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Commentaire de Gustm

sur Chronique d'une visite ordinaire au cyber...


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Gustm 10 janvier 2009 05:18

Oui, je confirme : cet article est un peu fort de café en préjugés... il n’aurait peut être pas été inutile de s’y essayer personnellement, aux jeux.


Tout d’abord, je tiens à signaler que je travaille actuellement dans un laboratoire de cyberpsychologie reconnu, et qu’ici les jeux vidéos sont utilisés pour soigner. C’est en effet un outil très intéressant en termes thérapeutiques, et ce pour un large panel de troubles psychopathologiques. Par exemple, une version modifiée d’un niveau de Max Payne, un jeu qui pourrait aisément être catalogué comme "violent" (trop vite, à mon avis, vu sa richesse), est ici utilisée dans le traitement de l’acrophobie.

Mais, fit de cet exemple moins pertinent qu’il n’en a l’air (la réalité virtuelle se distingue du jeu), ça ne prend pas nécessairement le terme "vidéo" pour rendre violent : j’ai pris bien plus de coups sur un terrain de foot en trois ans de club que partout ailleurs (et je pense que j’en aurais rendu plus si le jeu n’avait agit comme exutoire)... le foot rendrait-il violent ? A en croire les statistiques de supporters blessés pendant les match , oui. A en croire le bon sens, non. Hem, je dévie encore... en bref : si des gens veulent se taper dessus, ils trouveront bien un prétexte, jeu vidéo ou pas (et toujours selon les statistiques, il vaut mieux se battre pour un jeu vidéo que pour de la drogue).


Pour en revenir aux termes alambiqués (soit, je suis plus professionnel du jeu vidéo que de la psychologie, même si je baigne dans les deux), le sentiment de "présence", à entendre comme degré d’immersion, se mesure, grâce à des applications et des dispositifs spécialisés. Il en ressort que ce sentiment ne dépend pas vraiment du graphisme (au vu du niveau de concentration que certain peuvent atteindre avec Tetris, on s’en doutait), nous voilà donc rassuré : ce ne sont pas les prochaines évolutions technologiques en matière de réalisme qui changeront la donne (j’ai d’ailleurs très hâte aux futurs boulversements que causeront les moteurs de raytracing temps réel dans ce domaine, mais passons).

Ca a l’air anodin, dit comme ça, mais ça a son importance : le sentiment de présence dépend peu du graphisme... alors d’où vient-il ? Tout bêtement des conditions, de la mise en situations, et des circonstances, tout un tas de facteurs que l’on peut retrouver dans le "protocole d’immersion", de Skip Rizzo. Ainsi, le comportement du joueur dépendra énormément de la façon dont il entre dans l’environnement virtuel. Or, lorsque quelqu’un lance un jeu, c’est un acte conscient : il sait ce qu’il déclenche. Il peut donc très facilement en différencier le résultat de la réalité, et peu importe le taux de présence qu’il atteindra, il saura faire la différence à l’arrêt du jeu (cela explique que les cas d’identification totale soient extrêmement rares, et réservés à des gens déjà atteints psychologiquements). Il ne parait donc à priori pas plus malsain de s’immerger dans un jeu vidéo que dans une partie d’échecs.

Ca c’était pour le "certains joueurs" (j’ai tendance à considérer les rares personnes à avoir des problèmes d’identifications comme des malades plus que comme des joueurs)... pour le "certains jeux", il en va autrement. En effet, il y aura toujours des exceptions, d’un côté comme de l’autre : si certains sont de véritables bijoux culturels, d’une richesse et d’un potentiel tant ludique qu’éducatif extrême, d’autre touchent des tréfonds abysmaux et creusent encore, tant leur réalisation autant que leurs discours sont nauséeux. Pour autant, faut-il blâmer tout cet art sur la seule base de cette dernière et infime catégorie ? Si oui, autant blâmer tous les autres (cinéma, littérature, musique, etc).

Mais je n’utilise pas le terme de "discours" par hasard : je ne vois pas la violence en elle-même comme un problème, bien au contraire. En effet, l’éducation puritaine a (selon moi) bien assez montré ses effets désastreux comme ça, et certains jeux sanglants ou explicites, en plus d’atténuer l’impact d’un possible futur choc psychologique, rationnalisent l’usage de la violence, au contraire par exemple de la télé, qui la banalise (pour une raison assez simple : dans le jeu, on peut aussi se faire tuer, ce qui change toute la donne).

Le problème se situe donc, encore une fois, dans les exceptions : ces jeux qui sont dénués de toute éthique (rares mais possibles sur de petites productions, où les équipes sont réduites), ou carrément à double discours, comme le triste exemple d’America’s Army, jeu développé par l’armée américaine pour renforcer son bassin de recrutement. On pourrait aussi blâmer Blizzard quant à sa politique de gestion sur World of Warcraft, mais ce serait peu réaliste, vu que la plupart de ces méthodes sont utilisées par la quasi totalité des jeux online, et que c’est un milieu extrêmement concurrentiel (blame capitalism). Il n’y a donc pas grand chose à faire de plus que de la prévention classique contre l’addiction et ses causes, dans ce cas. Je pourrais aussi arguer que ce type de jeu peut renforcer les habilités sociales, comme j’ai parfois pu l’observer, mais je dois admettre qu’il est tout aussi capable de les détruire, même si dans ces cas le jeu n’en est jamais l’entière cause (si l’on fuit la réalité, c’est que l’herbe virtuelle parait plus verte).


Pour finir, j’ajouterai que depuis mes 9 ans, j’ai massacré, écrabouillé, pulvérisé, atomisé, carbonisé, électrocuté, micro-ondé, terraformé, gelé, emprisonné, empoisonné, assomé, supprimé, pacifié, mitraillé, bombardé, fusillé, évité, ressucité, liquéfié, zombifié, éventré, décapité, éparpillé, étripé, protégé, génocidé, ou sauvé des millions de tas de pixels, et que je suis toujours un pacifiste convaicu (et paf, je viens de flinguer toute mon argumentation en une phrase, mais c’était trop tentant, hé hé).


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