la « nation » dans un système social dominé par la grande finance et les multinationales ? La première guerre mondiale a été partout présentée aux populations comme une « défense de la patrie (ou d’un allié) contre l’envahisseur », alors qu’il s’agissait en réalité d’un conflit entre grands capitalistes pour le contrôle des colonies et l’hégémonie mondiale. Aujourd’hui, c’est l’euronationalisme qui convient aux intérêts des milieux financiers. Le reste relève de la pure gesticulation, pour montrer que l’ « Europe politique » n’est pas incompatible avec le bon vieux nationalisme du lobby colonial « français ». C’est vrai que la première prendra la relève du dernier dans le redéploiement des moyens de domination de l’impérialisme à l’échelle mondiale. Voir, à ce sujet, mon article du 25 mars intitulé « Après les présidentielles françaises, mine de rien, l’ « Europe militaire » (1) ». L’échec des interventions des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak joue en faveur de la stratégie préconisée par la Commission Trilatérale tendant à la mise en place d’une triple gendarmerie mondiale : Amérique du Nord, Europe et « Asie », cette dernière composante étant la plus difficile à définir. Il est devenu très urgent, pour la grande finance mondiale, de créer un Etat européen et d’en faire une superpuissance militaire capable d’aider efficacement la superpuissance américaine. L’idéologie et la propagande nationalistes doivent donc, dans la période actuelle, être orientées en direction de la « grande Europe ».

(...)


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