La barbarie, en France :
Fatima, 21 ans, a été tuée puis brûlée dans une cave d’Oullins (Rhône),
parce qu’elle voulait vivre libre. Avant elle, il y a eu Sohane,
Ghofrane, Chahrazad, victimes du machisme ou de « crimes d’honneur ». La pensée conforme camoufle en simples actes crapuleux ces atrocités d’un monde en friches,
dont certains de ses fauves vont jusqu’à incendier une boulangerie et
un Resto du cœur, comme l’autre jour à Firminy (Loire). Qui s’alarme ?
Un électrochoc aurait pu venir du procès des assassins d’Ilan Halimi, jeune juif séquestré, torturé et mis à mort par Youssouf Fofana et son « gang des barbares », ce produit de la contre-société abritée par des cités en rupture. Cependant, le huis clos prononcé à cause de deux accusés, mineurs lors des faits, a étouffé les débats et rendu illisible le verdict. Lundi, sous la pression de la communauté juive,
la ministre de la Justice a demandé au parquet de faire appel. L’enjeu
invite à rendre légale la publicité de la prochaine audience.
Les vérités doivent, en effet, être dites sur les désastres engendrés par les lâchetés de la République. Ce gang est l’addition d’une violence, d’une sottise, d’un antisémitisme ordinaires : un ensauvagement porté par la tolérance de l’État pour des familles
souvent polygames d’où le père est absent, par la démission de l’école
dans sa mission de transmission des valeurs, par l’incapacité de la
police et de la justice à se faire respecter, etc. Il est temps
d’étaler ces explications-là.
À quoi bon édulcorer ces régressions, en voulant n’y reconnaître qu’une habituelle voyoucratie ? La fracture identitaire, souvent dénoncée ici comme élément de la désintégration, est une cause que retient aussi la sociologue Jacqueline Costa-Lascoux (1) : « (Le gang) est hétéroclite mais symptomatique de la « banalité du mal » qui se développe dans certains quartiers sur fond de fracture identitaire et d’affichage ethnique". Ces repliements raciaux et religieux, issus d’une folle immigration de peuplement, empêchent l’intégration.
Un procès public de ce crime, exemplaire de ce que les ghettos peuvent produire, serait l’occasion d’analyser cette autre France à la dérive, pour qui le 14 Juillet ne représente rien sinon l’occasion de brûler des voitures et d’affronter les forces de l’ordre, en mimant des guerres civiles comme
autant de répétitions générales. Il n’est peut-être pas trop tard pour
réagir. Il faut, pour cela, regarder en face le visage banal de la
barbarie.
L’avertissement
Faudrait-il tenir rigueur à la communauté juive de s’être mobilisée, à l’issue du verdict, pour obtenir de Michèle Alliot-Marie qu’elle demande au parquet de faire appel ? Le fantasme du lobby aura suffi à déchaîner de troubles passions (voir mon blog),
liant, pour l’occasion, les restes d’un vieil antisémitisme de salon à
celui des cités à l’abandon. Il est pourtant difficile de trouver
anodine cette obsession antijuive
qui a poussé Fofana, qui se revendique islamiste, à martyriser Ilan
Halimi, avec l’acquiescement de ses complices. C’est parce qu’ils se
savent les premières cibles d’un nouveau racisme issu
des banlieues que des juifs mettent en garde contre cette
déshumanisation passe-partout. Elle a ses soutiens chez ceux qui
minimisent ces haines, comprises comme la réponse à une misère sociale
et à une discrimination. La communauté juive, elle, désigne un danger
qu’elle ressent comme étant un avertissement pour tous. Refuser de l’écouter est une manière d’accepter l’intolérable.
Pour autant, l’heure est aussi venue d’entendre les autocritiques de ceux qui auront contribué à la communautarisation de la société, ce possible prélude à son éclatement. De ce point de vue, nombreux auront été les intellectuels juifs français à avoir œuvré (avec d’autres, certes) pour faire accepter toujours plus d’immigration extra-européenne, au nom de la terre d’accueil, du cosmopolitisme, du vivre ensemble. C’est un peu leurs résultats qu’ils contemplent, dans ces tensions dont
leurs coreligionnaires sont devenus les trop fréquentes victimes.
Qu’attendent-elles, ces belles âmes qui veulent à bon droit protéger l’identité d’Israël, pour réclamer de la mesure dans la politique d’immigration qui, en France, reste intouchable ?
Tapis rouge
L’afflux de migrants et de réfugiés en Europe, dont s’affole, cette semaine, Jacques Barrot,
au nom de la Commission européenne, serait une opportunité pour
relancer le débat. "Les flux migratoires à venir sont terribles, et le
danger est que l’Europe soit myope", prévient Barrot. Mais la France
n’envoie pas le bon message quand le ministre de l’Immigration accueille lui-même à Roissy, après avoir fait dérouler un tapis rouge,
92 réfugiés débarqués à Malte, puis transférés en France. Ceux-là
pourront bénéficier d’un logement, du revenu de solidarité active, de
la couverture maladie universelle, des allocations familiales et de la
scolarisation des enfants. La France voudrait-elle attirer d’autres déshérités qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Ouïgours oubliés
Tiens ! Où sont les manifestations et les boycotts du monde islamique face au sort brutal que réserve la Chine aux Ouïgours musulmans du Xinjiang ? Apparemment, seuls les Palestiniens méritent la mobilisation arabo-musulmane.
(1) Le Monde, 12-13 juillet 2009.
© Ivan Rioufol, Le Figaro