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Commentaire de tiptop

sur Discrimination positive : gare au leurre !


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tiptop 1er décembre 2008 19:19
A écouter nos catéchistes républicains arc-boutés sur leurs certitudes, la discrimination positive est un gros mot, une incongruité dans notre paysage mental. C’est la boite de pandore qui, ouverte, nous mènerait tout droit dans l’enfer du communautarisme anglo saxon. Au pays de l’égalité des chances, de l’universalisme : « nous n’avons pas besoin de telles mesures » entendons nous dire. On ne trouve à entendre dans notre paysage médiatique que des incantations au civisme, un appel au changement de mentalité.
 
 La belle affaire. A dire vrai avons-nous un modèle alternatif « à la française » pour lutter contre les discriminations qui gangrènent notre société ? Si il y a des mains qui se lèvent je suis prêt à écouter. 
 
Personne ? Alors arrêtons l’hypocrisie car ces mesures d’ « affirmative action » existent déjà en France et elles se sont imposées d’elles-mêmes au fil du temps. La parité homme femme à l’assemblée, l’embauche d’handicapés et la présence à Sciences po d’étudiant issues de quartiers défavorisés en sont des exemples.
 
Au nom de quoi faudrait-il sacrifier des générations de jeunes issus de l’immigration sur l’autel de notre bonne conscience et mettre en péril une paix civile déjà bien fragilisée ? La fracture sociale (coloniale ?) est déjà devenu un gouffre. Les discriminations dont victimes les gens de couleurs en France sont reconnues jusqu’au plus haut niveau de l’état. Les études abondent dans ce sens. Une partie de notre population n’est pas encore prête à accepter l’enracinement des gens de couleurs en métropole. Autant dire qu’elle n’est pas prête à accepter l’idée que ces personnes puissent avoir des postes à responsabilités ou simplement atypiques.
Quand ces jeunes auront fini de désespérer de la France il sera trop tard. Il y a urgence. Comment alors espérer faire bouger les choses sans une politique volontariste ? Tous nos droits, nos acquis sociaux ont été arrachés de haute lutte. Faire confiance au modèle d’intégration Français est un leurre car non seulement celui-ci est en panne mais il génère lui-même des inégalités en raison du sacro-saint et dévoyé principe de l’égalité des chances. Chez nous on aime à penser que devant une feuille d’examen, un jury d’admission nous sommes tous égaux !! Nous refusons de voir que les gens qui discriminent sont le plus souvent bien pensant et le font malgré eux car ils n’ont pas consciences de la nature de leurs préjugés. Dans son livre « je suis noir et je n’aime pas le manioc » un maire et homme politique confiait à l’auteur avec une franchise rare que pour les postes de veilleurs, d’agents de sécurité ils pensait aux noirs mais pas pour les postes de cadres. Nous nous sommes trop habitués à voir nos ex-colonisés à des postes subalternes. Nous en sortirons pas avec des imprécations. La décolonisation des esprits est toujours à l’ordre du jour.
 
Ce qui gène considérablement dans la discrimination positive est qu’elle a une base raciale. Or nous ne pouvons admettre que le problème est racial c’est-à-dire que les discriminations s’appuient sur des préjugés raciaux et pas seulement sociaux. Ainsi nous camouflons notre « affirmative action » sous le masque du social (le cas sciences po illustre bien cette position hypocrite). Et on omet de voir par exemple que les missions locales s’adressent presque exclusivement (90 %) aux jeunes issus de l’immigration dans les quartiers sensibles. Or je reste persuadé et je ne suis pas le seul à le penser, que quand il s’agit de lutter contre des injustices flagrantes cocher une case sur un formulaire indiquant une appartenance ethnique n’est gênante en rien. Si je suis amputé d’un bras, faudrait-il le nier ? Or ici il s’agit bien de gommer un handicap social généré par des préjugés raciaux persistants qu’il faut bien reconnaître en tant que tel si on veut lutter contre.
 
Une des objections la plus fréquemment entendue est que seule la compétence doit être retenue pour l’obtention d’un job et que l’introduction des quotas viendrait fausser ce principe républicain. C’est justement pour garantir une équité dans l’embauche que les quotas seront dans un premier temps nécessaires. Quel est le naïf qui prétendra aujourd’hui qu’à compétence égale nous avons les mêmes chances ? L’exemple américain montre qu’au bout d’un certain temps les quotas ne sont plus nécessaires. Comment imaginer en effet que les « colored people » qui décrochent des postes de cadres dans les grandes entreprises américaines n’ont pas les compétences requises au pays du business et du profit ? Aujourd’hui le monde anglo-saxon malgré ses défauts, son séparatisme social (mais est-ce si différent chez nous ?), accepte peu à peu l’idée de voir les gens de couleur à tous les niveaux de la hiérarchie sociale. Nous en sommes très loin.
 
La discrimination positive nous la pratiquons déjà. Je demande juste à ce que nous l’assumions et la généralisions dans les domaines aussi cruciaux que sont le logement, l’éducation et l’emploi. A dire vrai c’est peut-être une mauvaise politique (il y aura comme toujours des effets pervers) mais ce n’est certainement pas la pire. Le pire est déjà là : c’est de ne rien faire et de laisser pourrir la situation. On sait maintenant où ça peut mener.
 
Le modèle social français a marché et a fait des envieux mais dans un contexte historique précis. Nous avons clairement changé d’époque et il faut avoir le courage de "refonder" notre modèle républicain car aujourd’hui malheureusement il sécrète STRUCTURELLEMENT des inégalités qui mettent en danger la paix sociale.

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